EAN : 9782335087178
©Ligaran 2015
J’ai hésité beaucoup avant de me décider à écrire l’ouvrage que je publie aujourd’hui. Ce qui m’a fait balancer pendant de longues années, c’est, je le déclare, l’inutilité de la plupart des livres de cuisine publiés jusqu’à ce jour, qui, presque tous, n’ont fait que se copier servilement les uns les autres, répétant les mêmes recettes les plus vagues et souvent les plus fausses, adoptant tous les mêmes routines et les mêmes erreurs, ne précisant, dans leurs formules, ni poids, ni mesures, ni quantités, ni durées de cuissons, ravalant notre profession plutôt qu’ils ne la rehaussaient, enfin, ne pouvant être d’aucun secours pour personne, ni pour ceux qui savent, ni pour ceux qui ont à apprendre, ni pour les gens du monde, ni pour les gens du métier.
Ai-je fait mieux ? Ai-je eu, enfin, le bonheur de réaliser ce livre de cuisine universellement attendu ? Le public pigera ; tout ce que je puis dire, c’est que j’ai fait autre chose que ce que l’on a fait jusqu’ici.
On confond ordinairement dans les ouvrages culinaires la petite et la grande cuisine, les mets les plus simples avec ceux du genre le plus compliqué ; de là, un amalgame des plus fâcheux, et qui explique comment l’étude et la pratique de l’art culinaire ont fait si peu de progrès jusqu’à ce jour.
Ainsi, pour citer un exemple, quoi de plus irrationnel que de donner les recettes des bisques, des suprêmes, des essences, pêle-mêle, avec les haricots de mouton, les sautés de lapins, les blanquettes, les veaux à la bourgeoise, les choses les plus élémentaires de la cuisine domestique ? Quoi de plus propre à tout embrouiller, à faire que personne n’y reconnaisse rien, ni maîtres, ni cuisiniers ?
J’ai voulu séparer ce qui, à mon point de vue, ne pouvait sans inconvénient être réuni. À l’aide des dimensions exceptionnelles du livre, et qui me paraissent indispensables, si l’on veut embrasser la cuisine dans toute son étendue, j’ai pu diviser mon traité en deux parts bien distinctes : l’une pour la cuisine de ménage, et l’autre pour la cuisine d’extra. Ces deux branches se correspondent, sans aucun doute, et se complètent l’une par l’autre, comme j’aurai plus d’une fois l’occasion de le démontrer ; mais il n’en est pas moins vrai que, dans la pratique, elles représentent deux parties différentes.
Il est incontestable que la tâche de la cuisinière bourgeoise n’est pas la même que celle d’un chef de grande maison.
Ainsi, dans ma première partie, on trouvera la cuisine de ménage proprement dite, sans complications d’aucuns genres sous le rapport du travail et de la dépense ; on verra si j’ai craint d’y donner les détails les plus minutieux, d’entrer dans les explications les plus positives, de manière à les mettre tout à fait à la portée des débutants et des apprentis.
J’ai été constamment guidé par une pensée qui est la base même du Livre de cuisine et suffira, je l’espère, pour lui marquer, rien que sous ce rapport, une place à part. J’ai tenu à donner, pour les recettes du ménage, les mesures les plus précises. On n’a rien expliqué ni rien démontré en cuisine ordinaire, si l’on ne procède que par des quantités approximatives, des données arbitraires, comme poids, comme mesures des matières, et aussi comme durée des opérations.
Je n’ai pas rédigé une seule de mes indications élémentaires sans avoir constamment l’horloge sous les yeux et la balance à la main. Je m’empresse d’ajouter qu’on n’est pas obligé d’avoir continuellement recours, dans la pratique, à ces moyens de vérification absolue, du moment où l’on est devenu un ouvrier habile et consommé. Mais lorsqu’il s’agit de formuler pour les personnes qui n’ont pas encore de connaissances acquises, je déclare qu’on ne saurait procéder d’une façon trop rigoureuse ; c’est le seul moyen d’en finir avec les à peu près et les doutes, qui planent encore actuellement même sur les préparations les plus simples, et font que tant de personnes mangent mal chez elle, et se plaignent, avec juste raison, du peu de progrès qu’a faits jusqu’à présent la cuisine de ménage.
Dans la seconde partie, j’ai présenté la grande cuisine avec tous ses développements et ses perfectionnements. Je pense n’avoir rien omis ; toutefois, j’ai évité avec le plus grand soin toutes les dénominations pompeuses ou bizarres, tous ces charlatanismes si ridicules de mets inconnus qui encombrent tant de livres, et qui ne représentent en résumé que des choses de pur étalage dont personne ne mange ou que des vieilleries déguisées sous un nom nouveau.
Pourquoi n’ajouterais-je pas aussi que j’ai été poussé à écrire le Livre de cuisine par les sollicitations pressantes de plusieurs de mes jeunes confrères qui veulent bien recourir quelquefois à mes conseils et à mon expérience ? Ils m’ont rappelé que, par ma position personnelle et les circonstances de ma vie, je me trouvais être en cuisine à la fois l’homme du passé et l’homme du présent, l’homme du courant et l’homme de l’extra ; apte, par cela même, à écrire sur l’ensemble et les détails de notre métier des choses utiles, instructives, qui n’ont pas été dites avant moi.
Entré dès mes plus jeunes années dans la carrière culinaire, j’ai beaucoup vu, beaucoup observé, beaucoup pratiqué dans tous les sens.
J’ai eu occasion d’étudier de près le travail de nos anciens grands maîtres, dont on aurait tort de laisser les noms et les travaux tomber dans l’oubli. Ainsi je citerai Loyer, l’homme qui a su le mieux dresser suivant moi une grosse pièce de cuisine ; Drouhat, aussi bon administrateur que bon cuisinier ; Lechard, le praticien universel, traitant avec le même talent supérieur toutes les parties ; Bernard, si renommé pour la délicatesse minutieuse de son travail. J’ai été d’ailleurs employé pendant sept ans consécutifs comme cuisinier et comme pâtissier par l’illustre Carême. J’ai fait en sorte de tirer tout le profit possible de ses excellents préceptes et de ses grandes traditions qu’il serait si désirable de voir revivre à notre époque.
Cependant les souvenirs d’autrefois ne m’ont jamais rendu injuste envers le présent. Je ne suis pas de ceux qui déclarent que la cuisine française, cette partie de notre nationalité dont nous avons raison d’être fiers, est perdue aujourd’hui, et qu’elle ne se relèvera jamais. Les bonnes et vraies choses ne périssent pas ; il peut y avoir sans doute des moments de déclin ; mais on se relève tôt ou tard avec le travail, l’intelligence et la bonne volonté. Je maintiens qu’on n’a jamais été mieux à même de faire bien et très bien qu’à présent.
Pénétré de cette conviction et des progrès continus dont la cuisine est susceptible, aussi bien dans ses parties les plus simples que dans ses branches les plus relevées, il n’y a pas de jours où je ne cherche et ne travaille au milieu de jeunes praticiens déjà célèbres, et qui témoignent assez par leurs talents et leur renommée justement acquise que la jeune cuisine n’a nullement dégénéré de l’ancienne. Je citerai en première ligne MM. Paul Pasquier, Charles et Léon Canivet, Paul Dessoliers, Got, aujourd’hui chef de bouche chez la reine douairière d’Espagne, Bernard fils et Cogerie, Madelain, Amédée Bain, et tant d’autres.
Plusieurs d’entre eux veulent bien se dire mes élèves ; qu’ils me permettent de ne leur donner d’autre titre que celui de confrère et d’ami.
Je leur dois un grand nombre d’excellentes recettes que je n’ai eu qu’à transcrire textuellement ; tous ceux auxquels j’ai fait appel, notamment MM. Amédée Bain et Charles Canivet, mes collaborateurs particuliers, m’ont aidé puissamment de leur concours actif et dévoué dans l’exécution de ce long et difficile ouvrage, qui a été fait au milieu de nos travaux de tous les jours, sur nos fourneaux, la vraie place du Livre de cuisine.
Parmi mes auxiliaires, je citerai aussi mes deux frères, Alphonse Gouffé, officier de bouche à la cour d’Angleterre depuis 25 ans, et Hippolyte Gouffé, officier débouché chez le comte André Schouvaloff, aussi depuis 25 ans. Les renseignements qu’ils m’ont envoyés de l’étranger m’ont été d’un grand secours. Ce n’est pas seulement comme frère que je les remercie, c’est aussi comme cuisinier rendant justice à leur mérite incontesté.
Enfin, je me résume dans ceci, c’est surtout à l’usage que l’on pourra juger le Livre de cuisine.
Grâce aux réformes et aux méthodes que je propose, si j’apprends d’ici à quelques années que chacun mange du mieux possible, suivant sa position sociale ; que d’une part la cuisine de ménage se pratique enfin avec soin, économie et confortable ; et que d’une autre, la grande cuisine s’exerce dans les conditions de progrès, de bon goût, d’éclat, que comporte si bien un siècle de lumière et de luxe comme le nôtre, j’aurai atteint réellement le but que je m’étais proposé, je me déclarerai pleinement satisfait du resultat et bien payé de toutes mes peines.
J. Gouffé.
15 juillet 1867.
Je crois nécessaire d’indiquer la destination spéciale des planches en couleur et en noir que renferme le Livre de Cuisine.
Ce n’est pas à moi à faire ressortir la valeur artistique de ces planches ni le mérite des dessinateurs et des graveurs qui ont bien voulu me prêter l’appui de leur talent ; mais tout en reconnaissant l’éclat incontestable que de pareilles illustrations n’ont pu manquer de donner au volume, je tiens à insister sur un point, c’est que ces dessins ont été faits, non pas seulement pour l’ornement et l’effet du coup d’œil, mais aussi pour concourir directement à l’œuvre d’enseignement culinaire que j’ai eue en vue, avant toutes choses, en écrivant mon ouvrage.
J’ajoute que tous ces dessins et planches ont été exécutés d’après nature, par M. Ronjat, peintre habile, à qui je me plais à rendre justice, et que, grâce à la chromolithographie, j’ai pu donner des indications nouvelles et précieuses, par exemple en représentant en face les unes des autres les viandes de boucherie et les volailles de bonne et de mauvaise qualité.
Toutes les fois qu’un dessin m’a semblé utile pour expliquer une opération, pour mettre en relief le détail pratique d’une recette, je me suis empressé de l’appeler à mon aide, bien convaincu du grand avantage que les jeunes cuisiniers qui travailleront d’après mon livre trouveront à avoir sous les yeux des illustrations techniques, conçues au point de vue du métier, destinées à leur offrir des modèles qu’ils devront suivre exactement.
Ainsi, dans la question du dressage, cette partie où il est si souvent nécessaire de donner des explications qui parlent aux yeux du praticien, on verra que je n’ai pas hésité à démonter pour ainsi dire morceaux par morceaux, à l’aide de figures détachées, les grosses pièces de relevés et d’entrées les plus importantes, de façon que le cuisinier puisse arriver à se rendre compte du travail partiel que représentent telles bordures ou telles garnitures avant d’être mises en place, et afin de procéder par le détail à l’exécution de la pièce d’ensemble.
Il m’a semblé que cette façon de dessiner et de peindre pratiquement la cuisine, en décomposant le travail parties par parties, valait infiniment mieux que de se borner à donner des dessins généraux de grosses pièces d’apparat qui trop souvent n’indiquent rien, ne fournissent que des renseignements tout à fait insuffisants quant à la manière d’exécuter les détails, et semblent avoir pour but d’éblouir et généralement de décourager les novices, bien plutôt que de les éclairer et de leur tracer la voie.
On pourra d’ailleurs se convaincre que je n’emploie pas le procédé démonstratif seulement pour les recettes de la grande cuisine ; on en trouvera de fréquentes applications dans les opérations les plus élémentaires de la cuisine bourgeoise, ce qui prouve assez le sens d’utilité positive dans lequel les illustrations de l’ouvrage ont été constamment dirigées.
Je pense que cette manière de compléter les recettes à l’aide des figures qui en sont réellement la mise en œuvre professionnelle, ne peut manquer de faire faire de rapides progrès aux jeunes gens qui voudront désormais apprendre leur métier, non pas seulement d’après la routine, comme on l’a fait pendant si longtemps, mais en joignant au travail manuel de tous les jours l’observation, l’étude, ces notions d’art, de science, de goût sans lesquelles il n’y aura jamais de véritable cuisinier.
J’ai réuni sous ce titre : Considérations préliminaires, un certain nombre de préceptes et de principes élémentaires que je regarde comme la pierre fondamentale de la cuisine petite et grande. Je crois devoir appeler sur ce chapitre toute l’attention de ceux qui tiennent à commencer par sa véritable base la pratique de la profession culinaire. Les jeunes cuisinières trouveront là des renseignements tout à fait essentiels, et que je n’hésite pas à recommander aussi aux maîtresses et maîtres de maison qui désirent que la table, cette chose si importante de la vie, soit chez eux, comme soin et comme exécution, toujours ce qu’elle doit être.
Voici l’énoncé sommaire des sujets traités dans ces préliminaires ; il suffit de les indiquer pour en faire ressortir toute l’importance :
1° Termes de cuisine. – Je commence par expliquer ce qu’il faut entendre par ce qu’on appelle les termes de cuisine, que j’essaye, comme on le verra, de réduire à leur juste valeur, en débarrassant autant que possible le métier des locutions de convention, qui ne servent qu’à l’embrouiller dans la pratique.
2° Installation et tenue de la cuisine. – Chacun admettra sans aucun doute qu’il faut un local convenable pour pouvoir travailler convenablement. J’insiste à dessein sur la question de tenue et de propreté : j’entre à ce sujet dans des détails minutieux qu’il est toujours bon de rappeler dans l’intérêt de tous, maîtres de maison et praticiens.
3° Outillage de la cuisine. – Je donne une liste aussi complète que possible de tous les instruments et accessoires qu’une cuisine doit contenir.
4° Approvisionnements. – J’indique la manière de faire son marché, puis les procédés pour bien diriger les fourneaux et pour établir les diverses espèces de feux et de cuissons, conformément aux opérations que l’on veut exécuter.
5° Épices et aromates. – J’explique comment on doit les employer et les apprêter soi-même ; je donne pour chaque recette des quantités exactes, comme je l’ai fait dans tout cet ouvrage.
6° Service de la table et de la cuisine. – Je termine par indiquer ce qui me paraît être le véritable nécessaire pour ce qui concerne le service de la cuisine et de la table.
Je puis affirmer que si l’on veut étudier ces considérations préliminaires avec soin et réflexion, se bien pénétrer de ce qu’elles contiennent et en faire usage quand on se trouvera devant les fourneaux, on sera en état d’entamer comme il convient le travail de la cuisine, et d’abréger de beaucoup la période toujours si pénible et si compliquée de l’apprentissage.
J’intitule ce chapitre : Termes de cuisine, pour me conformer à un usage généralement admis, mais qui, pour moi, je l’avoue, n’a pas grand sens. Il n’y a pas, à proprement parler, de termes de cuisine : la cuisine d’aujourd’hui, naturelle et vraie avant tout, ce qui est le cachet du progrès moderne, doit s’exprimer de manière à être comprise de tout le monde. Si elle a laissé s’introduire autrefois dans ses habitudes certaines expressions spéciales, devenues du reste surannées pour la plupart, elle n’a guère d’intérêt à les propager actuellement, attendu que, sauf bien peu d’exceptions, les choses auxquelles ces expressions s’appliquent peuvent être aussi bien indiquées avec les ressources du langage ordinaire.
Je veux donc m’occuper ici non pas tant des termes de cuisine que des opérations de cuisine dont il est essentiel d’avoir au moins une idée précise avant d’entrer dans le détail de la profession culinaire.
Blanchir, c’est mettre dans l’eau bouillante pendant un temps déterminé certains légumes dont on retire ainsi l’âcreté. On blanchit aussi les têtes et pieds de veau afin de les rendre plus flexibles et plus faciles à parer. Le blanchissage s’applique également aux couennes de porc pour en faciliter le nettoyage et le dégorgement.
Braiser, c’est faire cuire à la casserole, à petit feu, une pièce de viande que l’on couvre hermétiquement avec feu dessus.
Brider, c’est faire passer dans les membres d’une volaille une ficelle pour empêcher les membres de s’écarter au feu et lui donner la forme adoptée pour entrée ou rôti.
Ciseler, c’est faire des incisions au couteau, plus ou moins profondes, à la surface de certains poissons ou de certains légumes, afin de faciliter leur cuisson.
Clarifier. Ce terme s’applique à l’opération qui a pour but de rendre limpides les gelées, les jus, les consommés, le beurre. Les gelées se clarifient à l’œuf ; les jus et les consommés, à la viande ; on clarifie le beurre en le mettant à feu doux ; on le passe à la serviette pour s’en servir dans les opérations si nombreuses où l’on emploie le beurre clarifié.
Découper, c’est séparer les membres d’une volaille ou d’un gibier que l’on veut ou fricasser ou sauter. Voir le dessin pour la manière de séparer les membres (pl. VII).
Dégorger. Faire dégorger signifie laisser tremper les légumes le temps voulu pour leur faire perdre toute espèce d’âcreté : on dégorge aussi les pieds de veau, têtes de veau, crêtes de coq, etc., pour en enlever le sang de l’intérieur qui les ferait noircir à la cuisson.
Dessécher, c’est tourner pâtes ou légumes avec la cuiller de bois et presser sur le fond de la casserole, pour éviter que ce que l’on prépare n’attache, et pour faciliter en même temps l’évaporation.
Flamber, c’est passer volaille et gibier au-dessus de la flamme du foyer ardent. Dans les cuisines où l’on emploie le fourneau de fonte, on a recours, pour flamber, à la lampe à esprit de vin dont il sera question à l’outillage.
Frémir. On entend par ce terme la petite agitation qui se produit à la surface d’un liquide au moment où il va se mettre à bouillir.
Garniture. On indique par ce mot l’encadrement des entrées.
Glacer, c’est passer au pinceau avec le jus de viande consistant, appelé glace, les viandes piquées, rôties, les sautés, les croûtons, etc.
On appelle faire tomber sur glace, faire réduire un mouillement quelconque en couvrant le feu au fur à mesure que la réduction a lieu.
Le mot glacer s’entend aussi des couches de sucre que l’on applique aux beignets, pannequets et à certaines pièces de pâtisserie.
Enfin, le mot glacer s’applique aux entremets que l’on prépare à la glace, tels que Nesslrode, chateaubriand, etc.
Mouiller, c’est mettre dans la casserole le liquide nécessaire pour la cuisson.
Parer. On appelle parer l’opération qui consiste à enlever d’une volaille ou d’une viande toutes les parties qui peuvent nuire à la forme et au dressage.
Rafraîchir, c’est, après avoir fait blanchir les légumes et les viandes, les mettre ensuite dans l’eau froide : on rafraîchit les légumes pour les empêcher de prendre une teinte jaunâtre, et les viandes pour les nettoyer et enlever les restes d’écume.
Revenir, signifie faire passer les morceaux de viande dans le beurre, pour leur faire prendre couleur.
Sauter, c’est faire cuire avec beurre, à feu vif, sans aucun mouillement.
Tourner, c’est donner avec le couteau la forme de poire, de boule ou de bouchon, aux légumes et fruits employés pour garnitures.
Avant tout, une cuisine la plus vaste, la mieux aérée, la mieux installée, la mieux outillée possible ; telle doit être évidemment la première préoccupation de quiconque tient à bien vivre et doit avoir à cœur l’hygiène et aussi la réussite du travail des personnes attachées à son service.
Malheureusement, même dans plus d’une habitation grandiose, où tout a été sacrifié au luxe, à l’apparat, la cuisine est souvent la partie la plus négligée, celle où l’on a le moins consulté les notions les plus élémentaires de l’expérience et du progrès.
Il y a là incontestablement de grandes réformes à faire. Mais n’oublions pas que nous ne traitons dans notre première partie que de la cuisine bourgeoise ; par conséquent, notre devoir est d’accepter les conditions des cuisines ordinaires, telles qu’elles se présentent dans la majorité des maisons actuelles, qui ont pour base des fortunes moyennes.
Nous ne nions pas que, dans beaucoup d’appartements, même d’un prix très élevé, et surtout dans les grandes villes, les cuisines laissent beaucoup à désirer comme espace, comme jour, comme distribution intérieure.
C’est un grand mal, sans aucun doute, mais le cuisinier intelligent doit y parer du mieux possible et se tirer d’affaire à force de soin, de bon vouloir, et aussi de talent et d’adresse.
Dans notre métier, il faut, dans bien des occasions, savoir se contenter de ce qu’on trouve ; on n’a pas toujours à sa disposition les cuisines de Chantilly ou de Ferrières. Mais je maintiens que, même dans de très petits locaux, on peut faire encore de bonnes et de très bonnes choses. Je dis cela surtout pour ceux de nos jeunes praticiens qui seraient tentés de se laisser décourager en se voyant transportés dans de certaines installations insuffisantes, et dont ils doivent apprendre à s’accommoder, la réforme des localités culinaires ne pouvant malheureusement pas se faire en un jour.
Comme exemple de la philosophie pratique dont on doit s’armer en pareil cas, je citerai un de mes amis les plus intimes qui, ayant été appelé en extra un certain jour au château du baron D…, à Argenteuil, n’a trouvé en arrivant, pour confectionner deux grosses pièces montées et une entrée froide, d’autre emplacement pour son travail, vu l’encombrement du château, qu’un couloir étroit où n’existait en fait de table qu’une planche suspendue au plancher par des cordes, puis, dans un coin, un morceau de marbre en forme de fichu scellé dans le mur.
Pas de plaque ni de plafond ; obligation absolue de faire cuire la pâte d’office dans la lèchefrite, qui, heureusement, se trouvait être en cuivre et nouvellement étamée.
Notre ami découvrit, comme ressource infiniment précieuse en pareil cas, deux plateaux vernis qu’il fallut d’abord dévernir au feu, puis enduire de papier pour composer deux plafonds destinés au feuilletage et aux gâteaux de garniture.
En dépit de tous ces obstacles, de la nécessité de dresser sur une planche vacillante comme une balançoire, il est arrivé non seulement à exécuter complètement ses pièces, mais même à en recueillir des éloges que n’auraient peut-être pas obtenus bien des cuisiniers beaucoup mieux outilles qu’il ne l’était.
Je ne raconte pas ce fait-là pour encourager les mauvaises cuisines, tant s’en faut ! mais seulement pour qu’on tire tout le parti possible de celles que l’on rencontre.
J’ajouterai que plus une cuisine est désavantageuse comme localité, plus il faut remédier à ce grave inconvénient par la propreté, les soins minutieux de chaque détail, l’outillage, la réunion de tous les instruments nécessaires pour faciliter et alléger la tâche du travailleur.
« Propreté ! propreté ! » Ce grand mot, si capital pour tout ce qui tient aux détails de la consommation, je déclare, dut-on me trouver en cela ridicule ou exagéré, qu’il devrait être inscrit en énormes majuscules sur la porte de toutes les cuisines, grandes ou petites.
Une cuisine peut être étroite, mal distribuée, mal éclairée, mais elle n’a jamais le droit d’être sale, sous aucun prétexte.
Je consigne ici les principes essentiels, et je ne crains pas d’entrer dans des détails qui ne paraîtront minutieux qu’à ceux qui n’ont pas suivi de près le travail culinaire, et qui n’ont pu se rendre compte par eux-mêmes des mauvais résultats que peuvent avoir, dans beaucoup de cas, certaines négligences et l’oubli des soins relatifs à la question de propreté.
Quand on pense qu’il suffit souvent d’une seule casserole malpropre pour faire manquer tout l’effet du meilleur dîner !
Je dirai donc aux travailleurs et travailleuses :
Que le carreau de la cuisine et de l’office soit lavé à grande eau une fois au moins par semaine. Après le lavage du carreau, on répandra une couche de sciure très propre que l’on renouvellera tous les jours.
La pierre à évier doit être lavée chaque jour au savon noir et à l’eau chaude, et rincée avec le plus grand soin.
Les fourneaux de fer seront grattés et lavés tous les soirs, sans préjudice des nettoyages de détail que les accidents de travail pourraient nécessiter.
Les fourneaux à charbon de bois devront être brossés pendant le travail et rougis tous les soirs au rouge de Prusse étendu d’eau.
Les fourneaux à carreaux de faïence demandent que le charbon ait son département tout à fait à part, de manière à ne pas devenir une cause perpétuelle de malpropreté envahissante, comme il arrive dans certaines cuisines qui restent constamment noires comme l’échoppe du charbonnier.
On n’oubliera pas, le travail une fois terminé, d’ouvrir les fenêtres toutes grandes, afin de renouveler l’air entièrement et d’éviter les mauvaises odeurs persistantes. Une cuisine bien tenue ne doit pas, lorsque les fourneaux sont éteints, être plus odorante qu’une salle à manger : il faut qu’on puisse y manger toujours avec plaisir.
Quant aux ustensiles journaliers, et notamment aux casseroles, je ne saurais trop insister pour qu’on veille de très près au renouvellement de l’étamage. On ne manquera pas de passer la batterie en revue tous les jours, et dès qu’on verra qu’une des pièces commence à rougir, on s’empressera de la faire étamer. Je n’approuve pas la méthode qui consiste à avoir des jours fixes pour faire étamer toute la batterie de cuisine en bloc. Il me paraît bien plus sûr et plus prudent de soumettre les pièces à une vérification quotidienne, et d’envoyer sans retard à l’étamage celles qui en ont besoin. C’est le moyen le meilleur pour que chaque chose soit toujours en bon état. On n’oubliera pas qu’avec des casseroles qui ne sont pas suffisamment pures, non seulement on s’expose aux dangers connus de tout le monde sous le rapport hygiénique, mais de plus on ne peut rien faire de bon en cuisine ; consommés, sauces, gelées, tout devient d’une couleur trouble et noirâtre.
Avec le soin de faire étamer les casseroles aussi souvent que besoin est, on aura celui de les entretenir avec des précautions toutes particulières que l’on ne saurait pousser trop loin. Qu’elles soient lavées, récurées au sablon, lavées de nouveau et rincées à l’eau propre toutes les fois qu’elles servent. On doit blâmer énergiquement cet usage malpropre et insalubre qui consiste à employer la même eau pour laver plusieurs ustensiles de cuisine : il en résulte une eau grasse, épaisse, qui forme une couche noire autour des parois, et rend l’opération du nettoyage à peu près impossible.
Je trouve très bien que les casseroles soient polies et brillantes à la vue, et je suis le premier à rendre justice au bon effet que produit sur des rayons une batterie de cuisine où l’on peut se mirer comme dans du métal neuf ; mais à la condition toutefois que le nettoyage de l’intérieur ne soit pas sacrifie au luisant de l’extérieur, et que ces casseroles si belles au-dehors ne soient pas négligées au-dedans, ce qui n’est malheureusement pas sans exemple, comme j’en ai eu la preuve par moi-même.
Ainsi, dans une très grande maison que je ne veux designer d’aucune façon, par un motif que l’on comprendra, et où se trouvait précisément une de ces superbes batteries de cuisine éblouissantes, parfaitement rangées, il m’est arrivé, ayant à exécuter une sauce que l’on m’avait demandée, de faire décrocher jusqu’à onze casseroles les unes après les autres, sans en trouver une seule qui pût me servir.
J’ai été obligé d’en faire nettoyer une sous mes yeux, et j’ai constaté, après le nettoyage, que l’étain était presque entièrement rongé : on pouvait juger, d’après ce seul échantillon, ce que devait être le reste de la batterie.
J’ajouterai que cette leçon de propreté qu’il m’a fallu donner par la force des choses, et bien malgré moi, n’a pas été perdue.
J’ai eu depuis occasion de me rendre plusieurs fois dans cette même maison et de reconnaître par moi-même que la batterie de cuisine était tout à fait en état ; l’intérieur des casseroles ne laissait absolument plus rien à désirer.
Que toute cuisine, et quelle que soit la condition d’existence à laquelle elle se rapporte, soit toujours outillée le mieux possible : voilà une de ces règles fondamentales qu’un homme de sens, même n’eût-il aucune idée de la pratique de notre métier, ne peut manquer d’admettre. Comment veut-on que le travail de la cuisine s’exécute dans les conditions voulues, si l’on n’a pas à sa disposition les instruments nécessaires ?
C’est pourquoi je crois rendre un véritable service à toutes les personnes d’ordre et d’entendement intérieur, et notamment aux ménagères qui calculent et ont à veiller de près sur leurs dépenses, en leur disant : « Ayez absolument tout ce qu’il faut dans vos cuisines ; vous vous en trouverez bien, et comme économie et comme réussite des repas. De plus, achetez toujours dans les meilleures maisons et dans les meilleures qualités ; vous y trouverez également un très grand avantage sous le rapport de la dépense et aussi de l’exécution culinaire. » C’est surtout pour les acquisitions du ménage et de la cuisine qu’il est bon de se répéter souvent le vieil adage : « Il n’y a que le bon marché qui ruine. »
Je donne ici la liste des objets qui doivent constituer l’outillage d’une bonne cuisine de ménage, conformément au genre de travail que comprend la première partie du Livre de Cuisine.
On remarquera qu’en désignant les objets, j’indique en même temps l’usage auquel ils s’appliquent, et autant que possible la manière de s’en servir, ce qui ne sera pas, je pense, sans quelque utilité pour les personnes qui débutent et en sont bien souvent à ne pas même connaître la destination de bien des ustensiles qui garnissent les cuisines.
2 marmites en cuivre : une de 10 litres, une de 4 litres (la seconde pour l’ordinaire, 2 litres de bouillon) ; la première, 6 litres de bouillon.
1 cuiller percée, pour écumer.
1 écumoire en cuivre étamé, pour retirer viande, légumes, friture.
1 cuiller à pot.
2 cuillers à ragoût, pour dresser les ragoûts et pour dégraisser.
10 casseroles étagées depuis 30 centimètres jusqu’à 10 ; chaque casserole doit être garnie de son couvercle.
3 plats à sauter, de 30, 25 et 20 cent., avec leurs couvercles.
1 casserole ovale, de 30 cent. de long sur 20 de large et 18 de haut, avec sa grille. Cette casserole sert pour tous les braisés ; elle remplace l’instrument dit braisière ; on peut y faire cuire jambons, filets de bœuf, carrés de veau, et même, au besoin, certains poissons.
1 casserole à glacer, avec couvercle de 20 cent. de large, 12 de hauteur.
1 turbotière, avec sa grille de 45 cent, de long sur 25 de large.
1 poissonnière, avec sa grille, de 55 cent, de long sur 17 de large.
1 moule uni, pour charlottes, timbales, gâteaux de riz.
1 moule à cylindre, pour aspics, gelée, bavarois.
1 moule à pâté.
2 moules à flan.
Je ne donne pas de dimension pour les quatre moules précédents ; on les choisira suivant les besoins du service.
2 plaques d’office, de 32 cent, sur 20.
4 plafonds de cuivre, de 18 à 30 cent.
Ces plaques et plafonds ont deux usages : ils servent d’abord pour la pâtisserie, dans le cas où on voudrait la faire confectionner dans l’intérieur ; puis pour les plats qui demandent à être mis en presse, comme nous le verrons aux articles galantine, poitrine de moutons, côtelettes braisées, etc.
1 bassine, de 32 cent, sur 22 de haut, pour blanchir.
1 bassine non étamée, de 30 cent, de large sur 16 de haut.
1 écumoire non étamée, pour confitures.
2 poêlons d’office non étamés : 1 de 10 cent., et 1 de 20 cent., pour compote, sirop, sucre à glacer, etc.
1 bassin à blanc d’œuf, de 22 cent., avec son fouet.
1 grande passoire en cuivre étamé, de 20 cent., pour ragoûts, blanchissage, etc.
1 passoire moyenne, de 12 cent., pour égouttage et friture de persil.
3 plats ovales en cuivre étamé, pour gratin : le premier de 30 sur 19, le second de 25 sur 22, le troisième de 40 sur 24. Ces plats, destinés aux gratins, doivent toujours être faits sans anses.
1 four de campagne, de 22 cent, de large sur 15 de hauteur, pour soufflés, omelettes soufflées, pommes meringuées, et, au besoin, un entremets de pâtisserie.
1 grand couvercle en tôle, à rebords, pour couvrir le plus grand des plats ovales ; ce couvercle sert pour tous les gratins ; un seul couvercle suffit pour les plats ovales de toutes grandeurs.
1 poêle à frire en cuivre étamé, de 34 cent, de long sur 26 de large et 11 de profondeur. Cette poêle est destinée à toutes les fritures ; elle doit être munie de deux poignées de chaque côté sur la longueur.
1 Petite poêle à frire, de 24 cent, sur 15 de large et 12 de hauteur.
2 poêles en fer non étamé : l’une de 22 cent., et l’autre de 16 ; on réservera spécialement celle de 16 centimètres pour les omelettes, sans l’appliquer à aucun autre usage.
2 grils en fer, pour grillade : 1 de 20 cent., et l’autre de 30 cent.
1 grille, pour friture, et grillage en fer étamé, de 32 cent, de long sur 24 de large. Cette grille a pour but d’empêcher que les choses mises dans la friture n’attachent au fond de la poêle ; de plus, elle permet d’enlever à la fois d’un seul coup tout ce qui est à frire : beignets, croquettes, beignets soufflés, etc.
2 passoires en fer-blanc, dites chinois : l’une de 14 et l’autre de 10 cent. de large. Ces passoires, percées aussi finement que le filtre de la cafetière dite Dubelloy, remplace l’étamine avantageusement dans les ménages.
6 cuillers de bois étagées : 2 de 20 cent., 2 de 30 cent., 2 de 40 cent.
1 tamis à purée en fil de fer étamé.
1 passe-purée en bois dur destiné à presser sur le tamis pour faire passer farces et purées.
1 grosse lardoire en fer pour piquer les grosses viandes braisées.
1 lardoire moyenne pour le même usage.
1 étui contenant 12 lardoires en fer étamé pour piquer filets de bœuf, noix de veau, riz de veau, filets de chevreuil, etc.
2 aiguilles à brider en acier : une de 15 cent, et une de 22 cent.
1 batte en acier pour couper et aplatir carrés de veau, de mouton et de chevreuil, etc.
1 couperet en fer.
2 couteaux à hacher pour farces, légumes, etc.
1 scie a main pour la boucherie.
1 mortier en marbre de 25 cent. de large sur 18 de profondeur, avec pilon en bois dur. Ce mortier est indispensable dans une cuisine, pour farces, godiveaux, quenelles, purées, lait d’amande, etc.
Un rouleau en buis pour pâtisserie de 32 cent. de long sur 5 de diamètre.
1 boîte à glacer en fer-blanc pour glacer entremets, gâteaux, etc.
2 boîtes à coupe-pâte, une unie et une goudronnée. Ces boites servent pour la petite pâtisserie, petits pâtés, petits vol-au-vent, etc.
1 boite à colonne ou vide-pomme.
1 pèse-sirop, avec son éprouvette, pour apprécier les degrés de sucre dans les compotes, gelées, confitures. On s’assure de l’exactitude du pèse-sirop en le plongeant dans l’eau froide et en constatant qu’il marque bien zéro. S’il indiquait seulement un ou deux degrés, il ne serait pas dans les conditions convenables.
2 planches à bâcher en bois de hêtre, de 45 cent. de long sur 30 de large et 6 cent. d’épaisseur.
1 billot pour couper la viande.
1 paire de balances en cuivre étamé, pouvant peser 10 kilos, avec série de poids en cuivre depuis 1 kilo jusqu’à 5 grammes ; plus une série de poids en fer : 1 de 5 kilos, 1 de 2 kilos, 2 de 1 kilo.
10 terrines en terre émaillée, étagées de 10 centimes à 1 fr.
6 plats en terre de Champagne : 2 de 25 cent, de long, 2 de 30 cent, et 2 de 35 cent.
Table de cuisine en hêtre avec ses tiroirs.
Fontaine à filtrer.
2 entonnoirs en fer-blanc.
3 couteaux de cuisine, dont un à abattre, en acier.
2 couteaux d’office.
12 serviettes œil-de-perdrix pour passer consommés et gelées ; elles remplacent le tamis de soie, que l’on a reconnu être de peu de durée et par cela même très dispendieux.
1 garde-manger. – Dans les cuisines composées d’une seule pièce, il est indispensable d’avoir un garde-manger en bois et en toile métallique, dont je donne le modèle ci-après, pour être adapté à la fenêtre. Dans le cas où les localités ne permettraient pas d’user de la fenêtre, je donne un autre modèle fait pour être suspendu dans la cour de service ou à la voûte de la cave. Il est bien entendu que l’exposition au nord est la seule qui convienne.
On doit avoir le soin de ne renfermer que des choses entièrement refroidies.
Si on pouvait disposer de deux fenêtres dans la cuisine, je ne craindrais pas de conseiller même deux garde-manger. On n’a jamais trop de garde-manger dans les cuisines.
Horloge. – Une horloge, même du modèle le plus simple, est un objet essentiel dans une cuisine pour les détails du travail et la régularité du service.
Lampe à esprit de vin. – Pour les cuisines qui n’ont pas de fourneaux à charbon de bois, il est nécessaire d’avoir une lampe à esprit de vin, à mèche de 5 centimètres, pour tout ce qui est à flamber.
1 litre en fer-blanc.
1 demi-litre.
1 décilitre.
Je conseille les batteries de cuisine en cuivre, sans toutefois exclure absolument le fer étamé, moins avantageux sous le rapport de la durée et aussi pour les opérations auxquelles s’appliquent les casseroles, plats à sauter, plats à glacer. Cependant il est des pièces telles que marmites, braisières, turbotières, poissonnières qui peuvent être fabriquées en fer étamé sans aucun inconvénient.
L’outillage que je viens d’indiquer et qui me paraît être l’indispensable d’un bon intérieur bourgeois, s’adapte à un nombre de personnes partant du chiffre de 4 ou même de 2, pouvant s’élever jusqu’à celui de 12 que je n’ai pas voulu dépasser, afin de rester dans les limites de la cuisine de ménage.
Je n’ai pas besoin de dire que ce catalogue d’ustensiles peut être modifié suivant les existences ; ainsi les personnes qui auraient la certitude de n’être jamais plus de deux, quatre ou six à table n’achèteraient que les premières ou secondes grandeurs de marmites et de casseroles. Il est bien entendu aussi que celles qui ne feraient pas de confitures dans leur intérieur ne s’imposeraient ni la bassine ni l’écumoire à confitures.
Toutefois, sans vouloir pousser à la dépense, bien loin de là, puisque je ne saurais trop répéter que j’ai eu constamment l’économie en vue en écrivant ma première partie, et en admettant fort bien que l’on n’achète que les ustensiles pour son usage, je ferai remarquer qu’il est bien peu d’intérieurs où l’on n’ait à donner de temps à autre un repas d’extra ; c’est pourquoi il est bon que dans toutes les familles il y ait les choses nécessaires pour pouvoir préparer ces repas.
Chacun sait par expérience combien il est pénible de ne pas trouver à l’heure de la préparation d’un dîner tel ou tel objet indispensable, que la cuisinière réclame en vain et que la maîtresse de la maison regrette tant à ce moment-là de n’avoir pas compris dès le principe dans ses acquisitions de ménage.
Je ferai remarquer aussi qu’en fait de casseroles, grils, poêles, il y a presque toujours double avantage à prendre plutôt plus grand que trop petit.
D’une part, le travail se fait généralement mieux dans les objets de grandes dimensions ; de plus, on a souvent intérêt à faire des plats pour quatre ou cinq personnes, même ne fut-on d’habitude que deux à dîner. Il y a économie de temps et de combustible, et de plus, on évite les difficultés des morceaux par trop restreints, qui sont comme on sait un des écueils de la cuisine des petits ménages.
Quoi qu’il en soit, et en mettant les choses au plus haut, la dépense de l’outillage d’une bonne cuisine ne peut guère avoir rien d’exagéré pour personne, surtout si l’on songe à tout ce qui se dépense dans tant d’intérieurs, même les plus simples, pour tant de futilités et d’objets de luxe d’une utilité souvent si contestable.
De bons ustensiles de cuisine, bien achetés et bien entretenus, durent généralement toute la vie. Ce n’est donc qu’une question de mise de fonds première. Dans tous les cas, n’est-ce pas une satisfaction réelle que de pouvoir se dire que rien ne manque dans sa cuisine, et que si quelque chose réussit mal on ne saurait s’en prendre, dans aucun cas, à l’insuffisance ou à la pénurie des instruments reconnus nécessaires ?
On emploie dans la cuisine actuelle deux espèces de fourneaux, le fourneau à charbon de bois, dit à l’ancienne, et le fourneau de fonte.
Le fourneau à l’ancienne ne se chauffe qu’au charbon de bois. Il doit contenir trois bouches, l’une de 18 cent, carrés, et les deux autres de 15. Ces trois bouches suffisent pour toute la cuisine de la première partie du livre.
Le grand point est de bien charger la bouche principale, qui doit servir à faire partir à grand feu marmite, blanchissage, braisés, légumes, etc.
Les deux autres bouches servent, l’une à faire mijoter lentement les braisés, et l’autre tous les liquides dont je désigne ci-après la cuisson par ce terme : sur le coin du fourneau.
Une seule bouche peut servir à faire mijoter en même temps une marmite et trois casseroles disposées à l’entour, moyennant qu’on aura le soin d’entretenir un feu bien actif, c’est-à-dire que l’on mettra du charbon constamment au milieu, sans déranger aucune des casseroles.
La cuisinière devra faire en sorte que la principale bouche du fourneau soit toujours occupée et que les choses qui demandent à être cuites à feu vif se succèdent sans interruption, pour que le charbon ne brûle pas en pure perte.
Le fourneau de fonte se chauffe au charbon de terre. Son système consiste en une surface de métal chauffée par un foyer et un four qui se trouve placé dans la partie inférieure. Pour la cuisine de ménage, un seul foyer et un seul four sont nécessaires.
Le foyer est couvert d’une ou deux rondelles qui servent à graduer la chaleur. Lorsqu’on a besoin d’un feu très vif, on retire les rondelles.
La plaque sert à ranger les casseroles et les marmites que l’on dispose selon les degrés de chaleur exigés par les différentes cuissons.
Le four sert pour les glacés, les braisés, les entremets, la pâtisserie et les gratins.
Ces deux fourneaux ont leurs inconvénients et leurs avantages.
Le fourneau à l’ancienne donne incontestablement plus de facilité pour le fini du travail.
Les fourneaux en fonte permettent d’exécuter, par le moyen de leurs fours, les gratins, soufflés, pâtisseries, ce que l’on ne peut guère obtenir avec les fourneaux à l’ancienne.
Dans tous les cas, il faut savoir se servir aussi bien des fourneaux en fonte que de ceux à bois ; ce n’est qu’une question de plus de soins et aussi de difficultés à surmonter pour certaines opérations. Je répéterai pour les fourneaux ce que j’ai déjà dit précédemment au sujet des localités : « Il faut savoir, en cuisine, se contenter de ce qu’on rencontre. »
J’ai eu occasion de voir dans une cuisine bourgeoise un fourneau qui m’a paru réaliser à la fois les avantages du fourneau à l’ancienne et du fourneau de fonte. J’ai cru devoir en prendre le modèle.
Je m’empresse de dire que je ne l’impose nullement, puisque j’ai commencé par déclarer que l’on pouvait et devait travailler sur les fourneaux que l’on trouve établis dans les maisons. Je le propose surtout pour l’usage des personnes qui, ayant à faire construire un fourneau chez elles, se trouveraient peut-être bien d’adopter celui-là.
Le fourneau, dont on trouve le dessin ci-joint, est fait en brique, avec plaque de fonte, ce qui l’empêche de donner ces excès de chaleur que l’on reproche si souvent, à juste titre, aux fourneaux de fonte.
Il est disposé de manière à être chauffé soit au bois, soit au charbon de terre.
La plaque en fonte n’existe que sur le foyer et le four ; elle représente un emplacement suffisant pour la confection de la cuisine ordinaire.
Avec ce fourneau on aura à la fois grillade et rôtissoire.
Outre les fourneaux, une cuisine doit posséder une grillade et un appareil pour rôtir, qui se compose d’une coquille que l’on peut faire sceller dans le mur, en l’adaptant devant la cuisinière et le tournebroche.
Nous avons, en cuisine, plusieurs dénominations de feux, conformément aux diverses natures de cuissons spéciales que réclament les différentes opérations culinaires.
Ainsi, on peut distinguer trois espèces principales de feux :
feu de marmite
feu de grillade
feu de rôti
sur le coin du fourneau
sur le coin du fourneau
Mais pour les fourneaux à charbon de terre, l’opération se complique, et même le terme usité pour expliquer le mijotement sur le coin du fourneau devient impropre, puisqu’on agit sur une surface chauffée sur tous les points.
On éloigne ou on rapproche la casserole du foyer, suivant les degrés de chaleur, et on remplace ainsi le coin du fourneau de l’ancien système. On fait toujours en sorte que l’ébullition n’ait lieu que d’un seul côté.
Je consigne, relativement à la cuisson et à la réduction, ces deux parties si essentielles du travail des fourneaux, un détail d’opération qui est le fruit de mon expérience personnelle, et que je ne puis me dispenser de placer dans ces considérations préliminaires.
Les réductions s’obtiennent, au contraire, par le chauffement très vif et l’évaporation très prompte.
Quand il s’agit de réduire, vous devez au contraire employer le feu très ardent, pour faire évaporer le plus vite possible.