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À Gustave Kahn

et aussi à la mémoire

De la petite Salammbô, prêtresse de Tanit

Un mot au soleil pour commencer
Soleil ! soudard plaqué d’ordres et de crachats,
Planteur mal élevé, sache que les Vestales
À qui la Lune, en son équivoque œil-de-chat,
Est la rosace de l’Unique Cathédrale,
Sache que les Pierrots, phalènes des dolmens
Et des nymphéas blancs des lacs où dort Gomorrhe,
Et tous les bienheureux qui pâturent l’Éden
Toujours printanier des renoncements, – t’abhorrent.
Et qu’ils gardent pour toi des mépris spéciaux,
Bellâtre, Maquignon, Ruffian, Rastaquouère
À breloques d’œufs d’or, qui le prends de si haut
Avec la terre et son Orpheline lunaire.
Continue à fournir de couchants avinés
Les lendemains vomis des fêtes nationales,
À styler tes saisons, à nous bien déchaîner
Les drames de l’Apothéose Ombilicale !
Va Phœbus ! mais, Dèva, dieu des Réveils cabrés,
Regarde un peu parfois ce Port-Royal d’esthètes
Qui, dans leurs décamérons lunaires au frais,
Ne parlent de rien moins que mettre à prix ta tête.
Certes, tu as encor devant toi de beaux jours ;
Mais la tribu s’accroît, de ces vieilles pratiques
De l’À QUOI BON ? qui vont rêvant l’art et l’amour
Au seuil lointain de l’Agrégat inorganique.
Pour aujourd’hui, vieux beau, nous nous contenterons
De mettre sous le nez de Ta Badauderie
Le mot dont l’Homme t’a déjà marqué au front ;
Tu ne t’en étais jamais douté, je parie ?
– Sache qu’on va disant d’une belle phrase, os
Sonore mais très nul comme suc médullaire,
De tout boniment creux enfin : c’est du pathos,
C’est du PHŒBUS ! – Ah ! pas besoin de commentaires…
Ô vision du temps où l’être trop puni,
D’un : « Eh ! va donc, Phœbus ! » te rentrera ton prêche
De vieux Crescite et multiplicamini,
Pour s’inoculer à jamais la Lune fraîche !
Litanies des premiers quartiers de la lune
Lune bénie
Des insomnies,
Blanc médaillon
Des Endymions,
Astre fossile
Que tout exile,
Jaloux tombeau
De Salammbô,
Embarcadère
Des grands Mystères,
Madone et miss
Diane-Artémis,
Sainte Vigie
De nos orgies
Jettatura
Des baccarats,
Dame très lasse
De nos terrasses,
Philtre attisant
Les vers-luisants,
Rosace et dôme
Des derniers psaumes,
Bel œil-de-chat
De nos rachats,
Sois l’Ambulance
De nos croyances !
Sois l’édredon
Du Grand-Pardon !
Au large
Comme la nuit est lointainement pleine
De silencieuse infinité claire !
Pas le moindre écho des gens de la terre,
Sous la Lune méditerranéenne !
Voilà le Néant dans sa pâle gangue,
Voilà notre Hostie et sa Sainte-Table,
Le seul bras d’ami par l’inconnaissable,
Le seul mot solvable en nos folles langues !
Au-delà des cris choisis des époques,
Au-delà des sens, des larmes, des vierges,
Voilà quel astre indiscutable émerge,
Voilà l’immortel et seul soliloque !
Et toi, là-bas, pot-au-feu, pauvre Terre !
Avec tes essais de mettre en rubriques
Tes reflets perdus du Grand Dynamique,
Tu fais un métier ah ! bien sédentaire !