Vous avez aimé ce livre ? Envie de le conseiller ?
Laissez votre avis sur le site de votre libraire !
« Des centaines d’articles et de photos de confrères, des centaines de pages du rapport de la Commission d’enquête parlementaire « Affaire Dutroux-Nihoul et consorts », des milliers d’heures passées sur le terrain à traquer l’information ou à tenter de comprendre l’innommable, ne m’autorisent cependant pas à cataloguer Marc Dutroux de « monstre », d’ennemi public numéro un, de le vouer à la prison à perpétuité, à défaut de la peine de mort (abolie), à l’instar de propos tenus ci et là.
Pour deux raisons majeures, j’ai toujours maintenu cette ligne de conduite, quand bien même le dégoût et la révolte m’ont parfois assailli comme tout être humain « normal » choqué face à l’ignominie, celle d’attenter à un enfant.
1. Parce que Marc Dutroux (comme tous les accusés et prévenus) bénéficie du sacro-saint droit à la présomption d’innocence. Certes, Dutroux a déjà avoué différents faits hautement répréhensibles, mais des aveux ne sont pas juridiquement – obligatoirement – des preuves. Ainsi, une personne peut s’accuser d’un méfait, même d’un crime, pour couvrir une autre personne. Seul, donc, un verdict prononcé par un tribunal est officiel.
2. Marc Dutroux « liquidé » en prison, comme d’aucuns le souhaitent ?
Lors d’un débat public dans l’entité de Charleroi, région où se sont déroulés les principaux faits, j’ai osé déclarer :
« Marc Dutroux doit bénéficier de toutes les garanties de sécurité en prison. Même s’il réclame du champagne – allusion faite aux « petits plats » partiellement payés avec des dons de groupies et livrés de l’extérieur à Noël ! – qu’on lui offre ! »
Sifflé et hué à profusion par l’assemblée surexcitée, j’ai cependant pu achever ma démonstration :
« Dutroux mort, c’est tirer un trait définitif sur d’éventuelles explications et révélations de sa part. La vérité sur cette affaire – existence ou non d’un réseau pédophile – est à ce prix ! Il faut donc espérer qu’avant sa mort, Marc Dutroux ait une prise de conscience qui le pousse à dire « la » vérité. »
Je n’ai pas été lynché par la foule, enfin calmée, car confortée par la nécessité de poursuivre inlassablement et dans la sérénité le combat au nom de cette vérité et à la mémoire de toutes les jeunes victimes. »
Tels étaient mes propos en 2004 en « Avertissement » à mon ouvrage « La Saga Dutroux – Chronique d’un scandale politico-judiciaire » publié aux Éditions Rouchon (France).
En 2013, malgré le verdict controversé du procès d’assises, les nouvelles « extravagances » de Marc Dutroux en prison, l’analyse, par les autorités, de ses demandes répétées de libération conditionnelle, celle octroyée à Michèle Martin chez les Sœurs Clarisses, les permissions de sorties accordées à Michel Lelièvre à l’été 2013, l’enterrement du « Dossier bis » (leurre inventé par la Justice, comme on le découvrira ci-après)…, je n’ai pas à modifier d’un iota ma ligne de conduite.
Puisse ce nouvel ouvrage contribuer à perpétuer la « Mémoire », celle de faits horribles, de dysfonctionnements coupables et autres « entourloupes » classées, parfois, sous le sigle de la « vérité judiciaire », afin que tout cela ne se reproduise plus jamais.
Car, près de vingt ans après les faits, une décennie après le procès, l’affaire Dutroux continue donc de générer maints commentaires passionnés, ce n’est pas Jérôme Cahuzac qui me contredira !
Jérôme Cahuzac, ministre français du Budget (2012-2013), démissionnaire suite à l’accusation de fraude fiscale, exclu du Parti socialiste, qui déclara sur RTL : « Je crois même avoir été qualifié d’être répugnant. Si je suis répugnant, comment qualifie-t-on un violeur, un assassin d’enfants, comment qualifie-t-on Marc Dutroux, si on veut garder un sens au mot ? Si je suis répugnant, alors je crains qu’il ne faille à l’Académie française un peu d’imagination pour forcer le vocabulaire. »
Mais, selon certains sondages, une grande partie de la jeunesse actuelle ne sait pas ce qu’est l’affaire Dutroux et qu’il est parmi « les hommes les plus haïs au monde », alors que maints adultes ont perdu (ou occulté) les éléments qui la forment, d’où le présent ouvrage de « Mémoire ». Pour que l’on n’oublie jamais.
Et puis, ce livre se veut, enfin, une réponse à la lancinante et inquiétante question : « Marc Dutroux sera-t-il un jour libéré ? » Lui-même m’a fourni sa réponse…
Pierre Guelff
. Le 24 juin 1995 : enlèvements de Julie Lejeune et Mélissa Russo à Grâce-Hollogne (Province de Liège). Dès le lendemain, en tant que membre de l’Association « Marc et Corine » (recherche d’enfants disparus) et rédacteur de son magazine, je suis confronté à cette affaire.
. Le 22 août 1995 : enlèvements d’An Marchal et d’Eefje Lambrecks près d’Ostende (province de Flande-Occidentale).
. Le 28 mai 1996 : enlèvement de Sabine Dardenne à Kain (Province de Hainaut), proche de la France.
. Le 9 août 1996 : enlèvement de Laetitia Delhez à Bertrix (Province de Luxembourg).
. Le 13 août 1996 : arrestations de Marc Dutroux, Michèle (ou Michelle) Martin et Michel Lelièvre.
. Le 15 août 1996 : libérations de Sabine et Laetitia d’une cache de Dutroux à Marcinelle (province de Hainaut, entité de Charleroi).
. Le 16 août 1996 : arrestation de Michel Nihoul.
. Le 17 août 1996 : découverte des corps sans vie de Julie et de Mélissa, et de Bernard Weinstein dans la propriété de Dutroux à Sars-la-Buissière (Province de Hainaut).
. Le 18 août 1996 : lors d’une conférence de presse à Grâce-Hollogne, les parents de Julie et de Mélissa clament leur révolte face au déroulement « troublant » de l’enquête.
. Le 19 août 1996 : le ministre de la Justice, Stefaan De Clerck, reconnaît des dysfonctionnements et lacunes dans l’enquête sur les rapts des enfants.
. Le 22 août 1996 : funérailles de Julie et de Mélissa à Liège.
. Le 27 août 1996 : Marc Dutroux passe à de nouveaux aveux. Il indique l’endroit où les corps de cinq jeunes filles se trouveraient, y compris ceux d’An et Eefje.
. Le 3 septembre 1996 : découverte des corps sans vie d’An et Eefje à Jumet (Province de Hainaut, entité de Charleroi). Aucune autre découverte ne sera faite.
. Le 7 septembre 1996 : funérailles d’An et Eefje à Hasselt.
. Le 14 octobre 1996 : dessaisissement du juge Connerotte par la Cour de cassation suite à une demande effectuée par Me Julien Pierre, avocat de Dutroux, pour trop grande complicité du magistrat avec des victimes et/ou familles de victimes.
. Le 20 octobre 1996 : « Marche blanche » de soutien aux victimes, aux parents d’enfants de pédophiles et pour un meilleur fonctionnement de la justice (300 000 personnes) à Bruxelles.
. Le 24 octobre 1996 : début des travaux de la Commission d’enquête parlementaire « Dutroux-Nihoul et consorts » (nombreuses retransmissions télévisées en direct).
. Le 18 avril 1997 : la Chambre des représentants approuve à l’unanimité le rapport de la Commission d’enquête parlementaire « Dutroux-Nihoul et consorts ».
. Le 15 février 1998 : Marche pour la vérité et contre la loi du silence (30 000 personnes) à Bruxelles.
. Le 23 avril 1998 : évasion de Marc Dutroux (retrouvé quelques heures plus tard) du palais de justice de Neufchâteau. Les ministres de la Justice, Stefaan De Clerck, et de l’Intérieur, Johan Vande Lanotte, démissionnent. Le chef de l’état-major de la gendarmerie, le général Willy Deridder, remet son mandat à la disposition du gouvernement.
. Le 25 juin 2000 : les parents Lejeune et Russo déclarent avoir déposé plainte contre les gendarmes Michaux, Lesage et Martin « pour complicité d’assassinat et d’enlèvement, de faux témoignage et d’abus de confiance. »
. Le 27 juin 2000 : reconstitution des rapts de Julie et de Mélissa.
. Le 4 janvier 2001 : Marc Dutroux assigne l’État belge en référé. Il se plaint de ses conditions de détention à la prison d’Arlon.
. Le 8 janvier 2001 : la Chambre des mises en accusation de Liège, sur requête du procureur du roi, Michel Bourlet, ordonne l’analyse de 5 000 cheveux découverts, en 1996, dans la cache de Marc Dutroux à Marcinelle et dans le véhicule ayant servi à l’enlèvement de Sabine et de Laetitia.
. Le 15 février 2001 : le tribunal des référés d’Arlon estime que la requête du 4 janvier 2001 introduite par Marc Dutroux n’est pas fondée, car dépourvue d’urgence.
. Le 23 octobre 2001 : huit inculpations et trois détenus (Marc Dutroux, Michèle Martin et Michel Lelièvre) dans le dossier Dutroux et poursuite de l’instruction contre X en vue de découvrir d’éventuels réseaux de pédophilie.
. Le 3 janvier 2002 : un sénateur rend visite à Dutroux dans sa cellule, à la prison d’Arlon.
. Le 29 janvier 2002 : Marc Dutroux est officiellement inculpé du viol de Julie, Mélissa et An (il l’était déjà de celui de Laetitia, Sabine et Eefje).
. Le 5 mars 2002 : le dossier Dutroux est bouclé (2 045 jours d’enquête, 400 000 pages et plus de 100 enquêteurs).
. Le 27 mai 2002 : après la famille Russo, les Lejeune déclarent ne pas vouloir assister au procès d’assises afin de ne pas cautionner « ce grand cirque vécu depuis plusieurs années ». Le même jour, la famille Marchal est déboutée par la Chambre des mises en accusation de Liège de sa demande de reconstitution de l’enlèvement d’An et Eefje.
. Le 6 septembre 2002 : première étape de la Chambre du conseil de Neufchâteau dans la procédure de renvoi devant la Cour d’assises. Le procès en assises est prévu au début 2004 pour une durée de trois à quatre mois, au nouveau palais de justice d’Arlon où, seulement, quinze places seront réservées à la presse nationale et internationale. L’avocat général sera Michel Bourlet, procureur du roi à Neufchâteau, alors que le nom du président n’est pas encore connu.
. Fin 2002 : une véritable campagne de déstabilisation est lancée à l’encontre des magistrats Langlois et Bourlet.
. Année 2003 : Marc Dutroux se sépare de son avocat Me Julien Pierre et le remplace par Me Daniel Kahn. Les noms des accusés à juger aux prochaines assises sont enfin proposés par le tribunal de Neufchâteau : Marc Dutroux, Michèle Martin et Michel Lelièvre.
En mars, la Chambre des mises en accusation de Liège débat de cette ordonnance, principalement sur le cas de Michel Nihoul.
Quasiment au même moment, Carine Russo est renvoyée devant un tribunal correctionnel suite à une plainte pour « dénonciation calomnieuse à l’autorité » par l’ancien chef de la cellule Dutroux. Une intense polémique secoue à nouveau la Belgique.
À la veille du printemps, Marc Dutroux compte deux avocats supplémentaires (Mes Baudewyn et Van Praet) et modifie sa stratégie de défense en se présentant comme « protecteur » des jeunes victimes. Michel Nihoul est à son tour renvoyé aux assises, alors que la famille Marchal se sépare de ses avocats pour manque de moyens financiers.
Marc Dutroux perd Me Kahn comme avocat, mais bénéficie de la défense – gratuite – de Me Magnée, ancien bâtonnier.
À présent, il reste à chaque partie le soin de peaufiner ses arguments pour aborder le procès d’assises tant attendu.
. Michel BOURLET : procureur du roi à Neufchâteau. À l’origine de l’arrestation de Marc Dutroux. A été désigné comme avocat général pour le procès aux assises (siège qu’il partagera avec l’avocat général liégeois Jean-Baptiste Andries). Depuis le début de l’affaire, il soutint la thèse du réseau à caractère pédophile. Célèbre pour sa phrase déclarée publiquement : « Toutes les personnes qui ont été identifiées sur les cassettes pédophiles saisies chez Dutroux, seront poursuivies… si on me laisse faire ». Rappelé à l’ordre par sa hiérarchie, il se mura dans le silence depuis lors. Sauf au procès, bien entendu !
. Jean-Marc CONNEROTTE : juge d’instruction à Neufchâteau. A aussi été à l’origine de l’arrestation de Marc Dutroux. A été dessaisi du dossier pour avoir participé à un souper spaghetti organisé par l’asbl « Marc et Corine ». A craqué lors de son audition à Arlon.
. Sabine DARDENNE : 12 ans au moment de son enlèvement, alors qu’elle se rendait à l’école. Libérée en compagnie de Laetitia Delhez, toutes deux étant détenues dans une geôle appartenant à Marc Dutroux. Représentée par Mes Rivière et Parisse au procès d’assises. Elle a témoigné à Arlon et est descendue dans la cache lors de la visite programmée durant le procès.
. Laetitia DELHEZ : 14 ans au moment de son enlèvement devant la piscine communale de Bertrix. Libérée en même temps que Sabine Dardenne. Représentée par Mes Beauthier et Fermon au procès d’assises. A suivi avec courage de nombreuses audiences à Arlon et a témoigné. Tout comme Sabine, elle est descendue dans la cache de Marcinelle lors du procès.
. Marc DUTROUX : né le 6 novembre 1956, père de famille (deux enfants d’une première union et trois avec Michèle Martin ; le couple est à présent divorcé). En 1985, condamné à treize ans d’emprisonnement, mais fut libéré anticipativement en 1992, alors que son épouse était condamnée à trois ans pour complicité dans la séquestration et le viol par Dutroux de plusieurs filles, dont deux mineures d’âge. Défendu par Mes Baudewyn, Magnée et Van Praet aux assises. Attitude arrogante et déplacée de Dutroux au procès. A accordé une interview exclusive à Pierre Guelff lors de cette procédure (voir ci-après).
. Stéphane GOUX : président de la Cour d’assises.
. Eefje LAMBRECKS : 17 ans au moment de son enlèvement. Retrouvée morte au domicile de Bernard Weinstein, complice de Dutroux. Amie d’An Marchal.
. Monsieur et Madame LAMBRECKS : parents d’Eefje. Ont voulu rester à l’écart de la médiatisation du drame, mais furent souvent présents au procès. Me Joris Vercraeye pour le père et Me Luc Savel Koul pour la mère, furent leurs avocats.
. Jacques LANGLOIS : juge d’instruction à Neufchâteau. Chargé du dossier suite au dessaisissement du juge Connerotte. Pour lui, Dutroux relevait de la thèse du « pervers isolé » et non d’un réseau.
. Julie LEJEUNE : 8 ans au moment de son enlèvement. Fut retrouvée morte, enterrée dans le jardin du couple Dutroux-Martin à Sars-la-Buissière. Amie de Mélissa Russo.
. Louisa et Jean-Denis LEJEUNE : parents de Julie. Louisa est infirmière en milieu hospitalier et Jean-Denis œuvre à Child Focus (Centre européen pour enfants disparus et sexuellement exploités). Ils ont quand même assisté à diverses audiences à Arlon.
. Michel LELIEVRE : 32 ans, célibataire, considéré comme l’homme de main de Marc Dutroux. Défendu par Me Slusny aux assises, aidé par Me Lejeune.
. An MARCHAL : 19 ans au moment de son enlèvement. Retrouvée morte au domicile de Bernard Weinstein. Amie d’Eefje Lambrecks. Sa mémoire a été défendue par Me Quirynen. Pol (ou Paul) Marchal, son père, a assisté à quasiment tous les débats.
. Michèle MARTIN (ou Michelle MARTIN, Marc Dutroux utilisant lui-même les deux orthographes du prénom) : 43 ans, mère de famille (trois enfants avec Marc Dutroux, dont elle était l’épouse). Dit avoir agi sous la contrainte de celui-ci. Défendue par Mes Bayet, Pollet et Schmitz aux assises.
. René MICHAUX : dirigea l’enquête. On lui reprocha des perquisitions ratées chez Dutroux alors que les fillettes étaient toujours vivantes. Le Conseil d’État a annulé les sanctions prises à son encontre. Lors d’un débat télévisé, il fut poussé dans ses derniers retranchements par les journalistes Michel Bouffioux et Pierre Guelff au point qu’il avoua n’avoir pas dit « tout » lors de son audition au procès. Il fut à nouveau convoqué…
. Michel NIHOUL : ex-homme d’affaires, cité par Dutroux dès les premières heures de l’enquête. Libéré en 1999 faute de preuves. Défendu par Mes Attout et Clément de Cléty aux assises. Sa détention n’a pas été jugée nécessaire durant le procès.
. Julien PIERRE : avocat de Dutroux désigné dès la première heure. Six ans plus tard, son client s’en séparait au profit de Me Kahn. Celui-ci, après quelques mois seulement, se retira du dossier laissant la place à Mes Baudewyn, Magnée et Van Praet, accessoirement à Me Fastrez.
. Mélissa RUSSO : 8 ans au moment de son enlèvement. Fut, comme Julie Lejeune, retrouvée morte, enterrée dans le jardin du couple Dutroux-Martin. Amie de Julie. Carine et Gino Russo, ses parents, préférèrent ne pas assister au procès qu’ils considéraient comme une « mascarade ». Ils sont sortis de leur réserve avant les délibérations : sur le plateau de RTL, ils clamèrent à nouveau leur légitime colère face au déroulement des assises.
. Bernard WEINSTEIN : électricien d’origine française, complice de Marc Dutroux. Retrouvé mort, enterré dans le jardin du couple Dutroux-Martin à Sars-la-Buissière. C’est à son domicile de Jumet, sous une dalle d’un hangar, que furent retrouvés les corps sans vie d’An et Efje.
Michel Bourlet, avocat général, a établi un acte d’accusation de soixante-quatorze pages qu’il lira d’entrée de procès, après la constitution du jury populaire. Voici le contenu, dans son intégralité (les sous-titres sont de l’auteur), de la deuxième partie de ce document officiel consacré aux quatre accusés :
Marc Dutroux est l’aîné d’une famille de cinq enfants, quatre garçons et une fille, issus d’un couple d’instituteurs. Ses parents, Victor Dutroux et Jeannine Lauwens exercent leur profession à Ixelles, mais lorsque Marc Dutroux naît dans cette commune le 6 novembre 1956, Victor Dutroux est parti depuis dix jours pour le Congo où son épouse l’a poussé à s’engager et où elle va le rejoindre avec son bébé deux mois plus tard.
Dans les deux années suivantes, la famille s’agrandit par la naissance de deux autres garçons ; Jeannine Lauwens ne professe pas et son mari a un parcours professionnel chaotique fait de notations défavorables, de mutations et de menaces de révocation. La famille entière rentre définitivement en métropole lors de l’indépendance de la colonie en juillet 1960 et s’installe à Obaix où, aidés par leurs parents, les époux Dutroux-Lauwens acquièrent une maison qu’ils occuperont jusqu’à leur séparation en 1971.
Mais c’est dès la naissance de Marc, l’aîné, que l’entente ne semble pas régner et l’ambiance est lourde. Victor Dutroux émet des doutes sur sa paternité et Jeannine Lauwens suspecte de nombreuses liaisons féminines à son mari, tant au Congo qu’en Belgique.
Il semble de plus assez brutal avec ses enfants, notamment avec Marc, et une voisine d’Obaix, Rose-Marie Brohez, le décrit comme autoritaire et despote, ne se privant de rien alors qu’il prive les autres.
Une autre voisine, Lucille Patoux, perçoit déjà Marc, l’aîné des trois garçons, comme le plus renfermé, le plus sournois et le plus malin, celui qui, naturellement prend l’ascendant sur les autres. Il faut noter qu’à l’âge de dix ans, Marc sauve de la noyade un enfant de cinq ans.
Victor Dutroux enseigne à Roux, dans la banlieue de Charleroi, jusqu’en 1971, date à laquelle il est admis à la pension anticipée à l’âge de 43 ans. Son parcours professionnel est toujours aussi contesté tandis qu’au contraire, le travail d’institutrice de Jeannine Lauwens semble beaucoup plus apprécié.
Cette situation avait engendré une lente dégradation des rapports au sein du couple et de la famille jusqu’à les rendre invivables. À la séparation en 1971, Victor est colloqué quatre mois à Manage ; la procédure en divorce va durer six ans et sera émaillée de nombreuses difficultés concernant le paiement des pensions alimentaires et l’exercice du droit de visite des enfants par Victor qui finit par déménager dans la région gantoise.
Hormis quelques événements débouchant sur une grande frayeur, Marc Dutroux garde le souvenir d’un père indifférent qui ne s’est jamais occupé de ses enfants. C’est aussi le sentiment de sa sœur Valérie et de l’institutrice d’Obaix, Madame Vinclaire.
C’est dans l’école du village d’Obaix que Marc Dutroux termine sa scolarité primaire, où il revient après y avoir fait le cycle maternel, puis en étant passé aux écoles de Roux, de Nivelles, de Roux à nouveau et enfin à l’internat de Morlanwelz.
Cette scolarité a été menée avec fruit et sans difficulté, sauf à l’internat de Morlanwelz que Marc Dutroux semble avoir difficilement supporté. Il aurait encore moins supporté l’internat de l’Institut Supérieur Pédagogique de Nivelles où il va débuter ses études secondaires en septembre 1968.
Marc Dutroux y subit l’échec en première moderne et passe alors à l’école d’agriculture de Fleurus en étant hébergé pendant une année par ses grands-parents maternels. Cette année redoublée est réussie, car l’ambiance chez ceux-ci semble plus propice à la réussite. Marc Dutroux paraît plus heureux et le directeur de l’école, Monsieur Pierre Hayt, qui perçoit une tension entre l’enfant et une mère autoritaire et étouffante et un père absent, s’étonne que l’enfant Marc Dutroux ne se représente pas en septembre 1970 à l’école pour poursuivre le cycle d’études entrepris. Il est en effet inscrit aux Aumôniers du Travail de Charleroi où il va réussir sa deuxième année technique en ajustage et rater sa troisième année en électricité. Il laisse dans cette école le souvenir d’un élève très fort manuellement, appliqué à son travail mais assez renfermé.
La dernière année de scolarité de Marc Dutroux, 1972-1973, se fait à Nivelles, en section mécanique. Il y obtient son certificat d’études techniques secondaires inférieures en juin 1973. Il désirait poursuivre en qualification, mais selon lui, sa mère estimait qu’il devait enfin rapporter de l’argent à la maison. À cette époque, la séparation du couple parental est en phase de procédure.
À l’âge de 15 ans, Marc Dutroux a rencontré Michel Greuze en rue lors d’une après-midi après les cours. Celui-ci lui aurait offert son aide et c’est tout naturellement vers lui que Marc Dutroux va se tourner un an et demi plus tard en décidant de quitter le domicile maternel. Michel Greuze oriente Marc Dutroux vers un café tenu par Georges Hembise qui l’hébergera quelque temps avant d’aller vivre avec Michel Greuze, rue de la Villette à Charleroi, d’avril à août 1974. Quand Marc Dutroux s’établit seul à Monceau en octobre 1974, Michel Greuze le poursuivra de ses assiduités et les relations homosexuelles, que Michel Greuze affirme avoir entretenues avec lui, auraient continué moyennant rétribution de Marc Dutroux. Michel Greuze affirme également qu’à ce niveau une lutte d’influence va s’établir entre lui-même, Georges Hembise et un certain Biseaux, pour s’attirer les faveurs de Marc Dutroux, qui y aurait consenti uniquement pour l’argent qu’ils lui versaient.
En juillet 1973, Marc Dutroux a seize ans et demi quand il entame sa carrière professionnelle, comme salarié, qui va durer jusqu’en 1980. Les employeurs se succèdent durant cette époque, et malgré des aptitudes certaines au travail, il est licencié à deux reprises pour un absentéisme trop important.
Hormis un essai non concluant de quinze jours, en juin 1985, aux Ateliers de Mécanique Générale de Nivelles, aucune activité professionnelle n’est plus renseignée. Marc Dutroux exerce des activités de complément, dépannage, vente d’objets divers ou services rendus et son dossier ONEM mentionne une demande du 3 août 1982 comme chômeur complet indemnisé bénéficiant d’une indemnité de 10 000 FB (250 euros) pour incapacité de 3 % suite à un accident de travail.
Le 2 juillet 1985, Marc Dutroux s’inscrit au Registre de commerce de Charleroi pour activités diverses en commerce de véhicules, location de matériel, entreprise de démolition et de transport notamment.
Dans l’intervalle, Marc Dutroux s’est marié à dix-huit ans, en mars 1976, avec Françoise Dubois, orpheline de dix-huit ans également, rencontrée deux ans auparavant à la patinoire de La Louvière.
À cette époque, le patin à glace est son loisir de prédilection. Il patine très bien et le prestige qu’il en retire lui permet de s’affirmer, d’être reconnu et de récolter un certain succès auprès des jeunes filles. Tout en étant marié et bientôt père de famille, il continue à connaître de nombreuses liaisons féminines.
L’entente entre les deux jeunes époux se détériore rapidement, Françoise Dubois enceinte une première fois se plaint des coups qu’elle reçoit de son époux, qui n’aurait pas supporté qu’elle le délaisse pour se préoccuper de sa grossesse.
Le premier fils naît le 30 juillet 1977, puis un second le 20 mai 1979. Pendant deux ans, le couple vit à Onoz, puis déménage à Haine-Saint-Pierre en février 1978, et enfin dans un logement social à Goutroux en septembre 1982, avant de se séparer au tout début de l’année 1983. Selon Françoise Dubois, Marc Dutroux ne s’est jamais occupé de ses deux fils, ni sur le plan affectif, ni sur le plan de leur scolarité.
Parmi les conquêtes féminines de Marc Dutroux, Françoise Dubois se souvient d’avoir vu débarquer chez elle en 1979 Monique Willems accompagnée de ses parents. Ceux-ci lui demandent s’il est vrai qu’elle compte divorcer pour permettre le mariage de leur fille et de Marc, alors qu’elle ignore tout, aussi bien de cette relation de son époux que son intention de divorcer. Mais Marc Dutroux la convainc qu’il n’en est rien. Cette relation avec Monique Willems ne s’interrompt qu’en 1983 pour reprendre en 1985 et durer jusqu’en 1996. Entre-temps, fin 1981, Marc Dutroux a fait la connaissance de Michelle Martin, et toujours sur une patinoire, à Forest cette fois.
Si Monique Willems accepte cette situation, Françoise Dubois ne se doute de rien à cette époque, puis quand elle s’en aperçoit et qu’elle n’accepte pas la proposition de son mari de vivre une relation complexe, Marc Dutroux estime qu’elle est trop simple pour pouvoir évoluer à son rythme. Après ce qu’il a vécu, dit-il, une réflexion existentielle lui permet de remettre en cause la relation qu’il partage avec sa légitime épouse. Il la laisse partir et accueille immédiatement Michelle Martin chez lui en janvier 1983.
La vie commune du nouveau couple va connaître plusieurs périodes, entrecoupées des détentions successives. Marc Dutroux, accompagné de Michelle Martin, rend régulièrement visite à ses deux fils qui vivent avec leur mère, Françoise Dubois, et son nouveau compagnon Daniel Plasman.
Mais une autre activité du nouveau couple débute en ce début 1983 : Michelle Martin accompagne Marc Dutroux pour commettre un vol de mitraille dans un dépôt. Ils y rencontrent Patrice Charbonnier, que Marc Dutroux connaît depuis longtemps et qui y effectue, lui aussi un vol de mazout. Les deux hommes s’associent pour commettre des délits parfois importants, Patrice Charbonnier, qui exerce la profession de facteur, renseignant même Marc Dutroux, et étant rétribué pour cela, en vue de vols avec violences commis sur des personnes âgées et isolées.
De janvier 1983 à février 1986, Marc Dutroux et Michelle Martin vivent en concubins. Elle donne naissance à un fils, Frédéric, le 28 juin 1984. Les relations du couple se limitent à trois personnes, le couple Plasman-Dubois, et une voisine, Annie Martin.
Marc Dutroux, lui, fréquente toujours aussi assidûment les patinoires, rencontre Corinne Theuwissen, la ramène chez lui et propose à Michelle des relations sexuelles à trois, qu’elle accepte. C’est pendant la période de vie commune avec Michelle Martin que Marc Dutroux va faire l’acquisition de nombreux immeubles et que les voyages à l’étranger, France et Slovaquie, vont se succéder.
Après une courte première période de détention préventive au printemps 1985 pour un vol avec violences, Marc Dutroux, qui a fait l’acquisition de la maison de Marcinelle en juillet, est à nouveau arrêté en février 1986, et Michelle Martin subit le même sort pour plusieurs faits d’enlèvement de mineures d’âge, séquestration et viols commis avec un troisième complice aujourd’hui décédé et qui lui était en aveux. Marc Dutroux sera condamné à dix et trois ans de prison par la Cour d’Appel de Mons et restera en détention pendant plus de six ans, jusqu’en avril 1992. Le 20 octobre 1989, il épouse Michelle Martin en prison mais reçoit de fréquentes visites de Monique Willems.
À sa sortie de prison, le 8 avril 1992, Marc Dutroux reprend la vie commune avec Michelle Martin à Marcinelle, effectue d’emblée les démarches nécessaires pour se faire reconnaître en incapacité de travail et renoue contact avec Patrice Charbonnier qui reconnaît avoir mis volontairement, sous la demande de Marc Dutroux, le feu à la maison que celui-ci possède à Marchienne dans un but d’escroquerie à l’assurance. Ce jour-là, Dutroux et Martin se seraient forgé un alibi en effectuant une excursion à Blankenberge.
Les relations avec Patrice Charbonnier ne se limitent pas à cet incendie, car des armes auraient circulé entre les deux compères, des informations sont échangées sur la réalisation de caches destinées à mettre en sécurité le produit de délits, et des confidences sont faites par Marc Dutroux quant à des viols commis lors de voyages en France et des propositions d’enlèvements de mineures d’âge. Leurs relations auraient cessé en septembre 1993.
Fin 1992, le couple Dutroux-Martin achète un nouvel immeuble à Sars-la-Buissière et s’y installe, mais rapidement, Marc Dutroux recentre ses activités délictueuses ou autres à Marcinelle et à Marchienne et s’installe à Marcinelle. La vie commune perdure, et Michelle Martin participe aux travaux entrepris par son mari dans ses habitations, comme en témoigne notamment Vozzella Rito.
Deux enfants voient le jour, Andy né le 24 septembre 1993 et Céline née le 24 novembre 1994.
Marc Dutroux noue de nouvelles relations avec Gérard Pinon qui lui présentera Bernard Weinstein, avec Michaël Diakostavrianos qui lui fera découvrir les voyages en Slovaquie et lui présentera Michel Lelièvre, avec Claude Thirault à qui il va proposer également des enlèvements d’enfants et enfin avec Michel Nihoul.
L’enquête de moralité de Marc Dutroux a été réalisée par les inspecteurs Peters et Wauquaire et l’expertise mentale par les docteurs Denys, Gernay et Godfroy avec l’aide du psychologue Lavenne.
Cette expertise mentale arrive à la conclusion que Marc Dutroux, au moment des faits, ne se trouvait ni dans un état de démence, ni dans un état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentale le rendant incapable du contrôle de ses actes. Que son état est actuellement le même et la périculosité évidente.
Les experts semblent avoir été frappés par la propension de Marc Dutroux à décrire sa jeunesse en des termes de rejet et de manipulations malveillantes ou perverses à son égard et de toute espèce de mauvais coups subis de la part de sa mère. Ce serait exceptionnel de voir un accusé noircir sa mère à ce point.
À l’opposé, Marc Dutroux insiste sur son propre courage, son imagination, sa volonté, son altruisme voire même sa philosophie à l’égard des plus faibles.
Hormis l’élimination de Bernard Weinstein, il élude tous les autres délits et ne dit pas un mot des faits de 1985 ayant conduit à la première grave condamnation, suggérant simplement qu’il n’était pas coupable des faits qui lui étaient reprochés.
Pour le collège d’experts, Marc Dutroux dispose manifestement d’une intelligence opérationnelle et efficace, s’exprime facilement et démontre qu’il raisonne et s’intéresse à beaucoup de choses. Son attention est aiguë et sa mémoire importante mais sélective quand il s’agit de mettre en évidence les détails le désignant comme une malheureuse victime d’une méchante société.
Les experts ne pensent pas que, malgré l’âge des victimes enlevées, Marc Dutroux appartienne à la catégorie des pédophiles. À aucun moment, l’âge des victimes n’a semblé éveiller en lui un quelconque affect ni jouer un rôle particulier, si ce n’est la plus grande facilité à les kidnapper, les manipuler et les séquestrer.
De même Marc Dutroux s’oppose formellement à ce qu’on le taxe d’homosexualité, la relation de ce type, passagère, selon lui, ayant été purement utilitaire. Chez lui, les règles sociales sont parfaitement connues, mais elles sont refusées comme étant autant de contraintes inacceptables, ou utilisées, mais alors à son profit. Les experts estiment que Marc Dutroux manipule tout le monde, eux-mêmes y compris.
L’examen qu’ils ont fait du dossier INAMI et du dossier du docteur Dumont ayant suivi Marc Dutroux depuis sa libération d’avril 1992 jusqu’à son arrestation d’août 1996, leur démontre que ces experts-là étaient également manipulés.
Le casier judiciaire de Marc Dutroux mentionne, outre six condamnations à des peines de police pour plusieurs infractions de roulage :
– un mois de prison par le Tribunal Correctionnel de Namur le 20 juin 1979 pour vol ;
– quatre mois de prison par le Tribunal Correctionnel de Charleroi le 3 mars 1988 pour des faits de recel ;
– dix ans de prison pour des faits d’enlèvements, séquestration et viols de mineures d’âge de moins de seize ans et de mineures de plus de seize ans, trois ans de prison pour vol avec violences, et six mois pour d’autres vols par la Cour d’Appel de Mons le 26 avril 1989 ;
– cinq ans de prison par la Cour d’Appel de Liège le 6 décembre 2000 pour les faits commis lors de son évasion du palais de Justice de Neufchâteau en avril 1998.
Michelle Martin est née à Bruxelles le 15 janvier 1960 d’Auguste Martin et Henriette Puers. En 1964, le couple et leur fille unique s’installent à Waterloo dans une maison qu’ils ont fait construire dans un quartier résidentiel.
En 1966, alors qu’elle a seulement six ans, Michelle perd son père qui décède dans un accident de voiture dans lequel elle est elle-même sérieusement blessée, notamment une fracture du crâne. Outre le traumatisme évident que peut créer un tel événement chez un enfant de cet âge, Michelle Martin y voit le début d’une jeunesse malheureuse. Elevée par une mère seule, dépressive, autoritaire et égocentrique, elle dira ne rien avoir connu de la vie, en dehors des écoles qu’elle fréquente, sa mère l’empêchant de sortir sous quelque prétexte que ce soit.
Michelle Martin effectue ses quatre premières années primaires à l’école Saint-François d’Assise de Waterloo et ses deux dernières à l’école communale du Chenois dans la même commune. Elle y est décrite par ses anciennes institutrices comme une élève studieuse dont les résultats étaient très bons, et une enfant sociable, au caractère ouvert.
Elle poursuit sa scolarité au lycée de Braine l’Alleud de 1972 à 1978 où elle obtient, sans échec, son diplôme d’humanités. Ses anciens professeurs la décrivent comme étant disciplinée, travailleuse, une jeune fille ouverte et très liante, ne posant aucun problème quoiqu’on l’ait sentie toujours très affectée par son statut d’orpheline d’un père qu’elle chérissait.
De 1978 à 1981, Michelle Martin fréquente l’École normale de Nivelles pour y suivre la formation d’institutrice où elle subira son seul échec scolaire en terminale qu’elle doit redoubler.
L’impression qu’elle donne à ses anciens enseignants est celle d’une jeune fille timide, effacée, taiseuse, sans grande personnalité, mais dont le comportement ne porte pas à critique.
Ses condisciples se disent encore tous frappés par le souvenir qu’elle leur a laissé d’une fille gentille et agréable à qui une mère dépressive et une grand-mère dominatrice ne laissaient jamais rien faire.
Elle obtient son diplôme d’institutrice en 1981, à la grande satisfaction de sa mère qui espère ainsi la garder auprès d’elle mais elle se décrit elle-même comme étant désemparée, à l’aube d’une vie professionnelle, se sentant perdue et incapable d’enseigner, n’étant pas préparée à la vie d’adulte. C’est à cette époque, en 1981, qu’elle fait la connaissance de Marc Dutroux.
De 1981 à 1988, Michelle Martin enseignera effectivement fort peu. A l’exception d’une année complète, d’octobre 81 à décembre 82, où elle obtient une bonne appréciation générale à l’Athénée de Waterloo, elle entrecoupe ses périodes d’intérimaire avec le chômage, la mutuelle et un congé de grossesse.
Michelle Martin rencontre Marc Dutroux à la patinoire de Forest, ils sympathisent tout de suite, car c’est un garçon de contact facile et qui l’écoute volontiers raconter ses malheurs de jeune fille vivant seule avec une mère possessive. Elle en tombe rapidement amoureuse, car avec lui elle se sent vivre, elle se sent libre. Ils se retrouvent régulièrement à la patinoire et entretiennent rapidement des relations sexuelles dans la caravane que Marc Dutroux installait sur le parking de la patinoire.
Il lui cache au début sa situation d’homme marié et de père de famille, qu’elle n’apprendra que par un de ses amis. Quand elle lui en parle, il lui promet de divorcer, mais il lui aurait fait comprendre qu’il entendait conserver une certaine liberté, même s’il éprouvait pour elle de l’amour. Michelle Martin accepte la situation, car elle a besoin de donner son amour, dit-elle.
À partir de cette époque, une évolution dans le comportement de Michelle Martin semble n’avoir pas échappé à ses anciennes relations d’école normale comme Marie-Ligne Craenembroeck, Christine De Witte, Fabienne Defuster, Yves Robaey ou Marc Adank qui fréquentent encore quelque peu Michelle Martin, mais qui la perdront vite de vue tant ils se disent déçus de constater ce qu’a pu rapidement devenir la jeune fille coquette et décidée qu’ils avaient connue, qui avait bénéficié d’une excellente éducation et d’un enseignement de qualité et qui, à leurs yeux, paraissait pouvoir mériter de rencontrer quelqu’un de bien et habiter une belle maison.
Elle leur paraissait à présent se négliger, négliger également son enfant et son habitat, se contenter d’être la bon-niche de son homme, d’un homme faisant preuve d’une telle vulgarité.
Michelle Martin semble avoir perdu les repères acquis durant son enfance et son adolescence, son sens moral s’émousse, elle acceptera une relation intime à trois et se laissera filmer par Marc Dutroux dans des attitudes pornographiques.
En 1983, Michelle Martin accepte donc de partager la vie de Marc Dutroux. Elle donne naissance à son premier enfant, Frédéric, le 2 juin 1984 et après avoir habité ensemble à Goutroux et à Manage, ils emménagent en 1985 au 128 de l’avenue de Philippeville à Marcinelle dans une maison qu’ils viennent d’acheter. Michelle Martin y sera domiciliée jusqu’en 1994, date à laquelle elle se domiciliera à Sars-la-Buissière.
Les voisins et connaissances du couple, comme Annie Martin, Renée Heno, Wolfgang Worscinski, Patricia Pagnoul, André Frennet, Eliane Baily, Vilma Barbuin, Eric Eloot, Léon Delruelle ou Rachel Gourdin, que ce soit à Goutroux, à Manage ou à Marcinelle, sont assez unanimes pour décrire Michelle Martin en femme soumise et sous influence d’un compagnon brutal, qui aimait se faire servir et qui vivait les volets clos. Il n’était pas rare de la voir marcher la tête basse, le regard fuyant, le visage marqué par les coups qui devaient résulter des fréquentes disputes entendues par le voisinage. Il ne ferait pas propre chez les Dutroux, et l’enfant semblait négligé.
À cette époque, et notamment à partir de 1985, Michelle Martin suit son compagnon partout, jusque dans ses extrémités qui lui vaudront d’être arrêtée en même temps que lui le 3 février 1986 pour des enlèvements et viols de jeunes filles mineures. Elle restera détenue préventivement pendant trois mois durant lesquels elle fera une fausse couche. Le 16 décembre 1988, elle épouse Marc Dutroux, alors qu’il est en prison. Elle sera encore incarcérée du 20 octobre 1989 au 8 août 1991, après sa condamnation par la Cour d’Appel de Mons à cinq ans d’emprisonnement.
Lors de la sortie de prison de Marc Dutroux, le couple achète en 1992 une autre maison située à Lobbes, Sars-la-Buissière. Michelle Martin s’y installe rapidement puis s’y inscrit officiellement en août 1994, après avoir donné naissance, le 24 septembre 1993 à un second fils, Andy. Le 24 novembre 1995, elle donne naissance à la petite Céline. Marc Dutroux, lui, reste officiellement inscrit à Marcinelle, avec Frédéric. Dans la réalité, le couple et les enfants habitent la plupart du temps à Sars-la-Buissière, mais leurs domiciles séparés, imaginés par Marc Dutroux, leur permettent d’être considérés tous deux comme chefs de famille et de percevoir plus d’allocations.
Le voisinage immédiat, Fernand Baudson, Jacqueline Durieux, Sonia Debrulle ou Jonathan Baudson, ne semble certes pas très heureux d’avoir vu débarquer ces nouveaux voisins qui leur ont « soufflé » une propriété qu’il convoitait. Ces voisins constatent au début que Michelle Martin semble être sous la coupe d’un mari qui, à titre d’exemple, n’aurait pas hésité à obliger son épouse enceinte à monter des tuiles sur le toit en grimpant à l’échelle, et à crier dessus parce qu’elle n’allait pas assez vite. Il faisait sale dans la maison, et le désordre régnait. Vers la fin de leur séjour à Sars-la-Buissière, avant l’arrestation d’août 1996, Michelle Martin leur paraissait plus agressive et avoir pris le dessus sur son époux. Lors de l’arrestation de Marc Dutroux, en décembre 1995, Michelle Martin va vivre avec ses enfants chez sa mère à Waterloo. Elle réintègre la maison de Sars-la-Buissière en mars 1996, à la libération de son mari et y sera arrêtée le 13 août 1996.
L’enquête de moralité a été réalisée par l’inspecteur Baudouin Antoine.
Les docteurs Charles, Bongaerts et Jocquet, chargés par le juge d’instruction de procéder à l’expertise mentale de Michelle Martin, vont conclure à l’absence, au moment des faits, d’affection psychiatrique cause d’un état de démence, d’un état de déséquilibre mental ou de débilité mentale. Michelle Martin était donc capable du contrôle de ses actions.
Elle se trouve encore actuellement dans cet état de capacité et on ne pourrait expliquer sa dangerosité sociale par une quelconque psychopathologie.
Les conclusions du collège d’experts s’appuient sur le rapport d’expertise psychologique du Professeur Mormont, mais aussi sur les nombreux documents et rapports rédigés par les experts, contre-experts et collèges d’experts désignés par les autorités judiciaires du ressort de la Cour d’Appel de Mons lors du procès précédent, à savoir les docteurs Schittecatte, Dumont, Maes, Rihoux et Squelart.
Les experts prennent également en compte les rapports et certificats rédigés par les médecins ayant suivi Michelle Martin depuis sa libération en 1991, à savoir les docteurs Pirotte, Lemercier, Dumont, Gilon et Al Zaatiti.
Le casier judiciaire de Michelle Martin mentionne une condamnation, prononcée par la Cour d’Appel de Mons le 26 avril 1989 à cinq ans d’emprisonnement pour plusieurs viols sur mineures de moins de 16 ans, plusieurs viols de mineures de plus de 16 ans et pour deux séquestrations arbitraires.
Michel Lelièvre est né le 11 mai 1971 à Namur. Sa mère Nadia Defoy, n’a pas encore dix-neuf ans lorsqu’elle le met au monde, et son père biologique serait un étudiant italien accidentellement décédé à Bruxelles quelque temps après.
Madame Nadia Defoy aurait fui rapidement les violences de sa propre famille pour chercher refuge, avec son bébé, dans un foyer d’accueil pour filles-mères de la région liégeoise, mais son inconduite et le peu d’attention qu’elle porte à son enfant amènent le juge de la jeunesse à ordonner à l’égard de celui-ci une mesure de placement.
C’est donc âgé de moins d’un an, en avril 1972, que Michel Lelièvre, qui à l’époque porte le nom de sa mère, Defoy, est placé en famille d’accueil à Arsimont, chez les époux André Bouillon et Josette Doumont. Ceux-ci, lorsque Michel Lelièvre intègre leur famille, ont déjà quatre enfants et en ont accueilli une cinquième âgée de quatorze ans et une sixième de deux ans.
Le 15 août 1973, Nadia Defoy donne naissance à un second fils, Benoît, qui vient rejoindre son frère Michel dans la famille Bouillon. L’un et l’autre prennent le nom de Lelièvre lorsque leur mère épouse, en 1978, Christian Lelièvre, qui a à peine quinze ans de plus que Michel, et qui légitime par mariage les deux enfants de Nadia Defoy. À défaut d’en retrouver la garde, le nouveau couple Lelièvre-Defoy obtient et exerce un droit de visite une fois par mois sur les deux garçons. Le couple se sépare en 1987, et Christian Lelièvre est emprisonné pour assassinat en 1989.
Avec son frère Benoît, Michel Lelièvre n’a entretenu que de rares relations peu fraternelles. Les disputes auraient été fréquentes entre les deux frères, Benoît étant plus proche de la famille d’accueil, Michel se rapprochant davantage de sa famille d’origine particulièrement Gilbert Defoy et Denise Lagarde, ses grands-parents maternels.
Les deux frères vécurent pourtant les mêmes problèmes liés à la consommation de drogue. Benoît sera également arrêté en août 1997, et condamné à une lourde peine de prison par la Cour d’Assises de Namur.
Toutes les personnes de la famille d’origine de Michel Lelièvre rencontrées par les enquêteurs ayant réalisé l’enquête de moralité, les inspecteurs Désirant et Jacquet, disent leur étonnement d’avoir appris, lors du déclenchement de l’affaire en août 1996, les faits reprochés à Michel Lelièvre. C’est le cas de ses grands-parents maternels, de sa mère, de son père patronymique, de son frère et de Fabian Yernaux, le dernier compagnon de Nadia Defoy.
Michel Lelièvre a donc vécu en famille d’accueil de 1972 à 1989, et durant toute cette période, c’est la même assistante sociale, Madame Jeannine Guerrieri, qui a pu suivre son évolution. La famille Bouillon, avec ses huit enfants dont quatre en accueil, vit en bordure du village d’Arsimont dans une villa, spacieuse et richement meublée. Ce climat rural, paisible et confortable contraste singulièrement avec les endroits plus défavorisés occupés successivement par les grands-parents et la mère de Michel Lelièvre. C’est du moins pour les quatre premiers enfants, André, Joëlle, Stany et Ariane Bouillon que va se manifester cette période d’opulence, car après le mariage des quatre aînés, selon Martine Constantin, une des enfants accueillies, de graves problèmes financiers vont ralentir le train de vie, et la jeunesse des quatre plus jeunes, dont Michel Lelièvre, va sembler moins rose.
Michel Lelièvre semble avoir mal supporté l’omniprésence de la religion catholique qui régnait dans la famille, les loisirs consacrés aux réunions de patronage, à la messe dominicale et aux veillées de prière, camps de vacances organisés par les Mutualités chrétiennes, dont témoigne aussi Mireille Bouillon, la plus jeune des filles adoptées. À son départ en 1989, lors de ses dix-huit ans, Michel Lelièvre semble avoir gardé un meilleur souvenir de ses frères et sœurs que de sa mère d’accueil qu’il estime trop rigide et dépourvue d’affection, et qu’il quitte sur une dispute.