© Alice Editions, Bruxelles
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ISBN : 978-2-51103-108-7
© 2015, Version numérique Primento et Alice Editions
Ce livre a été réalisé par Primento, le partenaire numérique des éditeurs
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Née en 1981 en région namuroise, au sud de Bruxelles, Marie Colot passe son enfance à inventer des histoires, fabriquer des livres et jouer à l’école avec ses poupées. Lorsqu’elle est devenue soi-disant grande, rien n’a vraiment changé pour elle : depuis 2006, elle enseigne le français à de futurs éducateurs à la Haute École Defré (Bruxelles) et publie avec En toutes lettres son premier roman. Elle anime aussi des ateliers de lecture pour les enfants, participe au jury de présélection du Prix Versele (l’équivalent du Prix Sorcières en Belgique) et s’essaie depuis peu dans le domaine du conte. À ses heures pas si perdues que ça, elle observe les passants, pense à tout et à rien, fait la sieste et mange de la crème brûlée.
À Jacqueline Bourdouxhe.
« Tout ce qui nous arrive nous ressemble. »
Oscar Wilde
Maman répète souvent que, dans la vie, les mauvaises nouvelles sont toujours accompagnées de bonnes surprises. Elle ment. Ce matin, sur la table de la cuisine, il n’y avait qu’une mauvaise nouvelle. Une très mauvaise nouvelle. Papa est parti. Pour toujours. Il a emporté sa guitare, c’est la preuve. Même s’il a écrit qu’il nous aimait vraiment fort, Martin et moi, ça n’y change rien. Il ne doit pas nous aimer autant qu’il le dit. Et maman ressemble à un zombie. Elle essaie de sourire alors que de grosses larmes roulent sans arrêt sur ses joues.
Je suis sortie faire un tour à vélo. Le vent me remet les idées en place. J’adore pédaler à toute vitesse dans la campagne. Je chante à tue-tête La vie en rose et les corbeaux s’envolent sur mon passage. Les trouillards. Je fonce sur les chemins de terre, les fesses en l’air, je n’ai pas peur des crevasses et des bosses. Mon vélo, c’est un VTT. Papa me l’a offert pour mes dix ans, au mois d’avril.
Quand je suis revenue, il n’y avait plus personne à la maison. Maman était allée travailler au bureau de poste, mon frère Martin parti en vadrouille, comme d’habitude. Il s’est mis à pleuvoir un peu. Fichu mois d’octobre. Fichu samedi. J’ai enregistré avec mon dictaphone le bruit des gouttes qui s’écrasaient sur le toit de la véranda.
La tristesse, elle, ne m’a jamais coupé l’appétit. Je me suis préparé des pâtes au ketchup. Avec des tonnes de gruyère, pour me remonter le moral. Et pour retrouver ma bonne humeur, j’ai regardé la télé, affalée dans le canapé. Il était 13 heures 30, l’heure de Derrick. J’ai déjà vu quatre-vingt-seize épisodes. Quand je serai grande, je deviendrai inspecteur de police, comme lui. Je suis douée : je trouve à tous les coups l’assassin avant la fin du feuilleton. Aujourd’hui, j’ai tout de suite repéré la trace de rouge à lèvres sur le verre en cristal. C’est celui que porte Ida Von Arnim, la femme de la victime. Fastoche.
Maman est rentrée plus tôt que prévu. À cause de sa tête de zombie, son chef lui a donné congé. Elle est montée se coucher et m’a demandé de ne pas la déranger. Mon œil. Elle avait surtout besoin de câlins. J’ai chauffé du thé à la violette et j’ai dégoté dans le placard les derniers biscuits. Quand j’ai poussé la porte de sa chambre, elle pleurait toujours.
J’ai décidé de faire du rangement pour lui faire plaisir. J’ai changé quelques meubles de place. Pour boucher les trous que papa avait laissés en prenant ses affaires. Martin a affirmé qu’on les voyait quand même. Quel rabat-joie. En ôtant sa veste, il a jeté une enveloppe sur la table du salon.
— Tiens, elle traîne depuis deux jours sur la commode de l’entrée.
La voilà, la bonne surprise ! Comme quoi, il ne faut jamais désespérer. La lettre venait de Bruxelles. C’était la première de mon correspondant. Je lui avais écrit en classe, la semaine dernière, sur mon beau papier à lettres rose.
Bruxelles, le 16 octobre 2007.
Objet : Présentation (rapide)
Agathe Bernard,
Je te préviens d’entrée de jeu. J’ai pas du tout envie de perdre mon temps à envoyer des lettres à une fille. Je t’écrirai juste parce que j’y suis obligé par Madame Yvonne, mon institutrice, qui sait apparemment pas qu’Internet, c’est pas fait pour les chiens. Bref. Allons-y.