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Le globe

Très tôt Louis aspira à une vie plus grande que la vie. Son souverain prénom l’y prédisposait-il ? Pour le moins il ne se laisserait pas assigner au peu. Louis le bien nommé transcenderait son plat destin de mortel.

À dix ans il se rêva champion olympique d’escrime, et à quinze le projet lui vint de sauver le monde.

De l’avis unanime le monde avait raté. Et chacun d’en conclure qu’il était insauvable.

Mais pas Louis.

Le bien nommé Louis le répétait : il n’y a de fatalité qu’autant qu’aucune fatalité supérieure ne la barre. Fatal, il se mettrait en travers de la route du déclin et retournerait la globale déchéance en apothéose.

Longtemps on se souviendrait de Louis Leduc. Eternellement.

Il songea d’abord à dispenser, par voie orale ou écrite, des discours sibyllins propres à fanatiser des fidèles porteurs de sa bonne parole en Asie, Afrique, Amérique du Sud voire du Nord — dans l’Evangile selon Louis, même l’Océanie appartenait de plein droit à l’humanité qu’il entendait rehausser. Aborigènes et Samoans profiteraient de l’opération.

Mais en 1982 les accents de messie ne séduisaient que des individus peu recommandables. Certains portaient des capes et jeunaient le lundi. Le zèle d’imbéciles ne le mènerait pas loin.

Il épousa plutôt des causes politiques radicales.

Il voulut la Justice, dût-il en instaurer le règne par le glaive et des bombes accrochées sous des berlines gouvernementales. L’Histoire n’était Grande qu’au prix de Grandes Manœuvres Coûteuses ; n’allait pas sans dommages collatéraux. Le Progrès n’avançait pas à bicyclette, mais perché sur des chars non comptables des arbres abattus sur leur chemin légitime.