Lorsqu’un nouveau collaborateur arrive dans une étude d’huissier de justice ou de notaire, son expérience est, très logiquement, limitée. Au mieux, il a une connaissance théorique des procédures de répartition de deniers que sont la distribution par contribution et l’ordre. Au pire, il n’a, tout simplement, pas abordé ces matières durant son cursus universitaire. Les dossiers relatifs à ces procédures sont donc, le plus souvent, gérés par l’huissier de justice, le notaire ou par leurs clercs les plus expérimentés.
Le premier objectif de cet ouvrage, rédigé à quatre mains, est de permettre au jeune collaborateur fraîchement arrivé de se plonger directement dans la matière et de savoir, en pratique, comment il va devoir gérer son dossier, dans quels délais, suivant quelles étapes, etc. Cet ouvrage se veut être un soutien à la formation plus efficace des jeunes collaborateurs. Mais cet ouvrage n’est pas dédié uniquement à ces derniers.
Même un notaire, un huissier de justice ou un clerc plus expérimenté peut parfois douter de l’exactitude de ses connaissances. Ce livre leur est également destiné. Ils y trouveront un outil qui se veut pratique, dont le fil d’Ariane est une ligne du temps de la procédure.
Les matières étant très vastes, certains points ont sans doute été omis. Le lecteur voudra bien nous en pardonner et nous transmettre ses observations et questions en vue d’une amélioration de cet ouvrage qui pourrait être amené à être revu et publié régulièrement afin d’offrir un outil le plus fidèle possible à l’évolution législative et jurisprudentielle.
Par ailleurs, notre étude est aussi destinée aux avocats. Ils sont, de fait, également intéressés par ces matières y étant régulièrement confrontés. Ils pourront ainsi conseiller au mieux leurs clients et envisager peut-être plus sereinement ces procédures.
Cet ouvrage facilitera également le travail des personnes qui se voient désigner, par la jurisprudence ou la législation, pour mener pareille procédure à bien. Nous pensons, par exemple, aux médiateurs de dettes qui se voient chargés de mener la procédure de distribution, en cas de révocation.
Enfin, n’oublions pas les juges des saisies qui auront à examiner les procédures de distribution par contribution et d’ordre. Ils font partie du public naturel de cette contribution. Nous tenons ici à remercier plus particulièrement Monsieur Pierre CHARLES, Juge des saisies près le Tribunal de première instance de Mons et Monsieur Luc RIGUELLE, Juge des saisies près le Tribunal de première instance de Marche-en-Famenne, de nous avoir transmis plusieurs décisions citées dans cet ouvrage.
Enfin, toute personne confrontée à ces procédures, partie requérante ou débitrice, y trouvera les éclaircissements sur les prérogatives, devoirs et obligations de l’officier ministériel.
Nos parcours professionnels nous ont permis, à tous les deux, d’être confrontés à de nombreuses situations pratiques en ces matières dont plus d’une auxquelles la théorie pure ne répondait pas, avec satisfaction, à la difficulté rencontrée. Elles nous ont toutes inspirées dans le cadre de la rédaction de ce livre.
Notre rencontre fut pourtant le fruit du hasard. Des connaissances communes nous ayant permis de nous retrouver autour de ce projet que, dans un premier temps, nous souhaitions le plus intégré possible. Une meilleure connaissance de nos matières respectives nous a permis de nous rendre compte que si distribution par contribution et ordre sont très proches dans le Code judiciaire et dans la conscience collective, les règles et principes applicables sont assez différents.
Pourtant, une comparaison des deux procédures nous semble fort intéressante entre autres afin de relever les incohérences de certaines décisions. A statut égal, mission similaire et contexte identique, il n’est pas logique que la solution apportée par les tribunaux soit différente. La comparaison permet également d’apporter, par analogie, des solutions là où aucune jurisprudence n’a encore apporté de réponse.
Les deux matières seront examinées dans l’ordre dans lequel elles figurent dans le Code judiciaire, suivant une structure à peu près identique. De nombreux liens sont faits entre les deux parties de cet ouvrage pour que le lecteur davantage intéressé par une matière puisse néanmoins faire une comparaison avec l’autre matière abordée.
Quentin Debray et Michel de Frésart
Mars 2013
A la recherche d’ouvrages de référence en matière de distribution, nous avons constaté que des études axées sur la pratique font cruellement défaut. Ceci laisse l’huissier de justice bien dépourvu lorsqu’il s’agit de résoudre certaines questions au quotidien.
Notre volonté est de combler ce vide en offrant à tout praticien débutant, expérimenté ou chevronné, un ouvrage basé sur une longue expérience. Toutes les difficultés auxquelles nous avons été confrontés ces dix dernières années y sont abordées. De même, la jurisprudence, tant en matière de distribution par contribution qu’en matière d’ordre, a été intégrée à cette étude.
Le manque d’ouvrages pratiques s’est surtout fait ressentir depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 11 avril 1997. Cette décision, largement commentée, adopte une position claire après plus de dix ans d’attente : la saisie-arrêt est une saisie mobilière. Elle est dès lors soumise à l’obligation de distribution des fonds saisis. C’est donc assez logiquement que le nombre de procédures de distribution par contribution s’est vu décuplé.
Beaucoup de zones d’ombre semblent malgré tout subsister. En témoigne l’afflux de questions que suscite cette procédure au succès récent. Ces questions émanent de toutes les parties, en ce compris nos propres requérants ou encore les services sociaux. Partant de ce constat, nous avons volontairement tourné notre ouvrage non seulement vers le praticien de tous les jours qu’est l’huissier de justice, mais également vers toute personne confrontée à ce type de procédure.
Le but est de leur offrir la possibilité d’appréhender cette matière qui peut paraître fort abstraite et nébuleuse de prime abord, alors que, bien expliquée, elle est simple dans ses principes … elle l’est moins dans sa mise en œuvre !
Nous aborderons dans un premier temps le contexte dans lequel cette procédure prend place et le rôle de l’huissier de justice. Dans un deuxième temps, nous entrerons dans le vif du sujet en étudiant la procédure sous tous ses angles en tentant d’apporter une réponse pratique à un grand nombre de difficultés.
Tout praticien s’est déjà vu confronté à la naissance d’un autre type de concours et s’est sans doute posé la question du sort réservé à la procédure collective qu’il était en train de mener. Si le débiteur vient à mourir au beau milieu de la procédure de distribution, quelle attitude adopter ? Faut-il s’adresser aux héritiers éventuels ? Dans ce cas, comment les identifier ? Si la société débitrice est déclarée en faillite, devons-nous nécessairement adresser les fonds au curateur ? Nous aborderons tous les cas de figure, en ce compris la nouvelle procédure de réorganisation judiciaire.
Cet ouvrage intéressera également le médiateur de dettes qui se trouve confronté à la répartition dans deux hypothèses. D’une part, lorsqu’une procédure de règlement collectif de dettes a été décidée après la mise en œuvre d’une saisie-arrêt exécution par un huissier de justice, d’autre part, en cas de révocation de la procédure en question. Dans ce dernier cas, en effet, il incombera au médiateur de procéder lui-même à la répartition des fonds obtenus dans le cadre de la procédure de règlement collectif de dettes et encore en sa possession, mais cette fois-ci en tenant compte, entre autres, des privilèges.
Cet ouvrage se veut également un outil pratique. Le ton est volontairement simple, afin de le rendre accessible au plus grand nombre.
Gageons que nous atteindrons notre but !
Je serais bien ingrat de ne pas exprimer mes remerciements à tous ceux qui ont collaboré de façon directe ou indirecte à la rédaction et à la publication de cet ouvrage. Je commencerai par ma famille et le soutien inconditionnel qu’elle m’accorde, mais également mes collaborateurs qui m’ont permis de dégager le temps nécessaire à la rédaction et à l’élaboration de ce travail, de même qu’aux candidats huissiers de justice qui ont collaboré activement et avec enthousiasme à cet ouvrage, sans oublier l’accueil chaleureux et le soutien de la maison d’édition la Charte.
Quentin Debray
Mars 2013
La procédure de distribution par contribution est définie par M. de LEVAL comme « la procédure qui a pour objet la répartition du prix de vente d’objets mobiliers ou de deniers entre créanciers en concours »1.
« C’est dans les procédures de répartition que se concrétise pleinement le caractère collectif des saisies et que s’actualise le concours assurant le respect de l’égalité des créanciers »2.
Il s’agit d’une procédure judiciaire collective diligentée par l’huissier de justice suite à des mesures individuelles d’exécution qui ont abouti à la réalisation (d’une partie) du patrimoine de la partie débitrice. Ce patrimoine étant le gage commun des créanciers, il y a lieu de tenir compte des droits de tous les créanciers qui doivent être traités sur pied d’égalité3, sauf, dit le texte, s’il existe une cause de préférence4, ce qui justifie l’organisation d’une procédure spéciale visant à créer le concours et à respecter ces privilèges.
Dans ce cas, l’huissier de justice intervient comme gestionnaire (d’une partie) du patrimoine de la partie débitrice, en agissant dans l’intérêt et pour le compte de la masse des créanciers, en vertu du pouvoir accordé par le Code judiciaire (au nom de la Loi).
La distribution par contribution interviendra obligatoirement par voie d’huissier de justice après :
- la vente judiciaire d’effet mobilier,
- la saisie-arrêt exécutoire,
- la saisie de deniers,
- la saisie de fruits pendants par racines ou saisie-brandon (art. 1538 C. jud.),
- la vente de fonds publics ou de devises (art. 1638 C. jud.),
- la vente judiciaire du gage sur fonds de commerce5,
- la vente amiable telle qu’organisée par l’article 1526bis du Code judiciaire6,
- la vente de fonds publics ou de devises, telle qu’organisée par l’article 1523 du Code judiciaire,
- la vente de meubles dans le cadre du règlement collectif de dettes7, et
- la vente de meubles dans le cadre de la procédure de réorganisation judiciaire8.
Les fonds provenant des saisies arrêts dites simplifiées dans le cadre des articles 164 du Code des impôts sur les revenus de 1992 et 86bis du Code de la taxe sur la valeur ajoutée échappent actuellement à la procédure de distribution par contribution. Cependant, cette « exemption » fait actuellement l’objet d’une procédure pendante devant la Cour d’appel de Bruxelles suite à un arrêt de la Cour de cassation du 16 décembre 20059, cassant partiellement un arrêt de la Cour d’appel de Liège10.
Les fonds provenant de la vente d’un immeuble saisi seront répartis par le notaire instrumentant suivant la procédure d’ordre décrite aux articles 1639 du Code judiciaire et suivants11, sous réserve de ce qui est dit au § 7, III. (p. 105). Nous vous renvoyons à cet égard à la seconde partie de cet ouvrage.
De même, les fonds provenant de la vente d’un navire feront l’objet d’une procédure de distribution par contribution. Celle-ci est réglée séparément par les articles 1655 du Code judiciaire et suivants, de par la spécificité des matières maritimes et ne sera pas analysée dans le cadre du présent ouvrage12.
La procédure de distribution par contribution est décrite aux articles 1627 et suivants du Code judiciaire.
Pas plus de 11 articles pour définir la procédure de distribution, en ce compris les voies de recours. C’est dire comme le sujet est pointu et pourtant si vaste !
La procédure de distribution par contribution est plus souple que les autres procédures de partages judiciaires. Cette souplesse se caractérise entre autres par le fait que l’huissier de justice n’est pas désigné par le tribunal14.
L’huissier de justice n’est dès lors pas commis par un juge, mais bien par l’article 1627 et suivants du Code judiciaire, ce qui lui confère un statut particulier, à l’instar du notaire commis dans les procédures de partage judiciaire. Ses fonctions sont celles d’un auxiliaire de justice15.
Le Code judiciaire n’a pas prévu de causes de récusation de l’huissier de justice répartiteur, hormis les hypothèses d’incompatibilité spécialement prévues par l’article 517 du Code judiciaire.
Cette fonction exige une impartialité objective de l’huissier de justice qui doit être bien comprise. Investi d’une mission judiciaire, l’huissier de justice participe, sensu lato, à l’œuvre de justice. Il est le premier juge dans le règlement des différends qui surgissent entre les créanciers entre eux et vis-à-vis du débiteur. Sa mission, légalement définie, s’inscrit et se déroule dans le cadre d’une procédure contentieuse spécialement réglée par le Code judiciaire.
L’exigence d’impartialité signifie que l’huissier de justice ne peut en aucun cas, dans le déroulement des opérations, donner l’impression d’avoir un parti pris ou un préjugé à l’égard d’une partie.
M. VAN COMPERNOLLE insiste sur le fait que l’impartialité objective est centrée sur la théorie de l’apparence. Dans le cadre du partage judiciaire, ce qui est en cause est de savoir si les liens ou les rapports que le notaire peut ou a pu avoir avec l’une des parties n’est point de nature à créer, dans l’esprit des autres parties, un doute raisonnable quant à son impartialité.
Dès lors que l’huissier de justice intervient dans toute procédure judiciaire ou extrajudiciaire avec cette unique qualité d’auxiliaire de justice dès l’introduction de la cause, on ne peut douter de son impartialité16. C’est sans doute pour cette raison que l’huissier de justice, dans le cadre des exécutions, n’est jamais désigné par le tribunal : chaque requérant a le choix de l’huissier de justice.
La doctrine considère de façon constante que l’huissier de justice n’a pas de pouvoir d’appréciation sur les créances qui lui sont produites. Tout au plus peut-il écarter les créances sérieusement contestées.
Une nuance à cette position doctrinale semble pouvoir être apportée.
En ce début de 21ème siècle, l’huissier de justice a poursuivi et sans doute accentué son habitude – non pas d’écarter des créances – mais bien de discuter des privilèges qui sont invoqués et d’éventuellement les rejeter. Il apprécie donc dans la pratique les privilèges éventuels qui garantissent les créances.
C’est de nos jours un des points essentiels de la mission de l’huissier de justice.
Discuter des privilèges évite bon nombres de procédures de contredit qui n’auraient pour effets que d’encombrer les tribunaux.
L’huissier de justice a été institué dans le cadre de la répartition comme le représentant de la loi, assurant de la sorte le respect des droits de chacune des parties. Nous avons le sentiment qu’il y joue pleinement le rôle que le législateur lui a donné. Il agit dans l’intérêt de la société et de toutes les parties en cause, bien au-delà du mandat qu’il a reçu de son requérant.
Il semblerait que le nombre de procédures de contredit n’ait pas augmenté ces dernières années, alors que le nombre de répartitions a véritablement explosé. Cette augmentation du nombre de procédures de distribution provient d’une part de l’arrêt de la Cour de cassation du 11 avril 199717 qui confirme l’application de l’article 1627 du Code judiciaire à la procédure de saisie-arrêt et d’autre part de l’accès qui a été donné aux huissiers de justice sur production d’un jugement contenant condamnation, aux registres à caractère social, dont l’ONSS, ce qui lui permet de prendre connaissance très facilement de l’identité des employeurs.
Il est à noter qu’à la lecture de décisions judiciaires récentes, cette prérogative de rejeter un privilège est reconnu à tout le moins implicitement par les juges des saisies.
Ainsi le juge des saisies de Bruxelles a été amené à se pencher sur un contredit impliquant pas moins de 36 créanciers.
Dans son jugement du 25 juin 200318, le juge constate, que l’huissier de justice instrumentant « ne retient en revanche pas la créance du 36ème créancier (…) qui invoquait un privilège pour des lettres de change demeurées impayées ; ce refus se justifie au motif qu’aucune provision n’avait été constituée conformément à l’article 81 de la Loi sur le billet à ordre ».
Les faits sont clairs : l’huissier de justice en question a étudié les privilèges invoqués et n’a pas hésité à en rejeter un qu’il estimait non fondé. Le juge des saisies confirme implicitement qu’il en a le droit et nous serions même tentés de dire qu’il en a l’obligation. Que les choses soient claires : c’est bien le privilège invoqué que l’huissier de justice écarte et non la créance, qu’il ne fait que rabaisser au rang de créance chirographaire. Dès lors que les fonds ont été absorbés par des créances privilégiées, ce créancier n’a rien perçu. Mais il est vrai que ce n’était pas un élément essentiel au jugement puisqu’aucune partie n’a contesté ce rejet.
La Cour d’appel de Bruxelles a confirmé ce jugement par son arrêt du 5 octobre 200419.
Nous pouvons également citer quelques exemples de privilèges invoqués que nous avons vus récemment écartés par un huissier de justice diligentant une procédure de répartition, sans que cela n’aboutisse à un quelconque contredit :
- Le privilège que le receveur de l’enregistrement invoquait sur base de l’article 150 du Code de l’enregistrement pour se voir payer la totalité de l’enregistrement sur jugement avant le bénéficiaire des condamnations, alors que la jurisprudence20 confirme la limitation à la moitié de ce que ce dernier perçoit. Il réclamait également ce même privilège pour les intérêts, alors que la loi ne le prévoit pas.
- Dans une autre répartition, un receveur des contributions – et c’est malheureusement classique et courant – avait fait glisser une amende dans la colonne des impôts privilégiés21.
- Citons également cet ex-employé qui réclamait un privilège pour la totalité de ses arriérés de salaire, alors que l’article 19, 3°bis de la Loi hypothécaire limite ce privilège à 7.500,00 €.
- Ou encore cet autre qui réclamait le même privilège pour une prime annuelle de retraite, alors qu’en vertu de l’article 2 de la Loi du 12 avril 1965 relative à la protection de la rémunération des travailleurs, un complément des avantages accordés par les diverses branches de la sécurité sociale n’est pas à considérer comme rémunération. La prime annuelle de retraite ne jouit dès lors pas du privilège prévu à l’article 19, 3°bis de la Loi hypothécaire.
- Une banque prétendait devoir être payée par priorité parce qu’elle était bénéficiaire d’une cession de rémunération par acte sous seing privé, alors que cette cession avait été notifiée à l’employeur postérieurement à la saisie-arrêt. Une répartition au marc le franc est intervenue (voyez à ce sujet le § 7, III. (p. 105)).
- Pour terminer, un receveur des amendes pénales réclamait le privilège prévu à l’article 19, 1° de la Loi hypothécaire pour les frais d’exécution qu’il avait exposé. Le privilège invoqué a dû être écarté, dès lors que cet article doit être interprété limitativement, ne s’appliquant qu’aux frais d’exécution exposés dans l’intérêt des autres créanciers.
Ce rôle est d’ailleurs reconnu au notaire22. A mission similaire, statut égal, on comprendrait mal pourquoi le notaire pourrait vérifier les créances et non l’huissier de justice.
Comme le précise Michèle GREGOIRE23, le notaire a un devoir complexe de discerner quelle est la hiérarchie des prétentions des divers créanciers, ce qui exige une réflexion appropriée, qu’il est impossible d’enfermer dans une méthodologie reproductible. Le même devoir repose sur les épaules de l’huissier de justice.
L’obligation pour l’huissier de justice de procéder à la répartition après la vente mobilière judiciaire ou la saisie de deniers était anciennement consacrée par l’article 1390, alinéa 6 du Code judiciaire.
La Cour de cassation est également d’avis que cet article s’applique à la procédure de saisie-arrêt, qui est une sorte de saisie mobilière24.
Depuis cet arrêt, un nouvel article 1390quinquies du Code judiciaire reprenant cette obligation de répartition lors d’une procédure de saisie-arrêt a été adopté25. Cet article est entré en vigueur le 29 janvier 201126 et remplace l’ancien article 1390, alinéa 6.
Il s’agit d’une réelle obligation à laquelle il ne peut être dérogé, dès lors que l’article 1629 du Code judiciaire est d’ordre public27.
Cette obligation s’impose aux parties et à l’huissier de justice, même si le saisissant est le seul créancier connu au moment dit pour l’organisation de la procédure de répartition28, dès lors que d’autres pourraient toujours survenir par la suite29. Dans ce dernier cas, et à défaut d’avoir mené la procédure de distribution, l’huissier de justice pourrait être forcé de procéder à une répartition, alors même qu’il n’est plus en possession des fonds ou être poursuivi en responsabilité par les créanciers lésés, à concurrence des sommes qui leur auraient été attribuées30. (Voyez à ce propos le § 6, IV. (p. 100))
Il est à remarquer que le saisi peut contester une partie de la créance produite par son créancier unique31, ce qui permet d’affirmer avec force que l’huissier de justice doit diligenter une procédure de répartition, même s’il n’y a qu’un seul créancier.
De même, en cas de faillite, si l’huissier de justice a transmis les fonds saisis-arrêtés à son mandant sans qu’un projet de distribution par contribution n’ait été dressé, la distribution n’est pas définitive avant le prononcé de la faillite du saisi et le paiement que l’huissier de justice a effectué pourrait être déclaré inopposable à la masse de la faillite32.
Il est donc exclu que les créanciers se mettent d’accord de ne pas recourir aux formes prévues par le Code judiciaire (une telle convention serait en effet inopposable aux tiers, ce qui pourrait mettre en cause la responsabilité de l’huissier de justice instrumentant)33. Le requérant ne peut dès lors plus décharger l’huissier de justice de sa mission légale de répartir34.
L’huissier de justice agit dans ce cadre au nom de la loi, comme gestionnaire (d’une partie) du patrimoine de la partie débitrice, en agissant dans l’intérêt et pour le compte de la masse des créanciers, en veillant au respect de leurs différents intérêts. Il représente la masse des créanciers. Mme LINSMEAU fait état d’une double qualité que l’huissier de justice aurait tout au long de la procédure, agissant comme officier public, et par là chargé d’un mandat légal d’intérêt collectif, mais aussi comme mandataire du créancier saisissant35. Ne s’agit-il pas plutôt d’un mandat sui generis et ne serait-il pas plus cohérent de ne reconnaître qu’une seule qualité à l’huissier de justice, celui de mandataire de justice, ce qui préviendrait bien des malentendus36. Dans le cadre de la distribution, il ne subsiste clairement qu’un mandat légal d’intérêt collectif.
Il est à épingler que si le tiers-saisi omet de transmettre les fonds à l’huissier de justice et mène lui-même la répartition, la doctrine est d’avis que cette distribution a malgré tout lieu sous la responsabilité de l’huissier de justice qui aurait dû l’assurer37. Il appartient donc à l’huissier de justice de veiller à ce que les fonds saisis ne soient pas soustrait à la procédure de répartition.
Si la saisie-arrêt intervient entre les propres mains du créancier, celui-ci doit malgré tout respecter la procédure de distribution par contribution38.
L’huissier de justice ne peut également s’abstenir d’ouvrir la procédure de distribution au motif que son requérant n’en tirerait aucun dividende39.
Il arrive régulièrement, pour des questions de compétence territoriale40, qu’un huissier de justice chargé d’une exécution adresse des pièces préparées de saisie-arrêt à un autre confrère local.
Appartient-il à ce dernier qui a signifié la saisie-arrêt de répartir ?
La Cour de cassation a été amenée à se prononcer en cette matière. Il appartient à l’huissier de justice chargé par un créancier de l’exécution d’un jugement et portant de ce fait la responsabilité de l’ensemble de la procédure d’exécution, de mener la procédure de répartition, même si, pour des raisons de compétence territoriale, il s’est substitué un confrère pour procéder à la signification de l’exploit de saisie-arrêt exécution41.
A notre sens, le même raisonnement doit être suivi.
Il arrive qu’un huissier de justice se fasse remplacer par un huissier de justice du même arrondissement pour pratiquer une saisie mobilière ou pour procéder à une vente.
Nous voyons que dans la pratique, c’est l’huissier de justice chargé par un créancier de l’exécution d’un jugement et portant de ce fait la responsabilité de l’ensemble de la procédure d’exécution, qui mène la procédure de répartition.
L’arrêt de la Cour de cassation est donc conforme à la pratique, puisque cette pratique était antérieure à cet arrêt.
La question peut être également posée lorsque, dans le cadre de l’article 1522 du Code judiciaire la vente a lieu dans une salle de vente publique, lieu plus avantageux en cas de vente de mobilier de valeur ou de collection.
Cette vente judiciaire est généralement réalisée par l’huissier de justice tenant la plume lors des ventes publiques volontaires, bien qu’il n’existe pas de règle. Rien n’empêche pourtant l’huissier de justice chargé de l’exécution de tenir le procès-verbal et de céder sa place lorsque la vente concerne des lots de la vente publique volontaire, à la condition, bien entendu, qu’il soit territorialement compétent. Il s’agit en tout état de cause de deux procès-verbaux distincts, quoiqu’il arrive, même si les deux ventes sont concomitantes.
A notre sens, si l’huissier de justice chargé de l’exécution se fait uniquement substituer pour tenir le procès-verbal de vente, c’est à lui que revient l’organisation de la procédure de répartition, même si c’est par incompétence territoriale. Il est à remarquer qu’il est d’ailleurs territorialement mieux placé pour consulter les différentes sources de données.
Comme relevé par Mme STRANART, la loi ne détermine pas à qui incombe la répartition en cas de saisies-arrêts multiples pratiquées par des huissiers de justice différents42.
Le juge des saisies d’Anvers a jugé que lorsque plusieurs saisies-arrêts sont signifiées entre les mains d’un même tiers-saisi, il appartient au premier huissier de justice saisissant de recevoir les fonds et de procéder à la répartition43.
Il nous semble par contre que si la première saisie-arrêt a été effectuée à titre conservatoire, il appartiendra à l’huissier de justice signifiant la première saisie-arrêt exécutoire de recevoir les fonds et de diligenter la procédure de répartition. C’est effectivement sa saisie-arrêt exécutoire et son invitation au tiers-saisi à vider ses mains, sur présentation de la dénonciation, qui fait naître l’obligation dans le chef du tiers-saisi de vider ses mains en celles de l’huissier de justice (art. 1543 C. jud.), et qui fait naître dans le chef de l’huissier de justice l’obligation de diligenter la procédure de distribution.
Si le premier huissier de justice saisissant tarde à sommer le tiers-saisi de vider ses mains, Mme LINSMEAU est d’avis que l’huissier de justice du créancier le plus diligent pourrait prendre l’initiative44.
Quant à nous, nous sommes d’avis que la première saisie-arrêt fait naître dans le chef du tiers-saisi l’obligation de conserver les sommes ou effets qui font l’objet de la saisie (art. 1451 C. jud.). Ce n’est que la première sommation de vider ses mains qui fait naître l’obligation de vider ses mains (art. 1543 C. jud.). Dès lors, il revient à l’huissier de justice ayant le premier sommé le tiers-saisi de vider ses mains, de mener la procédure de répartition.
Si les sommations sont concomitantes, nous préconisons d’appliquer la règle sus-énoncée établie par le juge des saisies d’Anvers. Si les saisies le sont également, le bon sens doit prévaloir et la concertation entre eux s’impose. Le cas échéant, le juge des saisies peut trancher les difficultés rencontrées dans le cadre des exécutions (art. 1395 C. jud.).
Bien qu’en toute logique cette mission devrait revenir à l’huissier de justice saisissant, le législateur a prévu que le juge désigne, sur requête de la partie la plus diligente, un huissier de justice chargé de procéder à la distribution (art. 1638 C. jud.).
La pratique suit souvent la logique et l’intervention du juge est souvent « oubliée ».
Le praticien bien avisé veille quant à lui à demander non seulement la désignation d’un agent de change, mais également celle d’un huissier de justice, ce dès la requête déposée dans le cadre de l’article 1523 du Code judiciaire45.
A quel moment la répartition intervient-elle ?
En cas de vente mobilière, la question n’a guère d’intérêt, dès lors que la loi est claire : quinze jours au plus tard après la vente, l’huissier de justice invite les créanciers à produire leur créance (art. 1627 C. jud.). Passé le délai pour introduire les déclarations de créance, et au plus tard dans les 15 jours de l’invitation qui lui en est donnée par la partie la plus diligente, l’huissier de justice dresse un projet de répartition (art. 1629 C. jud.).
L’intérêt de la question réside en cas de saisie-arrêt sur des créances qui se renouvellent périodiquement : c’est le cas dans le cadre de la saisie-arrêt sur salaires, indemnités ou commissions ou encore sur des loyers.
Il est généralement admis que pour des raisons pratiques et d’économies de frais, l’huissier de justice attende que la somme à distribuer ait atteint quelque consistance46.
Nous avons relevé une proposition déjà ancienne de M. de LEVAL47 qui suggérait de compléter l’article 1630 du Code judiciaire par la disposition suivante : Lorsque la saisie se renouvelle périodiquement, si des distributions successives doivent être effectuées, moyennant adaptation éventuelle du tableau de répartition, il n’est procédé à celles-ci que si les sommes réunies représentent 30 % du montant des créances sans pouvoir dépasser le délai de six mois depuis le premier encaissement. Cette règle n’est pas applicable aux créanciers protégés par l’article 1412 (C. jud.).
Vu la multiplication des procédures de saisie-arrêt aboutissant nécessairement à une procédure de répartition, depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 11 avril 1997, la question garde toute son actualité.
Dans la pratique, c’est intuitivement le genre de solution proposée par M. de LEVAL que les huissiers de justice ont mis en place. La très grande majorité des études ont pris l’habitude de mener une procédure de répartition dès que le seuil de mille cinq cents euros à répartir est atteint, ce qui correspond environ selon les cas à une répartition tous les 2 à 6 mois (à l’occasion des congés payés et de la prime de fin d’année). Ceci a le mérite de trouver un certain équilibre entre les frais de répartition qu’il n’y a pas lieu de multiplier et l’accumulation des intérêts sur les créances produites.
La proposition de M. de LEVAL répondrait donc tout à fait aux attentes des praticiens.
Notons que l’avant-projet de loi projetant de modifier le statut de l’huissier de justice approuvé par le Conseil des Ministres du 29 mars 2013 prévoit en son article 522, § 3, alinéa 3 que « lorsqu’une dette, les pensions alimentaires exceptées, est acquittée, après une saisie-arrêt, au moyen de paiements échelonnés, l’alinéa premier n’est pas applicable si le total des recettes n’excède pas deux mille cinq cents euros. Si les recettes atteignent la somme de deux mille cinq cents euros, l’huissier de justice doit procéder au décompte dans le mois, sans préjudice des dispositions des articles 1627 et suivants ».
Il semble opportun de rappeler que le patrimoine du débiteur (actif et passif) évolue dans le temps et justifie dès lors que l’huissier de justice diligente après chaque période une nouvelle procédure de distribution. Se contenter de se calquer sur la première répartition pour distribuer les fonds, sans nouvelle procédure est à proscrire, dès lors que cette pratique est non fondée en droit et donc dangereuse.
Même si c’est la saisie qui fait naître le concours, c’est le paiement entre les mains de l’huissier de justice qui fait naître l’obligation de répartir. Les retenues effectuées après la dernière répartition font dès lors naître une nouvelle obligation de répartir qui doit nécessairement aboutir à une nouvelle procédure de distribution.
Que faire si l’huissier de justice reste en défaut de répartir, malgré la sommation d’y procéder ?
Il conviendra, selon nous, que la partie la plus diligente y ayant un intérêt cite l’huissier de justice devant le juge des saisies afin que celui-ci soit condamné à mettre en œuvre une procédure de distribution par contribution48.
Dans le cadre d’une vente sur saisie mobilière, le juge des saisies compétent est celui du lieu de la saisie (art. 633, § 1er, al. 1er C. jud).
La question du juge des saisies compétent dans le cadre d’une saisie-arrêt ne présente plus guère de difficultés, depuis les modifications récentes de l’article 633, § 1er, alinéa 2 du Code judiciaire ; c’est le juge des saisies du domicile du saisi qui est compétent ou à défaut de domicile en Belgique, celui du lieu de signification de la saisie-arrêt.
L’huissier de justice prendra dans un premier temps ses renseignements sur les créanciers probables du débiteur vendu ou saisi arrêté, pour les inviter par la suite à former opposition entre ses mains sur les fonds à répartir (art. 1627 C. jud.).
Seules entreront en compte les créances non contestées ou établies par un titre même privé (art. 1628 C. jud.). L’huissier de justice vérifiera les créances produites et les privilèges invoqués49.
Le rôle de l’huissier de justice est d’organiser le concours entre les différents créanciers pour attribuer les fonds en fonction des privilèges des uns et des autres. S’il y a plusieurs créanciers au même rang et pas suffisamment de fonds pour tous les désintéresser, l’huissier de justice partagera « au marc le franc »50.
Il adressera un projet de distribution par contribution à tous les créanciers et au débiteur vendu ou saisi arrêté, afin de recevoir dans les 15 jours les remarques éventuelles (contredits – art. 1629, al. 3 C. jud.) qu’il tentera de lever. A défaut, il reviendra au juge des saisies de se prononcer.
A défaut de contredit, l’huissier de justice clôturera son procès-verbal, l’enregistrera et videra ses mains conformément à celui-ci (art. 1631 C. jud.).
Afin d’assurer le caractère collectif de la procédure, l’huissier de justice doit jouer un rôle actif dans la recherche des créanciers. Outre les créanciers se manifestant d’office en formant opposition entre ses mains conformément à l’article 1515 du Code judiciaire, l’huissier de justice a un devoir de consultation des différentes sources de données qui sont légalement mises à sa disposition.
Nous verrons que certaines sources ne sont pas à consulter lorsqu’il s’agit de procéder à une répartition suite à une procédure de saisie-arrêt, ce par la logique-même de la publicité organisée par ces sources de données ou parce que non prévu par la loi.
Les articles 1390 et suivants du Code judiciaire ont fait l’objet d’une modification législative entrée en vigueur le 29 janvier 201151. Il en résulte un nouveau fichier des saisies centralisé et informatisé.
Cependant, ce nouveau fichier des saisies n’a pas intégré les avis de saisies déposés, suivant les anciens articles 1390 et suivants, aux sièges des tribunaux de première instance.
Il en résulte une obligation de consulter l’ancien fichier des saisies qui contient tous les avis jusqu’au 28 janvier 2011. Cette obligation s’éteindra le 28 janvier 2014, dès lors que les avis de saisie ont une durée de validité de trois ans, ce conformément à l’ancien article 1390, alinéa 5, durée actuellement reprise à l’article 1390septies, alinéa 3.
La première base de données dont dispose l’huissier de justice est le fichier organisé par les anciens articles 1390 et suivants.
Cette obligation de consultation était reprise dans l’ancien article 1390, § 2 et sous-entendue dans l’article 1627 du Code judiciaire52. Cette obligation est actuellement reprise à l’article 1391, § 2.
Cet article contient également l’obligation pour l’huissier de justice de mentionner au procès-verbal de répartition la date et l’heure à laquelle la consultation est intervenue.
Y est repris tout créancier qui a pratiqué :
- une saisie de quelque sorte que ce soit,
- une délégation, ou
- une cession de créance
ce jusqu’au 28 janvier 2011.
Les avis sont conservés durant trois ans, après quoi, faute de renouvellement, ils sont radiés d’office du fichier53. Cette radiation était prévue par l’ancien article 1390, § 1er du Code judiciaire. Elle l’est actuellement par l’article 1390septies, alinéa 3.
Si un avis « ancien système » doit être renouvelé, il l’est via le nouveau système, de telle sorte que le 29 janvier 2014, la consultation du fichier des saisies aux greffes du tribunal de première instance disparaîtra.
Il est à noter que, hormis les cas de la saisie conservatoire (mobilière : art. 1425 C. jud., immobilière : art. 1436 C. jud.54, saisie-arrêt : art. 1458 C. jud.) et de la saisie immobilière exécutoire (art. 1569 C. jud.), les saisies restent valables au-delà de ce délai de trois ans, même en cas de défaut de renouvellement de la mesure de publicité.
Y sont également repris les avis de règlement collectif de dettes, qui signifiera, en cas de saisie-arrêt la belle mort ou à tout le moins la suspension de celle-ci (voyez à ce sujet le § 4, V. (p. 74)).
Jusqu’au 28 janvier 2011, il y avait autant de fichiers des saisies, délégations, cessions et règlements collectifs de dettes qu’il y a de tribunaux de première instance. Les consultations de ces anciens avis de saisie se font au greffe du tribunal de première instance.
Dans certains cas, comme par exemple en cas de saisie mobilière hors de l’arrondissement où se trouve le domicile du saisi, deux avis de saisie étaient déposés respectivement au greffe du lieu de la saisie et au greffe du domicile du débiteur saisi. Le fichier le plus complet et qui doit dès lors être consulté est celui du domicile ou du siège social de la partie vendue ou saisie-arrêtée (voyez § 5, V. (p. 90)).
Par contre, en cas de saisie-arrêt, l’organisation des fichiers locaux était lacunaire lorsque la partie saisie était domiciliée à l’étranger ou que son domicile était inconnu. De fait, conformément à l’article 633, § 1er, alinéa 2 du Code judiciaire, le juge des saisies compétent est celui du lieu d’exécution de la saisie, soit le lieu de signification au tiers-saisi. S’il existe plusieurs procédures différentes, les avis de saisie n’étaient pas centralisés en un seul greffe, mais dispersés en fonction du lieu de signification des saisies arrêts. Dans la même situation, les saisies mobilières et immobilières donnaient lieu au dépôt d’un avis de saisie déposé au greffe compétent en fonction de la situation des effets mobiliers ou de l’immeuble saisis55. Les avis de saisies pouvaient donc être dispersés au travers tout le Royaume, au lieu d’être centralisés, comme le voudrait l’esprit du fichier des saisies. Le nouveau fichier centralisé solutionne fort heureusement cette difficulté.
Dans le cadre des anciens fichiers des saisies, il faut également être attentif aux domiciles successifs de la partie débitrice durant les trois dernières années. Il faut de fait consulter le fichier des saisies de tous les arrondissements où la partie débitrice a été domiciliée durant cette période.
Il est par contre inutile de consulter le fichier des avis de saisies tenu au greffe du Tribunal de commerce, dès lors qu’il s’agit nécessairement d’une copie conforme de celui tenu par le greffe du Tribunal de première instance, limitée aux sociétés et aux commerçants (ancien art. 1390, al. 4 C. jud. et nouvel art. 1390septies, al. 2 C. jud.). Ce fichier n’est d’ailleurs pas accessible.
Conformément à l’avis de M. de LEVAL56, les greffes délivrent des attestations payantes contenant la reproduction des avis reprises au fichier des saisies.57
Malheureusement, ces attestations ne sont pas plus fiables que les simples consultations (qui sont gratuites) ayant vu à de maintes reprises le greffier attester qu’il n’y a aucun avis déposé, alors que l’huissier de justice demandeur en avait déposé au moins un (pour lequel le greffe lui avait délivré le double pour réception de l’original).
Pourquoi dès lors lever un certificat payant alors que la consultation gratuite offre pour finir le même résultat ?
Nous serions tenté de répondre que c’est pour se forger une preuve de la consultation, mais c’est sans doute perdre de vue que le procès-verbal de distribution par contribution est un acte authentique qui doit, conformément au nouvel article 1391, § 2 du Code judiciaire, contenir la mention de la date et l’heure auxquelles l’officier ministériel a consulté les avis. Cette mention est donc couverte par l’authenticité et ne doit dès lors pas être autrement prouvée. Si l’huissier de justice ne se déplace pas en personne au greffe pour consulter le fichier des saisies58, il ne peut bien entendu constater le contenu du fichier des saisies. Dans ce cas, une attestation du greffier peut s’avérer utile.
Une autre question est la responsabilité de la désorganisation qui règne dans certains greffes quant au classement des avis et à la consultation et qui pourrait mener à omettre l’un ou l’autre créancier. L’Etat porte très certainement la responsabilité des conséquences de cette omission dans le cadre des attestations que le greffier délivre59. Dans le cadre des consultations gratuites, la question est plus délicate, pour une question de preuve.
En comparaison avec la situation des notaires dans le cadre de la procédure d’ordre, une omission du Conservateur des hypothèques d’un créancier dans un état hypothécaire, engage la responsabilité de ce dernier et non celle du notaire60.
Les articles 1390 et suivants du Code judiciaire ont fait l’objet d’une modification législative entrée en vigueur le 29 janvier 201163. Il en résulte un nouveau fichier des saisies centralisé et informatisé.
Comme déjà signalé, ce nouveau fichier des saisies n’a pas intégré les avis de saisies déposés, suivant les anciens articles 1390 et suivants du Code judiciaire, aux sièges des tribunaux de première instance.
Il contient donc tous les avis déposés depuis le 29 janvier 2011.
Cette obligation de consultation de ce fichier des saisies centralisé est reprise dans l’article 1391, § 2 et sous-entendue dans l’article 1627 du Code judiciaire64.
Cet article 1391, § 2 contient également l’obligation pour l’huissier de justice, soit de mentionner au procès-verbal de répartition la date et l’heure à laquelle la consultation est intervenue, soit de reproduire en annexe l’attestation contenant ces mentions délivrées par le fichier des saisies.
Y est repris tout créancier qui a pratiqué une saisie de quelque sorte que ce soit, une délégation, ou une cession de créance, a fait signifier un commandement de payer ou a déposé un avis d’opposition, ce à partir du 29 janvier 2011.
Cette consultation se fait par voie électronique65, sur base d’un accès sécurisé et individuel, avec vérification via la carte d’identité électronique de chaque interrogeant. Il y a donc lieu d’être préalablement accrédité par la Chambre Nationale des Huissiers de Justice66.
Les avis sont conservés durant trois ans, après quoi, faute de renouvellement, ils sont radiés d’office du fichier67. Cette radiation est prévue par l’article 1391, § 1er.
Il est à noter que, hormis les cas de la saisie conservatoire (mobilière : art. 1425 C. jud., immobilière : art. 1436 C. jud.68, saisie-arrêt : art. 1458 C. jud.) et de la saisie immobilière exécutoire (art. 1569 C. jud.), les saisies restent valables au-delà de ce délai de trois ans, même en cas de défaut de renouvellement de la mesure de publicité.
Y sont également repris les avis de règlement collectif de dettes, qui signifiera, en cas de saisie-arrêt la belle mort ou à tout le moins la suspension de celle-ci (voyez à ce sujet le § 4, V. (p. 74)).
Frais engendrés
L’article 9, alinéa 2 de la Loi du 25 octobre 1919 sur la mise en gage du fonds de commerce, l’escompte et le gage de la facture, ainsi que l’agréation et l’expertise des fournitures faites directement à la consommation, dispense le créancier gagiste de l’opposition prévue à l’article 1515 du Code judiciaire.