Nos existences singulières, fragments d’un tissu universel, sont intimement reliées dans l’espace et le temps. Leur part visible laisse affleurer quelque chose du mystère sous-jacent pris dans l’épaisseur de l’inconnu. Empêtrés dans nos songes, nous avançons néanmoins, levant haut la torche d’un amour qui se propose sans jamais s’imposer. L’écriture nous est un recours, une passerelle.
A la vie, la mort, à la nuit, l’or des jours, j’écris, tu cries, nous résistons.
Vivre sans toi
Ce que le sage donne aux autres, il le possède.
Lao Tseu
A la une du journal d’avant-hier traînant sur le siège passager de ma voiture, un titre accroche mon attention : Mardi 21 décembre, suicide tragique d’un étudiant sans histoire. Prénom et nom me font sursauter. Aloïs Krémer. Le feu devient vert, je repose le quotidien. La route particulièrement embouteillée en cette fin de journée requiert toute mon attention.
Aloïs Krémer, dix-huit ans, mais ! c’est le fils de nos anciens voisins, rue de Chatou. Pas possible. Aloïs. Surgit le gamin rieur, ami de Vincent, notre aîné ; les jeux d’après quatre heures à travers la maison. Leur passion commune pour la lecture. Ils disparaissaient des heures entières. On les dénichait au grenier ou sous les arbres. On n’arrivait pas à les arracher à l’histoire commencée. Madame ! Maman ! Leurs voix suppliantes. Bon ! Encore un quart d’heure et.
Me voilà partie sur les chemins d’autrefois. A mon insu, je me retrouve devant la maison des Krémer. Mes roues ont pris d’elles-mêmes le chemin de l’ancienne écurie. Je me gare. Oserais-je? Avec notre déménagement vers le centre, les métiers divergents, j’ai perdu le contact avec Agnès Krémer-Joly. Une journaliste sur le point de se convertir à l’écriture « pure », disait-elle.