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CFC-Éditions
Place des Martyrs, 14 – 1000 Bruxelles
www.cfc-editions.be
ISBN 978-2-87572-009-2
Dépôt légal D/2014/5165/5

Légende de couverture : L’INR place Eugène Flagey, dans les années 1960 © 2014 – Arch. J. Diongre – SOFAM Belgique.

© 2014, Version numérique Primento et CFC-Éditions

Ce livre a été produit par Primento, le partenaire numérique des éditeurs

COMMENT UTILISER CE GUIDE ?

Le découpage en chapitres se fonde sur une logique urbanistique qui revêt trois aspects principaux :

INTRODUCTION

Avec cette nouvelle édition numérique du Guide d’Ixelles, faisant suite à la version papier parue en 2000 et épuisée, vous découvrirez cette commune de l’agglomération bruxelloise connue pour sa convivialité et sa diversité. Ixelles recèle, en effet, bien des édifices remarquables sur le plan architectural et artistique, des sites prestigieux – parcs, places, abbaye, églises, monuments, musées…– ainsi que maints lieux incontournables de la vie bruxelloise.

Présenté par quartiers, ce guide fourmille de précisions historiques et culturelles, d’explications et de récits évoquant tant les époques, les lieux que les hommes. Cette édition, entièrement revue et augmentée, s’enrichit en outre des facilités qu’offrent les spécificités conviviales du numérique (liens vers les sites internet, accès aisé aux cartes…) pour mieux satisfaire votre pleine curiosité et favoriser les découvertes. Bonne lecture et excellent voyage !

IXELLES EN QUELQUES REPÈRES

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Située au sud-est de la Région de Bruxelles-Capitale, Ixelles est entourée par Uccle, Forest, Saint-Gilles, Etterbeek, Auderghem, Watermael-Boitsfort et Bruxelles-Ville qui coupe son territoire en deux. Elle s’étend sur 634 hectares, soit 3, 92 % du territoire de la Région. Au 31 décembre 2013, la commune comptait plus de 84.000 habitants, ce qui en fait la 5e commune en termes de peuplement.

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Les toponymes « Helsele » et « Elsele » sont mentionnés en 1216 et 1233. La forme francisée « Ixelles » apparaît seulement en 1746. (H)elsele signifie demeure (du germain sali, salle et demeure) dans les aulnes ou bois (du germain lauha) d’aulnes (du germain aliso). Les armoiries d’Ixelles, concédées par Arrêté royal du 17 février 1888, font pleinement référence à ces toponymes : « Aulne de sinople sur écu d’argent », soit un aulne vert sur un écu blanc. L’aulne (Alnus) est une espèce végétale jadis très répandue dans la vallée du Maelbeek, qui est bien adaptée aux terrains humides. Certains identifient, à tort, l’aulne des armoiries de la Commune à l’Arbre bénit, un tilleul (Tilia), auquel la tradition attribuait des vertus curatives.

LES INCONTOURNABLES

Ixelles en un jour, un week-end…

IXELLES PAR QUARTIERS

L’ancien faubourg de Namur : Un carrefour cosmopolite et bigarré

La porte de Namur

La porte de Namur, appelée aussi « porte de Coudenberg », est détruite à la mine en 1785, comme le sont aussi les autres bastions de la seconde enceinte de Bruxelles, à l’exception de la porte de Hal. Construite au XIVe siècle en brique et en moellons de grès, cette ceinture défensive adaptée à la guerre de siège se révèle peu à peu obsolète, en raison de la mobilité accrue des armées et de l’artillerie. Le démantèlement des remparts, dans les premières années du XIXe siècle, a pour effet d’établir une continuité entre la cité et ses faubourgs, entre la ville et la campagne. Ceci facilitera par conséquent également le déplacement des personnes et favorisera les échanges commerciaux. Ces travaux ouvrent le champ à la création d’un boulevard de ceinture, ainsi qu’à l’urbanisation du « faubourg de Namur », comme on nomme alors le haut d’Ixelles. Le front d’urbanisation progresse de la ville vers le village, en premier lieu le long des anciennes chaussées d’Ixelles et de Wavre. À la porte de Namur, cela entraîne également la suppression d’un cimetière réservé aux Juifs, situé dans l’emprise des fortifications.

Ce mouvement s’accélère avec la création du quartier Léopold en 1838 et, l’année suivante, le percement du goulet de la future avenue Louise. Le faubourg attire une population francophone et bourgeoise, au contraire du village d’Ixelles, aux abords de l’actuelle place Eugène Flagey, qui conservera longtemps son caractère rural, populaire et flamand. Le faubourg présente également un caractère cosmopolite : ainsi s’explique la concentration de lieux de culte d’origine étrangère, telles l’ancienne église de la Résurrection, rue de Stassart 16-18 (1873), la Christ Church, rue Capitaine Crespel 29 (1883) dont les communautés anglicanes fusionnent et constituent en 1958 la Holy Trinity Church, l’église orthodoxe russe Saint Nicolas installée depuis 1876 à la rue des Chevaliers 29, ainsi qu’une chapelle orthodoxe grecque à la rue de Stassart 92.

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Rue Capitaine Crespel 29, Church of the Holy Trinity. © MRBC-DMS, 2009.

Les toponymes de rue du Champ de Mars, de rue de la Grosse Tour, de rue de l’Esplanade et de square du Bastion font référence au caractère défensif ancien du site. Le tracé en coude de l’ancienne rue du Bastion, absorbée dans l’espace public du même nom, coïncidait avec le contour de l’ouvrage disparu.

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La porte de Namur vers 1900 ; au centre, l’entrée de la chaussée d’Ixelles.

La petite ceinture est tracée de 1823 à 1840 suivant le plan présenté par Jean-Baptiste Vifquin, ingénieur au Waterstaat – les Ponts et Chaussées du Royaume des Pays-Bas –, à l’issue d’un concours organisé en 1818. Elle se présente sous la forme d’un boulevard de promenade, dont la perspective est rythmée de places et d’entrées de ville. À partir de 1830, Auguste Payen, qui se consacre à l’aménagement du site, construit cinq paires de pavillons d’octroi situés à proximité des anciennes portes de Namur, d’Anderlecht, de Ninove… Ces édicules servent à la perception des droits d’entrée sur les marchandises, exercée auparavant aux anciennes portes. Ceux de la porte de Namur seront réédifiés à l’entrée du Bois de la Cambre peu de temps après la suppression de l’octroi en 1860.

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Plan du faubourg d’Ixelles (Maillart, 1823). On distingue un noyau d’agglomération proche du boulevard de ceinture, ainsi que les mentions « terre labourable », « jardinage » et « maison de campagne ».

Le site de l’ancienne porte est aménagé en place publique en 1860. Une fontaine monumentale, dédiée au bourgmestre de Bruxelles Charles de Brouckère, en occupe le centre. Due aux sculpteurs Édouard Fiers et Louis Dunion, ainsi qu’à l’architecte Henri Beyaert, elle sera démontée en raison du creusement de tunnels routiers sous la petite ceinture en 1957, et réinstallée au square Jean Palfijn à Laeken. Effectué en prévision de l’Exposition universelle de 1958, le réaménagement des grands axes routiers entraîne également le redécoupage des îlots délimités par l’avenue Marnix, les chaussées d’Ixelles et de Wavre et les rues du Champ de Mars et d’Édimbourg, ainsi qu’une transformation drastique du tissu urbain environnant : des enseignes renommées, synonymes de flânerie boulevardière et de divertissements choisis, disparaissent, tels le Café de l’Horloge, Les Caves de Maestricht, Les Deux Clés, le Concordia-XL, Le Bœuf sur le Toit, Les Mille et Une Nuits…

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La fontaine de Brouckère vers 1900 ; à gauche, l’entrée de la rue du Champ de Mars.

En 1999 est installé au centre du carrefour, le Signe de lumière, conçu pour ce site par l’architecte et sculpteur monumental Jacques Moeschal (1913-2004). Ce tripode en inox brossé, d’un poids de 5 tonnes, est posé sur un socle paré de petit granit ou pierre bleue. De jour, il constitue un jalon de la petite ceinture et, de nuit, une balise familière.

Situé dans l’angle sortant de la rue du Bastion, le Théâtre Molière, fondé en 1867 par un comédien d’origine française, David Chapoulade – Gil Naza à la scène – est reconstruit et englobé dans un ensemble plus vaste, le building AG (Robert Goffaux, 1967-1970), puis rénové (Arte Polis et BIC, 1995-1998).

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Le Théâtre Molière vers 1900.

À la différence des hôtels de jour et des studios, disséminés jadis dans le quartier et destinés aux étreintes fugaces, l’immeuble Art déco Le Berger, ouvert en 1933 à la rue du même nom, n°24, était réputé accueillir des amours certes clandestines mais néanmoins durables. Il se distinguait par le confort de ses installations et le raffinement de son décor. L’essentiel de ce dernier a été préservé lors de sa rénovation (Oliva Gustot arch., 2009-2013). www.lebergerhotel.be

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Une chambre de l’Hôtel Le Berger. © Photo M.-F. Plissart.

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Simulation de l’impact visuel de la future tour du Bastion, depuis le boulevard de Waterloo, vers 1965.

Des galeries commerciales

En 1925, les Entreprises Van Deuren à Ixelles achèvent la construction d’un immeuble de rapport situé avenue Louise 32-46. L’architecte Gaston Ide l’implante en bordure du parc de l’ancienne propriété Vautier-Graux. D’un développement de 50 mètres à l’alignement, l’ensemble s’élève sur 6 niveaux et combine commerce au rez-de-chaussée et logement aux étages supérieurs. La façade, en pierre blanche reconstituée, est ornementée de motifs caractéristiques du style Beaux-Arts : cordons, guirlandes, oves et dards, acanthes et cartouches… L’affectation résidentielle est définitivement remise en cause quand la galerie Louise est mise en service en 1951. Construite en parallèle de l’immeuble existant, suivant un projet d’Émile Goffay, elle se raccorde à son porche, situé à hauteur de l’avenue Louise 32. Des magasins de différentes superficies, disposant pour la plupart d’une mezzanine, se succèdent tout au long de passages couverts dénommés en référence à Paris, Saint-Honoré, Vendôme, et sont jalonnés des rotondes Concorde et Crespel, et d’un rond-point de l’Étoile…

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Une grande enseigne parisienne à la galerie Louise, vers 1960.

Au début des années 2000, les propriétaires du complexe édifié par Ide envisagent la réorganisation de l’ensemble, en vue d’une exploitation plus adaptée à l’évolution du marché. Le parti architectural mis en œuvre (agence SumProject) vise aussi à la restitution des qualités originelles de l’ensemble : le permis d’urbanisme délivré en 2009 prévoit la restauration de la façade avant et, au rez-de-chaussée, la réfection des éléments d’applique en bronze (colonnettes, chapiteaux et bagues) disparus ou endommagés pour souligner la trame des devantures commerciales.

En 1958, la galerie est prolongée en direction de la place Stéphanie 2-4 (E. Goffay arch.), ainsi que vers l’avenue de la Toison d’Or, six ans plus tard, sous l’appellation de galerie de la Porte Louise (Jacques Cuisinier, Serge Lebrun arch. et Léon Chapeaux ing.). La brochure promotionnelle parue à cette occasion la compare à Bond Street à Londres, à la rue de la Paix à Paris, à la Fifth Avenue à New York… Cet ensemble commercial s’agrandit en 1989 lors de la création de l’Espace Louise (J. Cuisinier), qui se développe en direction de la porte de Namur. Celui-ci jouxte l’ancienne Campagne Fortamps, élevée vers 1840 et, jadis, proche de la Maison Graux. On remarque encore l’ancienne résidence, implantée en contre haut de l’avenue Louise, à proximité de l’angle avec la rue Capitaine Crespel, jadis exploitée sous l’enseigne Adrienne.

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Une perspective de la galerie de la Porte Louise, telle qu’elle apparaît dans une brochure de promotion.

Le cinéma fait son apparition à la porte de Namur vers 1911. Outre le Vendôme (www.cinema-vendome.be), chaussée de Wavre 18, l’offre se résume aujourd’hui au complexe UGC Toison d’Or (www.ugc.be), dans la galerie du même nom, suite à la disparition de plusieurs cinémas : le Pathé-Empire, chaussée d’Ixelles 16, l’Avenue, le Capitole et l'Acropole, avenue de la Toison d’Or 4-5, 8 et 18. La partie inférieure de l’îlot Toison d’Or – Drapiers – Chevaliers – de Stassart est destinée à accueillir le vaste ensemble de logements et de commerces Toison d’Or (UNStudio et Jaspers-Eyers).

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Le saxophoniste Jean Omer et son jazz band au fameux Bœuf sur le Toit, porte de Namur, dans les années 1950.

Matonge

Le caractère festif de la porte de Namur, où restaurants, clubs et cabarets misaient sur le dépaysement et l’exotisme, a trouvé un prolongement dans le développement de Matonge, du nom d’un quartier de la commune de Kalamu (Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo), commune avec laquelle Ixelles a signé un accord de jumelage en juin 2003. Depuis l’ouverture de la Maison Africaine, lieu d’accueil pour étudiants situé rue d’Alsace-Lorraine, en 1961, le quartier est devenu le pôle d’attraction des Africains de Belgique et des communautés établies dans les pays limitrophes.

En 2003 également, Ixelles s’est liée à Zababdeh, en Cisjordanie, lieu de naissance de Naïm Khader, professeur à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et représentant de la Palestine à Bruxelles, assassiné à Bruxelles en 1981. Ces accords, fondés sur la solidarité, débouchent sur des projets visant à l’amélioration du cadre de vie dans ces deux localités. Depuis lors, en 2011, un jumelage a été conclu avec la municipalité de Megiddo, en Israël. Dans la chaussée de Wavre et les galeries de la porte de Namur et d’Ixelles se concentrent épiceries, salons de coiffure, établissements d’import export, expéditionnaires opérant sur le continent africain.

L’ouverture de la galerie d’Ixelles (Etrimo – J. F. Collin, 1955) a entraîné la disparition de la maison natale de l’écrivain Camille Lemonnier (1844-1913), auquel on rendit cependant hommage, lors de l’inauguration du passage, par l’apposition d’une plaque à sa mémoire. La suppression du Fronton (Camille Damman, 1935), chaussée de Wavre 19-23, eut lieu dans les mêmes circonstances. La pratique du « jaï-alaï », un jeu de pelote basque au fronton, s’y doublait de l’organisation de paris sportifs. Faut-il attribuer la vogue de cette discipline à la porte de Namur à l’émigration espagnole des années 1930 ? Le jumelage d’Ixelles avec la ville de Biarritz au Pays Basque un quart de siècle plus tard en serait-il un lointain prolongement ?

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Une vue de la galerie d’Ixelles, peu avant son inauguration.

Dans un bâti ancien de tradition néoclassique, le plus souvent antérieur à 1870, les réalisations d’inspiration moderniste se détachent avec netteté, telles l’ancienne boulangerie-pâtisserie située chaussée de Wavre 17 (Raoul Brunswyck et Odon Wathelet, 1961) et l’immeuble à appartements du 52 (Léon Govaerts et Alexis Van Vaerenbergh, 1930) ou l’ancien magasin Rob chaussée d’Ixelles 7-9 (Albert Nottebaert, 1952).

Depuis 2010, le haut de cette dernière élévation est masqué par la réplique d’un tableau de l’artiste congolais Chéri Samba, intitulé Matonge BruIxelles Porte de Namur Porte de l’Amour ?

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Réplique sur bâche d’un tableau de Chéri Samba, porte de Namur.

Il en va de même, en termes d’écriture architecturale et de traitement chromatique de façade, de l’ensemble Mundo-B (www.mundo-b.org), siège de la Maison du Développement durable, rue d’Édimbourg 18-26. Depuis 2009, celle-ci abrite une trentaine d’associations actives dans les secteurs de l’environnement et du développement durable qui réunissent quelque 250 postes de travail. La performance énergétique des bâtiments retenus, des immeubles de bureau des années 1960-70, est médiocre. Les auteurs de projet, AAA Architectures et Écorce (conseils en éco-construction), sont intervenus sur l’enveloppe et les finitions des bâtiments, ainsi que sur leur équipement. L’ensemble, qui comporte une cafétéria et un jardin didactique, a été sélectionné en 2008 comme bâtiment exemplaire par l’agence Bruxelles Environnement.

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Les façades arrière et le jardin didactique du complexe Mundo B. © Y. Glavie.

Le quartier Saint-Boniface

Les prémices de l’urbanisation du quartier Saint-Boniface remontent à 1792. L’entrepreneur Joseph Francart ouvre alors deux rues, dénommées rue Francart et petite rue Francart, sur des terrains achetés après le démantèlement des remparts. Avant cela, le réseau viaire environnant se limite, à Ixelles, aux chaussées d’Ixelles et de Wavre, ainsi qu’à des ruelles étroites et tortueuses, les rues Longue Vie et des Mineurs. La rue de la Paix, créée en 1831, est prolongée jusqu’à la chaussée de Wavre en 1856. Le principe du réaménagement du quartier, acquis en 1860, ne sera mis en œuvre qu’en 1876, suivant le Plan d’alignement et d’expropriation par zones du quartier dit de Saint-Boniface, dû à Louis Coenraets, directeur du Service des Travaux de la Commune. Il s’applique aux îlots situés entre la rue Francart, la chaussée d’Ixelles, la rue du Conseil et la chaussée de Wavre. L’entreprise a pour objet de réaménager l’ensemble de manière cohérente. La rue des Mineurs, l’actuelle rue Ernest Solvay, de même que l’ancienne petite rue Francart (dénommée de nos jours rue Saint-Boniface) sont redressées, élargies et prolongées, ce qui a pour effet de mettre l’église en perspective dans l’axe de la rue Saint-Boniface. Le tracé de voiries nouvelles, les rues de l’Athénée, Bouré et Jules Bouillon, qui se rencontrent derrière son abside, confortent cette volonté de mise en valeur de l’édifice, trouvant son point d’orgue dans l’élargissement de la rue Saint-Boniface en 1898.

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Le percement de la rue Saint-Boniface, dans l’axe de l’église.

Ce plan prévoit aussi la création d’un marché couvert et d’une école moyenne. Conçues par Edmond Legraive – qui a collaboré à la construction des Halles centrales de Bruxelles (Léon Suys, 1874) –, les installations d’Ixelles sont inaugurées en 1879. Destinées à accueillir les participants au marché de plein air à la place communale et d’autres détaillants, elles présentent toutefois une ampleur disproportionnée à une zone de chalandise qui comporte de nombreux commerces de proximité. Durant la Première Guerre mondiale, les Halles abritent les réserves et les comptoirs du Comité national de Secours et d’Alimentation. À l’instar de la plupart des marchés couverts, exception faite des Halles Saint-Géry au centre-ville, elles vont péricliter et seront finalement démolies en 1936.

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Les Halles vers 1900, vues depuis l’angle des rues de la Tulipe et Jules Bouillon.

À leur emplacement se dressent deux immeubles (Michel Barbier, 1968) implantés en parallèle, de part et d’autre du square de Chatelaillon-Plage. Cette placette a fait l’objet d’un réaménagement complet dans le cadre du contrat de quartier Blyckaerts-Matonge (bureau D+A International).

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Distribution de charbon aux Halles pendant la Première Guerre mondiale.

Les abords du square, de même que la place Fernand Cocq et les abords du cinéma Styx (www.cinenews.be/fr/cinema/styx/), rue de l’Arbre bénit 72, ont servi de cadre à des scènes du film C’est arrivé près de chez vous (Rémy Belvaux, 1992), dans lequel Benoît Poelvoorde fait ses débuts à l’écran, dans un rôle de tueur à gages cynique et méticuleux. Le Styx, que son fondateur Claude Diouri présente comme « le cinéma de la mémoire », avait d’abord ouvert dans les années 1960 rue du Prince Royal. L’établissement d’enseignement, l’Athénée royal d’Ixelles (Louis Coenraets, 1885) abrite aujourd’hui la section théâtre de l’Institut National Supérieur des Arts du Spectacle et des Techniques de Diffusion (INSAS) (www.insas.be/).

En vue de favoriser le développement du quartier Saint-Boniface, la Commune organise en 1898 un concours de façades pour des constructions nouvelles avec rez-de-chaussée commercial. Les projets primés ne seront finalement pas exécutés, en raison du fait que les parcelles concernées n’ont pas trouvé d’acquéreur.

Cependant, les immeubles édifiés par la suite par Ernest Blerot et Henri Jacobs relèvent bien de la typologie retenue. Le premier réalise en 1900, un ensemble de onze maisons dans les rues Saint-Boniface (n°15, 17, 19, 20 et 22) et Ernest Solvay (n° 12, 14, 16, 19, 20 et 22). La composition, qui joue sur les parements de façade, les formes de baies et de pignons, le dessin des ferronneries et des menuiseries, la présence de sgraffites…, recèle une remarquable diversité, dans des fronts bâtis rectilignes. Quoique exempts d’innovation en termes d’espace intérieur, ces immeubles contribuent à diffuser l’Art nouveau auprès de la petite bourgeoisie. L’ensemble a été classé en 1998. Plusieurs sgraffites ont été restaurés, à l’initiative du Groupe d’Études et de Recherches Peintures murales (GERPM) par Monique Cordier, dont l’atelier se trouvait à proximité, rue Major René Dubreucq 21.

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Devanture commerciale au quartier Saint-Boniface.

L’architecte des habitations jumelées rue Ernest Solvay 21 et 23, édifiées en 1904, n’est pas connu. Leur disposition en miroir accentue leur impact visuel, qui repose sur la polychromie des matériaux, brique rouge et blanche et petit granit, et l’expressivité de leur mise en œuvre. La réaffectation en logement des extensions d’un magasin de la chaussée d’Ixelles rue Saint-Boniface 24 (BoP Architecture) revêt une dimension graphique surprenante et compatible avec l’enfilade existante. La pierre calcaire blanche de Lens renvoie la lumière vers l’espace public, les éléments métalliques de couleur anthracite pourvoient à la profondeur visuelle. Les lignes structurantes s’organisent autour d’une double dynamique croisée. L’une, verticale, met en évidence la travée latérale des circulations et des pièces de service, tandis que les niveaux d’entrée et de bureau sont associés sous un axe horizontal pour former un registre de rez-de-chaussée, en accord avec les hauteurs d’assise des immeubles mitoyens. Traitée en pierre de parement, l’entrée des garages est intégrée à la façade. L’élément générique du bow-window est transposé au deuxième étage sous la forme d’un léger débord capoté.

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Rue Saint-Boniface 24.

Si le répertoire esthétique de Blerot relève d’un Art nouveau marqué par l’exubérance de la ligne, celui de Jacobs, rue Saint-Boniface 7, 9 et 11 (1911), s’inscrit dans une optique plus traditionnelle, d’une grande sobriété d’expression. L’immeuble situé rue Ernest Solvay 32, conçu par Victor Taelemans à son usage personnel, illustre le courant géométrique de l’Art nouveau qui s’est fait jour sous l’impulsion de l’architecte Paul Hankar. L’ensemble de ces immeubles, soutenu par une belle scénographie urbaine, confère une forte identité à un quartier marqué par une sociabilité nouvelle, suivant une évolution comparable à celle des abords de la place du Châtelain, à Tenbosch.

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L’habitation personnelle de Victor Taelemans rue Ernest Solvay.

L’apparence d’un magasin est susceptible d’être modifiée en fonction d’impératifs d’ordre commercial mais aussi esthétique. Dès lors, la conservation des aménagements de l’ancienne boulangerie-pâtisserie Le Bon, située rue du Trône 65, et en particulier de ses vitrines conçues en 1906, apparaît d’autant plus remarquable que la vogue de l’Art nouveau s’estompe dès avant la Première Guerre mondiale. Le dessin des menuiseries de la devanture s’inspire des réalisations de Paul Hankar. La mise en place d’un décor de céramiques représentant des scènes de pêche en mer correspond au changement d’affectation en poissonnerie en 1926. Les lieux sont aujourd’hui occupés par un restaurant.

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L’ancienne poissonnerie rue du Trône.

Le développement du haut d’Ixelles justifie la création d’une nouvelle paroisse et la construction d’une église, qui sont arrêtées en 1845. Elles seront dédiées à saint Boniface de Bruxelles, ancien évêque de Lausanne, qui s’était retiré à l’abbaye de la Cambre et y était décédé en 1260. Le lieu de culte est édifié en 1846 selon les plans de Joseph Jonas Dumont, connu à l’époque pour ses nombreux projets d’édifices néogothiques. En 1885, Louis De Curte, qui a fait ses débuts de restaurateur en France sous la direction d’Eugène Viollet-le-Duc, y ajoute un transept et en agrandit le chœur. Première église de style néogothique à Bruxelles, elle est réalisée en pierre de Gobertange, sur un soubassement de pierre bleue, ainsi qu’en pierre de Reffroy (France) pour les éléments sculptés ou moulurés. Édifiée entre mitoyens, la façade est structurée suivant un schéma pyramidal dominé par la flèche du clocher. Le plan en croix latine est ordonné en trois nefs de hauteur égale, sur le modèle des églises halles. Elle est classée comme monument dans son entier en 1999.

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L’église Saint-Boniface.

À l’initiative de la Commune, la restauration de l’église (Georges Piron & Associés, 2008-2011) s’est faite en concertation avec la Commission Royale des Monuments et des Sites. La restauration de l’ensemble, a été facilitée par la découverte de plusieurs maquettes originelles dans les greniers de l’église. Les surfaces extérieures ont été nettoyées, les pierres et les éléments endommagés ont été réparés et les éléments manquants remplacés.

L’église compte vingt-quatre vitraux, auxquels s’ajoutent cinq verrières de verre « cathédrale ». Ceux-ci ont été réalisés par les maîtres verriers Gustave Ladon, Arthur Verhaegen et Van der Poorten entre 1861 et 1915. Cinq d’entre eux, dus à Ladon, illustrent des épisodes de la vie de saint Boniface.

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Détail d’un vitrail : Jonas rejeté par la baleine.

En 1926, un monument à la mémoire du ministre d’État Charles Woeste (1837-1922), dû au sculpteur Frans Huygelen, est installé sur la placette de la rue Saint-Boniface. Charles Woeste favorisa l’exécution du projet d’agrandissement de l’église. Tout comme sa restauration, le réaménagement de l’espace public vise à restituer la qualité urbaine d’un quartier marqué par la cohérence urbanistique, la mixité des commerces et de l’habitat, ainsi que par nombre d’éléments patrimoniaux de valeur : l’église, les réalisations d’Ernest Blerot, d’Henri Jacobs, de Victor Taelemans… Le revêtement des trottoirs et des chaussées est renouvelé. La mise en œuvre de pavés de grès et de bordures de pierre bleue, en accord avec les éléments minéraux prédominant dans le quartier, valorisent l’espace public et favorisent la flânerie le long des commerces. À hauteur de l’élargissement de la rue Saint-Boniface, les trottoirs ont été élargis en vue d’accueillir les terrasses des nombreux cafés et restaurants.

On constate, de nos jours, le regain de popularité d’appellations qui traduisent l’attachement à une Belgique qui perdrait de sa substance à chaque réforme de l’État. À Ixelles, les créateurs du Belgo-Belge, ouvert au début des années 2000 au quartier Saint-Boniface, peuvent revendiquer l’antériorité sur leurs homologues du Belga, place Eugène Flagey. Tous deux issus du Belgo-Belge, le P’tit… Belge et le Clan des Belges, situés rue de la Paix 7 et 20, privilégient des approches commerciales différentes mais se réfèrent au même fonds culinaire. Les Ultime Atome et Amour fou, situés respectivement rue Saint-Boniface 14 et chaussée d’Ixelles 185, renvoient à des valeurs véhiculées par la contre-culture des années 1970.

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Le P’tit… Belge, rue de la Paix.

La place Fernand Cocq et ses abords

En 1836, un propriétaire foncier nommé Louis Gomand est autorisé à construire une maison avec dépendances « le long de la route de Bruxelles à Namur, dite embranchement d’Ixelles ». La Commune a soin de préciser l’alignement à respecter, de façon à préparer l’organisation de l’espace public, un carrefour informel, qui s’étend à proximité et, plus globalement, l’urbanisation du faubourg entre la ville et le village d’Ixelles, qui débutera vers 1840. Cet espace est d’abord appelé « place Léopold », en raison de la présence d’une statue du premier roi des Belges dans les jardins de la maison communale. Due au sculpteur Aimable Dutrieux, celle-ci est inaugurée en 1852 mais disparaît à une époque indéterminée. La place Fernand Cocq, suivant la dénomination adoptée en 1920, est occupée par une aire de stationnement jusqu’en 1974 et, par la suite, réaménagée en un jardinet mi-clos, à la pointe duquel est installé le Puits aux Lévriers, œuvre du sculpteur Arthur Craco restaurée en 2013.

En 1833, Charles de Bériot (1802-1870), violoniste virtuose et compositeur très en vogue, commande à l’architecte Charles Van der Straeten (1771-1834), une maison destinée à accueillir le couple qu’il s’apprête à former avec Maria Malibran, célèbre mezzo-soprano d’origine espagnole (1808-1836). L’opération entraîne la disparition de l’auberge le Tulipant, à l’angle de la chaussée d’Ixelles et de la rue du Viaduc. Cette enseigne faisait référence au lieu-dit Tulpplant, qui a inspiré la dénomination « rue de la Tulipe ».

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Affiche du centenaire de la Malibran, organisé par la Commune d’Ixelles.

Le pavillon conçu par Bériot se présente comme un immeuble isolé, de plan rectangulaire, de deux niveaux principaux sur un haut soubassement et sous une toiture à quatre pans. Les façades sont réalisées en maçonnerie de briques couverte d’un enduit clair. L’immeuble est desservi par une large allée qui traverse l’îlot de part en part, pour favoriser la manœuvre des équipages. La façade principale, vers le jardin, comporte cinq travées de fenêtres. Au centre, un porche en hémicycle surmonté d’une terrasse assure la transition vers le jardin. Mariés le 24 mars 1836 à Paris, les époux passeront peu de temps à Ixelles. Entre récitals à l’étranger et déplacements mondains, ils n’auront guère l’occasion d’y recevoir : le 23 septembre de la même année, Maria décède des suites d’une chute de cheval lors d’une tournée en Angleterre. La propriété sera acquise par la Commune en 1849. Charles de Bériot s’établira plus tard dans un hôtel particulier avenue de l’Astronomie 13, qui sera acquis par la Commune de Saint-Josse-ten-Noode en 1868.

À l’angle opposé, du côté impair de la chaussée, s’élevait la maison de Charles Van der Straeten, édifiée en 1791. À proximité se situait une chapelle dédiée à saint Jean dans l’Huile, dont l’existence est mentionnée dès le XIVe siècle. Van der Straeten est alors un architecte renommé : pour le roi Guillaume des Pays-Bas, il construit en 1823 le Palais du Prince d’Orange, actuel Palais des Académies, rue Ducale. Son fils Charles, également architecte, sera bourgmestre d’Ixelles de 1846 à 1854 et de 1858 à 1861.

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Le pavillon Malibran peu après son achat par la Commune.

Jusque là, le Collège et le Conseil communal se réunissaient en des lieux dénués de caractère officiel. On mentionne une salle située au Trou aux Chiens, dans le bas d’Ixelles près de la rue de la Brasserie, en 1820, ainsi qu’un cabaret, Le Chasseur Vert, aux abords du 79 chaussée d’Ixelles, en 1831. Entre 1861 et 1872, la Commune installe des bureaux dans une enfilade de maisons situées rue du Viaduc. Le pavillon ne subit que de légères transformations jusqu’en 1909, année durant laquelle est construite la salle des pas perdus, selon les plans de l’architecte Maurice Bisschops. Ce hall d’accueil, autour duquel s’articule l’ensemble actuel, reliera au volume d’origine les immeubles dans lesquels la Commune s’étendra au fil du temps. En 1894, l’architecte Jules Brunfaut avait réaménagé la Salle du Conseil et conçu un mobilier et une décoration d’inspiration néo-renaissance flamande. Ces transformations n’altèrent pas les qualités de l’ancien pavillon, classé en totalité en 1995, de même que l’extension de 1909, le mur de clôture extérieur, le grand escalier et le jardin. Composé d’immeubles de type néoclassique, le contexte urbain proche est demeuré cohérent et propice à la mise en valeur de la Maison communale. La Salle du Conseil au décor intérieur empreint de solennité a servi de cadre au tournage de nombreux téléfilms.

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La Salle du Conseil, vue ancienne.

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La Salle du Conseil, aujourd’hui.

En 1913, un arsenal de pompiers