L’auteure, Valentine Vanootighem, est docteure en psychologie et chercheuse à l’Université de Liège. Très active dans le domaine de la vulgarisation scientifique, elle est chroniqueuse pour Psychologies Magazine (Belgique) et collabore au projet Psychopium.com, qui diffuse la psychologie scientifique au plus grand nombre.
Des chercheurs en psychologie étudient, de par le monde, des milliers de facettes de notre comportement. Les auteurs de la collection In psycho veritas opèrent, parmi ces études, une sélection drastique ; ils pointent pour nous les plus percutantes, les plus pertinentes, les plus étonnantes, celles qui sont susceptibles de répondre à nos préoccupations.
Et nous voici embarqués dans un voyage initiatique au sein de l’univers de la recherche en psychologie… À partir de questions faussement anodines, voire légèrement provocantes, les auteurs nous amènent, mine de rien, à réfléchir en véritables scientifiques. Question posée, mise en contexte, méthode, résultat, conclusion, source.
Le premier petit miracle est que toute cette démarche est ici ramassée sur une double page ; le deuxième miracle est que les auteurs ont trouvé un ton léger, drôle et précis pour rendre cela intelligible.
À la question « Les fans de rap et d’opéra ont-ils la même personnalité ? », vous seriez tenté(e) de répondre en fonction de votre expérience personnelle ou de l’observation de votre entourage. Seule une véritable recherche permet de répondre objectivement à cette question. Peut-être vous arrivera-t-il aussi de contester certains résultats, d’invoquer des contre-exemples… Une plongée dans le déroulement de la recherche risque de vous amener à bousculer certaines idées reçues ; vous verrez vos convictions tantôt renforcées, tantôt ébranlées… tel est également l’objectif de la collection In psycho veritas !
Bien sûr, la problématique de la parentalité ne se résume pas en 60 questions. Bien sûr, chacune des thématiques abordées comporte d’autres facettes, d’autres angles d’approche.
In psycho veritas se veut ici déclencheur ; les 60 questions posées dans le livre en appellent 60 autres qui, elles-mêmes, en appelleront 60 nouvelles – pour lesquelles nous aurons appris à distinguer « ce que j’en pense » de « ce qu’en dit la science »…
Le titre de la collection est bien sûr inspiré de l’expression latine In vino veritas ; elle nous dit qu’un verre de vin enlève certaines inhibitions et nous fait dire, parfois malgré nous, la vérité (ou du moins certaines vérités). Par association d’idées, In psycho veritas, en vous plongeant au cœur du travail de chercheurs en psychologie, vous aidera à mieux comprendre certains comportements et vous permettra de décoder certaines « vérités ».
Gageons que vous y prendrez autant de plaisir qu’à déguster un bon verre de vin… et à le partager !
L’éditeur
01 | Les fans de rap et d’opéra ont-ils la même personnalité ?
L’influence des traits de personnalité sur les préférences musicales
02 | Hommes et femmes écoutent-ils la même musique ?
Les effets du genre sur les choix musicaux
03 | Reste-t-on fan de Justin Bieber toute sa vie ?
L’évolution des préférences musicales en fonction de l’âge
04 | Nos goûts musicaux sont-ils culturels ?
L’impact des origines culturelles sur le type de musique écoutée
05 | Les bébés préfèrent-ils les chants a cappella ?
Les préférences des bébés pour les chants seuls ou accompagnés
06 | Notre QI influence-t-il nos choix musicaux ?
La relation entre l’intelligence et les préférences musicales
07 | Les fans de Snoop Dog mènent-ils tous la même vie ?
L’impact du style de vie sur les préférences musicales
08 | Qui sont les personnes qui frissonnent en écoutant de la musique ?
L’impact de la personnalité sur la sensation de plaisir durant l’écoute musicale
L’influence des traits de personnalité sur les préférences musicales
« Sinon, tu écoutes quoi, toi, comme musique ? » Au même titre que le style vestimentaire, la décoration d’un intérieur, les lieux habituellement fréquentés, cette question survient tôt ou tard lorsque nous apprenons à connaître quelqu’un. En effet, découvrir les goûts musicaux d’une personne nous donne l’impression de mieux la connaître et de pouvoir nous faire une idée d’elle. Mais existe-t-il vraiment un lien entre notre personnalité et le type de musique que nous écoutons ? Pour le découvrir, des chercheurs écossais se sont lancés dans la plus grande étude jamais réalisée sur le lien entre goûts musicaux et personnalité.
Via un questionnaire en ligne, plus de 36 000 personnes à travers le monde ont été sollicitées pour exprimer leur avis sur 104 styles musicaux. Cette étape permettait de se faire une idée précise de leurs préférences musicales. Elles devaient ensuite compléter un test de personnalité permettant d’évaluer cinq dimensions principales : le caractère consciencieux, l’agréabilité, l’extraversion, l’ouverture à l’expérience et le neuroticisme (faisant référence à l’instabilité émotionnelle). Enfin, une évaluation de l’estime de soi a permis d’affiner le profil des participants.
Parmi les nombreux résultats de cette étude, on apprend notamment que les fans de country seraient des personnes sociables et travailleuses. Les personnes qui écoutent du rap seraient sociables et animées par une forte estime d’elles-mêmes. Le profil des personnes qui écoutent du jazz et du blues est assez semblable à celui des fans de rap, mais ceux-ci seraient en plus dotés d’un esprit très créatif. Les fans d’opéra seraient plutôt doux et créatifs, et auraient une haute estime d’eux-mêmes. En revanche, les adeptes de la musique indé sont généralement créatifs, peu travailleurs et manquent de douceur ! Un résultat surprenant concerne les fortes similarités observées entre les fans de musique classique et de heavy metal : ils seraient créatifs, calmes, sereins et introvertis ! Enfin, les passionnés de soul remportent tous les suffrages puisqu’ils seraient à la fois créatifs, extravertis, doux, bien dans leur peau et posséderaient une bonne estime d’eux-mêmes.
Selon cette étude, la playlist de votre iPod peut donc vous trahir ! Il semble en effet possible d’établir un lien entre les traits de personnalité et les goûts musicaux. Cependant, lorsque les chercheurs ont pris en compte les caractéristiques plus générales des participants, à savoir l’âge, le genre et le statut économique, ils ont découvert que ces caractéristiques étaient davantage liées aux préférences musicales. La personnalité peut donc en partie expliquer nos préférences musicales, mais au côté d’autres différences individuelles.
Source : North, A. (2010). Individual differences in musical taste. American Journal of Psychology, 123(2), 199-208.
Les effets du genre sur les choix musicaux
Parfois, entre hommes et femmes, les goûts musicaux divergent. En effet, même s’il ne s’agit que de grandes tendances, on a déjà pu montrer que les hommes optent pour des musiques plutôt dures et bruyantes, tandis que les femmes préfèrent écouter des musiques plus douces et romantiques. Cependant, une question n’a pas encore été abordée : existerait-il une différence entre hommes et femmes dans le choix des artistes qu’ils aiment écouter ? Plus spécifiquement, de quel sexe sont généralement les artistes écoutés préférentiellement par les hommes et les femmes ? Une étude australienne nous en dit plus.
On a interrogé 50 hommes et 50 femmes âgés de 18 à 25 ans sur leurs préférences et habitudes musicales. Il leur a tout d’abord été demandé d’établir la liste de leurs cinq albums favoris du moment, mais aussi de leurs cinq albums préférés sortis depuis 1950. Ils ont ensuite dressé la liste des cinq musiques qu’ils avaient écoutées le plus durant les 3 derniers mois. La dernière partie du questionnaire consistait à juger l’importance de neuf composantes de ce qui fait que « la musique est bonne », comme la voix de l’interprète, le rythme, le message diffusé par les paroles, les performances des musiciens, ou encore l’identité de l’artiste. Pour finir, les participants ont effectué un test dont l’objectif était de mesurer leur masculinité et leur féminité.
De manière étonnante, il s’avère qu’hommes et femmes préféreraient largement les artistes masculins aux artistes féminines ! En outre, ils ont indiqué écouter quotidiennement trois fois plus d’artistes masculins que féminins. Une différence de genre semble cependant exister. En effet, cet attrait pour les artistes masculins était particulièrement marqué chez les hommes. Cela se reflètait dans la liste de leurs albums favoris, dans celle des albums qu’ils écoutent le plus fréquemment, mais aussi dans celle de ceux qu’ils considèrent comme les meilleurs de tous les temps.
Chez les hommes, il existerait donc une plus grande tendance à écouter des artistes du même sexe. Selon l’auteur de cette étude, cela pourrait s’expliquer par la volonté des hommes d’être identifiés à un artiste du même sexe, trouvant cela plus valorisant. De façon intéressante, les femmes opteraient elles aussi pour l’écoute d’artistes masculins, même si cette tendance est moins marquée que chez les hommes. Le fait que les femmes écoutent majoritairement des artistes du sexe opposé serait, dans ce cas, simplement expliqué par de réelles préférences pour un artiste, quel que soit son genre. Patrick Juvet se demandait « Où sont les femmes ? » À en croire cette étude, en tout cas pas dans le cœur des auditeurs !
Source : Millar, B. (2008). Selective hearing : Gender bias in the music preferences of young adults. Psychology of Music, 36(4), 429-445.
L’évolution des préférences musicales en fonction de l’âge
Bon nombre d’adolescents vous diront qu’ils resteront fans de Justin Bieber à la vie, à la mort ! Pourtant, même si nous n’aimons pas l’admettre, nos goûts en matière de musique tendent à changer avec l’âge. Des psychologues anglais ont décidé de se pencher sur la question en tentant de comprendre comment se forment et évoluent nos préférences musicales, mais aussi de quelle manière nous appréhendons la musique de l’adolescence jusqu’à la quarantaine. En effet, la musique a-t-elle constamment la même place au sein de notre vie ? Pour quelles raisons n’écoutons-nous pas les mêmes musiques à 15 ans et à 40 ans ?
Des données recueillies sur approximativement 250 000 personnes âgées de 15 à 40 ans ont été analysées. Un questionnaire sur Internet avait été préalablement rempli par ces participants dans le but de déterminer le type de musique qu’ils écoutaient, mais également leurs habitudes quotidiennes en matière de musique. Pour étudier au mieux les préférences musicales de ces personnes, les nombreux styles musicaux que nous connaissons ont été regroupés en cinq catégories de musique : mélodieuse, sans prétention, sophistiquée, intense et contemporaine.
La place accordée à la musique au quotidien s’est révélée différente à l’adolescence et à l’âge adulte : elle aurait en effet tendance à décliner avec l’âge ! Quant aux préférences musicales, il s’avère que les musiques plébiscitées par les adolescents sont des musiques dites « intenses » (punk, metal ou rap subversif). Les jeunes adultes se tourneraient, quant à eux, vers des musiques plutôt « contemporaines » et plus édulcorées (électro, R&B, rock). Nous entrerions ensuite dans notre dernier âge musical vers l’âge de 40 ans, dominé par des musiques plus « sophistiquées », comme le jazz ou la musique classique, et « sans prétention », comme le folk ou le blues.
Bien que notre engagement vis-à-vis de la musique diminue avec l’âge, celle-ci garde assurément une place importante dans notre vie. Notre rapport à la musique semble cependant évoluer en fonction de nos étapes de vie. Précisément, les musiques « intenses » écoutées à l’adolescence correspondraient à un besoin d’affirmation et d’autonomie. On retrouve ainsi, à cet âge charnière, des choix musicaux empreints de vives tensions, de connotations rebelles et d’agressivité. Une fois ce désir d’indépendance révolu, la musique endosserait une fonction différente : celle d’être accepté socialement, qu’il s’agisse d’appartenir à un groupe de pairs ou d’établir de relations plus intimes. Le dernier âge musical serait, quant à lui, associé à la recherche de l’esthétique et du raffinement et favoriserait des choix musicaux liés au quotidien familial, professionnel ou encore amoureux. Selon ces statistiques, à chaque âge ses goûts musicaux !
Source : Bonneville-Roussy, A., Rentfrow, P. J., Xu, M. K., & Potter, J. (2013). Music through the ages : Trends in musical engagement and preferences from adolescence through middle adulthood. Journal of Personality and Social Psychology, 105(4), 703-717.
L’impact des origines culturelles sur le type de musique écoutée
Toutes les cultures ont des musiques qui leur sont propres, comme le raï dans le monde arabe, la musique latino en Amérique du Sud ou encore la musique tzigane dans la culture du même nom. Cependant, quelle que soit notre propre identité culturelle, nous possédons chacun des préférences individuelles pour certains types de musique. La question se pose donc de savoir si la culture dont nous sommes issus peut influencer nos goûts musicaux. Des chercheurs américains s’y sont intéressés de plus près en examinant les préférences musicales de très jeunes enfants issus de deux cultures bien distinctes.
Ont pris part à cette étude 48 enfants américains et turcs âgés de 4 à 8 mois. Différents styles de musique leur ont été présentés alors qu’ils étaient confortablement installés avec un parent. Il s’agissait précisément de musique aux rythmes occidentaux ou des Balkans, ou bien de musiques aux rythmes totalement arbitraires. Afin de pouvoir mesurer l’intérêt de ces enfants qui ne parlent pas encore, les mélodies ont été présentées en même temps qu’une animation visuelle sur écran. De cette façon, le temps que chaque enfant passait à regarder l’écran sans détourner le regard permettait de mesurer l’intérêt qu’il portait aux différentes musiques écoutées.
L’analyse du comportement de ces bébés face à la musique a pu montrer que les enfants américains ont accordé nettement plus d’attention à la musique occidentale qu’à la musique des Balkans. Les enfants turcs n’ont, quant à eux, pas montré de préférence pour l’un de ces deux types de musique. Enfin, lorsqu’on a comparé la musique des Balkans à celle composée de rythmes arbitraires, les deux groupes d’enfants ont préféré la musique des Balkans.
Cette étude semble mettre en évidence un impact de la culture sur les préférences musicales. En effet, les enfants américains, qui sont très familiers avec les rythmes de la musique occidentale et non avec ceux de la musique des Balkans, ont très nettement préféré la musique issue de leur propre culture. De façon très intéressante, les enfants turcs n’ont, quant à eux, pas montré de préférences particulières pour un type de musique. Cela n’est pas surprenant puisqu’au sein de leur pays, ils sont très tôt exposés à ces deux types de musiques. À l’appui de ces résultats, les enfants n’ont marqué que très peu d’intérêt pour les musiques aux rythmes arbitraires, différents de ceux qu’ils connaissent. Alors que de précédentes études nous suggéraient déjà que les personnes ont une tendance à préférer les musiques issues de leur propre culture, cette étude nous indique que cela pourrait déjà se marquer très tôt dans l’enfance.
Source : Soley, G., & Hannon, E. E. (2010). Infants prefer the musical meter of their own culture : A cross-cultural comparison. Developmental Psychology, 46(1), 286-292.
Les préférences des bébés pour les chants seuls ou accompagnés
La musique fait partie intégrante de la vie des enfants, et ce, dès leur plus jeune âge. En effet, les bébés sont, très tôt, stimulés par la musique, que l’on retrouve par exemple dans de nombreux jouets qui leur sont destinés (livres, mobiles, peluches…). N’oublions pas non plus les parents, qui chantent régulièrement des chansons à leurs enfants afin de les calmer, de les endormir ou encore de les distraire. On sait les enfants très sensibles à la musique, mais ont-ils, tout comme nous, des préférences pour certains styles musicaux ? Pour nous éclairer, des chercheurs américains ont tenté de déterminer, entre les chansons a cappella et celles avec accompagnement musical, lesquelles avaient la préférence des tout jeunes enfants.
Les préférences musicales de 60 enfants âgés de 5, 8 et 11 mois ont été examinées. Les bambins ont, dans un premier temps, écouté une comptine chinoise qu’ils ne connaissaient pas. Deux versions de la chanson ont en réalité été utilisées : une version a cappella (voix uniquement) et une version accompagnée (voix et instruments). Afin d’examiner les préférences musicales de ces jeunes enfants qui – assez logiquement – ne parlaient pas, une procédure particulière a été utilisée. Chaque enfant, accompagné d’un parent, était assis face à un panneau. Une lumière était alors placée au centre de ce panneau et allumée pour capter l’attention de l’enfant. Dès que l’enfant regardait la lumière, la musique débutait et continuait à être diffusée tant qu’il ne détournait pas le regard.
Le temps d’écoute – à savoir le temps passé à regarder la lumière sans détourner le regard – a été calculé pour chaque enfant. On a alors pu observer que les bébés de 5 et 11 mois étaient plus attentifs à la musique que les bébés de 8 mois. Malgré ces différences en fonction de l’âge des enfants, une nette préférence pour la version non accompagnée de la chanson a pu être observée. En effet, les bébés de tout âge ont écouté plus longuement la version a cappella de la chanson que sa version accompagnée.
La préférence des bébés pour les musiques a cappella pourrait s’expliquer de différentes manières. Il est par exemple possible qu’avant l’âge d’un an, les enfants montrent une préférence pour des musiques moins complexes – dans ce cas, sans accompagnement musical – en raison de certaines limitations cognitives. Ils pourraient en effet éprouver des difficultés à se focaliser sur différents aspects d’une musique, comme nous le faisons aisément à un âge plus avancé. Il est également envisageable qu’un chant a cappella soit privilégié en raison d’une fascination bien connue des bébés pour les voix qu’ils entendent. Ils préféreraient dès lors profiter de la voix seule plutôt que de l’entendre dissimulée dans un accompagnement musical. Votre répertoire inépuisable de berceuses et de comptines est donc à utiliser sans modération et sans accompagnement musical !
Source : Ilari, B., & Sundara, M. (2009). Music listening preferences in early life : Infants’ responses to accompanied versus unaccompanied singing. Journal of Research in Music Education, 56(4), 357-369.
La relation entre l’intelligence et les préférences musicales