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EAN 978-2-87974-373-8
ISSN 2305-5642
L’auteur tient à remercier le Service de documentation du Parquet général de même que les greffes de la Cour supérieure de justice, des Tribunaux d’arrondissement de Luxembourg et de Diekirch ainsi que des Justices de paix de Luxembourg, de Diekirch et d’Esch-sur-Alzette pour les nombreuses jurisprudences fournies à sa demande.
Il souhaite également exprimer sa reconnaissance à son frère ; sans sa précieuse collaboration, le présent ouvrage n’aurait jamais vu le jour.
1Le droit au logement fait partie des droits sociaux reconnus par la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 qui stipule dans son article 25-1 : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires. »
Or, tout le monde n’est pas propriétaire d’un immeuble pour y habiter et nombreux sont ceux qui doivent louer un logement. À Luxembourg, au courant de l’année 2011, 28,3 % des ménages vivaient ainsi en location (dont 22,6 % dans un logement non meublé, 4,5 % dans un logement meublé et 0,8 % en sous-location)1.
Il en est de même pour ceux qui ont besoin d’un local ou d’un terrain pour pouvoir exercer leur profession, qu’il s’agisse de commerçants, d’artisans, d’industriels, de fermiers ou de membres d’une profession indépendante, dont une minorité seulement est propriétaire du lieu de leur travail.
On peut dès lors se rendre compte de l’importance et de l’impact des locations d’immeubles tant sur le plan social que sur le plan économique dans la vie privée et professionnelle.
2Néanmoins la prise de conscience pour imposer un certain nombre de règles minimales à observer, notamment en vue de protéger les intérêts de la partie faible dans le contrat de bail, à savoir le locataire, ne s’est manifestée qu’assez tard.
Certes, le code civil luxembourgeois, promulgué en 1803, contenait un chapitre intitulé « Du contrat de louage », qui constitue encore aujourd’hui, sous réserve de quelques adaptations y apportées au cours du temps, le droit commun en matière de bail. Si ces dispositions règlent les droits et devoirs respectifs du bailleur et du locataire, elles ne prévoient rien au sujet de la fixation du loyer alors que les auteurs du code civil, inspirés par la Révolution française et le libéralisme de l’époque, préféraient laisser cette question à la libre volonté des parties contractantes.2
Suite aux conséquences de la Ire et de la IIe guerre mondiale, qui avaient provoqué un manque crucial de logements, le Gouvernement est intervenu à plusieurs reprises pour réglementer temporairement certains aspects du bail de logement, et notamment la fixation du loyer. Il en a été de même en matière de bail commercial à l’occasion de certaines crises économiques graves au cours du XXe siècle, lors desquelles le Gouvernement a décrété des blocages temporaires de l’application des clauses de valeur.
3Si le bail commercial n’a jamais fait l’objet d’une réforme fondamentale, il en est autrement du bail résidentiel qui en a connu trois au cours des 60 dernières années.
La première a été la loi du 14 février 1955 portant modification et coordination des dispositions légales et réglementaires en matière de baux à loyer.3 Cette loi introduisait un nouveau système, celui de la valeur locative de l’immeuble, et distinguait, pour la fixation des loyers, entre les constructions achevées avant le 10 septembre 1944 (cette date de référence étant celle de la libération officielle du Luxembourg) dont les loyers étaient fixés forfaitairement par pièce et par mois – sur base de trois critères qui étaient la dimension des pièces habitables, la situation géographique et le confort – et les immeubles achevés après cette date, qui ne pouvaient rapporter au bailleur un revenu annuel dépassant l’intérêt normal du capital investi dans l’immeuble, le taux de cet intérêt normal devant être fixé périodiquement par règlement grand-ducal4, taux qui depuis lors a été fixé à 5 %.
La deuxième réforme a été réalisée par une loi du 27 août 19875 qui a modifié la loi de 1955 pour adapter les loyers des logements tant « d’avant-guerre » que « d’après-guerre ». Cette loi a introduit la réévaluation du capital investi et « a ainsi remédié à une des grandes critiques formulées à l’encontre de la loi de 1955, à qui on reprochait d’immobiliser le capital investi à sa valeur historique et de ne pas tenir compte des changements de valeurs intervenus depuis lors ».6 Néanmoins, la législation sur le bail à loyer ainsi modifiée ne donnait pas vraiment satisfaction alors qu’elle n’était plus adaptée aux temps actuels.
C’est pourquoi à l’aube du nouveau millénaire, le Gouvernement a entrepris une troisième réforme fondamentale du bail à loyer qui a abouti à la « Loi du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation et modifiant certaines dispositions du code civil »7 (ci-après « loi sur le bail à usage d’habitation » ou « loi du 21 septembre 2006 »).
Cette nouvelle loi sur le bail à loyer, que nous allons examiner en détail dans cet ouvrage, a apporté notamment les nouveautés suivantes :
– la restriction du champ d’application de la loi par sa limitation aux logements à usage d’habitation et à des locataires personnes physiques
– l’abandon de la différenciation entre les immeubles construits avant et après le 10 septembre 1944
– une nouvelle définition du taux de rendement pour le calcul du loyer maximal
– une réforme de la résiliation du bail pour besoin personnel
– une redéfinition de la notion de logement de luxe
– une modification de la réglementation concernant le sursis au déguerpissement du locataire avec l’introduction de délais maxima dans lesquels le locataire doit avoir libéré les lieux.
4Le présent ouvrage a un double objectif. D’une part, il explicite la loi du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation après un peu plus de 6 ans d’application à la lumière de la jurisprudence extensive qui est intervenue depuis son entrée en vigueur, pour en interpréter les lacunes ou imprécisions. D’autre part, il entend mettre pour la première fois à la disposition du lecteur un livre portant sur l’intégralité de la législation luxembourgeoise concernant tous les baux, qu’ils soient résidentiels ou professionnels, et fournir ainsi tant aux bailleurs et locataires qu’aux juristes – qu’ils soient magistrats ou avocats – et professionnels de l’immobilier un outil actualisé, complet et global, qui pourra leur servir dans la vie privée autant que dans leur activité professionnelle.
1. STATEC, Recensement de la population 2011, Premiers résultats, février 2013
2. Exposé des motifs gouvernemental du projet de loi 5216 sur le bail à usage d’habitation, document parlementaire 5216, p. 2
3. Mémorial A du 23 février 1955, no 11, p. 305
4. Exposé des motifs gouvernemental du projet de loi 5216 sur le bail à usage d’habitation, document parlementaire 5216, p. 3
5. Mémorial A du 28 août 1987, no 71, p. 1677
6. Exposé des motifs gouvernemental du projet de loi 5216 sur le bail à usage d’habitation, document parlementaire 5216, p. 4
7. Mémorial A du 2 octobre 2006, no 175, p. 3149
Titre I. Définition et nature du bail
Titre II. Forme du bail
Titre III. Les parties au contrat
Titre IV. Contenu du bail
Titre V. Enregistrement et transcription du bail
Titre VI. La sous-location
Titre VII. La cession du bail
Titre VIII Les obligations du bailleur
Titre IX. Les obligations du locataire
Titre X. Le bailleur, le locataire et la copropriété
Titre XI. Sanction de l’inexécution de ses obligations par une partie
Titre XII. La responsabilité du locataire
Titre XIII. Droits et obligations en cas de vente de l’immeuble loué
Titre XIV. La prescription
Titre XV. La fin du bail
Titre XVI. L’expulsion
Titre XVII. Le recours judiciaire
5Un certain nombre de règles communes s’appliquent à tout contrat de bail, qu’il soit résidentiel, professionnel ou autre.
Ceux des baux résidentiels qui ne tombent pas dans le champ d’application spécifique de la loi du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation – p.ex. les résidences secondaires – et auxquels ne s’appliquent pas d’autres dispositions spéciales sont d’ailleurs exclusivement régis par ces règles d’application générale.
Il en est de même p.ex. des locations professionnelles non commerciales (comme la location pour l’exercice d’une profession libérale) ou encore les garages ne formant pas l’accessoire d’une habitation ou d’un commerce.
6En ce qui concerne les baux qui sont soumis à une législation spéciale – notamment le bail à usage d’habitation et le bail commercial – ces règles communes à tout bail leur sont également applicables, et ceci pour tous les aspects où la législation particulière à ces baux ne prévoit pas de disposition spécifique.
7Le bail est un contrat par lequel une partie, appelée bailleur, s’oblige à faire jouir une autre partie, appelée locataire ou preneur, d’un immeuble pendant un certain temps en contrepartie d’un prix qu’on appelle loyer. Il peut s’agir de n’importe quelle sorte d’immeuble : maison, appartement, ferme, local professionnel, hangar ou atelier industriel, garage, parking extérieur, emplacement de terrain de camping ou encore terre à labourer pour ne citer que ces exemples.
Même si tout contrat de bail est consenti contre paiement d’un loyer, on appelle communément « bail à loyer » le bail qui porte sur un logement.1
Sous l’égide du code civil, le bail était un contrat relevant de la liberté consensuelle, sous réserve de certaines limites posées par la loi. Les articles 1713 à 1751 du code civil contiennent ainsi un certain nombre de règles communes à tous les baux, imprimées par ce principe de la liberté. À côté de ces règles générales, certaines sortes de bail sont régies par des règles dérogatoires particulières, tels que le bail commercial, le bail à ferme et surtout le bail à usage d’habitation.
8Conditions Certaines conditions sont requises pour que l’on puisse parler de bail. Ainsi il faut que l’objet du contrat soit un immeuble. Une location d’un bien qui n’est pas un immeuble ne saurait être qualifiée de bail ; il en est ainsi p.ex. de tentes servant à l’exploitation d’établissements forains.2
Il faut aussi que l’immeuble ou la partie de l’immeuble qui fait l’objet du contrat soit déterminé de manière suffisamment précise. Ainsi il a été jugé que le fait de placer des animaux toujours dans le même box dans une étable ne suffisait pas à établir qu’il s’agissait d’un contrat de bail et non d’un hasard, ni qu’il avait été convenu que ces animaux seraient placés dans un endroit précis de l’étable plutôt que dans un autre.3
En principe il y a contrat de bail s’il y a autorisation d’utiliser un immeuble moyennant paiement d’un prix et s’il n’y a pas d’intention de la part du propriétaire de conférer un droit réel au cocontractant, sauf preuve du contraire.4
9Il y a lieu de bien distinguer le contrat de bail de certaines autres conventions proches du bail.
Contrat de garde Il n’y a pas de contrat de bail si, à côté de la mise à disposition de l’immeuble – p.ex. un hall pour stocker des marchandises – le propriétaire s’engage à assurer la garde des objets entreposés. Dans ce cas on est en présence d’un contrat de dépôt et non d’un contrat de bail.5 Par contre, le contrat par lequel une partie contractante se voit reconnaître un droit d’accès et de stationnement à un parking, sans que pour autant que l’autre partie n’assume une obligation de gardiennage a été qualifié de bail immobilier alors que l’objet en est de jouir d’un immeuble.6
Contrat d’hébergement Il en est de même de certains contrats d’hébergement. On peut citer comme exemples les chambres d’hôtel.
Au pair Tombent également dans cette catégorie les contrats « au pair » où une personne offre à une autre, souvent encore étudiante, un contrat « logé et nourri » en contrepartie de menus services dans l’immeuble ou dans la famille. Il est vrai qu’en 2003 le Luxembourg avait dénoncé l’Accord européen sur le placement au pair du 24 novembre 1969 et les personnes en question devaient par la suite obtenir un permis de travail ordinaire si elles n’en étaient pas exemptes en tant que citoyens d’un État membre de l’Union Européenne. Toutefois, une loi du 18 février 20137 a introduit de nouveau une législation particulière en matière de jeunes au pair ; cette loi définit l’accueil au pair comme « le séjour temporaire au sein d’une famille, en contrepartie de légères tâches courantes d’ordre familial, de jeunes venus de l’étranger en vue de perfectionner leurs connaissances linguistiques et d’accroître leur culture générale par une meilleure connaissance du pays de séjour ».
Prêt à usage Le prêt à usage, encore appelé commodat, est un contrat par lequel une partie livre une chose à l’autre pour s’en servir, à charge pour le preneur de la rendre après s’en être servi.8 Ce prêt est essentiellement gratuit.9 Il a été jugé dans un cas d’espèce où une dame avait confié son jardin à une personne pour qu’il s’en occupe et où ce dernier pendant 10 ans ne l’avait cependant pas employé à l’usage convenu, que cette personne n’était pas un occupant sans droit ni titre, mais qu’il s’agissait en l’occurrence d’un prêt à usage. Ajoutons dans ce contexte, pour être complet, qu’aux termes de l’article 1888 du code civil, le prêteur ne peut retirer la chose prêtée qu’après le terme convenu ou, à défaut de convention, qu’après qu’elle ait servi à l’usage pour lequel elle a été empruntée alors que l’article 1889 du code civil précise que si pendant ce délai, ou avant que le besoin de l’emprunteur n’ait cessé, il survient au prêteur un besoin pressant et imprévu de sa chose, le juge peut, suivant les circonstances, obliger l’emprunteur à la lui rendre.
Convention d’occupation précaire Il en est de même de la convention d’occupation précaire, une création jurisprudentielle qui est d’ailleurs expressément exclue de la loi du 21 septembre 2006 et qui se définit comme le contrat par lequel les parties manifestent leur volonté de ne reconnaître à l’occupant qu’un droit de jouissance temporaire pour une durée dont le terme est déterminé par d’autres causes que la seule volonté des parties moyennant une contrepartie financière modique, fixée forfaitairement et destinée à couvrir les charges liées à l’occupation des lieux, si cette somme tant dans sa cause que dans son montant ne peut pas être considérée comme un loyer.10
Il s’agit d’accords entre parties sur une occupation sans titre jusqu’à révocation ultérieure du droit, et qui se caractérisent généralement par leur caractère gratuit, leur caractère temporaire, une nécessité ainsi qu’un lien de parenté ou d’autorité entre les parties11.
Il a été jugé que la convention d’occupation précaire se caractérise par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances particulières autres que la seule volonté des parties et constituant un motif légitime de précarité rendant incertaine la durée de la convention, l’existence de la bonne ou mauvaise foi étant d’ailleurs inopérante.12 Dans le cas d’espèce, dans l’attente de la construction d’un nouveau garage, un garagiste s’était installé à la fin des années 80, avec l’accord de la commune, dans les locaux qui étaient la propriété d’une société soumise à une procédure collective, et mis à disposition par son syndic à titre précaire et provisoire, pour une durée de 3 mois, dans l’attente de l’accord définitif des créanciers hypothécaires pour la conclusion d’un bail ; en 2005 les locaux ont été acquis par une société qui a demandé au garagiste, toujours dans les lieux, de les quitter. Le garagiste a alors saisi les juges pour se voir reconnaître le bénéfice d’un bail commercial, mais les juges ont estimé que le garagiste était un occupant sans droit ni titre puisqu’à l’issue de la période de 3 mois, l’accord des créanciers hypothécaires n’ayant pas été obtenu, le garagiste aurait dû mettre fin à l’occupation des lieux et qu’une situation d’occupation de fait des locaux avait succédé au contrat de mise à disposition à titre précaire.
Dans un autre cas, les juges ont précisé que l’intention des parties de conclure, non un bail, mais une convention d’occupation précaire pouvait résulter des éléments suivants : 1. l’une des parties avait consenti à recueillir l’autre dans un logement de service non destiné à être loué à des tiers, 2. elle avait agi dans un but humanitaire, 3. les parties avaient convenu que la jouissance du logement de service serait seulement provisoire et que les occupants quitteraient le logement pour une date spécifique au plus tard alors qu’ils étaient censés avoir trouvé un autre logement jusqu’à cette date.13
Pareillement, dans le cas d’un appartement d’une superficie de 140 m2, comportant un grand living, trois chambres, deux salles de bain, une cuisine équipée, une cave et un grenier, pour un prix de 275 € correspondant aux charges de l’appartement, les juges ont estimé que l’existence d’un prix adéquat n’était pas établi et qu’au vu du lien d’alliance entre parties et l’arrangement convenu au moment du divorce, les relations entre parties étaient à qualifier de convention d’occupation précaire, valant jusqu’à révocation de ce droit, et non comme contrat de bail.14
10Requalification par le juge Quelle que soit la qualification donnée au contrat par les parties, le juge n’est pas lié par celle-ci, mais doit rechercher la véritable intention des parties. Ainsi, s’il constate que les parties ont qualifié différemment un bail à usage d’habitation pour échapper aux exigences plus restrictives de la législation particulière en cette matière, le juge requalifiera le contrat et lui appliquera la législation afférente en appréciant dans chaque cas les circonstances particulières.
Bail mixte Dans le cas d’un bail mixte, c’est-à-dire portant tant sur un local commercial qu’un logement, il faut examiner laquelle des parties – commercial ou habitation – est prépondérante pour déterminer la nature du contrat de bail et, par conséquent, la législation applicable. La partie qui n’est que l’accessoire du bail sera dans ce cas soumise aux mêmes règles légales que la partie principale.
1. Marianne Harles, « Le bail à loyer – compte rendu de jurisprudence », Pasicrisie luxembourgeoise, tome 31, no 2, p. 290
2. Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 3 novembre 1982, JUDOC no 98203388, cité par Marianne Harles, « Le bail à loyer – compte rendu de jurisprudence », Pasicrisie luxembourgeoise, tome 31, no 5, p. 291
3. Cour d’appel, 30 novembre 1993, rôle no 14688, cité par Marianne Harles dans « Le bail à loyer – compte rendu de jurisprudence », Pasicrisie luxembourgeoise, tome 31, no 5, p. 291
4. Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 24 octobre 1991, jugement no 170/91, cité par Marianne Harles, « Le bail à loyer – compte rendu de jurisprudence », Pasicrisie luxembourgeoise, tome 31, no 7, p. 293
5. Marianne Harles, « Le bail à loyer – compte rendu de jurisprudence », Pasicrisie luxembourgeoise, tome 31, no 6, p. 291
6. Justice de paix de Luxembourg, 1er décembre 1987, Pasicrisie luxembourgeoise, tome 27, p. 212
7. Loi du 18 février 2013 sur l’accueil de jeunes au pair, Mémorial A no 44 du 11 mars 2013, p. 594
8. Article 1875 du code civil
9. Article 1876 du code civil
10. Cour d’appel de Paris, 6e chambre, section C, 22 mai 2007, JurisData no 2007-33442, Loyers et Copropriété septembre 2007, p. 15, avec note de Béatrice Vial-Pedroletti
11. Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 28 avril 2000, rôle no 64455, cité par Marianne Harles, « Le bail à loyer – compte rendu de jurisprudence », Pasicrisie luxembourgeoise, tome 31, no 7, p. 292
12. Cour de cassation française, 3e chambre civile, 29 avril 2009, no 08-13.308, JurisData no 2009-047965, note Emmanuelle Chavance, Loyers et Copropriété juin 2009, p. 17
13. Justice de paix de Diekirch. 20 janvier 1988, jugement no 29/88, JUDOC no 98810464
14. Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 16 février 2007, 3e chambre, jugement no 29/2007, rôle no 106239, JUDOC, no 99862736
A. Bail écrit
B. Bail verbal
C. Promesse de bail
D. Bail portant sur une chose future
11Le contrat de bail peut en principe être conclu tant par écrit que verbalement.1 Il s’agit d’un contrat consensuel, donc d’un contrat qui se forme par le seul accord des parties.
12Aucune forme particulière n’est prescrite pour le bail écrit. Toutefois, si les parties optent pour un bail écrit – ce qui est généralement le cas – certaines règles sont à observer.
Ainsi le bail écrit doit, comme tout contrat synallagmatique (c.-à-d. un contrat prévoyant des obligations pour les deux parties) être rédigé et signé en autant d’exemplaires qu’il y a de parties en cause.2 De même, chaque exemplaire doit mentionner le nombre des originaux qui ont été faits pour ce contrat ; toutefois le défaut de mention du nombre d’originaux ne peut plus être soulevé par une partie qui a exécuté de sa part ce qui a été convenu dans le contrat.
La preuve de l’étendue du bail peut être faite par tous les moyens. De nombreux litiges portent sur un accessoire du bail, comme p.ex. un garage ou une cave, non mentionné dans le bail mais dont le locataire a néanmoins la libre jouissance, et que le bailleur revendique p.ex. en cours de bail. Il a été ainsi jugé que même non mentionné dans le bail, un emplacement de parking en fait partie dès lors qu’il est indiqué dans l’état des lieux, que le locataire en a libre accès et qu’il a pu l’utiliser sans contestation pendant 3 ans grâce à un pass remis par le bailleur au locataire.3
13Principe Un contrat n’a pas besoin d’être formulé par écrit pour lier les parties ; le bail verbal est tout à fait valable. Il en est ainsi même du bail à usage d’habitation car l’article 2 de la loi du 21 septembre 2006 stipule de façon expresse qu’un tel contrat de bail peut être écrit ou verbal – sauf une exception : pour qu’un logement de luxe puisse bénéficier des dispositions spéciales de cette loi en matière de loyer, une mention expresse doit en être faite ; il en résulte que dans ce cas le bail doit être fait par écrit. Toutefois l’écrit ne constitue pas dans cette hypothèse une condition de validité du bail lui-même ; seulement, en cas de bail verbal, l’objet de location ne bénéficie pas des dispositions spéciales pouvant être appliqués aux logements de luxe.
14Preuve du bail verbal Toutefois il est difficile de prouver un bail oral et son contenu. Afin d’éviter des contestations ultérieures sur les divers éléments de la location, il est dès lors hautement recommandable de stipuler par écrit les conditions essentielles du bail, comme le loyer, la durée du bail, la possibilité de sous-louer etc., et donc de signer un contrat de bail écrit dont chaque partie garde une copie.
Le désavantage majeur du bail verbal est la difficulté de prouver son existence. Ainsi l’article 1715 du code civil, qui reste d’application, dispose que si le bail verbal n’a pas encore reçu d’exécution et que l’une des parties le nie, la preuve par témoins ou présomptions n’est pas admise4, quel que soit d’ailleurs le montant du loyer, et même s’il est prétendu que des arrhes ont été payées.
Dans ce cas, il n’y a que trois moyens de prouver le bail verbal : soit l’aveu de l’autre partie, soit déférer le serment à celui qui nie le bail, soit l’établir par une preuve écrite. En ce qui concerne cette dernière hypothèse, le contrat de bail peut être établi par tout écrit même privé ; une simple lettre peut suffire, à condition qu’elle émane de la partie contractante, donc de la partie à laquelle le bail verbal est opposé.5 Pour ce qui est de l’aveu, la jurisprudence exige qu’il soit écrit, formel et non équivoque ; une lettre missive de celui qui nie le bail peut ainsi constituer un aveu extrajudiciaire si elle contient tous les renseignements nécessaires.6
Toute autre preuve est exclue ; même s’il y a un commencement de preuve par écrit, il n’est pas permis de le compléter par des témoignages, contrairement au droit civil commun.
15Par contre, si le bail verbal a reçu un début d’exécution, l’existence du bail peut être administrée par toutes voies de droit.7
Toutefois tel est le cas seulement si le commencement d’exécution lui-même n’est pas nié car alors il peut être considéré comme aveu.
Si par contre le commencement d’exécution est contesté, la preuve testimoniale du début d’exécution n’est pas admise.8 En effet, l’offre de preuve de l’occupation tend à établir l’existence d’un fait juridique, c.-à-d. d’un bail et cette preuve a été écartée par la jurisprudence car, si on l’admettait, on arriverait à prouver le bail lui-même dont les faits d’exécution ne sont que la conséquence, et ainsi on accueillerait indirectement ce que l’article 1715 du code civil interdit.9
Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait commencement d’exécution, il faut à la fois occupation par le locataire et versement de sommes d’argent. L’occupation n’est considérée comme exécution du bail que si elle n’est pas équivoque et si elle ne peut s’expliquer autrement que par l’existence d’un contrat de bail entre parties10 alors que l’occupation peut s’expliquer aussi par d’autres situations, comme un copropriétaire ou précariste p.ex.11 Elle doit faire apparaître clairement la volonté de conclure un bail, une occupation effective et prolongée pouvant rendre suffisamment vraisemblable un commencement d’exécution ; cependant il faut, dans le chef de celui qui s’en prévaut, non seulement l’exercice des droits, donc la jouissance du bien loué, mais aussi l’accomplissement des obligations inhérentes au bail, et notamment le paiement régulier du loyer.12
Si le bail verbal a reçu exécution, la preuve du montant du loyer peut être faite notamment à l’aide des paiements déjà effectués, sur base de quittances ou de virements bancaires. Toutefois la preuve par témoins est exclue.13
Si le bailleur conteste que le montant versé corresponde au loyer convenu et qu’il n’y a pas de quittance, le code civil prévoit qu’il sera cru sur son serment, à moins que le locataire ne demande une estimation par experts, le locataire devant supporter les frais de l’expertise si l’estimation du loyer excède le montant du loyer prétendu par le locataire.14
Les clauses ne visant ni la durée ni le prix du bail peuvent, quant à elles, être prouvées selon le droit commun.15
La durée d’un bail verbal, en cas de désaccord, est fixée selon l’usage des lieux.16 Toutefois, le contrat de bail verbal d’un logement est considéré comme un bail à durée indéterminée.17
Signalons que l’article 1715 du code civil ne s’applique pas à la preuve du bail commercial conclu entre deux commerçants, auquel cas la preuve peut être rapportée par tous les moyens.18
16Une promesse de bail acceptée par les deux parties, et contenant tous les éléments nécessaires, a la même valeur contractuelle que le contrat de bail lui-même et engage les parties.19
Les éléments essentiels sont le prix du bail et la chose louée ; il n’est pas nécessaire que la date de prise d’effet du bail y figure car celle-ci n’est pas un élément déterminant.20
17Le bail sur une chose future, tel un immeuble qui est seulement au stade de planification ou en cours de construction, est possible.
Il n’y a aucune législation spécifique relative à un tel bail, de sorte que le droit commun s’applique.
Il s’agit d’un bail conclu sous condition suspensive et qui ne prendra effet qu’une fois que les conditions sont levées (p.ex. obtention du terrain, permis de construire etc.) et que l’immeuble aura été achevé de façon que l’entrée en jouissance puisse avoir lieu.
Ce bail concerne essentiellement des immeubles professionnels. Ainsi on retrouve le bail en état futur d’achèvement surtout dans le montage d’opérations concernant des centres commerciaux, des locaux de commerce et de bureaux ou encore d’entrepôts.21
Si le contrat prévoit une date déterminée pour l’entrée en jouissance et, si à cette date, l’immeuble n’est pas encore terminé, il y a inexécution par le bailleur de son obligation de délivrer le bien loué ; dans ce cas il peut soit demander la résolution judiciaire du bail, soit suspendre le paiement du loyer sur base de l’exceptio non adimpleti contractus.22
1. Article 1714 du code civil
2. Article 1325 du code civil
3. Cour d’appel de Paris, 6e chambre, section B, 12 mars 2009, JurisData no 2009-375899, Loyers et Copropriété juin 2009, p. 13, note Béatrice Vial-Pedroletti
4. Justice de paix de Luxembourg, 5 mars 2012, jugement no 1011/12, non publié
5. Cour d’appel, 13 juillet 1928, Pasicrisie luxembourgeoise, tome 11, p. 339.
6. Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 28 mai 1991, rôle no 43837, cité par Marianne Harles, « Le bail à loyer – compte rendu de jurisprudence », Pasicrisie luxembourgeoise, tome 31, no 21, p. 298
7. Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 6 octobre 2006, BIJ no 2/2007, p. 29
8. Cour d’appel, 12 mars 1979, rôle no 4584, cité par Marianne Harles, « Le bail à loyer – compte rendu de jurisprudence », Pasicrisie luxembourgeoise, tome 31, no 22, p. 298
9. Cour d’appel, 1er décembre 1926, Pasicrisie luxembourgeoise, tome 11, p. 31
10. Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 6 octobre 2006, BIJ no 2/2007, p. 29, citant Les Novelles, Le louage des choses, vol. 1, no 171 et suivants, p. 114 à 117
11. Les Novelles, Droit civil – tome VI, Le louage de choses – Les baux en général, no 175, 2e édition, Larcier 2000
12. Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 18 avril 1985, JUDOC no 98507810, cité par Marianne Harles, « Le bail à loyer – compte rendu de jurisprudence », Pasicrisie luxembourgeoise, tome 31, no 22, p. 298
13. Justice de paix de Luxembourg, 18 décembre 1995, jugement no 5468/95, cité par Marianne Harles, « Le bail à loyer – compte rendu de jurisprudence », Pasicrisie luxembourgeoise, tome 31, no 24, p. 300 ; Cour d’appel, 18 janvier 1929, Pasicrisie luxembourgeoise, tome 12, p. 433
14. Article 1716 du code civil
15. Cour d’appel, 18 janvier 1929, Pasicrisie luxembourgeoise, tome 12, p. 433
16. Cour d’appel, 8 avril 1930, Pasicrisie luxembourgeoise, tome 12, p. 165
17. Article 1758 du code civil et article 12 paragraphe (1) de la loi du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation
18. Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 9 juin 2006, jugement no 143/2006, JUDOC no 99862241
19. Cour de cassation française, 3e chambre civile, 20 mai 1992, JurisData no 1992-001825 ;
20. Cour de cassation française, 3e chambre civile, 28 octobre 2009, no 08-16.955, JurisData no 2009-050054, Loyers et Copropriété décembre 2009, p. 9, avec note de Béatrice Vial-Pedroletti
21. Le bail en état futur d’achèvement ou le bail sous conditions suspensives, Association pour la formation et l’aide à la connaissance, http://www.afac-formation.com
22. Yvette Merchiers, Les baux – Le bail en général, no 84, Larcier 1997