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Éditeur responsable
Luca Venanzi
e-ISBN : 9782511040423
© 2016, version numérique Primento et EdiPro
Ce livre a été réalisé par Primento, le partenaire numérique des éditeurs
Cette édition numérique a été publiée avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Pour la plupart des associations, quelle que soit leur taille, pouvoir bien communiquer est une sérieuse nécessité : avec leurs membres et sympathisants, avec les publics auxquels elles s’adressent, avec ceux qui pourraient les rejoindre, avec éventuellement les autorités subsidiantes, voire avec les médias locaux ou autres.
Faut-il utiliser tous les moyens de communication mis à leur disposition aujourd’hui ? En plus des outils classiques tels que le courrier (postal ou électronique), le téléphone, les publications, surgissent aujourd’hui de nombreux médias informatiques : sites web, blogs, réseaux socio-numériques (Facebook et Twitter étant les plus connus parmi des centaines d’autres), …
Faut-il pour autant négliger les rencontres en face à face, les fêtes où tout le monde se retrouve, les manifestations orientées vers le « grand public », les réunions en soirée… bref tous ces moments relationnels où communiquer est davantage une affaire de relations que de techniques ?
Nous avons organisé à de nombreuses reprises des ateliers de formation à la communication à l’usage des petites et moyennes associations, dans le cadre du CECOM1. Au cours de deux ou trois journées, se succèdent des exposés théoriques sur les fondamentaux de la communication et des exercices de groupe, où les échanges entre participants apportent un éclairage important sur les réussites aussi bien que les échecs rencontrés par les uns et les autres. Combinant une expertise sociologique et sémio-pragmatique, nous aidons les participants à s’appuyer sur les fondamentaux de la communication associative, à établir des priorités stratégiques et à maîtriser les dispositifs de communication, sur lesquels s’appuient des outils techniques parfois très pointus mais qui ne doivent pas supplanter les objectifs que l’association s’est fixés elle-même.
Ce sont ces expériences de formation que nous voudrions partager avec vous, lecteur/lectrice, en mettant à votre disposition un ensemble de questionnements destinés à recentrer les priorités de communication et une panoplie d’outils permettant de s’interroger sur la cohérence de la communication de votre association.
Notre préoccupation sera, tout au long de ce livre, de nourrir l’argumentation par des exemples concrets, tirés d’associations de tous types, du comité de parents d’écoles au Centre d’animation culturelle, du comité de quartier ou de village à l’école de devoirs ou à l’association d’aide aux sans-abri, etc. Que votre association rassemble quelques bénévoles, soit en phase de constitution ou qu’elle dispose de permanents et de bénévoles et fête son 10e ou 20e anniversaire, vous trouverez dans ces pages des pistes de réponses aux questions que vous vous posez sur votre communication et la manière de l’améliorer. Ne vous attendez pas, cependant, à un livre de recettes comme il en existe tant dans le domaine de la communication ou du management des entreprises, genre « 10 conseils pour développer votre organisation » ou « les 20 meilleurs trucs pour réussir votre projet » !
Notre but est de vous faire réfléchir pour que vous puissiez vous-même utiliser les outils que nous mettons à votre disposition, dans le but de vous aider dans vos choix de communication.
Nous tenons à remercier les nombreux participants à nos ateliers de formation à la communication, ainsi que nos étudiants en communication à l’Université catholique de Louvain à Louvain-la-Neuve et à Mons, pour toutes les expériences qu’ils nous ont partagées. Par leur questionnement et leur volonté d’apprendre, ils nous ont amenés à préciser nos programmes de formation et à harmoniser nos apports théoriques et nos propositions d’exercices.
Jean-Marie PIERLOT et Fabienne THOMAS
1 Le CECOM asbl, Centre d’Études de la Communication, rattaché à l’École de Communication de l’Université Catholique de Louvain – site web : http://www.lececom.be
Communiquer, pour une association, c’est s’adresser à un certain nombre de publics qui ont chacun leur spécificité. Nous verrons, au fil des chapitres de ce livre, qu’il est illusoire de se contenter de croire que les responsables d’une association, quelle que soit sa taille, s’adressent à leur public, comme s’il s’agissait d’une masse homogène de sympathisants.
Avant de nous pencher sur les supports de communication mis en place par l’association : publications, magazines, affiches, sites web, pages Facebook, etc., - ce qui fera l’objet de la deuxième partie de ce livre, nous allons nous tourner vers l’association elle-même : qui est-elle ? Une organisation comme une autre, comparable à une entreprise ou à un service public ? Ou bien une dynamique de construction d’un bien commun, dont le but est de créer et d’entretenir du lien social entre ceux qui ont décidé de s’associer pour réaliser ensemble un projet ?
Nous prenons le parti, dès le départ, d’opter pour cette spécificité : les associations sont une réalité sociale distincte des entreprises. Leur communication n’a donc rien à envier à ces dernières, pour lesquelles de très nombreux manuels de communication sont proposés sur le marché de l’édition.
Nous partirons d’une interrogation : quelle est l’identité propre des associations au sein de nos sociétés ? Sont-elles des organisations non marchandes, sans but lucratif, non gouvernementales ? Ou encore, représentent-elles le tiers-secteur (comme on parle du tiers-monde), ou les bonnes œuvres ? A toutes ces représentations négatives et, pour le dire franchement, disqualifiantes pour la réalité associative, nous opposons une vision résolument positive de ce secteur, en l’inscrivant dans la réalité économique plurielle de notre société d’aujourd’hui. Vision, mission et valeurs sont les socles sur lesquels peut s’appuyer l’identité de votre association (des exercices sont proposés pour bien en prendre conscience).
Une association ne vit pas en vase clos : son ouverture sur ses publics constitue la réalité de son ouverture sur le monde. Qui sont ces publics ? Qu’attendent-ils de la communication de leur association ? Que peuvent-ils lui apporter ? D’une simple segmentation des publics à la mise au point d’une analyse stratégique de ceux-ci, vous serez invités, par le biais de plusieurs exercices encore, à reconnaître vos publics et à déterminer quelle stratégie de communication vous développerez pour aller à leur rencontre, qu’ils vous soient favorables, hostiles ou tout simplement indifférents.
Davantage encore, une importante distinction peut être opérée entre publics internes et publics externes : une association est composée de bénévoles, de permanents ou d’un mélange des deux. Cette réalité n’est pas sans créer des tensions spécifiques, qu’il importe de prendre au sérieux en développant une communication interne destinée à valoriser l’activité des uns et des autres en vue de l’objectif commun. Quant aux publics externes, il s’agit de leur apporter une réponse aux questions qu’ils se posent à propos de votre association, de les intéresser à ce que vous faites, dans l’espoir qu’ils vous rejoindront en offrant quelques heures de leur temps ou en soutenant vos activités par une solidarité financière.
Du positionnement identitaire présenté dans le chapitre 1, nous pouvons à présent revenir à l’identité communicationnelle de l’association, qui tienne compte tant des émetteurs de la communication que de ses récepteurs (les publics que nous avons identifiés dans les chapitres 2 et 3) et du ton particulier de la relation entre les uns et les autres.
Enfin, équipés d’une vision claire de la manière dont l’association construit son identité propre avec ses publics internes et externes, nous sommes en mesure de jauger l’écart qui peut se produire entre l’image voulue par l’association et l’image telle qu’elle est perçue par ses différents publics (chapitre 5). Le diagnostic de cet écart permettra d’y remédier en (re-)travaillant les différents dispositifs de communication que les associations diffusent vers leurs publics internes ou externes. La mise au point de ces dispositifs fait l’objet de la seconde partie de ce livre.
Créer, entretenir, cultiver le lien social : à la découverte du cœur des activités des associations
Pour saisir l’impact que les associations, quelle que soit leur taille, peuvent avoir sur la société dans laquelle nous vivons, il importe de pouvoir les situer adéquatement dans l’écheveau des activités économiques. Dans l’esprit de beaucoup de gens, les associations ne produisent rien, ne contribuent pas à la richesse nationale. Au mieux, elles aident les personnes en situation de précarité et évitent ainsi les révoltes sociales. Au pire, elles rassemblent ceux qui n’ont pas de travail intéressant ou productif, reçoivent des subsides pour passer leur temps en palabres et discussions…
Pour s’éloigner de ces clichés, il faut sortir du schéma un peu simpliste de l’économie telle que nous le présentent des visions économiques focalisées sur des questions de productivité, de récession ou de rentabilité financière, et nous placer dans la perspective d’une économie plurielle.
Selon le modèle qui s’est développé au XIXe siècle en Europe à l’époque de l’industrialisation, la société était divisée en deux grands groupes, ceux des entrepreneurs capitalistes et ceux des ouvriers exploités. On connaît le succès qu’a produit la théorie de Karl Marx, qui a largement contribué à édifier la société socialiste en Russie d’abord, plus largement en Union soviétique ensuite. Cette société à économie planifiée s’est effondrée avec la chute du Mur de Berlin en 1989, à peine plus de trois ans après l’effroyable catastrophe nucléaire de Tchernobyl en Ukraine.
En ce début du XXIe siècle, la lecture marxiste de la société divisée en classes a du plomb dans l’aile ; à l’inverse, la lecture libérale du « chacun selon ses propres intérêts » conduit à l’égoïsme et à la destruction progressive de la planète par l’épuisement inexorable des ressources naturelles. D’autres grilles de lecture sont aujourd’hui nécessaires pour comprendre le sens et l’évolution de la société.
Deux anthropologues qui ont vécu dans la première moitié du XXe siècle, Karl Polanyi et Marcel Mauss, vont nous servir de guides pour saisir la place de nos associations dans une économie plurielle.
Le premier, Karl Polanyi, a enquêté dans le temps et dans l’espace, pour caractériser les économies d’un grand nombre de sociétés, de l’Égypte ancienne à l’Éthiopie, en passant bien sûr par nos pays d’Europe occidentale. Il a mis en évidence quatre types de comportements économiques, tous présents mais à intensité variable, dans l’ensemble des sociétés observées :
Le second, Marcel Mauss, était le neveu du sociologue Emile Durkheim. En 1924, il écrit son « Essai sur le don », qui fera l’objet tout au long du XXe siècle de commentaires de la part de grands anthropologues tels que Claude Levi-Strauss, Maurice Godelier et bien d’autres. Dans cet essai, il observe que des sociétés fort éloignées des nôtres concluent des accords avec les sociétés voisines en échangeant des cadeaux rituels (phénomène nommé potlatch ou kula), selon une logique de « donner, recevoir, rendre ». Bien plus puissante que le seul échange économique, Mauss identifie cette logique comme un « fait social total », créateur de lien social.
Des auteurs d’aujourd’hui2 observent les mêmes phénomènes dans nos sociétés contemporaines, à côté des échanges marchands et de ceux issus de la redistribution étatique. En effet, il suffit de penser aux pratiques d’un chef d’État qui, rendant une visite officielle à un homologue, lui apporte généralement des cadeaux qui symbolisent l’amitié de son pays pour le pays visité. Plus largement, les parents donnent la vie à leurs enfants, de nombreux bénévoles donnent de leur temps aux associations qu’ils soutiennent ; des individus donnent leur sang à la Croix-Rouge, d’autres acceptent de faire un don d’organe à un inconnu ; beaucoup d’associations comptent sur leurs donateurs pour bénéficier de ressources indépendantes ou, du moins, complémentaires aux ressources fournies par l’État ou, plus rarement, par le marché (sous la forme de sponsoring ou de mécénat, par exemple).
On voit donc qu’il y a une place pour des formes d’échange qui ne sont pas seulement orientées vers l’intérêt pour soi (pouvant caractériser les organisations qui vendent des biens et services), mais qui laissent une large part au désintéressement – mieux, à l’intérêt pour l’autre – et à la gratuité.
C’est là que réside la spécificité du fait associatif : entretenir des échanges qui privilégient le lien social, plutôt que développer des échanges de biens et de services selon les règles du marché3.
Interrogeons-nous sur la place occupée par les associations dans la société sous l’angle économique. La Fondation Roi Baudouin a publié un tableau détaillé4, que nous reprenons ici en l’adaptant légèrement, sur l’ensemble des activités économiques en distinguant 3 éléments (secteur, but et financement) qui, combinés entre eux, permettent le classement des organisations :
Examinons les variantes ligne par ligne.
Les activités dont les ressources proviennent exclusivement du marché donnent les cas de figure suivants (les lettres reprennent celles qui figurent sur le tableau):
A. Secteur privé, but lucratif : ce sont les entreprises marchandes « classiques », qui vendent des biens et services sur un marché et en tirent des bénéfices
B. Secteur privé, but non lucratif : ce sont les diverses entreprises appartenant à l’économie sociale, dont l’objectif principal n’est pas le profit mais l’épanouissement des travailleurs et le partage des ressources générées par l’activité sur le marché. Dans cette case figurent les coopératives, les sociétés à finalité sociale, les entreprises d’économie solidaire (type ‘Terre’, par ex.), etc.
C. Secteur public, but lucratif : on n’en trouve pas en Belgique. En France, l’entreprise Renault fut nationalisée après la seconde guerre mondiale, en raison de la collaboration de sa direction avec l’occupant allemand, jusque dans les années ‘90 ; la SEITA (Société d’exploitation industrielle des tabacs et allumettes) fut qualifiée en 1959 d’établissement public à caractère industriel et commercial ; elle fut privatisée en 1995. Ces deux entreprises, dans leur phase de fonctionnement public, eurent des activités à caractère lucratif pour le compte de l’État français.
D. Secteur public à but non lucratif : sociétés commerciales où l’État a des parts majoritaires, mais est de plus en plus associé au secteur privé. Il en est ainsi de la téléphonie : la société Régie des Télégraphes et Téléphones (R.T.T.) avait le statut d’entreprise publique entre 1930 et 1992. Elle devient une entreprise publique autonome en 1992 en prenant le nom de Belgacom, puis s’associe à divers partenaires privés, l’État restant actionnaire majoritaire avec 50% des voix + 1.
E. Entreprise privée financée par les pouvoirs publics : on y trouve des entreprises dont les clients quasi-exclusifs sont les organismes publics aux différents niveaux de pouvoir (communes, provinces, régions, niveau fédéral). Ces entreprises de Travaux publics réalisent des routes, des ponts, des travaux de voirie, etc.
F. Société à but non lucratif financée par le marché et les pouvoirs publics : il s’agit d’entreprises de travail adapté (ETA), qui mettent au travail des personnes handicapées. Ces entreprises reçoivent une subvention des pouvoirs publics et produisent des biens et services, le plus souvent pour d’autres entreprises (par ex. mises sous pli de mailings, transformation du bois, etc.).
G. Entreprise publique à but lucratif, financée par le marché et l’État : on pense ici à la Société Nationale des Chemins de Fer (SNCB), société anonyme de droit public unifiée, contrôlée intégralement par l’Etat Belge ; son financement est assuré par les ventes de billets et d’abonnements, ainsi que par une intervention annuelle du budget de l’État.
H. Les entreprises publiques à but non lucratif, financées par le marché et l’État, comprennent notamment les hôpitaux publics, les établissements d’enseignement public ou subventionné, etc. On y trouve aussi les organismes d’intérêt public (appelés autrefois « parastataux »), qui ne font pas partie de l’administration publique, mais sont financées par le niveau politique dont ils dépendent par le biais d’une loi, d’un décret ou d’une ordonnance : en font partie la RTBF, le Centre pour l’Égalité des Chances et la Lutte contre le Racisme ou la Plate-forme Prévention Sida, par exemple.
I. Les organisations sans but lucratif avec subsides publics : on y trouve une majorité d’associations, ainsi que les Mutuelles, qui ont un statut particulier (financement par les cotisations des membres).
J. Les associations sans lut lucratif (asbl) ou les associations de fait, financées exclusivement par les cotisations de leurs membres et par les dons des particuliers.
On retrouve donc principalement le secteur associatif dans les cases I et J. A noter que le « secteur non marchand » comprend également les organisations sans but lucratif du secteur public, comme l’enseignement et la santé. On parle souvent des revendications du secteur non marchand : celles-ci concernent souvent en fait les enseignants, le personnel soignant des hôpitaux, les aides familiales, etc. Dans la suite de ce livre, nous parlerons principalement du secteur non marchand dans sa composante secteur privé, c’est-à-dire du secteur associatif sans but lucratif (nous excluons, bien entendu, les « fausses asbl », comme certains clubs sportifs qui brassent des millions d’euros et gardent de manière bien abusive le statut d’asbl ! Il en est de même pour les regroupements d’organisations professionnelles, dont les objectifs sont bien éloignés de ceux des « vraies » asbl.)
L’approche économique au sens restreint du terme ne suffit cependant pas pour qualifier l’activité des associations. Dans l’approche élargie que nous avons proposée en suivant les éclairages de Polanyi et de Mauss, nous pouvons largement attribuer aux associations une activité centrée sur la réciprocité, fondée sur la création et l’entretien du lien social. Cette activité accorde une place importante au don de temps et au don d’argent. Les associations font, en effet, appel tant à de nombreux bénévoles - ce qui ne peut s’imaginer dans le cas des entreprises centrées sur le profit, qu’à la générosité de leurs donateurs, avec lesquels le lien repose sur la confiance.
Jean-Louis Laville, sociologue des associations et de l’économie sociale, décrit ainsi l’origine d’une association5 : « L’association naît d’une absence de lien social vécue comme un manque, par des personnes qui s’engagent pour y remédier, dans la réalisation d’un bien commun qu’elles déterminent elles-mêmes. »
Examinons en détail cette définition :
L’association naît d’une absence de lien social vécue comme un manque : ce n’est que dans la mesure où des citoyens reconnaissent qu’un lien social est manquant qu’ils peuvent se mobiliser pour réagir.
Prenons l’exemple de parents dont un enfant souffre d’une maladie rare, appelée souvent « maladie orpheline » : tant qu’ils restent seuls avec leur difficulté et qu’ils doivent prendre en charge l’ensemble des frais médicaux liés à la maladie de leur enfant, ils se sentent isolés. Imaginons qu’un journaliste s’intéresse à leur cas et en fasse un reportage dans un magazine à gros tirage. D’autres familles confrontées au même problème seront touchées par la solitude de cette famille et tenteront d’entrer en contact avec elle, peut-être en s’adressant au journaliste. A la suite de quoi, le petit groupe de parents ainsi constitué s’efforcera d’élargir ce premier cercle à d’autres parents - par exemple en contactant leur mutuelle, qui relaiera leur message dans sa publication. Le petit groupe de départ s’est cette fois élargi ; le groupe de parents se sent suffisamment fort pour contacter la Ministre de la Santé et lui demander une intervention financière, par la prise en charge du remboursement des médicaments, fort onéreux. Et le processus suivra son cours - c’est de cette manière qu’a été lancé le Téléthon en France, qui chaque année récolte des millions d’euros pour développer la recherche sur la myopathie et venir en aide aux familles et associations concernées6.
On le voit, dès que des parents ont tenté de sortir de leur isolement et donc reconnaître comme un manque l’absence de lien social dont ils étaient victimes, ils constituent un embryon d’association, qui grandira et se structurera au fil du temps.
Parfois, l’association peut être composée seulement de quelques personnes, qui décident de s’unir pour résoudre ensemble un problème qui les concerne : c’est le cas par exemple d’un comité de quartier ou de village, ou d’une association de parents d’élèves. Cette association peut garder le statut d’association de fait ou se transformer en asbl, connaissant ainsi un début de formalisation (création de statuts, élection de mandats, élaboration d’une comptabilité, etc.).
Par des personnes qui s’engagent pour y remédier : créer une association, c’est simplement s’associer... c’est pourquoi il existe des associations de toutes tailles et de toutes natures, les entreprises n’étant en définitive que des associations créées dans un but de profit. Dans la mesure cependant où l’objectif de l’association est de remédier à une absence de lien social, les mécanismes de la solidarité et de la réciprocité seront les moteurs de cette remédiation. Que l’on songe ici à toutes les associations destinées à secourir les « sans-... » sans abri, sans papiers, sans emploi, sans revenus... Elles seules peuvent apporter une solution durable et innovante à ces personnes, dont la solitude est bien souvent la souffrance la plus grande. L’engagement des fondateurs d’association est souvent impressionnant ! Songeons à l’appel de Martin Luther King pour lutter contre la discrimination raciale aux États-Unis ou à celui de l’abbé Pierre pour attirer l’attention sur le drame des sans-abri... Souvent, il s’agit de citoyens ordinaires qui arrivent à un grand dépassement d’eux-mêmes en faveur des autres.
Dans la réalisation d’un bien commun qu’elles déterminent elles-mêmes : les associations visent avant tout le bien des personnes auxquelles elles s’adressent.
Certaines associations sont tournées exclusivement vers leurs membres (un club de sport ou culturel par exemple). Ces associations, dites « expressives » limitent le bien commun au bien-être de ceux-ci dans le cadre de leurs activités, en leur offrant des tarifs préférentiels ou des places réservées lors d’avant-premières, de spectacles ou d’événements qu’elles organisent, etc.
D’autres associations dites « de transformation sociale » visent un changement de la société tout entière : elles revendiquent par exemple une plus grande tolérance à l’égard des homosexuels ou des malades atteints du sida. Dans ce cas, le bien commun qu’elles revendiquent ne sera pas nécessairement partagé par tous et fera l’objet de débats, voire de polémiques avec des partisans et des adversaires. Pour que le bien commun soit adopté par tous et rencontre l’intérêt général, il faut que l’État le désigne comme bien collectif et sanctionne par une loi le non-respect des homosexuels ou des malades atteints du sida, pour reprendre cet exemple.
Souvent, les associations font avancer le débat social en déterminant un bien commun qui suscitait sinon de l’hostilité, au moins de l’indifférence dans l’opinion publique. Ce n’est qu’en faisant percoler la sensibilisation des citoyens dans l’espace public qu’elles finissent par faire reconnaître le bien-fondé de leur combat.
Pour pouvoir communiquer un message fort vers le monde extérieur, il importe de bien saisir ce qui motive les membres actifs de l’association. Quelle vision ont-ils de leur action ? Comment expriment-ils sa ou ses mission(s) ?
On trouve sur la page d’accueil de nombreux sites web ou de brochures de présentation d’associations une rubrique « nos missions », qui énumère leurs stratégies d’action principales. Il n’est pas toujours évident de distinguer clairement le niveau auquel se place cette énumération : s’agit-il d’un simple inventaire des domaines d’intervention de l’association ou d’une réelle formulation stratégique de ses priorités ?
Pour se donner une représentation claire des missions d’une association, il importe d’abord de s’interroger sur sa vision. Celle-ci consiste à formuler en quoi le monde sera transformé lorsque tous les objectifs de l’association auront été réalisés et qu’elle n’aura ainsi plus de raison d’exister. « Le monde » peut se réduire à l’environnement proche, dans la mesure où l’association a une activité locale, ou s’étendre à l’ensemble de la planète, s’il s’agit d’associations internationales (dans le domaine de la protection de l’environnement, par exemple).
La vision de nos associations est souvent difficile à énoncer par les participants à nos formations. Et cela se conçoit aisément ! Difficile d’imaginer faire disparaître l’association que l’on met tant d’énergie à vouloir faire exister... L’exercice mental peut se révéler un peu cruel. Et pourtant, il comporte aussi plusieurs intérêts :
Une fois la vision clairement formulée, revenons aux missions que se donne l’association : il s’agit de formuler les priorités pour arriver à réaliser cette vision. Les missions représentent des objectifs stratégiques et non des objectifs opérationnels. Ce qui distingue les deux, c’est que les objectifs stratégiques expriment de manière concrète, mesurable et planifiée dans le temps les priorités stratégiques de l’organisation. Les objectifs opérationnels sont la traduction, pour chaque processus, pour chaque service ou pour chaque activité, de ces objectifs stratégiques. L’objectif opérationnel d’un niveau correspond à l’objectif stratégique du niveau supérieur7.
Idéalement, la mission de l’association doit pouvoir être exprimée en quelques phrases. Les missions en général comportent des verbes d’actions. Exemple : « Pour construire ce monde auquel nous œuvrons, nous nous donnons pour mission de : défendre, fédérer, militer, mener des recherches, sensibiliser les pouvoirs publics, .
Les objectifs opérationnels se traduiront alors en sous-points.
Nous avons souvent rencontré des participants à nos formations qui éprouvaient de grandes difficultés à pouvoir formuler en quelques mots simples la mission de leur association. Si une personne qui ignore tout de votre association vous demande, à brûle-pourpoint : « Au fond, elle fait quoi, ton association ? », êtes-vous en mesure de lui répondre clairement, en une seule phrase ? Et de manière complète ?