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Pour Catherine et J.-B.

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AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR

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Je n’avais pas vu Daniel Coleman1 depuis plusieurs années lorsqu’un matin il me téléphona et me proposa de nous rencontrer pour évoquer, disait-il, une affaire de la plus haute importance. Nous avions travaillé ensemble sur des traductions dans une vie antérieure et j’acceptai avec un plaisir teinté de curiosité de le revoir.

Nous convînmes donc d’un rendez-vous dans un petit restaurant que tenait un ami commun, en Centre-Bretagne, près du Lac de Guerlédan.

Daniel Coleman arriva à l’heure dite, blouson de cuir et casque à la main. Après les salutations d’usage, je retrouvai immédiatement l’homme chaleureux et disert que j’avais fréquenté quelques années auparavant et, c’est assis autour d’une table isolée, qu’il me raconta son histoire… — celle que vous allez, dans ses grandes lignes, lire dans les pages qui suivent.

Ensuite, il me remit son manuscrit et, au cours de la discussion qui s’ensuivit, je compris à demi-mot que la forme romanesque, qu’il avait déjà plusieurs fois explorée par le passé, n’était qu’un modus operandi permettant de raconter des événements qu’il aurait réellement vécus tout en masquant acteurs et lieux réels de cette histoire.

Il me proposa de le lire et de nous revoir quelques jours plus tard au même endroit. J’acceptai et la fin de notre repas se passa dans la plus grande convivialité, en évoquant nos années de collaboration.

À mon retour chez moi, j’en commençai la lecture.

Je fus stupéfait et incrédule… Compte tenu de ce que raconte ce livre — le lecteur en jugera par lui-même — il était plus que normal que le doute, et le mot est faible, soit la première position que j’adoptai.

Mais, lors de notre seconde — et dernière à ce jour — rencontre, il me permit de consulter divers documents et me montra certaines choses que je n’aurai pas crues possibles. Il ne manqua pas de me prévenir du risque qu’il pouvait y avoir à m’engager dans cette aventure.

Au moment où je rédige cet avant-propos, j’avoue qu’une part de ce doute subsiste toujours en moi…

Il me précisa qu’aujourd’hui, il vivait, par obligation, déconnecté du monde dans l’attente du moment fatal, qu’il passait la majeure partie de son temps en mer, changeant de ports régulièrement, loin des zones trop fréquentées, n’utilisant plus de téléphone portable et ne consultant internet que dans les cybercafés.

Il sera certainement fort difficile au lecteur de souscrire aux événements relatés ici. Et peut-être est-ce mieux ainsi…

Pour ma part, j’ai indiqué en notes les références webographiques que m’avait communiquées Daniel Coleman. J’y ai ajouté, suite à mes propres investigations, quelques-unes de mon cru. Je ne saurai trop conseiller au lecteur qui souhaiterait, en quelque sorte, « augmenter la réalité » du récit de l’auteur de les consulter. Pour certaines, cela pourra peut-être lui prendre plus de temps qu’il ne l’envisageait, mais il me semble que c’est nécessaire.

Enfin, et en accord avec l’éditeur, j’ai complété le tout d’une courte bibliographie indicative sur le « sujet » abordé par ce livre.

Il ne s’agit, évidemment, que de pistes que le lecteur devra explorer avec circonspection, mais aussi, comme je l’ai finalement fait sur les recommandations de l’auteur, avec l’esprit ouvert.

Quoi qu’il en soit, la vie de Daniel Coleman — et peut-être la nôtre — a irrémédiablement basculé durant une nuit étoilée, sur Boro Island…

FRANÇOIS DELYEN

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1. Pour des raisons qui apparaîtront à la lecture de ce livre, l’auteur et moi-même avons choisi d’utiliser des pseudonymes. Je les conserverai donc dans cet avant-propos.

PREMIÈRE PARTIE

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LA NUIT OÙ TOUT A COMMENCÉ…

Celui qui dit un mensonge ne prévoit point le travail qu’il entreprend, car il faudra qu’il en invente mille autres pour soutenir le premier.

ALEXANDER POPE

Quelle époque terrible que celle où des idiots dirigent des aveugles.

WILLIAM SHAKESPEARE

CHAPITRE PREMIER

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Je venais de terminer la dernière goutte de ce fabuleux whiskey.

Et, comme à mon habitude, j’avais complètement oublié de me réapprovisionner au magasin du port à Bellmullet. Il ne me restait plus qu’à terminer la bouteille de réserve que je laissais sur le bateau. C’était un Powers que j’avais rapporté d’une de mes dernières incursions à Galway. Un breuvage sans grande ambition, mais qui avait l’avantage d’être bon marché et de se trouver à peu près partout. De toute façon, vu mon état, la qualité de l’eau-de-vie n’avait qu’une importance secondaire. Je me levai péniblement de la chaise qui se trouvait à l’extérieur de la maisonnette que j’occupais et me dirigeai d’un pas lourd vers le bateau qui était ancré à un ponton branlant dans la petite baie, en contrebas.

En cette fin mai, le ciel était d’une pureté incroyable et l’air doux qui venait du large donnait à Boro Island, ce minuscule îlot du Mayo, un air de Riviera celtique. Loin derrière moi, à plusieurs miles à l’est, je distinguais à peine la ligne de terre du Cap Erris. Si j’arrivais à ne pas m’écrouler sur mon lit de camp, la nuit promettait d’être exceptionnelle…

Je suivai le sentier rocailleux en essayant de conserver monéquilibre. La mer scintillait jusqu’à l’horizon. En face, après plusieurs milliers de kilomètres d’océan, les côtes Est du Canada. Entre elles et moi, rien… Cette perspective de solitude accentua la sensation que j’avais recherchée en venant ici. Vacuité et immensité. J’approchai du vieux ponton et je chassai rapidement les souvenirs qui montaient en moi. Ce n’était certainement pas le moment de m’apitoyer sur mon sort et l’alcool avait tendance à me conduire sur ces chemins. Je sautai péniblement sur le pont du petit ketch sur lequel j’avais pas mal bourlingué et me dirigeai vers la cabine. La bouteille à moitié vide trônait entre deux coussins sur lesquels je m’affalai, essoufflé par ma marche et une récente cinquantaine mal anticipée.

Autour de moi, s’étalaient les seuls biens que j’avais pu sauver de ces dernières années : quelques vêtements de marque issus d’une période révolue, le reliquat de mon matériel d’astronomie qui se trouvait là-haut dans la maisonnette, et mes livres. Je devais avoir le bateau le mieux fourni en bouquins de toute l’Europe de l’ouest ! Ceux que j’avais produits côtoyaient les quelques-uns que j’avais écrits et ceux que j’avais pu sauver de mes différents déménagements à la hâte. Piètre bilan…

En jetant un coup d’œil par le hublot, je pus constater que la lumière baissait rapidement. Je me levai donc pour rejoindre mon ermitage d’anachorète et me préparer à une de ces nuits d’observation comme seul l’ouest irlandais peut offrir. Des perspectives infinies, sans pollution, ni lumineuse ni humaine. Cette vision facilita ma remontée et je me retrouvai ainsi sur le seuil de la maisonnette, mon télescope pointé vers le ciel et ma bouteille à portée de main.

Je jetai un coup d’œil morne au transistor que je traînais toujours avec moi. Mon lien « voulu » avec Le monde… Un lien que je n’avais pas allumé depuis la semaine que je me trouvais ici. Mes propres échecs suffisaient grandement à alimenter mes réflexions et la guerre en Syrie, les plans sociaux à répétition ou les massacres perpétrés par des malades de la gâchette aux États-Unis ne m’auraient certainement pas redonné foi en l’Humanité.

Je pris mon paquet de cigarettes et mes allumettes — ici, pas d’interdiction de fumer — et je sortis pour profiter d’un crépuscule magique. Petit à petit, les étoiles naissaient sur l’écran bleu sombre du ciel. À l’ouest, les dernières lueurs du soleil jetaient des couleurs fabuleuses et indescriptibles. Je ressentais toujours, à ce moment de la journée, un sentiment de paix et de sérénité qui justifiait ma présence. Loin du monde. Loin de mes congénères.

Le silence et la beauté de l’univers pansaient mon esprit fatigué.

Cette région avait toujours eu sur moi un effet bénéfique. Même lorsque j’étais enfant… Je l’avais remplacé plus tard par mon addiction, c’est comme ça que l’on dit maintenant paraît-il, à l’uisge beatha1. J’avais troqué les paysages du Connemara et du Mayo par le whiskey qui y était fabriqué ! Ma madeleine à moi, en plus raide…

Mais, aujourd’hui, je retrouvais les sensations que j’étais venu chercher.

Je n’avais vraiment jamais « vécu » en Irlande. Mon ascendance franco-irlandaise et le travail de fonctionnaire international de mon père nous avaient obligés à beaucoup voyagé, et c’est seulement pendant les vacances que nous retournions dans la maison de ma famille paternelle, près de Cong. C’est là que John Ford avait tourné L’Homme tranquille en 1952, un de mes films préférés. C’est là aussi que ma grand-mère nous avait bercés, ma sœur et moi, de toutes ces légendes et de toutes ces croyances qui ont forgé l’âme de ce pays. J’aimais cela et ça a sûrement participé de mes choix ultérieurs. L’inconstance des Irlandais et leur tendance naturelle à l’irrationalité ont fait le reste. Mon côté français, lui, s’est peut-être simplement manifesté par le fait que j’avais choisi de vivre dans ce pays. Certainement pour pouvoir ainsi cultiver ma nostalgie de l’Irlande. Bref, j’avais souvent fait preuve d’une grande immaturité.

Le crépuscule descendait lentement. Le ciel scintillait de plus en plus. Je commençai à orienter mon télescope vers l’espace profond. J’ai toujours été fasciné par la quantité incroyable d’étoiles que révèle cet instrument. On peut, grâce à lui, contempler des milliers et des milliers de points lumineux là où, à l’œil nu, on n’en distingue que quelques dizaines. Chaque secteur du ciel que scrute la lentille de la lunette fourmille de soleils. Cela donne sa réelle dimension à l’univers et nous ramène à notre insignifiance. Tout à fait adapté à mon état d’esprit du moment. Une gorgée de Powers, et je repris mon observation. Le temps passait sans que je m’en rende compte, fasciné par le spectacle.

La nuit était maintenant d’un noir d’encre. Je commençais à somnoler doucement, bercé par les vapeurs d’alcool et le spectacle cosmique qui s’offrait à moi.

Tout à coup, bas sur l’horizon, je crus percevoir un scintillement inhabituel. Je me redressai pour mieux l’observer et sortis mes jumelles du sac à dos posé à côté de moi. Je les pointai en direction de la lumière. Je crus reconnaître aussitôt les feux de position clignotants d’un avion. Certainement un petit appareil de tourisme au regard de son altitude qui était étonnamment basse. Il devait être encore éloigné car je ne pouvais percevoir le bruit de son moteur. Il se dirigeait vers la côte en venant du sud-ouest. Plus il se rapprochait, plus je trouvais étrange sa façon de voler. D’après moi, il évoluait à peine à quelques mètres au-dessus de l’océan. L’absence de lune, ce soir-là, m’empêchait d’en déduire plus. Il semblait voler de façon erratique comme s’il était en détresse. Petit à petit, le bruit de ses moteurs devint audible. Il ne devait plus être loin. Je me préparai mentalement à courir au bateau pour aller lui porter secours s’il devait amerrir.

Soudain, un bruit assourdissant me transperça les tympans.

Ce qui semblait être un avion à réaction, tous feux éteints, venait de passer à quelques mètres au-dessus d’où je me trouvais et se dirigeait à grande vitesse vers le bimoteur. Je crus un instant qu’il avait repéré l’avion en détresse et s’apprêtait à lui porter secours. C’est alors que le chasseur ralentit jusqu’à s’arrêter quasiment en plein vol. Je pensai immédiatement aux Harriers britanniques qui avaient cette caractéristique. Mais, au lieu de prendre en charge le petit avion de tourisme, il s’orienta vers ce dernier et je pus alors voir un missile se détacher de l’appareil et foncer vers le bimoteur en détresse. Une énorme explosion illumina le ciel quelques secondes et tout redevint sombre et silencieux, ne laissant que des étoiles filantes de débris enflammés tomber dans l’océan. Seul le bruit du chasseur, que je ne percevais que comme un ronronnement, perçait le silence.

J’étais totalement dégrisé.

L’avion, tel un insecte bourdonnant, restait en vol stationnaire. Puis, prenant doucement de la vitesse, il se dirigea vers le lieu du crash. Je repris doucement mes esprits et essayai de percer les ténèbres pour observer la scène. Immédiatement, je pensai à la paire de jumelles à vision nocturne que je m’étais offerte sur Ebay quelques semaines auparavant et dont je ne m’étais pas encore servi. Elles se trouvaient sur le bateau. Je dévalai le sentier pour le rejoindre. Malgré mon état, je me retrouvai dans la cabine en moins de temps qu’il faut pour le dire, me saisis des jumelles et grimpai sur le pont. La scène, même si je l’observai maintenant du niveau de la mer, n’avait pas changé. La masse sombre de l’avion se trouvait au large, à quelques centaines de mètres. Je pointai les jumelles dans sa direction et pus observer, dans la lueur verdâtre de la vision nocturne, les contours de l’appareil. Il ressemblait à un de ces nouveaux avions furtifs aux angles saillants, mais, au-dessus de la carlingue, je pus voir comme un genre de « coffre » ouvert2. Je remarquai son absence totale de marquage sur les ailes ou le fuselage. Sa couleur semblait sombre et mate. J’en déduisis qu’il devait être peint en noir ou en gris foncé. La poussière d’eau qu’il déplaçait indiquait clairement des turbines orientées vers le sol. Il restait là, immobile, dans le grondement discret de ses réacteurs. Il s’éleva quelque peu comme pour améliorer sa visibilité et, soudain, je fus totalement aveuglé par une explosion de lumière. J’arrachai les jumelles et mis quelques secondes à récupérer mes facultés visuelles. Le chasseur avait allumé deux puissants projecteurs qui, maintenant, balayaient méthodiquement la surface de l’océan. Il cherchait quelque chose ou peut-être vérifiait-il plutôt qu’il ne restait « rien » à trouver… Sur les zones où se posaient les faisceaux lumineux, apparaissaient, çà et là, quelques débris flottants. L’avion se déplaça alors lentement comme pour quadriller la zone du crash. L’opération dura de longues minutes. Je me rendis soudain compte que, petit à petit, il se rapprochait de l’îlot où je me trouvais. Je compris alors la menace qu’il représentait pour moi. S’il s’apercevait de ma présence, peut-être le pilote déciderait-il de supprimer les témoins de la scène. Je restai pétrifié. Lentement, il s’approchait de la petite baie où était amarré le ketch. Même s’il ne m’apercevait pas directement, il pourrait voir le bateau et se douter qu’il n’était pas venu là tout seul ! J’étais coincé. Le morceau de terre où je me trouvais ne dépassait pas les cent cinquante ou deux cents mètres de long sur une petite centaine de large et il ne manquerait pas de remarquer la masure de pêcheur où je m’étais installé. Heureusement que mes observations astronomiques m’avaient obligé à éteindre ma lampe de camping avant son arrivée. Les secondes me paraissaient des heures. Les deux pinceaux lumineux se rapprochaient dangereusement. Plus que quelques instants et je me trouverais irrémédiablement pris dans leurs cônes de lumière. Mais, au dernier moment, pour une raison que j’ignore encore aujourd’hui, le pilote déplaça légèrement l’appareil vers le nord et le faisceau passa à quelques encablures de mon embarcation. Puis, tout s’éteignit. Le chasseur resta encore une ou deux minutes immobile, puis enclencha ses turbines de vol horizontal et s’éloigna, prenant de la vitesse, pour disparaître dans la nuit.

Je restai là, hébété par ce dont j’avais été le témoin : la destruction sans sommation d’un appareil civil par un chasseur de dernière génération non identifié. Voilà qui remettait sérieusement en cause ma retraite au calme et coupé des vicissitudes du monde.

Je remontai doucement vers la maison et vidai d’une traite la bouteille déjà bien entamée. Que penser de tout cela ?

Par acquit de conscience, je saisis mon portable pour vérifier s’il y avait du réseau afin de prévenir les autorités. Bien entendu, ce n’était pas le cas. Toutefois, dès que je le reposai, je me dis que ce n’était peut-être pas une aussi bonne idée que cela. Il s’agissait manifestement d’une opération qui avait nécessité du matériel qui devait coûter quelques centaines de millions de dollars3. Ce n’était donc certainement pas le fait de quelques trafiquants. Et si ç’avait été une mission officielle, comment alors expliquer l’absence de marquage sur l’appareil. Tout ça ne sentait pas bon. M’en mêler aurait pu avoir des conséquences plus que désagréables, ce que je ne souhaitais pour rien au monde.

Je décidai donc de faire le mort — sans jeu de mots — et de reprendre, dès le lendemain, le chemin de la côte afin de me réapprovisionner et de rentrer en France. J’avais hâte de retrouver un port fréquenté par des gens, somme toute, plus civilisés que je ne le pensais.

Je me glissai donc dans mon duvet sans rallumer quelque lumière que ce soit.

Mais le sommeil ne venait pas et tout cela tournait encore et encore dans ma tête.

C’est alors que je pris une décision pour laquelle j’aurai dû opter bien avant : celle de quitter cette île le plus vite possible. Si les responsables de cet attentat choisissaient de revenir patrouiller pour vérifier en plein jour la situation, il valait mieux pour moi que je ne traîne pas par ici. Je me levai d’un bond, étonnamment lucide et dispos. Je commençai à regrouper mes affaires et à les transporter sur le bateau. Je ne suis pas un skipper hors pair et l’idée de prendre la mer de nuit ne m’enchantait guère, mais j’étais certain qu’il fallait que je mette le plus de distance possible entre moi et cet endroit avant le lever du jour. Aussi vite que je le pus, je chargeai le bateau. Puis, remontant à la cahute, j’essayai d’effacer au mieux les traces de mon passage. Grand cinéphile devant l’éternel, j’essayai d’appliquer les recettes vues au cinéma. Je n’étais pas sûr de mon efficacité, surtout dans la pénombre, mais je fis du mieux que je pus et, quelques dizaines de minutes plus tard, je m’apprêtais à hisser les voiles et à mettre cap au sud. Je n’allumai, bien entendu, aucun de mes feux de positions et croisai les doigts pour ne pas tomber sur un cargo ou un bateau de pêche. Heureusement, cette région de l’Atlantique n’était pas sur des routes maritimes fréquentées, mais tout de même…

La nuit était calme et il me restait encore quelques heures avant l’aube pour tailler la route.

J’étais sur le point de larguer les amarres, lorsqu’un bruit attira mon attention. Un choc sourd. Puis un autre. Comme si quelque chose tapait contre la coque. Cela semblait venir de la proue. Je me dirigeai à tâtons, toujours sans lumière, vers l’avant. Encore ce choc. Cette fois-ci, j’en étais sûr, quelque chose heurtait la coque devant moi. Je me penchai au-dessus de l’étrave. J’aperçus alors ce qui devait être une masse métallique rectangulaire qui bougeait avec le clapot juste au-dessous de moi. Je m’accrochai d’une main au balcon avant pour tenter de l’attraper. Je n’y parvins qu’au bout de ma troisième tentative. L’objet était lourd, mais je réussis à le remonter. Je constatai, en le faisant glisser le long du bord, que quelque chose y était accroché. Dans un ultime effort, je jetai le tout sur le pont du ketch.

C’est alors que je vis, attaché à une mallette en métal argenté, le reste d’un avant-bras déchiqueté au niveau du coude. C’en était trop… Je m’accrochai au bastingage et restituai à l’océan ma consommation de la semaine. Je restai là, pantelant, vidé et parcouru de frissons glacés. L’affaire prenait une tournure qui ne me plaisait pas du tout. Il fallait absolument que je dégage d’ici avant que les choses ne se gâtent pour moi. Je ramassai donc le tout et le jetai dans la cabine sans un regard.

Une bonne brise marine me poussait sur la route que j’avais choisie.

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1. Uisge beatha : eau-de-vie en gaélique. Seul le premier mot a été conservé par la postérité pour donner le « wkisky » écossais ou « whiskey » irlandais. (N.d.T.)

2. D’après la description complémentaire ultérieure que m’en a fait Daniel Coleman, il s’agissait probablement du Lockheed Martin F35B Lightning II dont une vingtaine d’exemplaires auraient été construits à ce jour et qui ne rentrera officiellement en service qu’en 2016. (N.d.T.)

3. À ce jour, le coût du F35B devrait se monter à quelque 300 millions de dollars. (N.d.T.)

CHAPITRE II

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Au petit matin, je croisais au large d’Achill Island. Je surveillais en permanence le ciel au nord, m’attendant à tout instant à voir surgir un avion noir pour me pulvériser. Bien entendu, rien de tout cela n’arriva, et je commençais à me calmer et à réfléchir. Il fallait absolument que j’aille livrer ce que j’avais trouvé aux autorités dans les plus brefs délais. Un petit mensonge suffirait : je raconterai que j’avais remonté mon macabre colis pendant une partie de pêche bien loin du lieu des funestes événements de la veille. Un point, c’est tout. Pas plus de commentaires et l’affaire serait close. Je mis donc le cap sur Westport afin de mettre mon plan à exécution. Mais, plus le temps passait et plus je trouvais toute cette affaire incroyable. Incroyable et fascinante. J’en vins rapidement à la conclusion que le contenu de cette mallette devait revêtir une importance capitale puisqu’on avait utilisé des moyens aussi colossaux pour le faire disparaître. Comme l’après-midi était bien avancé, je décidai de mouiller quelque part dans la Baie de Clew et de prendre le temps de réfléchir.

Le temps passa, me laissant toujours aussi indécis. La nuit irlandaise tombait doucement et je n’arrivais pas à me décider à aller ouvrir cette foutue mallette. Le reste de bras qui y était encore accroché rafraîchissait ma curiosité. Je fumais cigarette sur cigarette dans le carré sans pouvoir me décider. Encore une fois, j’étais tenté de fuir… Puis, soudain, je me levai, me dirigeai vers la cabine et descendis l’échelle. La mallette était là, sur le plancher, avec son macabre appendice menotté. Menotté… Je n’avais pas remarqué ce détail dans la précipitation. La présence de ces menottes donnait un aspect encore plus fantastique à toute cette affaire. J’ouvris la boite à outils, sortis un coupe-boulon et, refrénant ma répulsion, coupait la chaîne d’un coup sec. Enfin, et pour mettre un terme à tout remords ultérieur, je balançais le membre par-dessus bord.

C’était fait… J’étais complice : dissimulation et destruction de preuves…

Aussi, c’est sans scrupule que je commençai à examiner la mallette. C’était un modèle ultra-sophistiqué et j’étais persuadé qu’elle était absolument étanche. Les serrures semblaient extrêmement solides. Je sortis un marteau et un burin de ma boîte à outils et je m’attaquai à les faire sauter.

J’aurais certainement dû m’en tenir à mon plan initial, car alors qu’elles allaient céder et que la mallette dévoilerait son contenu, je sus tout de suite que c’était la Boîte de Pandore que j’étais en train de fracturer…

Et elles cédèrent, non sans quelques efforts et jurons de ma part.

J’ouvris le couvercle. Comme je l’avais pensé, le contenu avait été parfaitement tenu au sec et j’en fis un rapide inventaire.

La première chose que je remarquai fut une curieuse sphère de la taille d’une boule de pétanque. Un clavier numérique tactile dernier cri en dépassait. Je supposai qu’il s’agissait d’un genre de serrure chiffrée car je pus distinguer, tout autour de la sphère comme une infime ligne qui suggérait qu’elle pouvait s’ouvrir. Je ne pus distinguer, toutefois, de charnières pour me confirmer cette hypothèse. Le nombre de combinaisons possibles — plusieurs centaines de millions — me dissuada de m’y atteler pour le moment…

Je posai donc la sphère sur la table et passai au reste du contenu de la mallette. J’en retirai une pile d’une bonne vingtaine de dossiers sur lesquels figuraient des tampons indiquant les mentions Top Secret ou Eyes only. Cette fois-ci, nous y étions… Je me réservai leur contenu pour plus tard.

Il ne restait plus dans l’attaché-case que deux boîtes en métal dont l’une était scellée. La première renfermait deux bobines de film en 8 mm et deux DVD sans aucune inscription dans leurs boîtes en plastique. Je déroulai une bobine de l’un des films et tentai de comprendre ce qu’elle contenait. Sur les images, au regard de leur taille, on discernait ce qui pouvait ressembler à des hommes en uniforme et en civil qui parlaient avec des enfants. Je décidai d’attendre d’avoir accès à un projecteur afin de les visualiser correctement. Puis, je pris mon ordinateur portable et y glissai l’un des DVD. Immédiatement une demande mot de passe apparut. Désappointé, j’éjectai le DVD et le rangeai.

En ce qui concernait la boite scellée, j’avoue avoir hésiter à faire sauter les cachets de cire. Mais, après une courte réflexion, je me suis dit qu’au point où j’en étais… J’arrachai donc les scellés avec un luxe de précaution qui en disait long sur mon appréhension. Puis, j’entrouvris la boite. À l’intérieur, se trouvait environ une trentaine de plaques de verre, du type de celle que l’on place sous un microscope. Des feuillets soigneusement pliés et rédigés en russe, me semblait-il, les accompagnaient.

Pour finir, j’examinai attentivement la mallette, mais elle ne refermait plus rien d’intéressant. La seule chose que je pus déduire par une inscription sur le métal, c’est qu’elle était de fabrication américaine.

Tout cela était loin de m’avoir apporté les réponses que j’attendais. Une sphère-coffre métallique que je ne pourrais probablement jamais ouvrir, d’éventuels échantillons biologiques dont je ne connaissais ni l’origine ni la destination, des films que je ne pouvais visionner pour l’instant et deux DVD dont l’accès était codé. Bref, seuls restaient les dossiers.

Après avoir replacé tous les objets dans la mallette, je concentrai mon attention sur eux. C’était des chemises en carton brun clair sans aucune indication à l’exception des tampons rouges indiquant leur caractère ultra-confidentiel.

Mais leur contenu dépassa tout ce que j’aurais pu imaginer.

S’ils étaient véridiques, il s’agissait là de différents rapports ayant trait à l’existence d’une ou plusieurs civilisations extraterrestres dont des membres avaient visité notre planète. Les plus anciens dataient de 1948 et les plus récents de la fin des années quatre-vingt-dix. C’était absolument incroyable ! Les rapports qu’ils contenaient semblaient venir de plusieurs agences gouvernementales américaines comme le FBI, la CIA, la NSA et même l’Air Force. Il y avait des comptes-rendus d’observation faits, semblait-il, par des militaires, des photos, des rapports de récupération de vaisseaux et d’adaptation de technologies et même des documents décrivant, semble-t-il des rencontres d’officiels américains avec certaines de ces créatures !

Ce ne pouvait être évidemment qu’un canular.

Mais fait-on sauter un avion en plein vol pour alimenter un canular ? C’était dingue et bien plus énorme que tout ce que j’avais pu penser.

On avait donc voulu détruire ces preuves ou peut-être empêcher les occupants de l’avion de tourisme de les vendre ou de les divulguer ! Et pour cela, on les avait purement et simplement éliminer. C’était la seule explication possible.

Il ne s’agissait plus maintenant de révéler quoi que ce soit aux autorités. C’était ma peau qui était en jeu…

Aussi, décidai-je de reprendre la mer et de rentrer le plus tôt possible en France pour réfléchir à une stratégie.

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CHAPITRE III

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Le retour vers mon port d’attache du Sud-Finistère prit plus de temps que prévu, la météo s’étant franchement dégradée en vue du Cap Lizard. Je dus concentrer toute mon attention sur la navigation et laisser pour le moment l’affaire de Boro Island de côté. C’est ainsi que j’avais « nommé » mon aventure — un petit frisson de romanesque. Mais, plus le temps passait, plus je me disais que, sans cette mallette dans ma cabine et ce qu’elle contenait, je croirais avoir fait un coma éthylique ou avoir été victime d’hallucinations. Pourtant, un fait est un fait et une preuve est une preuve. Si ce qui se trouvait dans cette mallette s’avérait être vrai, malgré toute mon imagination, j’étais incapable de mesurer l’étendue des conséquences…

Il me fallait agir et, pour ce faire, j’allais être contraint de reprendre contact avec certaines de mes anciennes relations, ce qui ne m’enchantait guère. Il faut dire que, pendant une vingtaine d’années, j’avais dirigé une petite maison d’édition dont la spécialité était l’ésotérisme et la spiritualité. Quelques mois plus tôt, l’Église de Scientosophie m’avait intenté un procès en diffamation suite à un opuscule que j’avais publié. Je l’avais perdu pour de sombres raisons et je m’étais retrouvé contraint de mettre la clé sous la porte afin d’éviter les dommages et intérêts ahurissants auxquels on m’avait condamné.

J’avais passé mes trente premières années dans un dilettantisme professionnel qui était la marque de mon incapacité à fixer avec constance mon énergie. J’avais fait un peu de journalisme, écrit quelques romans qui eurent la chance d’être publiés sans jamais dépassé les cinq cents exemplaires vendus et même fricoté avec quelques politiques. Bref, rien de bien constructif. Mais, après la mort de mes parents dans un accident d’avion, nous avions touché, ma sœur et moi, un héritage somme toute confortable qui m’avait permis de voir l’avenir avec plus de sérénité matérielle que jamais auparavant. Ma sœur, Deirdre, de son côté, était partie s’installer à New York où elle avait monté un petit commerce de bouche qui semblait avoir bien prospéré. Malheureusement, nous ne nous voyions plus beaucoup.

L’opportunité qui s’était présentée à moi de racheter cette petite structure d’édition qui périclitait et peut-être de lui donner une nouvelle vie m’avait tenté. L’aventure avait duré vingt ans. Cette activité m’avait permis de côtoyer un panel représentatif de nos congénères. Depuis le fondu de numérologie qui voyait dans son numéro de sécurité sociale l’équation absolue de l’univers jusqu’à l’érudit local qui pensait que le Christ était en fait né dans la ferme voisine de son domicile, en passant par l’adepte de la théorie du complot qui voyait partout le retour du IIIe Reich mené par un clone d’Hitler. Mais il est vrai aussi que j’avais aussi rencontré des gens fascinants pour qui la spiritualité était une vraie valeur de leur quotidien. Malheureusement pour moi, j’avais réussi à échapper aux ufologues, fous ou non, dont j’aurai bien eu besoin aujourd’hui. Mais il me restait un réseau de journalistes spécialisés qui pourraient peut-être m’aider à débrouiller cet écheveau et à y comprendre quelque chose.

À force de cogitation, je n’avais pas vu le temps passer et j’arrivai bientôt en vue de Port-la-Forêt. Une fois les manœuvres d’entrée au port effectuées et ma place rejointe, je fis les branchements sur le bateau et commençai par faire quelques courses de première nécessité. Le hasard fit que je croisai en ville Jean-Baptiste Sauveur, un de mes meilleurs amis qui tenait le magasin de photos où je m’approvisionnai en matériel d’astronomie qui était aussi l’une de ses passions.

– Salut, Dan ! Où t’étais passé ? Ça fait au moins un mois que je ne t’ai pas vu…

– Oh, j’étais en mer. Une petite virée en Écosse… mentis-je, pris de cours.

– Oh, oh ! Le tour des distilleries ! Tu as bien rapporté quelque chose de sympa de ta balade ?

J.-B. partageait aussi avec moi la passion du whisky et il savait que je revenais rarement de mes escapades sans une, voire plusieurs, bouteilles « expérimentales ».

– Pas cette fois, J.-B. Je suis désolé. Par contre, j’aurai bien besoin de tes lumières. (Je me risquai :) Est-ce que tu sais où je pourrais me procurer un projecteur 8 mm, par hasard ?

Il resta quelques secondes à réfléchir.

– Je me demande si je n’aurais pas ça dans la réserve du magasin. Je vois ça et je t’appelle dans la journée. OK ?

– OK pour moi. À tout à l’heure, alors…

De retour au bateau, je décidai de passer quelques coups de fils à mes contacts. Je commençai par Gérard Muffler. C’était un petit fanzineux mondain un peu arrogant, mais qui possédait un réseau incroyable. Il était du moindre lancement de livre ou de film sur Paris et il en profitait à chaque fois pour étoffer son carnet d’adresses. Il fallait que je la joue fine avec lui parce qu’il avait un nez de dix mètres de long qui lui permettait de flairer la moindre bonne affaire pour améliorer sa position.

Je composai son numéro et sa messagerie se déclencha immédiatement :

– Ici le professeur Gérard Muffler. Je suis absent pour le moment. Vous pouvez laisser un message et je vous rappellerai dès que possible. Merci.

Il tenait son titre ronflant de « professeur » d’un pauvre poste d’enseignant-assistant dans un collège catholique bien-pensant où il dégoûtait à vie ses malheureux élèves de la littérature allemande.

– Salut, Gérard. C’est Daniel Coleman. J’espère que tu vas bien. J’aurais un petit service à te demander. Si tu peux me rappeler. Merci.

Je raccrochai, certain que cette demande de « service » serait suivie d’un retour d’ascenseur immédiat.

Je repris ma liste et passai une bonne dizaine de coups de fil. J’eus peu de retours. Une partie de mes appels aboutit sur des messageries. Ceux que j’arrivais à joindre, soit n’étaient plus dans le coup, soit n’avaient aucune relation dans les milieux ufologiques.

Toutefois, trois de mes conversations m’apportèrent quand même du grain à moudre. Un de mes interlocuteurs me donna les coordonnées d’un astrophysicien de l’université d’Orsay, le professeur Gilly, dont la carrière avait été compromise par ses prises de position sur le phénomène Ovni. Le second, sous le couvert de l’anonymat, me fournit celles d’un officier supérieur de l’Armée de l’Air qui avait participé à un rapport officiel présenté au président Chirac et au Premier ministre Jospin, quelques années auparavant. Le dernier me conseilla vivement de prendre contact avec un sociologue spécialisé sur le sujet. Il me précisa qu’il fallait toutefois conserver un certain esprit critique sur ses affirmations, car des rumeurs contradictoires circulaient sur son compte.

Fort de ces trois noms, je me décidai d’approfondir ma propre perception du sujet. Je branchai donc mon portable et activai internet. Je dois avouer que, comme pour beaucoup des habitants de cette petite planète — dont vous, je suppose —, mes contacts avec le phénomène Ovni étaient loin d’être du troisième type. Jusqu’alors, je n’y avais porté aucun intérêt particulier ayant plutôt tendance à considérer que cela relevait de la science-fiction ou, au mieux, que cela faisait d’excellent sujet pour les « blockbusters » hollywoodiens. Malgré ce parti pris de départ, j’étais, par principe, ouvert à tout, à partir du moment où cela avait des fondements objectifs. Et aujourd’hui, de l’objectif, j’en avais !

J’activai donc Google et tapai « Ovni » dans le moteur de recherche. J’obtins instantanément plus de 17 millions d’entrées ! J’optai, comme tout bon acteur de la civilisation de l’image, pour l’option « vidéo ». Là, plus de 6 millions de liens m’attendaient. Je répétai l’opération avec l’entrée « UFO’s », la version anglaise, et c’est près de 36 millions d’entrées qui apparurent dont plus de 27 millions de vidéos. C’était du délire ! Si on tape « Obama », par exemple, on n’obtient « que » 800 000 entrées. Ou « Seconde Guerre mondiale » avec seulement 7 millions d’entrées. J’essayai de tirer les premières conclusions de cette statistique à l’emporte-pièce. Le phénomène, même s’il ne faisait quasiment jamais la « une » des médias, motivait pour diverses raisons les populations du globe. Des quantités invraisemblables de films, souvent pris aujourd’hui avec des téléphones portables, encombraient le net.

Il me fallait donc plus d’éléments pour comprendre le phénomène. Je me mis donc à consulter des dizaines de sites pro et anti. Il y avait de tout. Des fêlés, des mystiques, des paranoïaques, des angoissés, des érotomanes, des apocalyptiques, des rationalistes, et même, me semblait-il, quelques personnes normales dans tout ce fatras. Je compulsai, pendant des heures, des pages et des pages. C’était trop. Comment faire le ménage dans ce souk de l’information qu’est internet ? J’étais en train de me poser la question quand mon portable sonna :

– Dan ? C’est J.-B.

– Salut, J.-B. Alors ?

– C’est tout bon. J’ai retrouvé le projecteur 8 mm. Il a l’air de fonctionner, mais la lampe est morte. J’aurai sa remplaçante dans deux ou trois jours. Ce sera toujours bon ?

– Parfait. Tu m’appelles quand ce sera OK. On en profitera pour goûter un « spécial », mais j’aurai besoin de toi pour faire marcher ce truc. Ce sera possible ?

– Pas de problème. Tu veux te passer des films de quand t’étais petit ? ironisa-t-il.

– C’est pas tout à fait ça, mais on en reparlera. À plus.

Je coupai la communication.

Je ne savais pas encore comment je pourrai présenter la chose à J.-B. On se connaissait depuis longtemps et nos passions communes nous avaient permis de développer une franche amitié. Mais comment réagirait-il à mon histoire ? Bah, je verrai ça le moment venu.

Je ne repris pas mes recherches sur le web. Il me fallait quelque chose de plus concis, de plus direct. Je me décidai donc à essayer de joindre en priorité les trois personnes que m’avaient fournies mes contacts. C’était peu, mais c’était tout de même un début. J’avais la tête en compote et je décidai de remettre tout ça au lendemain. Je montai sur le pont du bateau avec une bière et seulement l’envie de mettre un terme, au moins temporairement, à toute cette histoire.

La nuit tombait et je passai le reste de la soirée à gamberger en regardant la mer.

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CHAPITRE IV

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Le lendemain matin, je fus réveillé par mon portable qui grelottait dans la poche de mon blouson. Je regardai l’heure — 8 h 00 — et l’origine de l’appel — Gérard Muffler. De quoi bien commencer la journée…

Je décrochai :

– Allô ?

– Bonjour, Daniel. C’est Gérard Muffler.

– Oh, bonjour, Gérard ! articulai-je la bouche pâteuse.

– Je ne te réveille pas ?

– Penses-tu ! J’étais en train de bricoler, mentis-je avec entrain. C’est sympa de me rappeler…

– Pas de problème. Qu’est-ce que je peux faire pour toi ?

– Eh bien, voilà. Je travaille sur un projet concernant le « mythe » des soucoupes volantes…

– Tu as repris le collier ?

–