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« Nous n’avons rien à cacher.
Soyez curieux de tout ;
c’est une qualité humaine. »
Déclaration au Grand Orient.
Le lecteur constatera plusieurs répétitions dans cet ouvrage (références au dialogue historique entre un cardinal et un grand maître maçon, parcours maçonnique de l’auteur, symbolisme des outils...).
Il ne s’agit pas de redondances, de flagornerie ou de copinage, mais la volonté de ne pas tronquer des situations (interviews, émissions, articles, conférences...) aboutissant à des répliques particulières ou à des dialogues spécifiques.
En ce sens aussi, « Sur les pas des francs-maçons » est bien un livre de « terrain ».
Il y a quelque trois siècles, la Franc-Maçonnerie dite « moderne », venant d’Angleterre, a commencé à essaimer en France. À peu près à la même époque, elle s’est implantée en Belgique, du moins sur un territoire proche de celui que nous connaissons à l’heure actuelle. En somme, la Franc-Maçonnerie belge est beaucoup plus ancienne que la Nation elle-même !
Un peu plus tard, quelques Anglais et Genevois formèrent une Loge en Suisse, alors que la Franc-Maçonnerie fit son apparition au Duché de Luxembourg vers 1770, sous une forme mi-militaire mi-civile.
La diversité de la Franc-Maçonnerie française, belge, suisse et luxembourgeoise (sans omettre la Franc-Maçonnerie anglo-saxonne, italienne, espagnole, scandinave…), est une véritable richesse qui, depuis trois siècles, donc, propose, certes un tronc commun, mais aussi de nombreux courants : anciens, modernes, matérialistes, spiritualistes, unisexes, mixtes, réguliers, irréguliers…
Cet ouvrage se veut une pierre ajoutée au grand édifice de cette vénérable société initiatique et une ouverture supplémentaire vers le monde profane. Une pierre qui, néanmoins, a une spécificité : elle a été façonnée sur le « terrain » (d’où, des sujets principalement dévolus à la France et à la Belgique, car l’auteur y excelle) et pas exclusivement dans des cénacles.
Cet ouvrage se veut, encore, tout aussi modestement, un carrefour d’idées, un peu comme celle émise par Michel Mamine, chroniqueur au magazine « Initiations », qui y aborde le mot « sacré » :
« (…) Les cultures traditionnelles nous offrent, dans la plupart des cas, des textes sacrés, une langue sacrée, des nombres sacrés, des alphabets sacrés, des objets sacrés, des rites sacrés.
N’en serait-il pas de même en Franc-Maçonnerie ? Ne pourrait-on pas proposer de réserver justement le mot sacré à la Franc-Maçonnerie, pour le remplacer dans les religions par consacré, saint ou sanctifié ?
Quid du substantif « sacrement » directement apparenté à sacré, mais qui n’est jamais employé en Franc-Maçonnerie ?
Qu’il est difficile de retrouver ses petits entre monde profane et monde sacré !
(…) Le sacré n’est pas seulement ce qui procède d’un Dieu, mais ce qui élève l’Esprit au-dessus de la matière.
(…) Ce sacré est choisi par l’Initié, et non imposé par un dogme.
(…) Pour nous (les francs-maçons) le sacré, c’est l’Homme, l’Humanité, et non un principe religieux révélé autre que l’Homme. »
Sur un autre plan, d’aucuns stigmatisent ceux qui se dévoilent en tant que francs-maçons. C’est un débat qui fait « rage » sur certains blogs, Facebook, voire au sein de divers Ateliers.
Pour ma part, tout en reconnaissant à chacun le choix de se dévoiler ou non, et en le respectant, j’ai pris le parti de me déclarer franc-maçon, dès mon initiation, en privé comme en public, car je suis fier de l’être.
Que je sache, la Franc-Maçonnerie est une société honorable – malgré quelques brebis galeuses… comme dans toute société humaine –, et il n’y a pas de honte à en faire partie.
Je pense, sincèrement, que si tous les francs-maçons dignes de ce nom (donc, par corollaire, en excluant lesdites brebis galeuses, les affairistes…) se dévoilaient, cela ferait tomber pas mal de préjugés à leur égard, ainsi que des fantasmes et calomnies qui circulent depuis de nombreuses décennies.
Je suis saturé que l’on compare la Franc-Maçonnerie à une sorte de mafia et je ne peux qu’emboîter le pas de Jacques Lafouge, Grand Maître du Grand Orient de France, quand il dit : « Nous avons trop cultivé une espèce de goût du secret mal gardé. Et nous avons laissé se développer des légendes qui finalement nous desservent. »
Est-ce avoir du « courage » que de se dévoiler ? Est-ce être gêné de son appartenance à cette Société initiatique en ne se dévoilant pas ? S’agit-il vraiment de cette « discrétion » portée par certains comme un étendard ou d’une frilosité « maladive » à se déclarer franc-maçon au nom d’une « excuse » professionnelle ou familiale, voire corroborer implicitement tous ceux qui évoquent une « déviance » à être membre de cet Ordre universel et pourtant, ô combien, démocratique ?
Ce n’est pas à moi de juger, certes, mais je constate que tout ce climat contribue fortement à donner du grain à moudre aux anti-maçons !
C’est sous ce titre que Jean-François Maury, rédacteur en chef de la nouvelle parution « Franc-Maçonnerie Magazine » (remplaçant, fin 2009, « Initiations Magazine », dont il sera question dans le présent ouvrage), écrivit son premier édito :
« Club d’entraide, voire mafia, ou alors secte ? C’est ce que répandent ceux qui ont des idées reçues sur la Franc-Maçonnerie. Quant aux sociologues, ils se demandent pourquoi elle a tant d’ennemis ou de faux amis. Y aurait-il, là derrière, quelque chose de caché pour donner à la Franc-Maçonnerie autant de mystères ? »
Ce sujet de l’anti-maçonnisme, comme tant d’autres, sera abordé dans mon ouvrage qui, je le répète, se veut surtout le reflet d’une Franc-Maçonnerie de terrain.
De cette Franc-Maçonnerie spéculative qui prolonge la tradition initiatique des Anciens, perpétue leur Sagesse, leur Connaissance et la symbolique à travers ses rituels et ses rites.
Il n’est pas question de revenir de manière détaillée sur les origines historiques de la Franc-Maçonnerie, tant de livres, films, DVD, thèses et autres Morceaux d’Architecture ou Planches (exposés en Loges), parfois regroupés dans des ouvrages spécifiques, regorgent de discours, déclarations, proclamations, entretiens… sur la question.
Néanmoins, par-ci par-là, une touche « historique » fera son apparition afin, bien entendu, d’illustrer, de développer ou de compléter mes propos.
Ainsi, pour d’aucuns, la Franc-Maçonnerie est issue des chantiers des édifices sacrés romans et gothiques, là où des artisans formant une véritable élite, ont jeté les bases de ce que l’on intitule aujourd’hui la « Franc-Maçonnerie opérative » (« Operare » : de travailler de ses mains).
Tailleurs de pierre, charpentiers, imagiers ou sculpteurs, maîtres et ouvriers travaillant, de chantier en chantier, à l’édification d’abbayes, d’églises, de cathédrales…
D’une manière générique, on peut dire « maçons » parce qu’ils taillaient, façonnaient et assemblaient les pierres, « francs » parce qu’ils bénéficiaient de franchises (droit, charte…) allouées à une corporation ou communauté de gens du Métier, les « Bâtisseurs » pratiquants de l’« Art Royal ».
Certains voient aussi dans le Compagnonnage et la Franc-Maçonnerie (opérative, donc) une seule et même origine « légendaire », celle de l’érection du Temple de Jérusalem par le Maître architecte Hiram (Xe siècle avant Jésus-Christ) avec sa fameuse classification d’Apprentis et de Compagnons.
Ensuite, après la Renaissance, est apparue la « Modernité ». À savoir, un déclin de la Franc-Maçonnerie traditionnelle. Alors, des Loges recrutèrent des personnes qui ne relevaient pas obligatoirement dudit « Métier », mais qui, cependant, étaient « philosophiquement » proches des opératifs et s’intéressaient donc à leur symbolisme et à leurs rites.
Tailleurs de pierre, imagiers, charpentiers, maîtres… à l’œuvre au Moyen Âge.
Ainsi est née, en 1717, à Londres, ce que l’on appelle à ce jour la « Franc-Maçonnerie spéculative » ou « Franc-Maçonnerie moderne » (« Speculare » : de travailler avec sa pensée).
Pour résumer, c’est au XIXe siècle que les Compagnons du Tour de France ont redonné à la Franc-Maçonnerie opérative toutes ses lettres de noblesse.
À l’heure actuelle, parmi de nombreuses définitions, on peut dire que la Franc-Maçonnerie est un Ordre initiatique universel qui se base sur la fraternité et qui vise à réunir les Hommes par-delà leurs différences.
En d’autres termes, les francs-maçons spéculatifs œuvrent à l’édification du « Temple de l’humanité ».
Quant aux Compagnons, ils se distinguent des autres ouvriers et artisans pour trois raisons particulières :
1. Leurs compétences professionnelles sont au-dessus de la moyenne.
2. Ils ont voyagé de maître en maître, de ville en ville, parfois de pays en pays pour les acquérir (Compagnons du Tour de France).
3. Ils pratiquent des coutumes, des rites initiatiques et tissent des liens fraternels entre eux.
Pratiquants de l’Art Royal.
En 2007, lors de la première conférence internationale sur l’histoire de la Franc-Maçonnerie, la filiation entre Francs-Maçons opératifs médiévaux et Francs-Maçons spéculatifs dits modernes, a été confirmée, selon l’auteur Marc Halévy, dont il sera abondamment question dans le chapitre « Irréguliers, réguliers, dogmatiques et autres ». Cette filiation est également confirmée dans l’excellent documentaire « La Clef écossaise » de Christian Bourlard et François De Smet.
Avant d’expliciter davantage l’épineuse rumeur qui affirme que c’est grâce à un complot maçonnique que différents Frères régentent la planète, une autre réponse peut être apportée à ce fantasme en faisant, tout simplement, une démonstration par l’absurde : comment voulez-vous régenter le monde quand au sein de votre propre organisation, malgré un « tronc commun » sur le plan idéologique – et encore ! –, il y a tant et tant de différences aux niveaux des rites, des Obédiences, des fonctionnements… ?
Cet exemple est celui de la Franc-Maçonnerie belge, mais, en France, il en est de même quand on assiste aux débats, souvent houleux, qui se déroulent au sein du Grand Orient de France à propos de l’initiation féminine qui est catégoriquement rejetée par d’aucuns, ardemment souhaitée par d’autres, ou à la Grande Loge Nationale Française au sein de laquelle des dizaines de Frères s’élèvent publiquement depuis décembre 2009 « contre une minorité de frères qui salissent l’obédience toute entière », s’élèvent contre, je cite toujours, « l’étalage médiatique excessif du grand-maître » ou « le manque cruel de démocratie ».
Ainsi, à l’instigation de l’Antenne Interuniversitaire Université Libre de Bruxelles-Université Catholique de Louvain, Yvon Poncin a donné une conférence sur le thème de « La Franc-Maçonnerie en Belgique » à l’Espace Toots d’Evere, au printemps 2009.
Être franc-maçon, c’est tailler sa pierre brute pour l’insérer dans le temple de l’Humanité, selon Yvon Poncin, conférencier.
Voici l’essentiel de sa présentation :
« La Franc-Maçonnerie belge est assez atypique, mais, c’est, aussi, un objet de controverses que je vais exposer… »
Le conférencier rappelle tout d’abord l’objectif principal de la Franc-Maçonnerie :
« C’est une association d’hommes et de femmes libres, animés d’un idéal de fraternité, respectant les diversités, aspirant au progrès individuel et collectif. En d’autres termes, le franc-maçon taille sa pierre brute pour l’insérer dans le temple de l’Humanité. »
La Franc-Maçonnerie débute en Angleterre avec le fils d’un pasteur huguenot, Jean-Théophile Desaguliers (1683-1714). Il fut le premier Grand Maître et avait pour idéal de faire partager le progrès (scientifique) à toute la population.
Parallèlement, James Anderson institua des « Constitutions ».
1er problème : dans ces Constitutions, il est spécifié : « Le franc-maçon ne sera jamais athée stupide, ni libertin irréligieux… »
« En Belgique, il y a déjà un problème : ce sont surtout des athées… mais ils ne sont pas stupides ! »
2e problème : toujours dans ces mêmes Constitutions, « on y exclut de la Franc-Maçonnerie les infirmes et les femmes, d’où une dissension dans les Loges continentales et l’Angleterre. »
La Franc-Maçonnerie a connu un grand succès et, en 1721, création de la première Loge en Belgique, à Mons.
À Bruxelles, la Loge « Union » essaime à cinq reprises.
Marie-Thérèse d’Autriche, qui a eu pour mari un franc-maçon, n’aime pas trop la Franc-Maçonnerie. Elle considère que les francs-maçons doivent uniquement s’occuper de philanthropie.
Son fils Joseph II, despote éclairé, veut tout maîtriser, y compris la Franc-Maçonnerie. Il supprime vingt Loges dans le pays et n’en laisse subsister que trois à Bruxelles.
Joseph II fâche la population.
(…) Joseph Bonaparte devient Grand Maître, ainsi que Guillaume d’Orange, Grand Maître de la Franc-Maçonnerie en Belgique, Frédéric d’Orange est initié à la Loge bruxelloise « L’Espérance », dès lors, les francs-maçons de Belgique ne sont pas poursuivis ou martyrisés comme dans d’autres pays (Grèce, Espagne, Portugal…)
(…) La Belgique devient indépendante en 1830 suite à l’action, entre autres, de francs-maçons épris de liberté : Alexandre Gendebien, Charles de Brouckère, Charles Rogier…
Léopold Ier, « personnage complexe qui n’a jamais dit qu’il avait été reçu franc-maçon à la Loge « Espérance » à Berne, assied cependant son autorité sur quatre piliers : l’armée, la banque, l’Église catholique (alors qu’il était luthérien) et la Franc-Maçonnerie. »
(…) Le Grand Orient de Belgique est fondé en 1833, c’est une rupture avec les Pays-Bas et un camouflet pour Frédéric d’Orange.
« Les catholiques profitant un peu trop du pouvoir (Université Catholique de Malines devient l’Université Catholique de Louvain), les libéraux réagissent.
Lors du Solstice d’été 1834, Théodore Verhaegen et d’autres décident de créer l’Université Libre de Belgique qui deviendra l’Université Libre de Bruxelles. »
Les papes (Clément XII, Benoît XIV, Grégoire XVI, Pie IX, Léon XIII), l’archevêque et les évêques de Belgique condamnent la Franc-Maçonnerie : les francs-maçons n’avaient plus droit aux sacrements, étaient excommuniés…
Réaction de la Franc-Maçonnerie en Belgique : « Elle reste religieuse mais devient férocement anticléricale. En 1976, fort heureusement, les évêques peuvent autoriser la Franc-Maçonnerie, donc plus d’excommunications obligatoires. Mais, ceci n’est pas suivi par tous les évêques… Ainsi, Monseigneur Léonard a déclaré que la Franc-Maçonnerie était la secte la mieux protégée de Belgique… » (En janvier 2010, Monseigneur Léonard a été nommé archevêque de Malines-Bruxelles par le pape Benoît XVI, il succède au cardinal Danneels.)
(…) Cette situation a pour effet que la Franc-Maçonnerie recrute des catholiques modérés, des libres-penseurs, des gens viscéralement opposés au clergé…
À ce propos, Hervé Hasquin (historien, auteur…) a écrit que « les condamnations papales allaient donner un souffle nouveau et de nouveaux idéaux : combattre le cléricalisme et défendre la laïcité. »
Dans ce contexte, le Grand Orient de Belgique a supprimé quelques notions des Constitutions puisqu’il voulait traiter de libre examen.
Le conférencier poursuit :
« On quitte le domaine religieux pour le domaine politique, et on assiste à un antimaçonnisme avec la création d’une Ligue antimaçonnique, l’Union nationale, avec l’imposteur Taxil qui édite « Les mystères de la Franc-Maçonnerie » y montrant un rituel d’inspiration satanique et des orgies dans les temples, avec « l’alliance entre les francs-maçons et les juifs pour exclure les royautés catholiques », selon « Les Protocoles des Sages de Sion ». Des notions de complot qui sont encore présentes à des degrés divers à l’heure actuelle. »
« Le machiste Grand Orient de Belgique a dit que la Franc-Maçonnerie est exclusivement masculin. » (remous dans la salle)
Pourquoi ?
« Par références aux Constitutions, aux statuts du Grand Orient de Belgique, parce que la présence des femmes dans les temples modifierait l’ambiance, certains hommes n’arrivant pas à maîtriser leur séduction… »
(…) « Gatti de Gamond est la première franc-maçonne belge, elle fut initiée à Paris car les Belges étaient assez rétrogrades. »
Après avoir cité les principales Obédiences (« La Grande Loge de Belgique continue à honorer le Grand Architecte de l’Univers. Ce terme peut signifier un dieu ou cela peut-être le « hasard » qui a créé la nature »), l’orateur explique quelques raisons d’entrer en Franc-Maçonnerie :
« Parce qu’on cherche des amis, autant réfléchir avec d’autres, par besoin de satisfaire un aspect social, par curiosité, par besoin de mystérieux, pour promotion sociale…, mais rentrer en Franc-Maçonnerie est difficile. »
Et, de citer Bertrand Fondu, le Grand Maître du Grand Orient de Belgique en 2009 :
« La Franc-Maçonnerie a un caractère initiatique, prône une liberté individuelle absolue de conscience, la tolérance et le respect des minorités, refuse tout dogme comme vérité fondamentale… »
Le conférencier, à l’aide de photographies, explique encore :
– les trois Lumières : un livre blanc, la Bible ou les Constitutions, le compas et l’équerre ;
– les outils : l’équerre est un instrument de droiture, de probité, de justice, la matière, la rationalité…, le compas est un instrument faisant référence à l’équilibre, à la sagesse, c’est l’expression de la spiritualité…
– les temples : avant, il s’agissait d’arrière-salles de cafés, aujourd’hui ce sont de vrais temples que l’on peut d’ailleurs, parfois, visiter lors des journées du Patrimoine (rues du Persil et de Laeken à Bruxelles) ;
– tenues vestimentaires : gants, médailles, sautoirs, tabliers…
« La Franc-Maçonnerie est discrète, pas secrète. »
Et les « affaires » ?
« Il y a des titres accrocheurs dans la presse (l’orateur brandit deux exemplaires du magazine « Le Vif-L’Express »)… La justice noyautée par les francs-maçons ? Non ! Deux francs-maçons ont cependant été expulsés dans le cadre d’une affaire à Charleroi. »
Et le secret ?
« C’est ne pas dévoiler qui est franc-maçon, c’est ne pas révéler ce qui se passe lors des tenues car la confidentialité doit permettre l’expression. Ce n’est pas parce qu’on lit comment faire l’amour, qu’on ressent ce que c’est… »
Avant d’entrer dans le vif du sujet et pour mieux percevoir la démarche qui est mienne et, de la sorte, mieux cibler différents prochains chapitres, voici mes réponses à quelques questions basiques sur ce très vaste sujet de la Franc-Maçonnerie.
Ce sont quelques-unes parmi celles d’une interview que j’ai donnée au magazine français « Sacrée Planète » au premier trimestre 2010.
– La Franc-Maçonnerie est-elle une société secrète ?
– Contrairement à une idée répandue ou à certaines rumeurs, la Franc-Maçonnerie n’est pas secrète. D’ailleurs, on peut trouver des rayons entiers dans les librairies et bibliothèques traitant du sujet, y compris des rituels, des Planches (exposés en Loge)... À dire vrai, on doit parler de société discrète au lieu de secrète, ne fût-ce que sur l’appartenance de Sœurs et de Frères, chacun étant libre ou non de se dévoiler de manière personnelle.
Je désire apporter une double précision en débutant cet entretien : lorsque je parle de francs-maçons, il s’agit du terme générique comprenant les francs-maçonnes et les francs-maçons, bien entendu. Dans la foulée, et ce n’est pas par forfanterie, je trouve normal de mettre des F et M majuscules au terme Franc-Maçonnerie comme on le fait pour l’Église qui désigne l’institution religieuse et non une construction.
– Une sagesse ?
– Indiscutablement, la Franc-Maçonnerie est une école de sagesse, d’éveil. Certes, elle ne détient pas le monopole en la matière, ce serait fort vaniteux de le prétendre, mais, pour illustrer ma réponse, je préfère laisser parler deux ou trois préceptes qui guident la démarche des francs-maçons : Aime les bons, plains les faibles, fuis les méchants, mais ne hais personne. Dis la vérité, pratique la justice, pense avec droiture. Ne juge pas légèrement les actions des hommes ; loue peu et blâme encore moins ; pense que pour bien juger les hommes, il faut sonder les cœurs et scruter les intentions.
– Un ordre ?
– Oui, dans le sens noble du terme. C’est-à-dire, celui d’une société dont les membres sont reliés par des vœux solennels, initiés à la même source… Si je prends, c’est un exemple parmi d’autres, l’article 2 du Droit Humain (Ordre Maçonnique Mixte International), il est écrit : Composé de Francs-Maçons des deux sexes, fraternellement unis, sans distinction de races, philosophies, religions, l’Ordre s’impose, pour atteindre ce but, une méthode rituelle et symbolique, grâce à laquelle ses membres édifient leur Temple à la perfection et à la gloire de l’Humanité.
– Un mouvement initiatique ?
– C’est la base, le pilier, de la Franc-Maçonnerie ! Celle-ci prend ses racines dans la Tradition, le Sacré, pont entre le visible et l’invisible, elle véhicule les préceptes de Tolérance et de Fraternité et l’Initiation fait partie intégrante de sa démarche. On peut dire qu’initier est un concept à prendre dans le sens de début d’un mécanisme personnel de travail intérieur. Les francs-maçons disent : Tailler sa pierre brute pour obtenir une pierre polie, d’où la symbolique omniprésente des outils (équerre, compas, maillet, jauge, ciseau, règle, niveau…). Pour ma part, plus modestement, je dis tenter d’être moins « mauvais » que ce que l’on peut être ! Sur le Chemin de Compostelle, la devise est Mourir pour renaître à un nouvel Homme.
J’ai récemment lu dans la revue Initiations (aujourd’hui remplacée par Franc-Maçonnerie Magazine), quelques similitudes exposées entre la Franc-Maçonnerie et la pérégrination à Compostelle : Le vieil homme est mort, place au nouveau-né que le Chemin vient d’enfanter. Le maçon initié vient de renaître et a tourné une page de sa vie. La Loge a accouché d’un homme nouveau. Ayant entrepris les deux démarches, celle de Compostelle en tant que cherchant et non chrétien, j’adhère assez bien à cette comparaison.
– Comment définir ce groupement ?
– Pour faire bref, je reprends la définition générique que je donne généralement lorsque je suis interrogé sur ce sujet et que le temps ou l’espace m’est compté : La Franc-Maçonnerie est une association qui fait référence à diverses formes traditionnelles des enseignements initiatiques. Elle est donc héritière d’antiques traditions. Le principe de tolérance la domine et elle se veut une école de vie, de perfectionnement, d’éveil à la liberté.
– Que représente le mouvement quantitativement aujourd’hui ? Je suppose qu’il n’y a pas de statistiques puisque par définition l’appartenance à une Loge reste souvent dans le domaine du secret, mais pouvez-vous nous donner un ordre de grandeur de l’importance du mouvement ?
– Selon François De Smet, co-auteur du remarquable documentaire La Clef Écossaise, il y aurait quelque 4 millions de francs-maçons dans le monde.
– N’existe-t-il qu’en Occident ou trouve-t-on des francs-maçons ailleurs dans le monde ?
– La Franc-Maçonnerie est présente sur les cinq continents. Grâce à Internet, là où vous trouvez un grand nombre de sites et blogs maçonniques, l’un des plus célèbres étant www.hiram.be avec un million de visiteurs par an provenant de 165 pays différents, je peux vous dire qu’on trouve la Franc-Maçonnerie dans une quinzaine de pays africains, dans une douzaine en Amérique, une trentaine en Europe, deux en Océanie et une douzaine en Asie.
– Le mouvement est apparu, puis a disparu et est revenu… Qu’en est-il exactement ?
– À vrai dire, le mouvement n’a jamais totalement disparu, ainsi des francs-maçons emprisonnés dans un camp nazi ont créé, en 1943, la Loge Liberté Chérie, certes dans les conditions difficiles que l’on devine, mais cette Loge a été dûment authentifiée et reconnue. Sous d’autres régimes totalitaires, en Allemagne, en Espagne…, ou lors de l’occupation du territoire par des forces hostiles à la Franc-Maçonnerie, en France, en Belgique…, des francs-maçons tentèrent, vaille que vaille, de poursuivre des activités maçonniques. Après ces heures sombres, il a fallu reconstituer les Loges, d’où d’importantes et légitimes fluctuations.
De plus, si l’on prend la Franc-Maçonnerie anglo-américaine, on constate que les effectifs, peut-être sous l’influence d’une mode, avaient quasiment doublés après la Seconde Guerre mondiale puis, ces cinquante dernières années, elles ont diminué de 60 %, paraît-il.
– Mais peut-être ne faut-il pas parler de LA Franc-Maçonnerie mais de différentes branches ou écoles ?
– Pour schématiser, je peux avancer, également sans risque de me brouiller avec l’Histoire ou de froisser quelques subtilités, que toute la Franc-Maçonnerie a un tronc commun basé sur les préceptes et sur des concepts immuables comme la Fraternité et la Tolérance. Ensuite, nous avons des spécificités propres à différents courants.
Pour bien comprendre, il faut aussi savoir que la Franc-Maçonnerie est organisée en Loges se regroupant en Obédiences ou Fédérations de Loges, mais ceci n’est pas une obligation puisqu’il existe des Loges dites Souveraines et Indépendantes, mais elles sont minoritaires.
Certains classifient également la Franc-Maçonnerie en deux grandes branches : la traditionnelle et la libérale. Des accords existent souvent entre elles.
Dans ce tableau, synthétisé je le rappelle, on trouve des Loges masculines, féminines, mixtes, régulières ou irrégulières par rapport, par exemple, à la référence faite ou non au Grand Architecte de l’Univers, selon tel ou tel rite…
– Comment le mouvement maçonnique s’est-il situé ou se situe-t-il par rapport au mouvement rosicrucien ?
– Selon ce que j’en connais, le mouvement rosicrucien serait aussi une école de pensée, mais il ne relèverait pas de la Franc-Maçonnerie quand bien même certains auteurs affirment le contraire. Ainsi, dans L’Encyclopédie de la Franc-Maçonnerie de Mackey, les origines maçonnes proviendraient de douze sources dont, je cite, les Rosicruciens du XVIe siècle, alors que Paul Naudon soutient que la Franc-Maçonnerie aurait été influencée par eux. En revanche, l’auteur Alec Mellor évoque un canular d’érudits.
Ceci étant spécifié, il faut néanmoins savoir qu’il existe un haut grade en Franc-Maçonnerie, le dix-huitième, appelé Rose-Croix. Il est considéré comme le nec plus ultra par différents maçons.
Je profite de cette précision pour vous dire qu’au sein du mouvement maçonnique, il existe ce que l’on intitule la Franc-Maçonnerie bleue, la plus importante par le nombre de membres, c’est-à-dire celle qui dispense les grades d’Apprentis, Compagnons et Maîtres, et la Franc-Maçonnerie rouge, celle des hauts grades.
– Aujourd’hui, comment rentre-t-on dans une loge ?
– Avant tout, il faut être de bonnes vie et mœurs, certificat officiel ad hoc à l’appui ! Il y a plusieurs manières d’entrer en Franc-Maçonnerie. La plus courante est celle où vous avez été repéré par un Frère ou une Sœur et qui vous juge apte, par votre comportement dans le monde profane, à apporter une pierre supplémentaire à l’édifice du mouvement, ou un nouveau maillon à notre grande Chaîne d’Union universelle, voire qui pense que votre appartenance à la Franc-Maçonnerie vous serait profitable, dans le bon sens du terme, n’est-ce pas ! Sans occulter quelques dérives fâcheuses en la matière, les affairistes, profiteurs, ceux qui pensent entrer dans un cercle de copinage, en seront rapidement pour leurs frais.
Une autre manière est de postuler vous-même auprès d’une Loge ou d’un franc-maçon. Il y a quelques semaines, une personne m’a contacté via le réseau… Facebook, eh oui !, car elle avait lu mes positions maçonniques sur mon site web, sur mon blog, voire dans des émissions : Depuis des années, je désire tant devenir franc-maçon… Après l’avoir interrogée sur sa volonté d’être dans une Loge mixte ou non, sur sa croyance ou non au Grand Architecte de l’Univers, sur son lieu d’habitation afin de lui éviter de grands trajets (de Marseille à Paris, par exemple !) pour les Tenues et autres réunions et cérémonies, etc., je l’ai renseignée à un Frère qui a pris cette demande spontanée en considération. À eux, à présent, d’agir en conséquence.
Il est certain que si cette personne a tenté de me rouler dans la farine afin d’être initiée dans un but de curiosité ou pour mieux assouvir sa soif d’antimaçonnisme, il y a de fortes chances qu’elle soit débusquée, par des questions subtiles, par exemple.
– Faut-il être parrainé ?
– La procédure pour entrer en Franc-Maçonnerie consiste en plusieurs entretiens, en une enquête parmi les francs-maçons, à ce que nous appelons le Passage sous le Bandeau où le récipiendaire est aussi interrogé, et s’il est admis à l’Initiation, il est effectivement couvert par un parrain ou une marraine.
– Est-ce ouvert à tous ?
– Oui, sauf pour les personnes qui ne peuvent fournir le certificat dont question ci-avant. Mais, comme je l’ai déjà spécifié, il y a lieu de guider le récipiendaire vers une Loge qui correspond le mieux à ses aspirations et à ce qu’il peut apporter à la Maçonnerie.
– Qui postule ? Des jeunes ?
– Toutes les couches de la population peuvent postuler. On entre en Franc-Maçonnerie comme étant un homme libre, éventuellement on la quitte comme un homme libre. La différence avec une secte réside dans le fait qu’on sort plus facilement de la Maçonnerie qu’on y entre, dit-on ! Il faut aussi savoir que l’âge de 21 ans est requis, que, en principe, la profession, le niveau d’études, le sexe, les éventuelles croyances religieuses ou philosophiques n’entrent pas du tout en ligne de compte pour être initié.
Cependant, il y a lieu d’être conscient que des devoirs et obligations sont requis : celui d’œuvrer à l’universelle fraternité et à l’égalité des Hommes, travailler au bien de tous, payer une cotisation, assumer ses responsabilités morales, ne pas accepter le fanatisme…
– Traditionnellement, le mouvement n’était pas ouvert aux femmes ? Sur quoi se basait cet état de fait ?
– Je cite les Constitutions d’Anderson qui faisaient autorité en matière de Franc-Maçonnerie spéculative au XVIIIe siècle et par la suite : Les personnes admises membres d’une Loge doivent être hommes de bien et loyaux, nés libres et d’âge mûr et discrets, ni esclaves, ni femmes, ni hommes immoraux et scandaleux, mais de bonne réputation.
Quelques années plus tard, autre précision : Les hommes reçus Maçons doivent être nés libres (et non esclaves), d’âge mûr et de bonne réputation, robustes et sains, sans déformation ni mutilation au moment de leur admission, mais ni femmes, ni eunuques.
Inutile de dire que le débat sur l’Initiation féminine était lancé… et qu’il se poursuit encore à l’heure actuelle, plus particulièrement au sein du Grand Orient qui, comme on le sait, est une Obédience masculine.
Certains avancent ces Constitutions pour refuser l’initiation aux femmes, alors que ce sont parfois les mêmes qui ont banni l’évocation au Grand Architecte de l’Univers… pourtant également repris dans lesdites Constitutions. Comprenne qui pourra.
– Était-ce une seule raison historique ?
– Si, déjà, la non-admission au XVIIIe siècle des personnes handicapées était choquante, celle des femmes l’était tout autant car, contrairement à ce que pouvaient penser James Anderson et ses Frères, des confréries initiatiques anciennes avaient en leurs rangs des Maîtresses d’Œuvre, des artisanes…
Alors, que dire de l’argument fallacieux qui fut aussi avancé lorsque ces Frères-là (pas tous, heureusement !) évoquèrent les menstruations pouvant détruire la sainteté d’un lieu ou la tentation que les femmes pouvaient exercer sur les Frères ou les détourner de leur travail initiatique. Absolument ri-di-cu-le !
– Quand y a-t-il eu des loges féminines ?
– C’est avec courage et obstination, à l’instar de Maria Deraismes (co-fondatrice du Droit Humain en 1893), que des femmes, parfois soutenues par des Frères, œuvrèrent à la création d’une Franc-Maçonnerie féminine ou être acceptées franc-maçonnes. À ce propos, l’écrivain Henri Jullien écrivit : Depuis que les femmes ont cessé d’être asservies aux hommes, la raison d’être de leur exclusion de la Franc-Maçonnerie n’existe plus.
Aujourd’hui, les femmes ont le choix d’être initiées dans des loges mixtes ou exclusivement féminines, mais il faut savoir que des grandes Obédiences leur refusent encore cette démarche. D’où, de très sévères débats !
– Pourquoi certains tiennent-ils tant à ce que les hommes et les femmes n’œuvrent pas ensemble encore aujourd’hui ?
– Par machisme ? Par peur de ne pouvoir gérer leurs pulsions sexuelles ? Parce qu’ils traînent derrière eux des casseroles existentielles ? Parce qu’ils s’arcboutent à des Constitutions qui, à l’analyse, font parfois offices de véritables diktats ?
Dernièrement, j’ai assisté à une conférence en maçonnologie dans le cadre de la rédaction de mon nouvel ouvrage de terrain (Sur les pas des francs-maçons) et j’ai eu l’immense surprise et heureuse découverte d’apprendre que notre Frère Mozart était favorable à l’initiation féminine.
Pour ma part, la fréquentation, depuis plus de deux décennies, d’une Loge mixte m’apparaît comme un plus grâce à la vision spécifique (la fameuse approche typiquement féminine, dit-on) de mes Sœurs.
– Est-ce que aujourd’hui encore on y rentre pour avoir une certaine reconnaissance sociale et des relations ?
– J’ai connu un homme politique d’envergure qui a tenté à plusieurs reprises et dans des Obédiences différentes d’entrer en Franc-Maçonnerie. Aux dernières informations, il n’a toujours pas été initié. Pourquoi cette situation ? Parce que, selon les résultats des enquêtes préliminaires, il ressortait que cette personne était principalement, pour ne pas dire uniquement, intéressée d’étendre son réseau de relations profanes, y compris parmi ses adversaires politiques.
Mais, je ne vais pas abuser de la langue de bois face à votre question insistante… Effectivement, il arrive que des récipiendaires aux desseins profanes passent à travers les filets, si j’ose m’exprimer ainsi. Eh bien, tant pis pour eux ! Peuvent-ils encore se regarder dans la glace en toute honnêteté ? Ils se retrouvent donc face à leur conscience, néanmoins, et je me répète volontairement, ils ne trouveront pas en Loge satisfaction à leurs désirs de tisser des relations devant combler leurs affaires ou leur ego. Certes, d’aucuns peuvent profiter de fraternelles qui sont des groupes où des francs-maçons se réunissent par affinités : des médecins entre eux, des fonctionnaires de tel ou tel ministère…, à la limite, des Bourguignons en Belgique ! Mais, ceci ne relève pas, bien entendu, du travail maçonnique en tant que tel.
– Peut-on être franc-maçon et athée, comme on peut être humaniste et athée ? Quelle est la position de la Franc-Maçonnerie par rapport aux différentes religions ?
– Dans les principes de base de la Franc-Maçonnerie spéculative (Constitutions d’Anderson), il est écrit qu’est exclu tout athée stupide et libertin irreligieux.
Pour la deuxième question, il faudrait également la totalité de votre magazine pour y répondre. Sans nier que l’Église catholique, probablement jalouse de ne plus être la seule à prôner une certaine spiritualité, a mené, et mène encore parfois, une lutte virulente contre la Franc-Maçonnerie, des mains se tendent les uns vers les autres. Naguère, il s’est tenu des réunions maçonniques dans divers monastères comme le signale l’ouvrage Les moines et les prêtres francs-maçons d’hier et d’aujourd’hui (Éditions du Prieuré), moi-même j’ai côtoyé un ecclésiastique franc-maçon… J’ai aussi assisté au dialogue historique et très constructif entre un Grand Maître du Grand Orient et un archevêque.
Mais, ce qui est certain, c’est que la Franc-Maçonnerie ne peut pas admettre l’intégrisme sous quelque forme que ce soit.
– Je suppose que dans le mouvement on prône la réflexion personnelle et l’accès à la connaissance par soi-même, qu’il n’y a pas de directeur de conscience ? Ou, peut-être, y a-t-il des frères plus avancés qui guident les plus jeunes ?
– Il n’y a ni directeur de conscience, ni gourou, ni leader en Franc-Maçonnerie. Il y a un ensemble de Sœurs et de Frères qui œuvrent pour un monde meilleur ou, alors, moins mauvais. Chacun, Apprenti, Compagnon, Maître, fait partie d’une même assemblée de travail sur soi et dans le respect de l’autre.
Certes, pour la bonne marche de la Loge il y a des officiers, dont le Vénérable Maître est celui (ou celle) qui la gère au mieux, certes, il y a des règles, certes, il y a un certain ordonnancement à respecter, mais dans un esprit de fraternité chacun peut aider ou seconder sa Sœur ou son Frère si besoin est.
– Pouvez-vous parler des travaux qui se font à l’intérieur des loges ?
– Ici, c’est plus délicat. Non pas qu’il y ait des choses à cacher, mais je me dois de respecter une règle fondamentale qui fait partie de notre discrétion de ne pas dévoiler le contenu de nos Travaux. Néanmoins, je peux parler de manière générale en vous disant qu’une Tenue s’articule autour d’un rituel où le symbolisme est très fort ou allégé selon les Loges, qu’il y a diverses communications faites quant au déroulement interne ou aux relations avec d’autres Loges, puis il y a la présentation d’un Morceau d’Architecture ou Planche, suivie d’un échange. Il ne s’agit pas d’un débat comme dans une arène politique, mais de l’apport d’autres éléments de discussion ou la consolidation de l’exposé, le tout dans le respect de chacun. C’est, je pense, l’un des rares lieux où ce respect est de mise. C’est une force et un fameux travail sur soi de garder le silence pendant qu’une autre personne s’exprime, puis, éventuellement, de faire état de son avis sur un ton et dans une forme qui se veulent exempts de reproches, de colère, voire de flatterie !
Sur un plan personnel, je peux vous dire que j’ai présenté l’an dernier une Planche qui avait pour sujet la Réhabilitation de la Tradition maçonnique et que la prochaine sera axée sur le thème Pérégrination initiatique et travail en Loge.
– Pourquoi encore aujourd’hui cette auréole de secret autour du mouvement ?
– Parce que, selon moi, trop de francs-maçons l’entretiennent, parfois de manière inconsciente. Mais, je vais vous dire qu’il y a autant de secrets que de francs-maçons et qu’en réalité il est celui ressenti, à des degrés divers, par chaque membre de notre Ordre lors de son initiation, de différentes Tenues, lors de la Chaîne d’Union ou divers travaux…
– Vous êtes l’une des rares personnes à revendiquer publiquement votre appartenance à une loge, pour quelles raisons ?
– Dès mon initiation, j’ai été fier et heureux d’appartenir à cette société initiatique et je ne voyais pas pourquoi je devais taire mon adhésion, respectant, bien entendu, certaines règles. Que je sache, il s’agit quand même d’une société honorable, qui prône sans cesse depuis des siècles la Tolérance et qui a un fonctionnement démocratique.
Pour couper court aux rumeurs et autres sous-entendus, je fais mienne cette déclaration d’un Grand Maître du Grand Orient : Nous avons trop cultivé une espèce de goût du secret mal gardé. Et nous avons laissé se développer des légendes qui finalement nous desservent.
Jamais, jusqu’à présent, tant sur le plan privé que professionnel, je n’ai eu à souffrir de m’être déclaré franc-maçon. Du moins, je le crois !
Le tout est d’expliquer, avec son ressenti et du mieux possible, la démarche maçonne, comme je le fais dans cette interview, et, alors, me semble-t-il, le dialogue s’ouvre et une certaine compréhension s’opère. Du moins, chez les interlocuteurs ouverts à ce genre de discussion.
J’ai même, dans une conférence ayant un public ultraconservateur, à dire vrai, proche d’un intégrisme catholique prononcé, abordé le sujet de manière fort engagée. Certes, je n’ai pas rallié toute la salle à ma démonstration, mais, au moins, je ne me suis pas fait jeter, le dialogue s’est poursuivi en dehors de la conférence et j’ai dédicacé des dizaines et des dizaines de livres !
– Qu’implique cette reconnaissance de fraternité ?
– Dans un monde où, malheureusement, l’égoïsme, l’indifférence, la course à la valorisation personnelle sont élevés en véritables dogmes ou modes de vie, il existe donc des mouvements, telle la Franc-Maçonnerie, où des valeurs essentielles sont encore perpétuées.
Mais, attention, il est question de fraternité et non de copinage ou passe-droit. L’exemple que je donne souvent est le suivant : un patron franc-maçon engage un employé. Deux candidats se présentent. Tous les deux passent des tests de manière brillante et conviennent pour le poste à pourvoir. Un candidat est franc-maçon. C’est lui que choisit le patron, justement, au nom d’une certaine fraternité. Si ce candidat maçon avait été moins brillant aux tests et malgré tout engagé, là il serait question de copinage. Ceci dit, je ne veux pas mettre tous les francs-maçons sur un piédestal car je suis conscient que l’homme reste homme, moi en premier lieu, franc-maçon ou non, et que dans toute société humaine il y a des dérives, des copinages, des marchandages, des injustices… Certaines affaires peu reluisantes où sont impliqués des francs-maçons en attestent à suffisance. Mais, si les hommes passent, la Franc-Maçonnerie, elle, perdure depuis des siècles !
– Peut-on parler d’un mouvement humaniste ?
– Oui, sans conteste.
– Les choix et prises de position sont toutefois toujours individuels ? A-t-on jamais vu de prise de position collective de la Franc-Maçonnerie ?
– Un franc-maçon se doit de rayonner dans le monde profane et tenter d’y mettre au mieux les préceptes maçonniques en application. Chaque jour, et de manière totalement anonyme, des francs-maçons œuvrent en ce sens. Bien entendu, la plupart des francs-maçons et des Obédiences restent dans l’ombre pour ce faire, mais d’autres, en revanche, prennent volontiers part au débat citoyen.
Deux exemples relativement récents : en France, le Grand Orient, la Fédération du Droit Humain et la Grande Loge Mixte ont signé un communiqué au sujet de dérives communautaristes puis ont réagi sur l’Expulsion de neuf Afghans et respect des droits de la personne humaine.
– Apparemment la Franc-Maçonnerie accorde une place importante au symbolisme, aux gestes, aux signes de reconnaissance, aux habits, aux couleurs, aux objets… pour quelles raisons ?
– Parce que c’est la source de la Franc-Maçonnerie en elle-même, comme j’ai tenté de le montrer durant notre entretien. Sans symbolisme, sans certains gestes et signes de reconnaissance, disons, coutumiers, sans des sautoirs spécifiques ornés de bijoux (un livre ouvert pour l’Orateur, deux plumes croisées pour le Secrétaire, deux clefs croisées pour le Trésorier, l’Équerre, le Niveau et la Perpendiculaire pour le Vénérable et les deux Surveillants…)… il n’y aurait donc pas de Franc-Maçonnerie. Bien que… Dans le camp de concentration nazi, les membres de la Loge Liberté Chérie n’avaient pas, et pour cause, tout cela, ce qui n’a pas empêché les Tenues. Tout est symbole !, disons-nous entre nous.
– Quelle est la fonction de ces rituels ?
– Un rituel est un ouvrage qui reprend en détail le déroulement des différentes cérémonies qui, elles, se font selon des rites bien spécifiques.
Rites, Obédiences, Loges… sont nombreux mais cette multiplicité ne doit pas faire oublier que la Franc-Maçonnerie tend toujours vers une unité qui forme un fondement solide et universel sur lequel repose l’Ordre tout entier.