Il y a quelques années, les problèmes que me soumettaient les clients de mon cabinet d’avocat m’intéressaient de moins en moins. L’intuition me vint alors que si je n’étais plus dans l’enthousiasme, c’était le signe que je devais changer quelque chose à ma vie. Ce mot « enthousiasme » est une merveille. Il vient du grec ancien et signifie littéralement « dans le souffle de Dieu » ou, si l’on préfère une image moins patriarcale, « dans le souffle de l’énergie créatrice ». Je fis donc part à mes collaborateurs de ma décision de prendre le large et leur laissai mon cabinet.
Un jour de juillet 2005, alors que nous étions en vacances en Toscane et qu’il pleuvait, je lançai l’idée d’un parapluie qui porterait l’inscription : « C’est un beau jour de pluie. » Ma fille me rétorqua que les idées ne servent à rien si elles ne sont pas réalisées. Piqué au vif, je fis, dès notre retour de vacances, imprimer une centaine de parapluies.
À l’occasion d’un dîner à Utrecht, je racontai cette histoire de parapluies à un Irlandais qui s’exclama « That’s fantastic, we need positive ideas ! » et le lendemain, je me mis à la rédaction des statuts de la Ligue des optimistes du Royaume de Belgique. Son succès, tant dans mon pays que dans d’autres, fut tel, à mon grand étonnement, qu’en 2008 je fus amené à constituer l’association internationale Optimistes sans frontières. Cette association donna naissance à des branches aux Pays-Bas, en Allemagne, au Bénin et maintenant en France. Des initiatives sont en cours dans de nombreux autres pays.
Tous les membres des associations d’optimistes qui œuvrent sous l’égide de l’association internationale Optimistes sans frontières sont les citoyens d’un État métaphorique que nous nous avons appelé Optimistan, un état de conscience qui répond à l’idée de Pierre Teilhard de Chardin selon laquelle il conviendra d’élever l’état de conscience du monde à mesure que celui-ci se complexifiera.
J’ai connu le professeur Philippe Gabilliet par sa vidéoconférence sur la chance. Cette leçon et toutes celles qu’il a données1 devraient être vues par tous les enfants de la planète, ainsi que par leurs parents.
Cet Éloge de l’optimisme constitue une contribution majeure à la connaissance et à la compréhension de ce grand atout de l’esprit, du cœur et de l’âme dont nous aurons tous le plus grand besoin pour traverser dans la confiance et la joie les grandes turbulences et les grands chambardements qui nous attendent.
Peut-être conviendra-t-il d’être, de rester ou de devenir optimiste non seulement en dépit de la crise, mais aussi en raison de celle-ci. En effet, si le monde entier se mettait à consommer comme nous consommons en Occident, la vie sur terre ne serait tout simplement plus possible. Cette crise était donc aussi urgente qu’indispensable. À mon sens, ce que nous vivons est bien plus qu’une crise. Il s’agit d’une vraie révolution qui sonnera, je l’espère, le glas d’une société de surproduction et de surconsommation de biens à faible bonheur ajouté. Nous allons devoir apprendre à trouver plus de joie dans les liens que dans les biens.
Le travail impressionnant que Philippe Gabilliet a réalisé dans cet ouvrage me renvoie aux paroles de Paul Martens2. Les optimistes, suggérait-il, ont ce point commun d’être des êtres solaires. Ils régénèrent leur vie avant de modifier leur action, changent leurs habitudes de pensée avant de modifier leur manière d’être et nous offrent par l’exemple de leur joie et l’enthousiasme de leurs discours, la preuve qu’il est possible de nous « désencoder » du pessimisme, du scepticisme ou du cynisme.
Au fond, l’Éloge de l’optimisme nous aide à renouer avec l’Antiquité, quand le savoir n’était pas dissocié de la sagesse, quand les philosophes formaient des vertueux plutôt que des virtuoses cherchant à nous procurer un « équipement de l’âme » qui nous aiderait à mourir et, avant cela, à vivre3.
Luc SIMONET
Président d’Optimistes sans frontières
Royaume de Belgique
1. Voir Google, YouTube, Dailymotion.
2. Président émérite de la Cour constitutionnelle de Belgique.
3. Paul Martens, discours du 3 septembre 2010 au Barreau de Bruxelles en partenariat avec la Ligue des optimistes du Royaume de Belgique sur le thème « Une autre façon d’être avocat ».
En ces temps troublés, à l’heure où les conflits, les catastrophes naturelles et humanitaires, les récessions économiques et sociales ne cessent de rappeler à notre bon souvenir les misères du monde, comment ne pas percevoir un parfum d’insolence et de scandale, voire de franche provocation, dans l’annonce d’un possible Éloge de l’optimisme1 ? Confirmons dès à présent cette intention malicieuse, impertinente et politiquement incorrecte. Nous plaiderons donc coupable en affirmant que si l’homme a des droits, il a aussi des devoirs ; et que le premier d’entre eux est le devoir d’optimisme, clé de tous les autres ! Mais nous n’en sommes pas encore là.
Car autant l’admettre d’emblée, l’optimisme n’est pas vraiment à l’ordre du jour. D’ailleurs, l’a-t-il jamais été? Qu’ils dissertent du climat, de la situation économique et financière nationale ou mondiale, de la déliquescence de l’éducation, de la culture et de l’environnement, des tensions géopolitiques ou des risques sanitaires divers auxquels nous expose la modernité, la majorité des experts compétents diffusent globalement de forts arômes de pessimisme, voire de pessimisme donneur de leçons.
Bref, nous déclare-t-on en substance, le monde va globalement assez mal, cela ne s’arrangera pas dans l’avenir et d’ailleurs vous l’avez bien cherché !
Haro sur les optimistes ! Qu’un grand quotidien se pique de ne plus diffuser que des bonnes nouvelles et son nombre de pages diminuera sans doute à mesure que fondra son lectorat. Quant au sympathique politicien excessivement optimiste, en particulier sur les sujets graves, la supposée immaturité d’une telle attitude risque assez rapidement de lui faire interrompre une carrière prometteuse, faute de crédibilité et de suffrages.
Car tout est là. Non seulement le pessimisme fait davantage vendre que l’optimisme, mais en outre il fait plus sérieux, plus solide, bref plus réaliste !
Le citoyen que nous sommes, qu’il soit père ou mère de famille, salarié ou retraité, étudiant ou enseignant, peine ainsi à trouver au fil des séquences de son journal télévisé favori quelques miettes de réconfort et de confiance en l’avenir. Et pour peu que – pris d’une sorte d’addiction morose – il se mette à fréquenter assidûment les forums et autres blogs d’humeur qui fleurissent sur le Net, le désespoir ne tarde pas à s’infiltrer, incrustant au cœur des esprits les moins chagrins son visage mélancolique et résigné.
Il demeure bien sûr nombre de quêteurs, porteurs et autres diffuseurs d’espoir et de confiance. Ils constituent la communauté invisible de toutes celles et ceux qui, de par le monde, pensent que l’avenir est toujours ouvert, que la partie est loin d’être perdue, que les forces vives de l’intelligence frappent à nos portes, que la créativité et la passion peuvent tout, que d’autres solutions ne demandent qu’à être inventées et que tant d’autres chemins n’attendent que d’être explorés.
Qu’à cela ne tienne. Rendons un instant la parole aux experts et ils ne tarderont pas à qualifier tous ces « incorrigibles optimistes » de rêveurs, de poètes, voire de naïfs ou d’utopistes. Et c’est sous couvert de réalisme et de lucidité qu’ils les renverront séance tenante à l’analyse froide de la seule vérité qui compte, celle de la rationalité des chiffres et du bon sens, celle de l’étroite sagesse des possibles raisonnables, dont il s’agit d’assurer la victoire face à l’immense éventail des impossibles radieux !
Dès lors, pourquoi un Éloge de l’optimisme ? Pourquoi tenter de défendre, de promouvoir, de diffuser largement cette forme de pensée, sympathique certes, mais tellement inadaptée – aux dires de certains – aux réalités d’un monde si cruel et désespérant ?
La réponse est simple : nous sommes de plus en plus nombreux à penser qu’il existe une authentique voie optimiste, et qu’à l’heure de la montée des incertitudes dans tous les domaines, cette voie seule est à même de faire bouger dans le bon sens la société et ceux qui y vivent. Que ce soit dans le monde de l’éducation ou de la santé, dans la famille ou au bureau, chez les travailleurs sociaux ou les hommes d’affaires, dans les médias ou au coin de la rue, l’optimisme repart en campagne. Mais une chose a changé. Les optimistes ne sont plus seuls ! Dans le monde entier, un nombre croissant de chercheurs, journalistes, intellectuels, philosophes, écrivains, enseignants, psychologues, etc., entreprennent désormais de mieux comprendre, de défendre et de diffuser largement la pratique de cette fabuleuse dimension de la nature humaine.
Les optimistes avaient déjà leurs grands auteurs, ils ont désormais leurs grands chercheurs, leurs chaires universitaires, et même une organisation internationale, Optimistes sans frontières, et un pays d’accueil virtuel, l’Optimistan1 ! Celles et ceux qui, dans leur vie personnelle et professionnelle, font le choix de l’optimisme sont bien sûr convaincus que cette voie est à la fois nécessaire et salubre. Mais n’est-ce pas un chemin bien abrupt en ces temps si difficiles, parfois si désespérants ? Non, car l’optimisme peut être une aventure réellement positive et agréable, souriante et énergique, et somme toute relativement aisée d’accès, pour peu que l’on accepte de regarder différemment le monde qui nous entoure et, par conséquent, de conduire différemment notre propre existence.
Car, et c’est là l’autre bonne nouvelle annoncée par les spécialistes de la question, l’optimisme n’est plus uniquement considéré comme un trait inné de personnalité, même si nous n’avons pas tous les mêmes prédispositions en la matière. Mais ce que les maîtres ès optimisme nous apprennent, c’est que la partie n’est pas jouée d’avance, même pour les plus pessimistes (pardon, les plus réalistes) d’entre nous. Oui, l’optimisme se travaille, se développe, et s’entretient comme on entretient son corps et son esprit.
Au cœur de cet Éloge de l’optimisme réside une conviction simple, à la fois humaniste et citoyenne. Il n’y a pas, il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais d’alternative durable à l’optimisme, surtout quand les brouillards descendent, que résonnent encore dans le lointain les orages qui s’éloignent et que grondent déjà ceux qui s’approchent. Seul l’optimisme peut faire bouger le monde et évoluer positivement ceux qui y vivent. Il est vrai que le pessimiste peut avoir raison. Il a même souvent raison, techniquement parlant. Mais c’est aussi parce que l’optimiste ne le croit pas qu’il entreprend des folies déraisonnables, qu’il sort du cadre, qu’il prend des risques, qu’il s’aventure, qu’il parie, bref qu’il profite davantage du voyage de la vie, quelles que soient les surprises – bonnes ou mauvaises – que celle-ci lui réserve. Voilà ce qui fait désormais de l’optimisme militant un authentique combat philosophique et social, et donc une quête majeure, car chargée de sens pour les générations présentes et à venir.
L’optimisme est nécessaire car il se nourrit d’enthousiasme autant qu’il en diffuse autour de lui. Il peut arriver que cet enthousiasme se révèle excessif, illusoire ou risqué. Mais qu’importe. Comme nous le rappelle la célèbre formule du philosophe allemand Hegel, « Rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion ». Et quand bien même l’enthousiasme ferait parfois trébucher l’optimiste, c’est quand même lui qui lui donne l’envie de se relever puis de poursuivre, le sourire aux lèvres sinon la fleur aux dents, l’aventure promise à chacun au fil de cette merveilleuse route que l’on appelle la vie.
Mais connaissons-nous vraiment l’optimisme ? C’est à cette définition et aux mises en perspective qu’elle exige que nous nous attacherons. Nous entreprendrons une excursion dans quelques domaines où l’optimisme fait aujourd’hui la différence, notamment pourquoi et comment l’attitude optimiste nous maintient plus longtemps en meilleure forme physique et mentale, nous conduit à créer des relations sociales plus agréables, nous rend plus attractifs dans le monde professionnel et, ce qui ne gâte rien, fait de nous des hommes ou des femmes plus chanceux que les autres. Nous apprendrons comment développer cette dimension optimiste dans nos propres vies, éduquer notre regard à voir le monde de façon optimiste, prendre des décisions porteuses de possibilités nouvelles et, surtout, nous permettre de contribuer à la création d’une authentique « société optimiste », pour le plus grand bénéfice de tous.
P. G.
1. Preuve que ce thème est dans l’air du temps, « L’éloge de l’optimisme » était le titre d’une intéressante chronique publiée il y a quelques mois par la psychothérapeute Michèle Freud sur son blog http://michelefreud.com.
2. Voir son site officiel, www.optimistan.org.
L’optimisme, c’est voir la vie à travers un rayon de soleil.
– Carmen SYLVA
Nul besoin de faire de la Terre un paradis : elle en est un.
À nous de nous adapter pour l’habiter.
– Henry MILLER
Rien de grand n’a jamais été entrepris sans enthousiasme.
– Ralph Waldo EMERSON
On ne lit plus Émile Littré, ou plus assez. Pourtant, son célèbre Dictionnaire de la langue française (publié par Hachette entre 1863 et 1872) conserve à la fois le charme suranné des écrits classiques tout en manifestant une précision dans les termes dont certains lexiques contemporains pourraient légitimement s’inspirer.
Interrogé sur l’optimisme, le Littré nous rappelle que ce mot du langage philosophique est assez récent. Né au début du XVIIIe siècle, il semble avoir été employé pour la première fois en 1737, par des pères jésuites, dans un compte rendu de lecture de la Théodicée de Leibniz1.
Il s’agissait en fait d’un néologisme, dérivé savant du latin optimus (très bon, le meilleur), lui-même superlatif de bonus (bon). Depuis les débuts du Moyen-Âge, on trouve même assez couramment dans des textes en vieux français l’adjectif optime, servant à qualifier quelque chose de très bon, voire d’excellent. Cela signifie-t-il que l’optimisme serait une création moderne, qui n’existait donc pas avant que les philosophes des Lumières s’en emparent ? Certes non. Il y eut de tout temps, heureusement, des hommes et des femmes optimistes et on retrouve les preuves d’attitudes et comportements optimistes jusque chez nos plus lointains ancêtres ! Mais il n’en demeure pas moins que le mot même d’optimisme est effectivement une création de la modernité, sanctionnée solennellement lors de son adoption par l’Académie française en 1762.
L’optimisme désigne donc avant tout – historiquement parlant – une doctrine philosophique dans laquelle le monde est tenu pour globalement bon et où le bien tient davantage de place que le mal. Bref, tout ce qui existe sous le soleil est le mieux possible.
Son élaboration première – sous une forme souvent qualifiée d’optimisme absolu – est généralement attribuée à G.W. Leibniz (1646-1716), qui expose cette approche théologique d’une « harmonie préétablie du monde » dans son fameux Essai de Théodicée sur la bonté de Dieu, la liberté de l’homme et l’origine du Mal, paru en 1710. Pour Leibniz le monde dans lequel nous vivons, parce qu’il a été créé par Dieu, ne saurait être parfait (car seul Dieu peut l’être). Mais il n’en demeure pas moins le meilleur des mondes possibles… à un moment donné ! Notre monde est donc globalement bon dans son ensemble, car issu de la bonté divine à notre égard. Ainsi, même imparfait, il l’emporte quand même en perfection sur tous les autres mondes possibles concevables par Dieu dans son intelligence infinie. Cela ne veut pas dire que notre monde ne soit pas perfectible. Mais ce perfectionnement doit être abordé par l’homme avec beaucoup de discernement, car nombre d’améliorations – donc en apparence du Bien – risqueraient à terme de déboucher sur des conséquences négatives – donc du Mal.
C’est sans doute à Voltaire que Leibniz doit d’avoir ainsi traversé le temps jusqu’à nous, promotion posthume dont l’intéressé se serait sans doute bien passé. Car Voltaire, qui était pourtant lui-même un grand optimiste, fut en son temps scandalisé par cette approche du « meilleur des mondes » défendue par Leibniz, à une époque ou le grand tremblement de terre de Lisbonne de 1755 ensevelissait à jamais, aux dires des sources d’époque, entre 50 000 et 100 000 personnes ! C’est dans ce contexte dramatique, marqué par ce qui demeure l’une des catastrophes les plus meurtrières de l’histoire, que Voltaire publie en 1768 son célèbre Candide ou l’optimisme, charge sans concession contre le système philosophique de Leibniz, incarné ici par le personnage du Docteur Pangloss, qui face à tous les malheurs du monde s’entête avec rage à « soutenir que tout est bien quand tout est mal » et à y voir la preuve de la perfection de la création divine dans le « meilleur des mondes ». La postérité jugea sans doute que Voltaire avait, sur cette dispute philosophique, fait preuve d’une certaine mauvaise foi, simplifiant à l’excès et caricaturant à outrance le système de Leibniz plus qu’il ne l’illustrait vraiment. Le « Candide » n’en demeure pas moins l’un des grands classiques de la littérature des Lumières, même si l’optimisme qu’il décrit y apparaît de façon très négative, sous forme d’une attitude inconséquente, égoïste, et totalement insensible aux difficultés et drames du monde réel.
Mais Leibniz n’est pas le seul à avoir posé les bases d’une philosophie optimiste. À son optimisme absolu répond l’optimisme relatif (parfois aussi appelé méliorisme) d’un Fénelon (1651-1715), héritier en cela des philosophes de l’Antiquité, et tout particulièrement de Marc-Aurèle et des stoïciens. Pour Fénelon, et contrairement à Leibniz, le monde n’est pas absolument bon, loin de là. Il existe même des formes nombreuses du mal et il faut les combattre sans relâche. Mais au final, la part du bien l’emporte sur celle du mal. Plus précisément, le monde ne peut être amélioré que par la volonté et l’intervention de ceux qui y vivent, point sur lequel Fénelon annonçait déjà la vision de Voltaire. Notre monde est donc éminemment perfectible et cette seule caractéristique suffit à donner à la vie sa raison d’être : l’effort pour faire mieux, pour aller mieux, pour vivre mieux. Nous sommes ici face à cette morale de l’action qui fait l’essence de la philosophie des Lumières, cette immense confiance en les aptitudes des êtres humains à travailler à l’amélioration du monde et à faire leur bonheur. Nous voici dans la droite ligne des idéologies du progrès qui, de Fourier à Auguste Comte jusqu’aux représentants contemporains de la psychologie humaniste, affirment que la nature humaine est améliorable en soi. Cette attitude philosophique, encore très présente aujourd’hui, n’est pas sans rappeler l’idée d’« optimisme de la volonté » chère au cœur du philosophe Alain, dans ses Propos sur le Bonheur (1925).
La poursuite de notre exploration historique autour de l’idée d’optimisme nous conduit rapidement à une bifurcation importante. Le système philosophique optimiste du XVIIIe siècle ne tarde pas en effet à se muer à partir de la fin du XIXe et surtout du milieu du XXe siècle en une dimension nettement plus terre à terre, celle de la psychologie.
Car dans le langage courant, celui de notre vie quotidienne, l’optimisme est aujourd’hui surtout considéré comme une attitude mentale, une tournure d’esprit, une disposition qui conduit certaines personnes « à voir tout en beau » (Littré), c’est-à-dire à être naturellement enclines à être contentes de tout et confiantes en une tournure positive des événements à venir.
Cette façon de voir le monde s’accompagne d’ailleurs de son corollaire, à savoir une certaine façon de ne pas vouloir voir le monde environnant, du moins sous ses aspects les plus négatifs.
L’optimiste structurel est ainsi fait. C’est son tempérament, sa nature profonde. Le sens commun nous indique qu’il ne s’inquiète pas plus que cela des embarras présents et préfère en toutes circonstances bien augurer de l’avenir, considérant toute difficulté comme passagère, donc peu intéressante, source de souci inutile et de perte de temps. L’une de ses forces, mais aussi de ses faiblesses, tient dans cette capacité à se focaliser naturellement sur le bon côté des choses, tout en négligeant les aspects défavorables ou négatifs susceptibles d’advenir.
Le psychologue américain Christopher Peterson2 a qualifié cette disposition de l’esprit, sans doute acquise précocement par l’individu dans son enfance, de grand optimisme (Big Optimism) ou optimisme fort. Il s’agit en effet d’un regard positif global porté sur les événements et sur le futur, et qui porte à la fois sur le court et le long terme. Le grand optimisme de Peterson est ancré dans la personnalité profonde de l’individu. Ce programme mental engendre pour celui qui en est doté un sentiment général de force, de puissance, et sans doute aussi de confiance et de maîtrise face aux événements. Le grand optimiste évolue dans un état de conscience tout à fait particulier. Il se sent en permanence énergique et robuste, bref totalement résistant face aux aléas éventuels nés des autres ou du monde, aléas auxquels il finit même parfois par ne plus croire vraiment.
petit optimisme (Small Optimism)optimisme faible