Peu d’hommes ont autant marqué l’histoire de la montagne que Chris Bonington, l’un des plus célèbres alpinistes du vingtième siècle.
Des grandes parois des Alpes aux hauts sommets de l’Himalaya, son nom évoque les années héroïques de l’alpinisme moderne, une époque de premières dangereusement aventureuses et de défis toujours plus engagés.
C’est au cours des années 1950 que Chris Bonington découvre l’escalade au Pays de Galles et en Écosse. Très vite, sa fougue intrépide le mènera à réussir plusieurs ascensions majeures dans les Alpes – aux Drus, aux Grandes Jorasses, à l’Eiger, au Frêney…
Mais c’est dans les expéditions lointaines et en haute altitude qu’il marquera durablement l’histoire de l’alpinisme. Annapurna, Nuptse, Kongur, Ogre, Changabang, K2, Everest : autant de sommets qui seront le théâtre d’ascensions mémorables, mais également de drames terribles…
Car Chris Bonington est aussi la figure emblématique d’une exceptionnelle génération de grimpeurs – britanniques pour la plupart – qui, des années 50 aux années 80, réalisèrent d’incroyables ascensions sur les plus belles montagnes du monde, reculant les limites extrêmes de la difficulté, souvent au prix de leur vie… Voici le récit autobiographique haletant d’un alpiniste de légende – et de ses remarquables compagnons – aux prises avec les plus formidables montagnes du monde.
Chris Bonington est né à Hampstead, au Royaume-Uni, en 1934. Alpiniste émérite, photographe, conférencier et écrivain, il a conduit une vingtaine d’expéditions à l’assaut de l’Himalaya, dont quatre à l’Everest.
En couverture : Chris Bonington et ses compagnons scrutant la spectaculaire pyramide de granite du Changabang (6864 mètres) en Inde, à la recherche du meilleur itinéraire, lors de la première ascension en 1974.
À ma mère
et à Wendy
Préface
Ce fut à la réception d’un hôtel de Banff, au Canada, que je rencontrai Chris Bonington pour la première fois. Il avait été invité, comme moi et comme beaucoup d’autres alpinistes, à venir fêter dignement l’an 2000.
L’hôtesse d’accueil lui avait demandé :
« Sir Bonington, que puis-je pour vous ? »
Et ce fut ainsi que j’appris que cet homme à la barbe blanche, qui se tenait à côté de moi, était… Chris Bonington, le célèbre alpiniste britannique !
Il répondit :
« Je voudrais me procurer le programme des festivités, car j’aimerais beaucoup profiter du temps libre pour aller grimper. »
La petite brochure en main, il la scrutait avec attention, le bout de son index guidant sa lecture. Son doigt s’arrêta enfin sur un endroit précis. Il releva alors la tête et, les yeux brillants de bonheur, dit sur un ton d’extase :
« C’est donc pour demain… »
Ajoutant aussitôt :
« Savez-vous si, parmi les invités, certains se sont déjà organisés pour une sortie ?
— Oui, je crois que d’autres alpinistes anglais ont prévu quelque chose.
— C’est parfait, je vais les contacter ! »
La soixantaine bien passée et le décalage horaire… Rien ne semblait pouvoir le freiner !
Ce personnage me réjouissait, car malgré un palmarès bien rempli, sa passion était restée intacte.
Je repensai alors à la phrase de François Mauriac :
« La passion de la montagne chez un homme, c’est d’abord son enfance qui ne veut pas mourir. »
Il n’est pas besoin d’en dire plus pour dépeindre ce grand alpiniste britannique !
J’aurais pu le pressentir avant même de le rencontrer, car je connaissais déjà d’autres alpinistes britanniques. Leur enthousiasme et leur manière d’appréhender l’escalade ou la montagne m’ont toujours fascinée et inspirée. C’est pur, sans artifice.
Ainsi, ils bannissent l’usage du piton à expansion. J’aime cet esprit, qui rend l’ascension, à mon avis, plus authentique, plus passionnante, car au-delà de la seule technique des mouvements à effectuer pour gravir les parois, nos sens sont aussi mobilisés pour assurer la sécurité. L’escalade devient alors comme un grand voyage, une grande aventure. Et si la pluie se mêle à la partie, je n’irais pas jusqu’à dire que c’est l’extase pour l’alpiniste britannique, mais du moins n’entache-t-elle en rien leur humeur joyeuse.
J’aime ces alpinistes, heureux d’être dehors par tous les temps, pour jouer avec la roche.
Chris Bonington est de cette race-là et, malgré les années, il ne change pas, car chaque fois que je le rencontre, il se trouve toujours de passage… entre deux escalades.
CATHERINE DESTIVELLE
Chamonix, février 2011
Nous avons lu votre lettre avec attention, mais sommes au regret de ne pouvoir accéder à votre demande de vous libérer afin de vous permettre de rejoindre cette expédition…
Que vous soyez très soucieux d’y participer est parfaitement compréhensible, mais vous devez envisager le problème exactement tel qu’ il se pose. Que vous considériez l’alpinisme comme un passe-temps pour vos vacances serait chose acceptable. Il n’en va plus de même si cela doit vous entraîner dans de longues expéditions vers des contrées lointaines.
Il vous faut comprendre que l’alpinisme et votre carrière sont deux activités incompatibles que vous ne pouvez donc combiner. Bref, le temps du choix est venu pour vous : abandonner l’alpinisme ou quitter notre société Van den Berghs.
Lorsque vous nous avez rejoint après votre retour d’expédition en Himalaya, nous pensions que votre intention était de vous consacrer entièrement à votre travail, d’autant plus que vous étiez plus âgé que la plupart des recrues et futurs cadres de notre entreprise. Par ailleurs, compte tenu de notre activité, une interruption de quelques six mois dans votre formation ne pourrait être bénéfique ni pour vous, ni pour notre société.
Je relus une deuxième fois la lettre. Elle allait droit au cœur de mon problème, de la question que j’essayais de résoudre depuis des semaines : ce conflit entre ma passion de l’escalade d’une part et la nécessité de faire une carrière valable d’autre part.
Puis, je levai les yeux et parcourus d’un regard notre chambre meublée, le double lit dans un coin, la porte à moitié ouverte conduisant à l’armoire-kitchenette, l’évier en face du poêle à gaz. Ma femme, Wendy, était penchée sur la table en train d’illustrer un livre pour enfants, ses dessins et peintures jonchant le sol. Nous vivions serrés, écrasés par l’étroitesse de notre chambre, où chaque tiroir, chaque étagère débordait de nos affaires. Notre propriétaire, une Russe vieille et fragile, mais à la volonté d’acier, passa devant notre porte-fenêtre (nous étions au rez-de-chaussée) et jeta un regard désapprobateur dans notre chambre. Quelques secondes plus tard, pendant qu’elle montait bruyamment l’escalier près de notre pièce, nous pouvions l’entendre murmurer :
« Ils n’en ont rien à faire. Ils salissent ma maison. Ils vivent comme des bêtes ».
Elle était habituée à loger de jeunes célibataires travaillant pendant la journée, possédant un minimum d’affaires personnelles et entretenant leurs chambres dans la propreté d’un baraquement militaire.
Je pris l’autre lettre posée sur mon bureau. C’était une invitation pour gravir les Tours du Paine dans le Sud de la Patagonie. Le chef de l’expédition emmenait sa femme, je supposais donc que je pourrais faire de même. Il avait joint plusieurs photos où l’on voyait trois tours rocheuses spectaculaires, paraissant impossibles à gravir et qui ressemblaient plus à des gratte-ciels géants sans fenêtres qu’à des montagnes. Elles semblaient surgir droit de la pampa et donnaient l’impression d’un espace sans limites dans un pays inconnu et fascinant. Mais cette fois, il ne s’agissait plus de participer encore ou non à une expédition : la lettre de Van der Berghs était très claire. Je devais maintenant choisir entre une carrière avec un avenir assuré ou une vie d’alpiniste. Jusqu’à ce jour, j’avais fait des compromis acrobatiques entre mon travail et l’alpinisme. Désormais, mis au pied du mur, je devais me décider.
Mes premières années et mon environnement familial fournissent peu d’indices annonçant mes errances futures d’alpiniste. Je suis né à Londres en 1934. Mes parents ne s’intéressaient pas aux montagnes, même si mon père avait eu l’esprit d’un aventurier avant la guerre. Après leur séparation, mon père passa son temps à voyager en Extrême-Orient et en Australie. Très courageux, il fit partie des SAS1 pendant la guerre, mais, capturé lors de sa première mission opérationnelle, il passa le reste du temps comme prisonnier. En conséquence, je ne le vis que rarement au cours de mes quinze premières années et il n’eut aucune influence sur mon éducation. Pendant ma prime jeunesse, je fus éduqué par ma grand-mère, pendant que ma mère travaillait pour nous faire vivre.
En y repensant, je pourrais voir les prémices de ma conduite future dans mes fugues de jeunesse, car il me semble en cela avoir hérité du goût pour l’aventure de mon père. J’avais une passion pour les fugues ! Et ce dès l’âge de trois ans, lorsque que je m’enfuis avec une petite amie à Hampstead Heath. Nous fûmes rattrapés par des policiers seulement trois heures plus tard et amenés au poste. Ils furent ravis de nous rendre à nos parents, car pendant notre séjour avec eux, nous avions renversé la bouteille de lait de l’inspecteur sur son bureau et sur le contenu de son classeur.
Pendant la guerre, je fus évacué vers un collège dans le Westmoreland. Je restais un fugueur enthousiaste et m’enfuis donc deux fois, non pour rentrer à la maison… mais simplement pour le plaisir.
C’est à cette époque que je vis des montagnes pour la première fois, mais j’étais trop jeune pour qu’elles me fassent un quelconque effet. Néanmoins, je parcourus les collines près de Grasmere dans le Lake District2 avec un immense enthousiasme, ma grand-mère, patiente et dévouée, me suivant péniblement.
Vers la fin de la guerre, à huit ans, je revins dans le Sud de l’Angleterre, tout d’abord pendant six mois pensionnaire d’une école près de Letchworth, où je fus désespérément malheureux, puis enfin chez moi à Londres, où ma mère allait désormais s’occuper de moi. Après une année dans une petite école privée, je fus envoyé à l’école secondaire de University College, une école privée pour externes. Là, je ne fus ni heureux ni malheureux, je me fis quelques amis, mais je n’étais pas particulièrement populaire. J’étais timide et peu sûr de moi. Les sports au début furent pour moi un véritable purgatoire. Je détestais le cricket, craignant la dureté de la balle et m’ennuyant au point de lire un livre sur le terrain. J’étais un peu meilleur au rugby, parvins même à y prendre du plaisir, et atteignis le niveau vertigineux de la troisième division au jeu à quinze, où je compensais le manque de sens du jeu par beaucoup de motivation et de force brute. Quant à mes études, j’étais de moyen à bon, bien que quelque peu paresseux, travaillant seulement sur les sujets qui m’intéressaient. J’avais une passion pour l’histoire militaire, lisais beaucoup d’ouvrages sur le sujet et rêvais de batailles imaginaires.
À seize ans, je partis vivre chez mon grand-père, qui habitait près de Dublin. La ligne de chemin de fer conduisant à Holyhead longe la côte galloise et les collines descendent directement jusqu’au rivage. Je regardais par la fenêtre du wagon avec bonheur. Il y avait quelque chose d’étrangement fascinant à voir ces vallées profondes et totalement sauvages pénétrer dans les montagnes. Il n’y avait aucune falaise, seulement de vastes collines arrondies qui donnaient un sentiment de vide et d’inconnu.
À mon arrivée à Dublin, je trouvai la maison de mon grand-père aux pieds même des collines de Wicklow. Elles ne ressemblaient pas aux montagnes que j’avais vues du train, mais elles étaient quand même fascinantes. Je voulus les explorer pour les connaître, tout en étant effrayé par leur taille et inquiet de mon manque d’expérience.
Je restai deux semaines avec mon grand-père. À presque quatre-vingts ans, il était très petit, ridé par ses années sous les tropiques, mais l’on pouvait voir à quel point il avait dû être fort dans la fleur de l’âge : ses épaules étaient encore très larges, sa poitrine profonde et on sentait sa forte personnalité. Il avait eu une vie passionnante. Né au Danemark à la fin de 1860, dans une famille qui avait possédé un chantier naval et construit des voiliers, mais malheureux chez lui, il s’était, très jeune, enfui sur les mers. Navigant sur tous types de voiliers, il avait connu de nombreuses aventures, franchi le cap Horn, changé de bateau en Nouvelle-Écosse… Pendant un temps, il avait servi dans la marine militaire américaine, puis déserté pour s’embarquer sur un vaisseau, qui fit naufrage dans une tempête près du cap Hatteras, et s’en était sorti en nageant jusqu’à la côte.
Finalement, il avait échoué à Bombay et s’était engagé dans la marine royale indienne. En service sur le vaisseau de guerre Warren Hastings, qui fit naufrage au large de l’île Maurice, il s’était distingué en plongeant sous le vaisseau pour fermer les portes étanches, action qui lui laissait peu de chances de survie. Pour son courage, on lui avait attribué un logement permanent sur le port de Bombay.
On lui avait offert ensuite un poste à la colonie pénitentiaire des îles Andaman, dans l’océan Indien, pour y construire un chantier naval. Il y avait passé le reste de sa vie active, car il adorait ces îles et s’intéressait particulièrement à leurs habitants, les Négritos. Transféré au service forestier, il était devenu responsable des populations aborigènes, qu’il aida et sauva probablement de l’extermination lors d’expéditions punitives. Il fit également un relevé géographique complet des îles Andaman et Nicobar, tâche gigantesque dans cet archipel de plusieurs centaines d’îles couvertes de denses forêts.
Sa maison était remplie des reliques de son travail aux îles Andaman et des cadeaux des nombreuses personnes qu’il avait aidées. À plus de quatre-vingts ans, il s’occupait encore d’une importante serre et était connu et respecté de tous ses voisins.
À mon retour d’Irlande, je passai la fin des vacances d’été chez une tante dans la région plate de Wallasey, dans la péninsule du Wirral. Un soir, elle m’emmena chez des amis. Pendant qu’ils parlaient, je pris au hasard un livre de photos d’Écosse. Soudain, mon imagination s’éveilla comme jamais auparavant ! Le livre était plein de photos de montagnes : les Cairngorms, immenses et ronds, les Cuillins de Skye, falaises escarpées aux arêtes dentelées. Mais ce qui m’impressionna le plus était une photo prise du sommet du Bidean nam Bian, à Glencoe : les ondulations des collines et des vallées formaient comme des rangs serrés s’estompant dans un voile sur l’horizon. Pour moi, c’était un pays vierge, sauvage… et pourtant tout près de moi. Je m’imaginais l’explorant. Un livre sur des sommets alpins ou himalayens n’aurait pu me faire pareil effet, car ils auraient été hors de ma portée. Je passai le reste de mes vacances à examiner chaque photo, je n’organisai plus de batailles, mais, à la place, des expéditions dans ces montagnes !
De retour à l’école, je m’employai à mettre mes rêves en pratique. La première chose fut de trouver quelqu’un avec qui partager mon enthousiasme. Peu avant Noël, je convainquis l’un de mes compagnons de classe de venir avec moi pour une expédition au Pays de Galles. Nous partîmes juste après Noël, fîmes de l’auto-stop jusqu’au Snowdon. Anton n’avait que ses chaussures de ville pour marcher, alors que j’avais acheté une paire de chaussures militaires d’occasion qui avaient quelques clous dans les semelles. Nous n’avions pas d’anorak, juste nos imperméables de lycéens.
C’était, pour notre initiation, l’un des hivers les plus rigoureux de ces années ! Il n’y avait pratiquement aucun trafic sur la route et il fallut un jour entier pour aller de Llangoven, près de la frontière galloise, jusqu’à Capel Curig, au cœur du Snowdon, mais peu importait, tout était si neuf et excitant ! Les marches entre chaque auto-stop étaient agréables, dans un pays de plus en plus désert et sauvage et au milieu de collines toujours plus hautes. Juste à la tombée de la nuit, nous parvînmes à Capel Curig. Il existe peu de vues plus belles sur le Snowdon que celle de Capel Curig, particulièrement lorsque les montagnes sont couvertes de neige… Les trois sommets du Snowdon, en forme de fer à cheval, se dressaient, isolés, à environ douze kilomètres, mais dans l’air clair et vif, ils semblaient encore plus lointains. Ils avaient toute la grandeur des géants himalayens… tout en étant à notre portée.
Cette nuit, dans l’auberge de jeunesse, Anton et moi établîmes nos plans. Nous n’avions pas la moindre idée de ce que l’alpinisme impliquait et en regardant autour de nous les grimpeurs expérimentés et sûrs d’eux, je me sentais vraiment novice. Nous étions assis dans un coin, très conscients de notre totale ignorance, car nous ne ressemblions en rien à des alpinistes et nous n’avions pas les vêtements adéquats. Je rêvais d’une vraie paire de chaussures d’escalade avec de nombreux clous aux semelles, de pantalons d’escalade et d’un pull-over bien ravaudé.
La conversation se faisait presque entièrement dans un jargon de grimpeurs difficile à comprendre, chacun parlait le plus fort possible de ses exploits du jour et autant que je pouvais le constater, personne n’écoutait vraiment. Un homme grand et barbu, avec un trou dans le pantalon de sa tenue militaire camouflée, était assis juste derrière nous. Il décrivait avec force gestes son exploit du jour :
« La pente de glace recouverte de trois centimètres de poudreuse faisait au moins quatre-vingt degrés. J’avais gravi vingt mètres sans protection et Roy avait fait relais sur son seul piolet. Près du sommet, la pente encore plus raide se transforma en glace noire. Son épaisseur faisait moins de trois centimètres et vous touchiez le rocher. Je ne voyais pas comment m’en sortir. »
Je ne comprenais pas ce qu’il disait, mais cela paraissait impressionnant ! Trop timide pour demander quelque explication, je restais accroupi dans mon coin à écouter. De toute manière, j’avais l’air ridiculement jeune pour mon âge : un mètre quatre-vingts certes, mais de corpulence moyenne, avec mon teint juvénile et ma peau lisse, je paraissais quatorze ans. J’en étais très conscient, ce qui me rendait timide et silencieux au début en compagnie d’étrangers.
Nous avions une carte, on y voyait un chemin allant de Pen y Pass au sommet du Snowdon. Nous décidâmes de le suivre le lendemain. Nous ne voulions consulter personne sur nos plans, car certainement notre projet n’aurait pas été approuvé : les conditions hivernales étaient sévères, même le chemin le plus facile peut alors devenir dangereux et il y avait déjà eu de nombreux morts sur cet itinéraire. Le lendemain donc, ignorants et joyeux, nous avons fait de l’auto-stop jusqu’à Pen y Pass, juste sous l’arête du Crib Goch3. Le chemin indiqué sur notre carte passait le long de cette arête au-dessus de la combe profondément gelée de Glas Llyn, mais vu du bord de la route, il ne semblait guère praticable. Le temps avait changé dans la nuit, les nuages étaient bas et il commençait à neiger. De la route, le blanc de la neige, coupé par endroits par les balafres noires de quelques rochers, se confondait imperceptiblement avec les nuages. Il y avait quelques traces dans la neige, mais correspondaient-elles au chemin sur la carte ? Impossible à deviner.
Nous étions prêts à revenir sur nos pas, lorsqu’un groupe de trois grimpeurs, à l’apparence de vrais pros avec piolets et anoraks, nous dépassa et plongea dans la neige. Nous suivîmes… mais très vite, dans la neige tourbillonnante où nous enfoncions jusqu’à la poitrine, plus la moindre idée de l’endroit où nous étions ! Il faisait très froid, mes pieds perdirent rapidement toute sensibilité. C’était pire encore pour Anton qui n’avait pas de chaussures appropriées et qui n’arrêtait pas de glisser. Les silhouettes devant nous n’étaient plus que de vagues taches dans les rafales de neige. Au-dessus, on voyait des falaises noires, en dessous, la pente blanche se confondait avec le ciel et, seulement lors de brèves accalmies, la surface noire et terne de Glas Llyn. Arrivés sur le haut des pentes du Crib Goch, nous fûmes pris dans une petite avalanche. Soudain, tout se mit à bouger autour de nous, nous roulâmes et glissâmes dans une chute continue. Nous n’avions aucune conscience du danger et nous arrivâmes en riant en bas de la pente. S’il y avait eu une falaise sur le chemin de notre chute, nous aurions pu être gravement blessés. Les grimpeurs que nous avions suivis n’avaient certes pas plus d’expérience que nous pour s’être jetés dans cette neige poudreuse d’une manière aussi incompétente ! Je revins à l’auberge de jeunesse cette nuit-là trempé jusqu’aux os, épuisé, mais pleinement heureux. C’était la journée la plus fantastique et la plus agréable que j’avais jamais vécue. Anton ne partageait pas mon enthousiasme… Il repartit à Londres et ne retourna plus jamais en montagne !
De retour à l’école, je rêvai alors de montagnes et d’escalade. Je lus tous les livres que je pus trouver. Mais le vrai problème restait de trouver le compagnon ! Au Pays de Galles, j’avais compris le danger d’y aller seul et de toute façon, je voulais grimper correctement avec une corde. En 1951, il y avait très peu de clubs d’escalade et aucun à Londres. Personne à mon école ne s’intéressait aux montagnes et je ne voyais vraiment pas comment trouver celui qui m’apprendrait à grimper…
Enfin, je rencontrai un ami de la famille qui avait fait un peu d’escalade. Il accepta de m’emmener à Harrison’s Rocks, une falaise dans le Kent à seulement soixante kilomètres au sud de Londres. Des falaises si près de la ville, dans le Sud de l’Angleterre, incroyable pour moi ! J’avais toujours associé l’escalade avec les régions montagneuses désolées de l’Écosse et du Pays de Galles, mais certainement pas avec les champs de luzerne et de houblon du Kent. Je retrouvai Cliff un dimanche matin de la fin mars à la gare Victoria. J’avais un sentiment irrationnel de supériorité sur les milliers d’autres voyageurs qui ne faisaient qu’aller sur la côte pour une journée de plage… Fier de la longueur de la vieille corde de chanvre au fond de mon sac à dos, je voulus l’en sortir pour l’enrouler autour de mon épaule, mais la timidité m’en empêcha. Nous n’étions pas les seuls grimpeurs à aller à Tunbridge Wells : on les devinait à leurs fonds de pantalons et anoraks rapiécés. Terminus du train à Groombridge, puis petite marche sur une route secondaire. Pas le moindre rocher, même dans un petit bois, mais soudain, nous voici au sommet d’une falaise de grès. Elle ne faisait que dix mètres de haut, les arbres qui poussaient à sa base dépassaient son sommet. Une ligne de chemin de fer traversait le fond de la vallée et les champs de houblon, puis longeait une sècherie. Je ne pus m’empêcher de me sentir déçu : c’était si paisible et champêtre ! Nous descendîmes au pied de la falaise et tout en marchant le long du sentier, nous regardions les rochers. Il y en avait sur plus d’un kilomètre et demi, tous raides et parcourus de fissures, travaillés par le vent et la pluie, parfois complètement cachés par les arbres ou couverts d’un limon noir peu attirant. Mais là où les arbres étaient moins denses, s’élevaient des groupes de rochers gris-bruns qui semblaient bien dégagés. Devant moi, Cliff m’apparaissait comme un guide, chez lui, montrant ses possessions les plus rares à ses visiteurs.
Il indiqua un mur vertical semblant sans prises :
« Là, c’est Dick’s Diversion4, une des voies les plus difficiles. Je ne l’ai jamais faite. »
Je me demandai qui le pouvait, à moins qu’il ne s’agisse d’une araignée humaine.
Un peu plus loin, il dit :
« Voilà la fissure Slim Finger5. Tu vas comprendre pourquoi on l’appelle ainsi ! »
En effet ! Le mur surplombait en bas et la fissure au milieu était si fine qu’il semblait presqu’impossible d’y mettre les doigts. Il était difficile de croire que pratiquement chaque mètre de rocher avait été gravi, puis inscrit sur un topo avec son nom et son niveau de difficulté.
Certains commençaient à grimper. Presque tous faisaient passer leur corde autour d’un arbre au sommet des rochers et s’encordaient à un bout, pendant qu’un ami les assurait avec l’autre bout au pied du rocher, de telle manière qu’ils ne pourraient se faire mal s’ils tombaient. Ces précautions étaient particulièrement nécessaires, car les prises étaient souvent fragiles et pouvaient facilement casser. Nous nous arrêtâmes pour regarder l’un des grimpeurs. Il y avait déjà pas mal de spectateurs au pied de la voie. Il s’agissait de Long Layback, une fissure d’environ douze mètres. Il démarra en bonne forme, les pieds poussant contre le rocher au bord de la fissure, le corps presque parallèle au sol, les bras tendus. Mais bientôt, il commença à se fatiguer et se laissa tomber sur la corde. Les spectateurs s’animèrent, lui hurlant des conseils contradictoires.
« Place ton pied droit à la hauteur de ton épaule, fais opposition avec la petite bossette ! »
Un autre hurlait :
« C’est pas bon Jack, coince ton pied gauche dans la fissure à ta gauche et jette-toi sur le baquet… Allez, attrape-le, mec, attrape-le… Tu y es presque ! »
Jack soufflait à perdre haleine :
« Sec… Encore plus sec, bordel ! »
Il geint et jure, élève de quelques centimètres son corps qui résiste, le second qui tient la corde tire et le bloque. Mais rien n’y fait, Jack retombe sur la corde. Les spectateurs crient et lancent des acclamations ironiques.
« Laisse-moi descendre, s’énerve Jack.
— Allez Jack ! Essaie encore ! Tu y es presque…! crie son club de supporteurs.
— Je n’en peux plus. Plus rien dans les bras ! La corde me scie en deux ! Allez, laissez-moi descendre, bordel ! »
Mais ses bourreaux maintenant s’amusent.
« Allez Jack. Bats-toi ! Tu ne deviendras jamais un pro si tu abandonnes aussi vite. »
Pendant ce temps, Jack pend lamentablement mais sans honte sur la corde, sans contact avec le rocher et on le redescend au sol. Le grimpeur suivant prend rapidement sa place et commence à grimper la fissure, mais comme c’est une voie qu’il a souvent faite, il l’escalade rapidement et avec facilité.
À Harrison’s Rocks, grimper est un sport de spectacle. Les gens qui vivent dans la région viennent souvent le samedi après-midi avec leurs chiens et même certains grimpeurs quittent rarement le sol, préférant passer d’un spectacle à un autre, pour voir leurs amis et parler d’escalade.
Cliff me mit rapidement au bout d’une corde et je goûtai pour la première fois à l’escalade. Lorsqu’il avait, lui, gravi la petite et étroite cheminée qu’il avait choisie pour ma première escalade, cela m’avait paru facile et de peu de difficultés, car il montait sans efforts apparents et avec une précision contrôlée. Mais lorsque ce fut mon tour, je commençai à me battre, m’épuisant rapidement, sans résultat probant, car je n’arrivais à rien et tous mes efforts semblaient me coincer encore plus dans la fissure.
« Essaie de te relaxer, Chris, tu ne peux pas te faire de mal, tu ne peux que tomber sur la corde », me dit Cliff, doucement.
Je commençai à réfléchir, regardai autour de moi et cherchai des prises pour les pieds et les mains et soudain, ce ne fut plus une lutte, mais juste un exercice absorbant.
J’arrivai en haut de cette première voie ! J’en fis d’autres, parfois avec la corde et parfois sans, sur les voies les plus courtes. Il y avait de nombreuses voies que je ne pus gravir, souvent je commençais à me bagarrer pour finir pendu sur la corde et ramené au sol. À la fin de la journée, mes doigts étaient comme du caoutchouc mou et s’ouvraient dès que j’essayais de tirer dessus. Tous mes muscles me faisaient mal de fatigue. Mais quelle journée ! Je me sentais en phase avec le rocher. Je trouvais que mon corps, parfois, était naturellement en équilibre, sans aucun acte conscient de ma part. La hauteur des rochers (dix mètres seulement) ne posait pas de problèmes et ce peu de hauteur ne m’avait pas déçu, au contraire, cela me stimulait. Je sus que j’avais trouvé quelque chose que j’aimais, mon corps et mon tempérament semblaient faits pour grimper et j’étais heureux.
À mon retour à Londres, je demandai encore à Cliff :
« Voudrais-tu aller grimper au Pays de Galles à Pâques, juste quelques jours ? »
Il me répondit :
« J’aimerais bien, mais j’ai trop de travail en retard. J’en parlerai à Tom Blackburn, avec qui j’ai fait presque toutes mes escalades, il pourrait t’y emmener. »
Cliff m’emmena voir Tom Blackburn la semaine suivante – je me sentais comme le candidat à un poste important, anxieux de faire bonne impression – et il m’invita à grimper avec lui. Tom était professeur, il avait donc de longues vacances à Pâques, mais il était marié et avait trois enfants. Malgré tout, il me promit de passer quelques jours au Pays de Galles, juste après Pâques, et au moins de m’initier à l’escalade. J’étais très heureux – cela semblait trop beau pour être vrai – que lui, un étranger total, puisse accepter de s’encorder avec un lycéen complètement novice, particulièrement après avoir passé un trimestre scolaire avec des gamins comme moi.
Je travaillai très peu à l’école pendant le reste du trimestre et passai mon temps à rêver des montagnes. Avec mes petites économies, j’achetai chez Black’s, un magasin de matériel d’escalade à Londres, ma première paire de chaussures, des chaussures magnifiques, cliquetant avec leurs multiples tricounis… et deux tailles trop grandes ! Cliff m’avait donné une vieille corde de chanvre, qui était si usée qu’elle semblait avoir appartenu à des pionniers de l’époque victorienne. Et le dernier cri de l’équipement était un vieil imperméable de lycéen… coupé pour qu’il ressemble à un anorak.
Enfin, l’heure du départ pour mes premières vacances d’escalade ! Je devais rejoindre Tom Blackburn à la cabane de grimpeurs dans la vallée de Llanberis, au nord du Pays de Galles. En stop jusqu’à Chester, puis à pied le long de la côte jusqu’à Caernavon et enfin par une longue marche depuis Llanberis jusqu’au fond de la vallée ! En m’approchant de la cabane, je me sentais timide, comme un enfant arrivant à une nouvelle école. Je me demandais combien de personnes j’allais y trouver et comment ils seraient. J’étais terriblement conscient de ma totale inexpérience et espérais de tout mon cœur que Tom Blackburn y serait déjà. Mais il n’y avait aucune trace de lui, seulement un télégramme avec un bref message : « Les enfants ont les oreillons, espère venir jeudi ».
Le seul autre occupant de la cabane était un homme entre vingt et trente ans. Il était assis dans la grande pièce qui servait de salon et de cuisine en face d’un feu ronflant. C’était de toute évidence un vrai grimpeur. Il avait l’air d’un habitué de la cabane, comme s’il y était installé en permanence, et ce qu’il disait montrait qu’il avait une parfaite connaissance de la région. Fait indéniable, car Tony Moulam était l’un des meilleurs grimpeurs du moment. Je pense qu’il ne devait pas être spécialement content de se retrouver ainsi avec un gamin qui n’avait jamais grimpé, mais il fut très patient avec moi, particulièrement en répondant à toutes mes questions, la plupart très naïves.
Je passai les jours suivants seul, à me promener dans les collines. Le temps était exécrable et Moulam, malgré mon insistance, préféra rester assis devant le feu plutôt que de faire grimper un jeune novice. Lorsque Tom Blackburn arriva enfin, il remplit son contrat en sortant avec moi tous les jours. Ma première ascension fut Flake Crack au Dinas Bach, une voie banale sur une petite falaise sans intérêt, mais pour moi, c’était le summum de l’excitation et de la difficulté.
Lorsque le temps s’améliora, Tony Moulam émergea de sa longue hibernation et offrit de nous emmener grimper. Nous commençâmes avec Crackstone Rib, une voie en IV, plus aérienne et plus raide que tout ce que j’avais fait jusque-là. Nous nous en tirâmes correctement et Tony décida de nous emmener dans une voie en V appelée The Crevice6, nom indéfinissable, qui ne donnait aucune indication sur ce qui nous attendait. La première longueur, facile, conduisait au pied d’un dièdre profond et vertical, se terminant par un grand toit surplombant traversé par une étroite cheminée. Tony commença : il grimpait avec lenteur et précision, en conformité avec sa personnalité, se reposant pendant de longs moments, essayant un mouvement, redescendant pour se reposer à nouveau, puis repartant. J’étais fortement impressionné par la manière qu’il avait de se protéger avec des anneaux placés si judicieusement qu’il n’aurait fait que quelques mètres, s’il était tombé. Dans le surplomb, sa progression fut encore plus lente : il coinçait son corps dans la fissure et avançait avec des contorsions sinueuses, mais toujours vers le haut, au point de sembler faire partie du rocher.
Puis ce fut au tour de Tom… Et la différence entre un bon grimpeur au sommet de sa forme et un moins bon apparut tout de suite, car Tom n’avait que peu grimpé au cours des dernières années. Là où Tony avait semblé se glisser vers le haut, Tom se battait et jurait, mais avec l’aide de la corde, il arriva finalement au sommet.
Alors vint le moment de vérité : c’était mon tour ! Je me sentais terriblement seul au bout de cette corde ! La cheminée s’élevait au-dessus de moi, effrayante, inhospitalière. La corde autour de ma taille se raidit, tirée du haut. Un cri me demandant de monter sembla venir de très loin, peu audible, affaibli par le vent et je commençai à ramper dans la cheminée. Tout d’abord ce ne fut pas trop difficile, mais rapidement le rocher forma une arche au-dessus de ma tête et je ne trouvai aucune prise sur laquelle me tirer. Dans ma peur, je coinçai mon corps fermement au plus profond de la cheminée mais, si je ne pouvais pas glisser, je ne pouvais pas progresser non plus. Je me bagarrai alors avec le rocher dur et impitoyable, m’épuisant d’abord sans résultat. À bout de souffle, je réussis néanmoins à me hisser au haut de la cheminée, puis au-dessus du surplomb, agitant inutilement mes pieds dans le vide. La corde me tirait, menaçant de me couper en deux. Enfin, je sortis et, couché sur une petite plateforme, complètement épuisé, je sanglotai en essayant de retrouver mon souffle. C’est la seule fois où l’on a dû me tirer dans une escalade, épreuve fort désagréable, mais pas inutile, car j’avais une trop grande confiance en moi, même à mes tous débuts et je vis donc clairement combien j’avais encore à apprendre.
Ce même après-midi, Tom Blackburn rentra à Londres pour s’occuper des oreillons de ses enfants. Le soir, je restai donc de nouveau seul avec Tony Moulam.
Cette nuit-là, en face du feu, je fis appel à tout mon courage et demandai à Tony Moulam si j’avais éventuellement une chance de faire partie du Climbers’ Club, le club propriétaire de la cabane, l’un des meilleurs du pays, avec une longue et noble histoire datant du siècle dernier. Je voulais rester dans cette cabane confortable et bien chauffée et par-dessus tout faire partie de la communauté des grimpeurs. Tony, vraisemblablement embarrassé par ma requête, me dit que j’étais trop jeune pour être admis au club et que je venais tout juste de commencer à grimper.
« Tu sais, Chris, il y a un grand nombre de gars, comme toi, qui commencent à grimper avec enthousiasme. Ils se passionnent pendant deux ou trois ans, puis laissent tomber et font autre chose. Quoi que tu en penses maintenant, cela pourrait t’arriver. Si tu grimpes encore dans cinq ans, alors ce sera le moment de penser à entrer au Climbers’ Club. »
Je m’assis et l’écoutai dans l’état du plus total désespoir. Cela me semblait une condamnation au bannissement éternel.
Quelques années plus tard, Tony me confia qu’à cette époque il pensait que je me tuerais dans les mois qui suivraient ou bien alors que je ferais de grandes choses. Il est vrai que je l’ai échappé belle de nombreuses fois pendant cette période… mais cette escalade m’avait servi d’avertissement. Tout me semblait maintenant étrange et toujours nouveau, comme une découverte constante : ma première voie de V en tête, mon premier voyage en Écosse, le premier couloir en glace sur Tryfan7, aventures extraordinaires à la saveur de nouveauté, propre seulement à la prime jeunesse.
Un an après ma première visite à la vallée de Llanberis, je revins avec un ami de mon âge, également lycéen. Nous dormîmes sous un rocher près de Dinas Mot et grimpâmes avec le fanatisme de la jeunesse, faisant au moins trois voies chaque jour. Je me sentais trahi si l’on s’arrêtait avant la nuit, ne pensais jamais à aller boire dans les pubs la nuit. De toute façon, nous n’en avions pas les moyens. Nous gravîmes progressivement toutes les voies en V du guide de Llanberis, fîmes notre première visite, timorée, sur les sombres murailles de Cloggy8… et pour nous, Cloggy était aussi effrayant que la face nord de l’Eiger.
Grimper remplissait maintenant toute ma vie. Il y avait non seulement les falaises mais aussi la lecture, car chez moi je lisais tout ce que je pouvais trouver. Mais en même temps, je me rendais bien compte que je devais me trouver une situation, je commençais mon dernier trimestre avant le baccalauréat. On avait toujours pensé que j’irais à l’université et j’avais même une place qui m’attendait à University College à Londres. Je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire, mais acceptai sans discuter l’idée d’avoir à me trouver un métier classique.
Mais j’échouai à l’un de mes examens, une matière que j’étais pourtant sûr de réussir. Je me sentis désillusionné, voulus quitter la maison et après un dernier trimestre au lycée, décidai de faire mon service national comme officier. Au moins cela signifiait que je pourrais passer une quinzaine de jours en Écosse à grimper dans des conditions hivernales dans l’attente de mes papiers de l’armée.
1. Special Air Service, troupe d’élite britannique. (NB : Toutes les notes de bas de page sont du traducteur.)
2. Le Lake District (la Région des Lacs) est le plus grand des parcs nationaux, où se trouve le plus haut sommet d’Angleterre (Scaffel Pike, 978 mètres).
3. Le Crib Goch est une magnifique arête effilée comme une lame de couteau, qui culmine à 923 mètres d’altitude.
4. La variante de Dick.
5. Une fissure très étroite pour doigts très fins.
6. La Lézarde.
7. Montagne du Pays de Galles culminant à 917 mètres.
8. Clogwyn du’r Arddu, sur le flanc nord du Snowdon, parmi les plus belles falaises de Grande-Bretagne, sinon la plus belle.