En ces temps reculés, la nature se montrait particulièrement hostile envers les hommes. Tarak le savait bien… et il courait ! Tout n’était que pièges redoutables, écueils invisibles, obstacles sournois, barrières infranchissables ou précipices meurtriers… Les buissons masquaient le plus souvent toutes ces embûches mortelles. Les arbres prenaient des postures bizarres, enchevêtrant leurs branches dans une frondaison compacte au désordre inquiétant. Les rochers gigantesques, dressés comme des falaises abruptes, décourageaient les plus téméraires. Mais les rivières et les fleuves restaient les frontières qui posaient le plus de problèmes à tous les êtres vivants. Selon le courant, la profondeur du lit et la distance entre les deux rives, l’obstacle devenait très dangereux, voire infranchissable. Il fallait alors marcher longtemps en aval ou en amont pour trouver un passage ; passage favorisé par quelques rochers… ou par un tronc d’arbre déraciné faisant office de pont.
De temps à autre, après un grondement inquiétant, le ciel se mêlait au désordre ambiant. Il s’ouvrait dans un craquement sinistre, libérant sa colère dans une langue de feu dévastatrice que toute l’eau des nuages ne pouvait éteindre. Des incendies monstrueusement voraces se propageaient alors laissant les hommes impuissants devant ces phénomènes catastrophiques. Tarak y avait perdu tous les siens. Il courait pour sentir le vent sur son visage et l’herbe mouillée par la rosée sous ses pieds. Il courait pour oublier ce monde trop souvent hostile.
Il courait…
À d’autres moments, le soleil cuisait la peau et ses brûlures généraient quelquefois une longue agonie. Le lit des rivières s’asséchait et l’eau manquait cruellement. Il fallait marcher des jours pour en trouver et pour survivre. Les personnes trop fragiles succombaient face à ces conditions extrêmes. Les vieillards et les jeunes enfants étaient les membres les plus vulnérables. Les clans s’affaiblissaient alors.
Puis, quelquefois, après avoir marché pendant plusieurs soleils, la nature se métamorphosait lentement pour changer d’aspect. Elle devenait un désert brûlant, une mer de glace, un océan de neige… ou un océan tout court. Ce grand obstacle qui s’étendait à perte de vue stoppait la marche des hommes. Certains s’arrêtaient là, face à la mer immense. D’autres longeaient les côtes, vers le Sud ou vers le Nord, et trouvaient finalement un passage de terre pour aller plus loin, toujours et encore.
Aux dangers de la nature s’ajoutait la menace des animaux sauvages qui, le plus souvent, étaient de redoutables prédateurs. Les tigres aux dents de sabre, les ours, les loups, les serpents et les scorpions ne laissaient que peu de chance aux malheureux qui croisaient leur chemin. De lourds mastodontes au mauvais caractère complétaient le tableau. Les grands mammouths à la fourrure laineuse inquiétaient leurs assaillants par leur masse pesante et leurs défenses gigantesques et recourbées.
Il fallait se montrer un habile chasseur pour se frayer un chemin au milieu de tout ça !
Dans cet incroyable tumulte préhistorique, l’homme n’était qu’un survivant apeuré, un accident curieux qui allait, malgré tout, prendre l’avantage sur son environnement au cours des millénaires à venir.
Mais là, tout de suite – et ça aussi Tarak en était parfaitement conscient – pour rester en vie, il fallait se montrer rusé… et avoir surtout une sacrée dose de chance.
Tarak courait donc. C’était un jeune homme d’une quinzaine d’années. Il courait comme pour fuir cet univers. Il courait pour aller voir ailleurs si la vie était plus clémente. Il courait… pour oublier son passé.
Il courait, tout simplement.
Au contact de son père et de son grand-père, il avait beaucoup appris. Lorsqu’il le fallait, Tarak était un habile chasseur… Habile, car il savait quand il devait renoncer.
Il avait découvert, grâce aux précieux enseignements des anciens, comment tailler un silex pour le rendre plus incisif qu’une griffe de tigre. Tarak savait à présent se fabriquer une