1er novembre. Les vacances d’automne ont commencé. Des vacances, tu parles !
Un ciel blanc sale, qui n’arrête pas de pleuvoir, les arbres presque chauves, et un vent qui siffle aux oreilles : aucune envie de mettre le nez dehors.
Zoé, ma petite sœur, a mal aux dents, elle crie comme une sirène.
Je scie pour voir Meurtre à mon école, Plus moche la vie, L’assassin habite à côté, Tous stars en trois jours, mais maman ne cède pas :
– Pas de télé avant 18 h.
18 h, c’est l’heure de La disparition de monsieur Schouss. Aujourd’hui, on va enfin savoir s’il a été enlevé la nuit de Noël, ou s’il a fugué à cause de son abominable femme.
Les hurlements de Zoé me scient la tête :
– C’est même pas des vacances !
Je tire la langue à ma sœur et je monte les escaliers en tapant des pieds.
Je claque la porte de ma chambre, je me jette sur mon lit.
Et là, je me mets à pleurer comme un fou, parce que c’est trop injuste d’avoir une mère sévère, une sœur qui me donne la migraine, et pas la chance d’aller à la mer, regarder les bateaux, écouter les mouettes, comme Juju.
Je pleure tout seul, loin de tout le monde ; je pleure comme un bébé, je m’en fous, personne ne me voit et personne ne m’entend.
Quand j’ai pleuré tout mon soûl, je m’endors. Je rêve d’Honolulu : nous roulons dans une vague géante, Juju et moi. Autour de nous, tout bouge à toute vitesse ; nous fonçons dans un tunnel turquoise, nous portons un bermuda à fleurs, et nous rions aux éclats.
Quelqu’un me touche l’épaule, la bulle turquoise crève, le paradis s’évapore : je suis dans ma chambre, nous sommes le premier novembre et le ciel a la couleur du plomb.
Maman est à côté de moi :
– Juju pour toi, au téléphone…
Je bondis sur mes pieds, je dégringole l’escalier :
– Juju ! Tu es à la mer ?
La voix de Juju vient de loin. C’est à peine si je la reconnais :
– On a dû annuler, ma mère a la jaunisse…
– QUOI ?
Je dois me retenir pour ne pas éclater de rire : la mère de Juju, jaune comme un citron ! Et puis, surtout, Juju à Bruxelles !
Sauvées, les vacances !
Mais j’entends bien qu’il n’a pas le moral.