L’affaire Giroud a occupé continuellement les journaux depuis la fin de l’année 2013. Elle concerne une cave, Giroud Vins SA, qui était devenue en une quinzaine d’années l’une des plus importantes du Valais. Celle-ci a été accusée de tous les maux : encavage au noir, irrégularités dans la vinification, distribution opaque, soustraction fiscale : aucune étape du processus ne semblait épargnée. Enfin, son patron, Dominique Giroud, était suspecté d’avoir commandité une attaque informatique contre les journalistes qui sortaient des informations le concernant.
Semaine après semaine, le feuilleton rebondissait. Des personnages nouveaux apparaissaient au gré des épisodes : conseillers d’État, ministre des finances, espion de la confédération, détectives privés, puissants du Valais. On suggérait que dans ce canton, Dominique Giroud aurait bénéficié de protections qui lui auraient longtemps assuré l’impunité. En plus, il était un fidèle d’Ecône, ce centre catholique traditionaliste aux rites pittoresques et aux valeurs combatives. Bref, tous les éléments d’une belle série médiatique étaient réunis.
Pourtant, ceux qui découvraient Dominique Giroud entrevoyaient quelqu’un qui semblait ne pas correspondre à ce qu’on lui reprochait. Au début de l’affaire, en effet, la photo de l’encaveur qui illustrait la plupart des articles, toujours la même, montrait un homme dans la montagne, coiffé d’un chapeau au bord relevé, qui paraissait plus naïf, simple, candide, que retors et manipulateur. Ceux qui le fréquentaient avaient encore une autre image de lui. Ils parlaient d’un esprit vif, rapide, entreprenant, remarquable producteur d’idées, travailleur inlassable, cultivant des liens avec tout ce qui comptait.
Face au déferlement des attaques et des images, on pouvait s’interroger. S’agissait-il d’un acharnement de la presse qui voulait se payer un homme coupable d’une réussite éclatante, un homme qui ne cachait pas sa foi ardente et ses croyances conservatrices ? Y avait-il, comme l’affirmaient certains de ses défenseurs, un emballement médiatique parce que Giroud constituait une cible idéale non pas à cause de ce qu’il avait fait, mais à cause de ses croyances, de ses valeurs, de son fonctionnement, de ses réactions ? Ou devait-on prendre au sérieux les accusations, particulièrement dans ce qu’elles montraient du Valais ? Régnait-il vraiment dans ce canton un fonctionnement opaque ? Se pouvait-il que le pouvoir y soit exercé dans d’obscures sphères, par des forces sur lesquelles les citoyens n’auraient pas prise ? Un certain nombre de puissants se protégeaient-ils mutuellement et s’assuraient-ils une impunité dont Giroud, qui aurait été l’un des leurs, aurait profité ?
Le canton que je connais et que j’aime est bien différent de cette caricature. Aussi, durant ce long été 2014 pluvieux que j’ai passé dans les montagnes d’Anniviers, puis durant l’automne lumineux qui a suivi, j’ai commencé à me documenter. S’il faut aussi donner des motifs personnels à mon intérêt, une partie de ma famille est dans la vigne, ce secteur éclaboussé par les révélations que sortaient les journaux. Or, les vignerons et les encaveurs que je connais font bien leur métier, sont passionnés par la qualité du raisin, produisent des vins remarquables.
Ma première idée était de rédiger un roman qui interpréterait les faits en les prenant comme point de départ. Mais plus je recueillais d’informations, plus je comprenais que l’imagination, dans ce cas-ci, serait moins forte que la réalité. Les événements romancés n’auraient pas paru plausibles : trop exagérés, trop extrêmes, trop riches, trop enchaînés. Il m’a semblé plus intéressant de les éclaircir en les exposant, en racontant simplement le fil de cette histoire qui était devenue finalement presque illisible sous les points de détails, les arguties et les chicanes.
Précisons encore que je ne connais pas Dominique Giroud, que je ne l’ai jamais rencontré, et que je n’ai rien contre lui personnellement. Mais si sa vie privée doit être respectée, il s’est voulu un personnage d’envergure, a agi et s’est mis en scène pour le devenir et pour peser sur la vie publique, ce qui rend légitime qu’on parle de lui sous cet aspect-là. Il n’est d’ailleurs pas mon sujet principal.
Mon sujet principal, c’est le Valais. Ce qui m’intéresse dans l’affaire, ou plutôt les affaires Giroud, c’est ce qu’elles disent sur ce canton, c’est la révélation de certaines causes dont les individus subissent des effets. Une relation qui plante ses racines dans le passé. Remontons donc un peu le temps.
Une nuit de novembre 1997, à l’heure où la plupart des gens dorment, des colleurs d’affiches clandestines s’affairent dans les rues des villes et des bourgades entre Monthey et Brigue.
Ce n’est pas le premier coup de ces jeunes gens entre vingt-cinq et trente-cinq ans. Ils ont déjà utilisé la même procédure pour manifester contre la sortie d’un film dont le titre était Priest. Parue en 1995, cette fiction sans intérêt artistique traitait de la sexualité des prêtres et montrait notamment les tentations homosexuelles de l’un d’entre eux. Mais cette première tentative n’a eu aucun écho. Ce ne sera pas le cas pour celle de 1997. Il faut dire que le message de cette année-là est plutôt choquant.
Au lever du jour, les premiers promeneurs peuvent découvrir, affichés sur les murs, les visages et les noms de trois femmes, trois politiciennes valaisannes. Il y a deux députées démocrates-chrétiennes et la vice-présidente de la ville de Sion, qui est issue du parti socialiste.
Leur portrait est surmonté du cliché d’une poubelle, dans laquelle un fœtus sanglant de trois mois a été jeté. Sous l’image, il est écrit : « L’empoisonner, le découper à la curette ou le laisser mourir dans une poubelle ? » Le titre de l’affiche indique : « Elles veulent une culture de la mort en Suisse ! » Au bas, une citation modifiée de Georges Duhamel explicite : « Chaque civilisation a l’ordure qu’elle mérite. »
L’assemblage des éléments fait exploser les connotations. Ces femmes sont des ordures et notre société les mérite. Notre société qui n’a plus le sens des valeurs et de la vie considère les fœtus comme des ordures. Les femmes désignées à la vindicte luttent pour imposer l’idée que les fœtus sont des ordures. Des femmes, justement, accusées de détruire des vies, alors que leur vocation, dans l’esprit de ceux qui ont posé les affiches, on le verra, est d’être mères et femmes au foyer, loin de la politique et de l’engagement.
C’est brutal, violent, extrême, même si cette campagne clandestine s’insère dans un débat. La solution des délais doit être votée quelques semaines plus tard. Elle vise la dépénalisation partielle de l’avortement. Le recours à celui-ci, pratiqué par un médecin dans les douze premières semaines de grossesse, serait décriminalisé. Les trois femmes mises au pilori défendent ce projet.
Ainsi attaquées, elles portent plainte. Et les auteurs des affiches sont rapidement identifiés. Ils sont issus de l’association Citadelle, un groupuscule d’extrême-droite qui a été fondé deux ou trois ans plus tôt (la date est incertaine même pour ses créateurs) par Dominique Giroud, vingt-six ans, un encaveur de Chamoson, et quelques amis qui partagent ses idées. Ses membres se réunissent une fois par mois dans le but de régénérer la société. Leurs cibles : l’avortement, la drogue, les sectes, l’occultisme, la pornographie…
Les afficheurs démasqués sont vite confondus par la police et Giroud prend crânement tout sur lui. L’affaire est son initiative personnelle. Citadelle n’a rien à voir là-dedans. Il a lui-même créé l’image. C’est juste s’il ne l’a pas collée tout seul. Cette version est confirmée par tous les autres membres du groupuscule avec une belle unanimité.
Les plaignantes ne les croient pas et demandent que les archives de Citadelle soient saisis. Quelque chose pourrait prouver que le mouvement en entier a participé à l’entreprise : il y a eu une réunion le soir même du collage d’affiches, juste avant que celles-ci n’apparaissent sur les murs. Les trois femmes aimeraient bien savoir ce qui s’y est dit. Elles s’intéressent aussi à la liste de ceux qui y ont assisté.
En effet, un mystère plane sur ces gens. Si les membres du comité marchent à visage découvert, Giroud, interrogé par la police, a indiqué que quatre autres personnes, qui n’appartiennent pas au groupe et dont il refuse de révéler l’identité, participent à leurs rencontres. La presse les surnomme bientôt « les parrains de Citadelle » et les identifie comme des caciques du Mouvement chrétien conservateur.
Et là, on se retrouve dans une toute autre configuration. Alors que Citadelle peut passer pour une chapelle d’allumés aux valeurs marginales, le Mouvement chrétien conservateur est une association qui est complètement honorable, parfaitement respectable.
Il est très proche du Parti démocrate chrétien qui dirige le Valais depuis des décennies. Beaucoup de ses membres y appartiennent. Le Mouvement est proche d’un conseiller d’État en fonction, d’un éditorialiste du journal Le Nouvelliste, d’hommes politiques influents qui constituent la droite la plus dure du PDC valaisan. Ses membres fondateurs sont liés à la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X d’Écône, dont Dominique Giroud est un fidèle. Ils défendent un droit naturel absolu et universel, qui viendrait directement de Dieu, et devrait régler le monde dans ses moindres détails : vie personnelle, relations sociales, lois.
Pour les plaignantes, c’est évident : le Mouvement chrétien conservateur et ses notables sont complices de l’affaire. Ses têtes pensantes ont utilisé le groupuscule pour faire passer leurs idées. Les femmes attaquées entendent bien le prouver en se faisant communiquer les procès-verbaux de Citadelle, les noms des membres, les statuts.
Un imbroglio judiciaire suit. Tout compte fait, la justice conclut que Giroud n’est pas seul responsable. Une quinzaine de personnes sont accusées de diffamation, de calomnie et de dommage à la propriété.
Quant à la question du lien de Citadelle et du Mouvement chrétien conservateur, elle se précise un peu plus tard : une année après le collage des affiches, Dominique Giroud et tous les autres membres du comité directeur du groupuscule sont nommés au comité directeur du Mouvement chrétien conservateur.
Dominique Giroud est né en 1971 à Chamoson, charmant village du Valais central dont les vignes sont réputées. Il est le fils d’un encaveur qui cultive un hectare et demi de vignes. Le hasard du calendrier judiciaire veut qu’à la fin de l’année 2000, le père et le fils rendent des comptes à la justice à quelques jours d’intervalle.
Le papa Giroud, qui est aussi l’ex-président de la commune, a été gérant de la banque Raiffeisen au début des années 90. Un de ses proches parents lui a succédé. On les accuse tous deux de gestion déloyale ou faux dans les titres. En clair, ils n’auraient pas suivi les procédures d’octroi des crédits, accordant des prêts, notamment à des proches, sans respecter les règles de la banque.
S’agit-il de copinage ? De politique des clans ? De népotisme ? De clientélisme ? Ils se défendent en affirmant qu’ils ont seulement mené une politique bancaire de proximité. Les pertes qui ont suivi se chiffreraient à des centaines de milliers de francs.
Quatre autres accusés sont poursuivis pour n’avoir rien vu ou voulu voir : deux présidents successifs du conseil d’administration, une collaboratrice de la banque et le président du conseil de surveillance de l’époque. L’affaire est jugée le 9 octobre 2000 par le Tribunal d’arrondissement d’Hérens-Conthey, qui est attaché aux affaires de Chamoson.
Mais ce tribunal ne s’occupe pas des affiches anti-avortement du fils. Là, il s’est déclaré incompétent. Selon lui, le lieu de référence est celui où les documents ont été donnés aux colleurs, donc la commune de Riddes, donc le Tribunal du Bas-Valais. Mais le Tribunal du Bas-Valais s’oppose à cette argumentation et ne veut pas non plus de cette affaire.
Embarras utile pour l’avocat de Dominique Giroud. Profitant de cette confusion, il essaie de passer un marché qui annule la procédure. Ses arguments : l’affaire est retombée, les accusés vont « se défendre véhémentement », il y a des certitudes que « le débat ne dépasse largement le cadre strictement juridique. » Les plaignantes ont intérêt à retirer la plainte. Sinon, écrit-il à leur avocate : « Vos trois clientes ne risquent-elles pas de ressortir plus “écorchées” qu’elles ne l’ont été lors du placement des affiches ? »
Elles ne se laissent pas intimider et vont jusqu’au bout, même si on a de la peine à trouver un tribunal pour juger la cause. Celui de Sion, choisi par la Chambre pénale parce que c’est le lieu où a été ouverte l’instruction, refuse également et renvoie le tout au premier tribunal, celui d’Hérens-Conthey…
Le petit jeu dure jusqu’à ce que la Chambre pénale, fatiguée de voir tout le monde se déclarer incompétent, impose l’affaire une nouvelle fois au Tribunal de Sion. Celui-ci condamne finalement les accusés. Giroud, par exemple, prend dix jours de prison avec sursis et 2’000 francs d’amende pour diffamation
Pour l’anecdote, signalons que quelques semaines plus tard, un des colleurs d’affiche se retrouve à nouveau devant la justice. Dans la période où Citadelle purifiait le monde et dénonçait les trois politiciennes, ce père de famille de six enfants, marchand de fruits à Saxon, fidèle d’Ecône, aurait harcelé sexuellement sa belle-sœur et sa secrétaire, une jeune femme, fragile, ex-toxicomane à la vie précaire.
Il aurait fait subir à celle-ci des attouchements, des propositions, des regards salaces. Elle a prévenu son père, qui a parlé au patron, lequel se serait arrêté temporairement. Mais après une courte pause, tout aurait repris. La victime a essayé de parler à son chef, en aurait recueilli des confidences, des remords et des aveux de turpitude, qu’il affirmait confesser chaque semaine à Ecône. Mais malgré le sacrement de la pénitence, la situation aurait empiré jusqu’à ce qu’une altercation physique se produise.
C’est en juillet 1998. Elle démissionne et porte plainte pour harcèlement sexuel. Il se défend en arguant qu’elle est une mythomane à l’imagination galopante, et lui un bon père de famille.
Le juge laisse traîner l’affaire. Selon Le Temps, il est lui aussi réputé proche de la Fraternité Sacerdotale Internationale Saint-Pie-X. Par chance pour la plaignante, un coup de théâtre la relance : la belle-sœur du bon père de famille, la sœur de son épouse, avoue qu’elle a également subi des avances, encore plus insistantes que celles dont a souffert la secrétaire.
Malgré tout, le marchand de fruits est acquitté en première instance, pour des questions de procédures.
Ecône est un ensemble de quelques maisons, un petit bourg situé dans la commune de Riddes, pas loin de Chamoson. L’endroit, qui appartenait aux chanoines du Grand-Saint-Bernard, a été acheté en 1968 par un groupe mystérieux, puis revendu à Mgr Marcel Lefebvre.
Ce prélat catholique a été archevêque de Dakar, évêque de Tulle, avant de fonder, à la demande de plusieurs séminaristes français, une société de vie commune : La Fraternité sacerdotale internationale Saint-Pie-X. Très traditionaliste, elle prend son exemple dans les sociétés des Missions étrangères de Paris. Son objectif est de susciter des vocations et de former des prêtres. Elle prône la messe en latin et une doctrine intégriste. Son grand grief contre l’Église de Rome, c’est le concile Vatican II et l’ouverture qu’il a apportée.
Mgr Lefebvre, le nouveau propriétaire des lieux, y a entrepris de grands travaux. L’église néo-romane a été refaite par un architecte, un fidèle de la communauté, qui a appliqué la vision de l’évêque : bâtiment en forme de croix latine et place pour 140 séminaristes dans les transepts. Les entreprises rénovatrices appartiennent à des fidèles du Valais central. De nouveaux bâtiments ont été créés pour accueillir le premier séminaire international de la Fraternité sacerdotale, qui délivre une formation en six ans, faite de cours liturgiques, philosophiques, théologiques. Les étudiants sont pour la plupart français : 11 sur 20 prêtres ordonnés en 2011 à Ecône et à Zaitskofen, en Allemagne. À part ces deux endroits, la Fraternité a ouvert des séminaires aux USA, en Australie, en Argentine et en France. Elle compte des lieux de culte à Paris, à La Rochelle, à Clermont-Ferrand, à Lille, à Roanne, à Avignon, à Vichy, à Amiens, à Nice, Marseille, Bruxelles… jusqu’en Ukraine et aux Philippines.
Bien implantée localement, se développant internationalement, ne souffrant pas de pauvreté, la Fraternité s’est donné deux objectifs : convertir le Vatican et corriger la société civile. Très vite, elle a attiré les plus traditionalistes parmi les catholiques de l’Europe entière, et notamment de ce Valais rituellement catholique. On y trouve par exemple des membres du Mouvement chrétien conservateur, mais pas seulement. Environ 2’000 Valaisans seraient des fidèles de la fraternité. Un nombre qui est appelé à croître, puisque ceux-ci sont encouragés à faire le plus d’enfants possible.
À tous ces gens, une évidence s’impose. L’Église, c’est Ecône. Pour eux, celle qui occupe Rome est hérétique, parallèle, schismatique : la nouvelle Église de Vatican II.
Se basant sur la Tradition, avec quoi le concile aurait rompu, Ecône a une vision apocalyptique de la société, vouée à la destruction, dominée par Satan, salie par le péché originel. Le principe général de sa pensée est le respect absolu de la vie. Elle est sacrée et intouchable. Seul Dieu peut en disposer. Ce principe est exprimé dans le cinquième commandement : « Tu ne tueras point ».
Ainsi, Ecône refuse l’euthanasie sous quelque forme que ce soit. Active (le cocktail mortel), elle serait un meurtre. Passive (l’analgésique qui peut hâter la mort), elle est mauvaise car les tourments sont rédempteurs, et d’ailleurs une conséquence du péché originel. Si on assume la souffrance, on gagne des mérites, évite le Purgatoire, participe à la passion du Christ. « Refuser les calmants ou en modérer l’usage, voici de la part d’un malade une conduite héroïque, pleinement chrétienne » explique le site de la Fraternité.
Mais, curieusement, tuer au nom de la patrie est considéré comme faisant partie d’un plus grand bien. De même, la peine de mort ne contreviendrait aucunement aux principes catholiques. Bien au contraire. Elle serait une expiation, qui reconnaîtrait la majesté et la souveraineté divine.
C’est selon ce droit à la vie que l’avortement, la contraception, la recherche sur les cellules souches embryonnaires et l’onanisme sont refusés. L’onanisme surtout est un péché grave, que les Ecônards, suivant avec scrupule Saint Thomas d’Aquin, classent directement après l’assassinat, parce qu’il empêche la vie de naître.
Des exemples sont donnés sur le site de la Fraternité : la fille-mère a commis un péché qui la déshonore, mais moins que l’épouse qui se donne du plaisir toute seule. Le séducteur qui a abandonné la fille-mère serait beaucoup plus coupable encore s’il s’était masturbé dans son coin au lieu de l’engrosser.
En ce qui concerne les erreurs modernes, l’encyclique du pape Grégoire XVI s’applique toujours. Datée du 15 août 1832, elle exalte le célibat des prêtres et l’indissolubilité du mariage. L’œcuménisme y est fustigé. On ne peut pas obtenir le Salut éternel par une autre religion que la religion catholique, même avec des mœurs justes et probes. La liberté de conscience est une horreur, la liberté d’opinion une calamité. La liberté de la presse est néfaste. On doit mettre les mauvais livres à l’Index. La séparation entre l’Église et l’État est funeste.
Une autre encyclique, celle de Léon XIII, du 10 janvier 1890, règle les devoirs des citoyens. En résumé, l’amour surnaturel de l’Église et l’amour naturel de la patrie procèdent du même éternel principe. Tous les deux ont Dieu pour auteur et pour cause première.