A mes parents,
A Pascale, ma dame de cœur et bien plus encore…,
A Mathilde, ma fille de cœur à la ville comme dans le monde digital,
A André, mon meilleur ami et indéfectible compagnon du « Groupe Mobile »,
A mes étudiants pour leur énergie communicative.
Je remercie toutes celles et ceux qui m’ont soutenu et aidé dans la préparation et la rédaction de cet ouvrage.
Je remercie plus particulièrement mon épouse Pascale pour son attention de tous les instants et pour son infinie patience sans laquelle je n’aurais pas pu mener l’écriture de ce livre à son terme.
Je remercie tout spécialement Mathilde, ma meilleure « digital sparring partner », pour l’aide qu’elle m’a apportée dans la compréhension de la génération « Y », même si elle ne m’a toujours pas ajouté dans sa Story…
Je remercie tout particulièrement Alain Gerlache pour avoir accepté spontanément de relever le défi de l’instant mobile en préfaçant ce livre.
Je remercie enfin mon éditeur, EdiPro, en la personne de Luca Venanzi, Adminsitrateur-Délégué, et d’Olivier Moch, Directeur de Collection, qui m’ont fait, non seulement confiance, mais qui ont également su comprendre les contraintes d’organisation relative à ce projet.
par Alain GERLACHE
Cela fait maintenant deux décennies que le téléphone mobile a fait son apparition chez nous. Au début, on l’appelait GSM, en tout cas en Belgique, même si la plupart d’entre nous ignoraient le sens de de cet acronyme. Et pourtant, ces trois lettres contenaient déjà les principaux éléments de ce qu’il est devenu aujourd’hui : Global System for Mobile Communications, un système global pour la communication mobile. A l’époque il est vrai, cette communication n’était que vocale. Puis le SMS a fait son apparition, le premier pas vers un autre mode de communication écrit, instantané certes, mais moins intrusif, ou moins exposé, que l’appel classique. D’autres fonctionnalités se sont ajoutées, un appareil photo, une radio, voire la possibilité d’ajouter quelques morceaux de musique sur une carte incluse. Malgré des coûts importants et des usages somme toute limités, ce nouvel appareil a rencontré les faveurs du public. Mais en la jouant modeste : les premiers engins, lourds, encombrant, munis d’une antenne ont fait place à des modèles de plus en plus compacts Le GSM pouvait devenir un compagnon au quotidien mais à condition qu’il se fasse discret.
Du GSM à la phablette, les deux âges du mobile
Ce bref rappel historique illustre à quel point les bouleversements ont été nombreux, rapides, décisifs. Aujourd’hui, la grande majorité de possesseurs de smartphone vous le diront : l’emploi de leur appareil comme téléphone est devenu largement minoritaire dans l’usage global qu’ils en font. Non seulement parce que les diverses messageries ont supplanté le SMS, voire la boite vocale que certains avouent ne plus consulter qu’occasionnellement. Un nouveau mode de communication en pointillé s’est développé. Il n’impose plus une réponse immédiate comme l’appel téléphonique classique. Et puis la variété des fonctionnalités a cru de façon exponentielle au point que nombreux sont ceux qui parlent de leur smartphone comme d’un véritable couteau suisse numérique, à la fois bon à tout faire et portable, dont ils ne peuvent plus se passer. Réalité et symbole : si la décennie GSM avaient été une course vers la miniaturisation, les années smartphone voient l’appareil grandir de plus en plus. The pocket is the limit !
Le village global dans ma poche
Certes, l’amélioration constante des appareils, depuis l’écran tactile jusqu’à la caméra haute définition en passant par l’ajout d’un dispositif de géolocalisation, est spectaculaire ! Mais les éléments déterminants qui ont conduit à sa suprématie aujourd’hui sont surtout à chercher dans la généralisation de l’accès à l’internet mobile de plus en plus performant et l’arrivée des applications qui ont considérablement modifié et simplifié à l’accès aux contenus et aux usages de l’internet. Les deux évolutions ont eu pour conséquences de placer le public encore davantage au cœur du web. Encouragée par la montée en puissance des réseaux sociaux, c’est une révolution copernicienne qu’induit l’internet mobile au sein de la révolution numérique. Les chaines de télévision ont ainsi pu observer que la majorité des commentaires formulés en direct par les internautes sont postés à partir d’un appareil mobile, ce qui a créé le concept de « second écran » qui s’est développé ensuite. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres dans les domaines les plus variés. L’appareil mobile, c’est l’interface de tous les instants avec le monde extérieur avec pour seul contrainte la disponibilité, de plus en plus fréquente, d’une connexion internet. Ce qui ne signifie pas que tout soit pour le mieux dans le meilleur des mondes mobiles. L’instantanéité ne conduit pas toujours à la réflexion la plus sereine. Et les questionnements que suscite la présence permanente à nos côtés d’un outil de surveillance et de contrôle ne sont pas prêts de s’éteindre.
Le m-Monde
Si aujourd’hui il ne se trouve plus guère d’observateurs pour mettre en doute ces mutations très profondes, moins nombreux étaient ceux qui les voyaient venir il y a quelques années. Pascal Poty est de ceux-là comme le démontre l’organisation des m-forums de l’AWT, aujourd’hui Agence du Numérique, dès 2006. Ils ont très tôt permis de découvrir les impacts de la révolution mobile sur les relations entre les entreprises et les consommateurs et au-delà sur l’ensemble de la société. Le présent ouvrage s’inscrit donc dans une réflexion de longue haleine animée par une curiosité et une passion jamais démenties.
Communément appelé « GSM » en Belgique, « Portable » en France, « Natel » en Suisse ou encore « Cellulaire » sur le continent Nord-américain, le téléphone mobile présent au fond de nos poches est devenu en seulement vingt ans un objet incontournable de notre quotidien. Les japonais, qui ont été parmi les premiers à l’adopter massivement, ne l’appellent-il pas le « Kakasenai Keitai » soit « l’indispensable mobile ». D’un objet de statut social, il est aujourd’hui devenu, sous l’effet de sa diffusion de masse et de la démocratisation de son coût, un objet, certes avant tout fonctionnel, mais également foncièrement irrationnel car en entrant dans notre intimité, il a accédé au rang d’objet compagnon dont la perte ou l’oubli est de nature à provoquer un sentiment d’anxiété aigüe chez les personnes concernées se trouvant ainsi privées d’une sorte de prothèse technologique véritable prolongement d’elles-mêmes.
Son évolution technologique, a elle aussi, été impressionnante. D’un simple téléphone permettant l’établissement d’une communication vocale en situation de mobilité, il concentre aujourd’hui une puissance de calcul équivalente à celle de certains ordinateurs personnels. L’étendue et la performance sans cesse améliorée de sa connectivité l’a fait définitivement sortir du mode commuté pour entrer de plain-pied dans l’environnement de l’IP (Internet Protocol).
Plus encore, il embarque aujourd’hui un nombre sans cesse croissant de capteurs qui ont fait de lui un véritable « tueur en série » d’un bon nombre de segments de l’industrie électronique grand public. Les smartphones et les tablettes sont ainsi sur le point de représenter 50% de l’intégralité du marché de l’électronique grand public dans nos pays développés.
Cette ubiquité, ou mobiquité pourrait-on dire, lui confère une capacité inédite à devenir définitivement le terminal de référence autour duquel se restructure toute l’industrie IT mais également à présent l’ensemble des entreprises où la relation client constitue un enjeu stratégique.
Historiquement conçu avant tout comme un outil de communication interpersonnelle, le téléphone mobile est devenu également un outil informationnel et surtout transactionnel irremplaçable. Les smartphones et les tablettes représentent déjà aujourd’hui plus de la moitié de la navigation Internet et un tiers des ventes en ligne.
Selon l’équipementier américain Cisco, le trafic mondial mobile devrait représenter 292 exaoctets de données échangées d’ici 2019 soit une augmentation par un facteur 10 par rapport à l’année 2014. Cisco estime que cette explosion attendue du trafic de données mobiles trouve son origine dans l’accélération considérable du nombre de mobinautes. Selon ses prévisions, la planète compterait 5,2 milliards de mobinautes en 2019 contre 4,3 milliards en 2014, soit 69% de la population mondiale. Enfin, la nature même des données échangées entre nos téléphones mobiles est également responsable de cet accroissement exponentiel du trafic. Nous regardons et échangeons de plus en plus de vidéos sur nos smartphones. Cisco souligne ainsi que la part de la vidéo représentera 72% du trafic mondial de données mobiles d’ici à la fin de la décennie (contre seulement 54% en 2014).
Cette évolution va faire du téléphone mobile le premier média numérique mondial car selon les différentes projections chiffrées, au tournant de la prochaine décennie, 80% des adultes sur la planète disposeront d’un smartphone.
Cette reconfiguration de l’accès à l’Internet engendrera des répercussions considérables sur les interfaces homme-machine. Avec l’avènement d’un monde « mobile », nous quittons définitivement le triptyque de référence qui prévalait jusque-là pour l’accès à l’Internet, c’est-à-dire l’utilisation conjointe et contrainte d’un clavier, d’une souris et d’un navigateur Internet. Cette nouvelle réalité va radicalement modifier notre relation à la communication, à l’information, à nos modes de consommation ou encore à notre environnement de travail. L’idée communément admise selon laquelle l’ordinateur personnel constituerait un outil universel indépassable face à des terminaux mobiles (smartphone et tablette) aux fonctionnalités limitées devient aujourd’hui caduque. Par leur diffusion de masse, leur nature personnelle et ubiquitaire, leur richesse logicielle et enfin la puissance de leurs capteurs embarqués, les terminaux mobiles annoncent en réalité l’obsolescence relative de l’ordinateur individuel tel que nous le connaissons depuis 30 ans. Dès lors, il n’est pas exclu d’envisager la disparition pure et simple, d’ici une décennie, de systèmes d’exploitation nativement conçus pour les ordinateurs personnels et leur remplacement par des OS (système d’exploitation) prévus d’abord pour des terminaux mobiles.
Universel, le téléphone mobile doit être également à présent envisagé par les entreprises comme un élément de fluidité dont l’utilisation n’est plus exclusivement réservée à certains types d’usages initiaux. La première facette de ce changement de paradigme réside dans le fait que le téléphone mobile s’inscrit aujourd’hui dans des usages continus, c’est-à-dire qui ne s’effectuent plus nécessairement en situation de mobilité mais également dans des contextes d’usages « fixes » comme au domicile par exemple. Cette transversalité des contextes d’usages agit comme un accélérateur des phénomènes de cannibalisation vis-à-vis des autres types de terminaux, en particulier l’ordinateur personnel. Le second changement, le plus important sans doute, réside dans la capacité accrue du téléphone mobile à devenir l’outil de médiation technologique privilégié avec notre environnement physique de proximité. Capteur photo intégré, connectivité radio de type Bluetooth ou NFC (Near Field Communication), puce GPS, accéléromètre, boussole, ne constituent que la partie aujourd’hui la plus visible des adjuvants permettant cette fusion des environnements numérique et physique au sein de ce qu’on nomme communément le phygital.
Dès lors, l’omniprésence des smartphones ouvre une ère nouvelle caractérisée par des interactions multiples et complexes où la capture de l’instant mobile devient un enjeu majeur pour les marques et les enseignes. Cet instant mobile est par nature éphémère, pluriel et personnel. Il est transversal aux différents services et plateformes de l’écosystème Internet. Sa compréhension et sa maîtrise passe donc par une agilité nouvelle pour les entreprises. Cette acculturation est étroitement conditionnée à la capacité de celles-ci à écouter leurs clients et à comprendre que les terminaux mobiles ne constituent pas un canal supplémentaire de leur offre de produits et services mais bien le levier stratégique de leur transformation digitale et organisationnelle. C’est précisément à cette découverte que je vous invite au travers de la lecture de ce livre.
Voyage au coeur du « réacteur mobile »
Le mobile est une révolution globale. Pour bien comprendre l’évolution mobile, il convient d’analyser tout d’abord l’accélération technologique qui structure aujourd’hui l’ensemble des activités humaines.
Revenons seulement cinq années en arrière pour mieux comprendre cette évolution. En 2009, Nokia et RIM (Blackberry) représentaient à eux seuls 59 % de l’ensemble du marché mobile. En l’espace de cinq ans, comme l’a écrit Benedict Evans analyste pour le Fonds d’investissement américain Horowitz Andreessen, le centre de gravité du monde a radicalement changé. Dans cette acceptation : « Le mobile dévore le monde »2.
Dans cette nouvelle acceptation, le marché des systèmes d’exploitation grand public est aujourd’hui dominé par Google et Apple dont les deux OS, que sont respectivement Android et iOS ont aujourd’hui clairement gagné la guerre des plateformes mobiles. Cette nouvelle donne, a ainsi remis en question un ordre quasi naturel qui régnait jusqu’alors dans une industrie informatique organisée autour du seul PC et dont le couple Intel-Microsoft (Wintel) était la figure emblématique et tutélaire.
Le logiciel, longtemps cantonné à un rôle subalterne face à la toute puissance du hardware, s’est progressivement émancipé de cette contrainte grâce aux nouveaux modes de distribution planétaire que sont devenus les magasins d’applications mobiles (les « stores » comme l’App Store ou le Google Play). D’un mode de distribution contraint, le logiciel est devenu ainsi « ubiquitaire » car accessible à la demande et là où le consommateur se trouve grâce à son smartphone. Cette profonde redistribution des rôles a ouvert la voie à la remise en cause de la suprématie historique des acteurs du hardware mobile tels que Nokia ou Blackberry qui se sont retrouvés « commoditisés » alors que la valeur se déplaçait au profit du software. Ce déplacement de valeur n’était pas que sectoriel mais également géographique avec la délocalisation des activités de production de masse de terminaux mobiles en Chine et la concentration de l’industrie du software dans la Silicon Valley sur la côte Ouest des Etats-Unis où se trouve historiquement le creuset intellectuel et financier de cette révolution immatérielle.
En 2008, le marché de la tablette était un marché à peine naissant. Il existait bien des tentatives menées en son temps par Apple avec le Newton, ou encore par Microsoft avec quelques tablettes tactiles, mais où aucune n’avait vraiment rencontré un véritable succès sur le marché grand public. Le monde de 2008 était donc un monde essentiellement « PC-centric ».
Si l’on veut comprendre aujourd’hui la révolution mobile, on ne peut dissocier celle-ci d’autres évolutions qui la nourrissent et l’enrichissent. Cette évolution a été notamment décrite par le Gartner Group dans ce qu’il a qualifié de « Nexus des forces ».
Dans ce nouvel environnement « programmable », interagissent simultanément quatre forces majeures que sont :
le cloud en tant que plate-forme unifiée ubiquitaire de services ;
le social qui contribue à renforcer et à redistribuer les rôles entre offreurs et clients ;
le Big Data qui symbolise l’émergence rapide du nouveau pouvoir des données et de la mathématisation du réel au travers de la puissance des algorithmes ;
le « Phygital » soit la fusion des mondes physiques, d’une part, et numérique, d’autre part, dont l’adjuvant est aujourd’hui le téléphone mobile.
Ces quatre forces interagissent simultanément et se renforcent les unes par rapport aux autres. Elles constituent aujourd’hui l’indispensable la matrice pour la compréhension de la transformation digitale des entreprises et des organisations.
Cette révolution est globale car un peu partout dans le monde, on observe des usages mobiles qui sont de même nature. Ce qui diffère profondément entre les différentes zones géographiques ce sont les différentes plates-formes qui sont utilisées lors de ces « instants mobiles ». Ainsi, si un américain ou un européen utilise Google pour effectuer une recherche depuis son smartphone, le consommateur chinois devra nécessairement passer par un moteur de recherche chinois comme le géant Baïdu. De la même façon, lors des échanges de messages qu’il aura au cours de la journée, le consommateur occidental utilisera probablement WhatsApp ou encore Facebook Messenger, alors que son homologue asiatique ouvrira WeChat en Chine, KakaoTalk en Corée du Sud ou encore Line au Japon. Enfin, pour ses déplacements urbains, le client occidental lancera l’application Uber ou Lyft tandis qu’en Chine, les services consommés seront avant tout ceux de DiDi Kuadi.
On estime ainsi aujourd’hui qu’un cinquième du trafic Internet est d’origine mobile. En 2013 déjà, 1,2 milliards de personnes dans le monde n’utilisaient plus qu’une connexion haut débit mobile pour accéder à l’Internet. En 2015 on comptera davantage d’abonnements mobiles que d’êtres humains sur la planète. 4,2 milliards de personne utilisent aujourd’hui leur téléphone mobile pour accéder aux réseaux sociaux. Plus de 50 000 applications sont téléchargées depuis l’Apple Store chaque minute. 77 % des personnes utilisent leur mobile pour le search (95 % des mobinautes recherchent avant tout de l’information locale). L’essentiel de cette croissance provient pourtant aujourd’hui des pays émergents qui se posent progressivement en pionniers de l’innovation mobile. On observe ainsi que 10 % de nouveaux téléphones mobiles dans ces pays apportent une croissance supplémentaire de 0,8 % de leur PIB.
D’ici 2020, la vitesse de transfert des réseaux mobiles doit être multipliée par un facteur 100 grâce notamment aux progrès réalisés en matière de connectivité mobile au travers de réseaux cellulaires toujours plus performants (4G+ et 5G).
Depuis 2013, les ventes de smartphones ont pour la première fois dépassé les ventes de téléphones mobiles classiques. Dans le même temps, les ordinateurs personnels constituent aujourd’hui une petite portion de l’ensemble des terminaux connectés. Le « Form Factor »3 des téléphones mobiles à lui-même considérablement évolué au cours de ces dernières années. Le dernier avatar de cette évolution réside dans l’augmentation de la taille des écrans au travers de ce qu’on appelle communément aujourd’hui les « Phablets ». Le cabinet d’études Deloitte a ainsi relevé qu’en 2014 les écrans de grande taille type « Phablets » ont représenté 36 % de l’ensemble des ventes de Smartphones. Si l’Asie domine largement en la matière l’Europe et les États-
Unis connaissent aujourd’hui un engouement particulier pour ce format adapté à la consultation des données en mobilité. Les « Phablets » sont en passe de devenir la prochaine norme en matière de téléphones mobiles. Dans le même temps, la baisse continue des prix unitaires des smartphones (moins de 100 $) conduit à des phénomènes de saturation dans la plupart des pays développés, l’essentiel de la croissance s’effectuant donc dans les pays émergents.
Enfin en termes de consommation de médias, le mobile est aujourd’hui le seul média qui enregistre une croissance régulière.
Le média mobile est donc devenu en moins de 10 ans un média personnel de masse. Cette massification de l’audience, a créé des phénomènes que l’on pourrait qualifier d’appétence voir même parfois d’addiction chez le consommateur. Nous regardons en effet notre écran de téléphone mobile en moyenne plus de 150 fois par jour soit une fois toutes les 6,5 minutes4.
Cette population de « Mobile addicts » continue de croître à un rythme extrêmement soutenu. La société Flurry (Yahoo! Group), a classé les mobinautes en trois groupes :
Regular Users : qui utilisent des applications mobiles entre 1 et 16 fois par jour ;
Super Users : ceux qui utilisent des applications mobiles entre 16 et 60 fois par jour ;
Mobile Addicts : ceux qui utilisent des applications mobiles plus de 60 fois par jour.
Si toutes les catégories progressent d’une année sur l’autre, c’est la dernière catégorie, celle des « Mobile Addicts » qui enregistre aujourd’hui la plus forte augmentation en rythme annuel au niveau mondial.
Si ces 280 millions de « Mobile Addicts » formaient un pays, ils représenteraient, en 2014, le 8eme pays le plus peuplé du monde juste derrière le Nigeria. Un an plus tard, ils seraient également devenus le quatrième pays le plus peuplé du monde juste derrière les Etats-Unis mais devant l’Indonésie.
En termes d’usages, il apparaît que ces « Mobile Addicts » utilisent massivement les plateformes sociales et de messagerie (en moyenne 6,56 fois plus que la moyenne des autres mobinautes). Comme nous le verrons plus loin, les plateformes de messagerie seraient donc en train de devenir le véritable « Hub » de nos vies numériques. La seconde catégorie d’applications qui croît le plus rapidement est celle des applications dites de « productivité personnelle ». Au niveau global, cette tendance correspond bien à une utilisation de type « Mobile First », notamment dans les pays émergents, où le smartphone est devenu le premier écran. Il est également intéressant de souligner la montée en puissance des applications liées à la gestion des comptes bancaire, du paiement mobile et des transferts d’argent de personne à personne. C’est sans doute dans ce domaine que la désintermédiation de secteurs traditionnels, comme la banque, est la plus visible aujourd’hui. Cette tendance n’est d’ailleurs pas exclusivement réservée à des populations qui étaient peu ou pas bancarisées mais s’observe également dans les pays développés5.
En devenant « smart », nos téléphones mobiles seraient donc devenus une nouvelle « prothèse cérébrale », un prolongement technologique de nous-même, véritable pont jeté entre nos vies numériques et physiques. Si certains commentateurs voient dans cette évolution une forme de paresse, d’autres considèrent au contraire que cette puissance informatique logée au fond de nos poches conduit à une augmentation inédite de nos capacités cognitives permettant d’agir plus efficacement sur notre environnement6.
Source : Kaspersky
En revanche, cette collection d’instants mobiles est avant tout caractérisée par sa brièveté, pas plus de deux minutes en moyenne. L’enjeu, pour une marque ou une enseigne, consiste c’est à capter cet instant mobile, à la fois en termes de « Discovery »7 mais également en termes de récurrence d’usage des services proposés. Les mobinautes sont devenus des consommateurs exigeants qui sont connectés en permanence. L’ordinateur n’est plus aujourd’hui l’outil par défaut de connexion à l’Internet. Dès lors, le consommateur attend des offreurs de services que leur contenu soit disponible n’importe où n’importe quand. Ce sentiment s’accompagne chez le consommateur mobile d’un besoin d’instantanéité qui permet de faire disparaître les frictions rencontrées dans le monde physique. Ces réalités conduisent donc à des comportements d’usage mobile totalement différent de ce que l’on connaissait auparavant sur le Web. En résumé, l’ADN du mobile diffère donc fondamentalement de l’ADN historique du Web.
Outre le fait que le mobile génère ses propres règles d’usage, il est intéressant d’observer que le mobile détermine un nouveau rapport au temps. On parle ici généralement de chrono-mobilité. En effet, selon que l’on utilise un smartphone, une tablette, ou encore un ordinateur personnel, l’usage va considérablement différer selon le moment de la journée. Ainsi, en ce qui concerne le Smartphone les pics d’usage généralement observés se situent avant le départ au travail le matin, lors des pauses de mi-journée, ou encore en soirée. L’usage de la tablette, s’accentue en fin de journée et le week-end à partir de 16 heures. Cette exigence de chrono-mobilité nécessite donc pour les offreurs de nouvelles adaptations aux besoins du consommateur. Les offreurs, marques et enseignes, doivent être à même d’accompagner le consommateur tout au long de la journée en fonction du type de terminal que celui-ci utilise, de sa localisation mais surtout de son contexte d’usage. De fait, lorsqu’on raisonne en termes de marketing mobile, on observe que pendant très longtemps les formats publicitaires pour les écrans mobiles sont restés inadaptés.
Alors que la plupart des campagnes de marketing mobile sont encore aujourd’hui structurés autour du SMS, du MMS, ou encore du bannering, les annonceurs commencent à prendre conscience des opportunités offertes par les nouveaux formats mobiles comme la notification, les « cards » ou encore les systèmes de conciergerie virtuelle au départ de systèmes privilégiant une interface naturelle comme la voix avec Siri d’Apple par exemple.
Un autre élément fondamentalement différenciant du mobile réside dans sa capacité à intégrer nativement ou potentiellement un système de paiement. Il suffit donc en la matière de songer qu’Apple dispose aujourd’hui de plus de 800 millions de cartes bancaires connectées à un compte iTunes. Cet avantage ouvre des perspectives immenses en matière de monétisation des contenus mobiles mais également en ce qui concerne le commerce électronique au départ d’un smartphone pour les prochaines années.
On le voit, à la lumière de ces quelques chiffres, la révolution de l’instant mobile contribue à façonner de nouvelles règles du jeu qu’il convient de comprendre et de maîtriser pour celui souhaitant figurer parmi les acteurs gagnants de cette nouvelle révolution. Comme l’a écrit le consultant Xavier Dalloz nous somme entrés dans l’ère de l’ATAWAD8. Cette « bataille de la poche » oblige aujourd’hui les marques et les enseignes à ne plus raisonner en termes de taux de pénétration des smartphones ou des tablettes mais à penser avant tout service et expérience utilisateur afin d’amener la valeur ajoutée de la mobilité là où elle se décide.
Bien plus qu’un simple canal supplémentaire permettant la communication avec les consommateurs, le mobile est aujourd’hui un média transverse à tous les canaux de communications électroniques. Cette spécificité fait du téléphone mobile un puissant levier de transformation digitale des entreprises et des organisations. Comme nous le verrons par la suite, ce levier de transformation va impacter profondément l’organisation même des process au sein des entreprises et des organisations, reconfigurant du même coup l’allocation des ressources financières et humaines.
En ce qui concerne les stratégies marketing, le mobile guide actuellement les investissements publicitaires et reconfigure les formats autour du temps réel de la localisation et de la vidéo. Pour l’ensemble des marketeurs, l’enjeu est aujourd’hui d’amener de la récurrence d’usage sur les offres mobiles des marques et des enseignes.
Cette révolution mobile n’est pourtant pas chose facile. Ainsi, l’engouement suscité par le média mobile contribue à une explosion du coût d’acquisition du client. Or, le client mobile est par nature extrêmement infidèle. Le taux de rétention de celui-ci ne dépasse pas en moyenne 35 % sur 90 jours. Dans le même temps 90 % des applications sont généralement désinstallés sous trois mois.
L’arrivée des tablettes à partir de 2009 a encore rendue plus complexe l’approche marketing de la mobilité. Ces terminaux d’un nouveau type à écran plus grand, généralement compris entre 7 et 10 pouces, doivent-ils entrer dans la catégorie des ordinateurs personnels ou au contraire être assimilés à la logique des terminaux mobiles comme en quelque sorte des smartphones de très grande taille ?
La plupart des études tendent à démontrer que la tablette sort finalement assez peu du domicile du consommateur. Il s’agit ainsi davantage d’un objet, certes nomade, mais dont la fonction première est de demeurer « un objet de sofa » disponible pour toute la famille sur la table du salon. Autre différence importante avec le Smartphone, qui par nature est un objet individuel, voire intime, la tablette est au contraire un outil mutualisé par l’ensemble des membres du ménage. Si la diffusion des tablettes auprès du consommateur a été extrêmement rapide (il s’est vendu davantage de tablettes en 2013 en France que de téléviseurs et en moyenne 60 % des ménages dans les pays développés seront équipés de tablettes fin 2015) on observe aujourd’hui un ralentissement sensible des ventes de celle-ci. De ce point de vue, il semblerait donc que le taux de remplacement des tablettes s’apparente davantage à celui des ordinateurs personnels qu’à celui des smartphones. Enfin, l’usage de la tablette qui est fait à domicile peut être comparé à celui de l’ordinateur personnel avec un temps moyen de consultation supérieur à 35 minutes par jour. Pour certains analystes, les usages e-commerce observés au départ des tablettes, devraient donc plutôt être comptabilisés dans les chiffres traditionnels de l’e-commerce depuis un PC que dans une logique de m-commerce.
Les facteurs d’accélération du segment mobile sont au nombre de quatre :
disponibilité de formats innovants permettant de valoriser les usages spécifiques mobiles et de développer un engagement mesurable du mobinaute ;
développement d’usages sociaux exclusivement mobiles pouvant être hautement monétisables ;
exploitation d’un média nativement conçu pour la consommation de vidéo ;
mise en place de dispositifs « Drive To Store » permettant de géolocaliser l’audience sur les zones de chalandise et d’organiser le rebond en magasin du consommateur (Geofencing, localisation Indoor, etc.)
Comme l’a résumé Frédéric Filloux9, l’explosion des usages mobiles dans les pays émergents est aujourd’hui le résultat de l’interaction simultanée de quatre forces :
Un développement constant de l’infrastructure de réseau mobile dont les coûts de déploiement matériels et logiciels ont pu être fortement réduits au cours des dernières années alors que son efficacité spectrale et énergétique connaissait dans le même temps une augmentation exponentielle de sa performance. Il en a résulté une augmentation considérable de la couverture de populations jusque là exclues de la révolution numérique Internet.
La disponibilité mondiale d’un OS mobile gratuit, à savoir Android, et la capacité des industriels chinois à produire des volumes extrêmement importants de terminaux mobiles low-cost. Cette situation inédite a permis le développement d’une concurrence féroce entre les constructeurs nés des pays émergents pour la vente de smartphones accessibles à tout public.
L’explosion d’un écosystème de contenus exclusivement pensé pour le média mobile et proposant une offre jusque-là inédite parce qu’inaccessible dans des domaines clés pour le développement économique et social tels que le commerce, la banque, l’éducation ou encore de la santé.
La volonté farouche des grands acteurs de l’Internet, Google et Facebook en tête, pour offrir, via des projets originaux, non seulement une couverture totale du monde mais également des applications spécifiquement conçues pour pallier la rareté des ressources numériques, au premier rang desquelles, figure notamment, la bande passante.
Parmi les pays émergents qui se développent le plus rapidement grâce au mobile, l’Inde est en train de prendre la tête du peloton. Près de deux Indiens sur trois naviguent déjà sur Internet depuis leurs téléphones mobiles. Mac Kinsey, estime que l’Inde devrait compter entre 350 millions et 550 millions d’internautes supplémentaires d’ici à 2019. Précision importante, on observe une croissance significative de la part de femmes dans cette population en ligne. 100 millions de femmes indiennes utilisent déjà un smartphone. 40% d’entre-elles achètent en ligne et 70% de ces transactions s’effectuent via un smartphone10.
En, fait, selon Strategy Analytics, l’Inde deviendra le second marché mondial du smartphone dès 2017, s’intercalant entre la Chine qui conservera sa première place et les Etats-Unis relégués en troisième position. Strategy Analytics estime ainsi que 174 millions smartphones vont être commercialisés en Inde en 2017 contre 118 millions en 2015.
L’essentiel de cette croissance, proviendra bien évidemment du mobile. Les géants mondiaux de l’Internet, Google et Facebook en tête, ont bien compris l’enjeu que représentaient ses futurs utilisateurs.
Au travers de sa fondation, Internet.org11, Facebook propose notamment en Inde l’accès gratuit à une trentaine d’applications les plus usuelles. On n’y retrouve notamment, des applications permettant l’accès à des sites d’informations générales, à des services publics ou encore à la recherche d’emploi. En partenariat avec des opérateurs locaux, comme l’opérateur indien relié en communication, Facebook propose aujourd’hui ce type de solution à plus de 100 millions d’indiens
De son côté, Google a mis en place, avec les autorités et des producteurs de contenus, plusieurs programmes destinés à développer les usages mobiles. Le premier de ceux-ci est baptisé « Indian Language Internet Alliance ». Il permet de contourner les difficultés d’accès aux contenus Internet mobiles pour les populations ne maîtrisant pas l’anglais. L’expérimentation mobile passe cependant par la démocratisation de l’accès au smartphone dans un pays où seulement 5% de la population disposent d’un accès à un ordinateur personnel mais où dans le même temps 10 millions de personnes disposent de l’application de commerce électronique Flipkart sur leur smartphone.
A cette fin, Google a lancé en septembre 2014, avec trois constructeurs locaux (Micromax, Karbonn et Spice) son programme Android One visant à permettre la disponibilité de smartphones à moins de 100 dollars. Ce programme s’accompagne d’une expérience dite « Zero Rating », menée en partenariat avec les opérateurs mobiles et des acteurs locaux de l’Internet tels que Flipkart ou Snapdeal, visant à ne pas facturer à l’utilisateur final l’usage de certaines applications.
De fait, le sous-continent indien, fait aujourd’hui figure de creuset pour l’innovation mobile. Loin de se cantonner à être un simple outil de communication interpersonnelle, le téléphone mobile permet l’échange et le visionnage de contenu tel que des morceaux de musique ou encore des films, stockées sur des cartes mémoire que l’on insère dans son téléphone. Au-delà du simple divertissement, le téléphone mobile devient également un véritable hub de la vie quotidienne, permettant de retirer de l’argent à un distributeur automatique grâce à un système de reconnaissance vocale ou encore de prévenir ses proches lors d’une tentative d’agression à l’aide d’une application de géolocalisation12.
L’essentiel de ses usages se concentre encore aujourd’hui sur des téléphones mobiles ordinaires. L’enjeu de ces prochaines années, et donc de faciliter l’accès aux Smartphones. Cette accessibilité passe notamment par une baisse importante du prix unitaire des terminaux. Aujourd’hui, près du quart des terminaux de type smartphones vendus en Inde sont commercialisés à un prix inférieur à 100 $. Au cours de l’année 2014, près d’une centaine de marques locales ont lancé pas moins de 1100 nouveaux modèles, faisant de l’Inde le troisième marché au monde pour les Smartphones.
Ce dynamisme donne naissance à toute une série de marques locales comme Karbonn, Lava ou encore Micromax qui de par leur positionnement tarifaire agressif menace la suprématie de constructeurs établis tels que Samsung notamment13. Par ailleurs, Micromax ne se limite pas à pratiquer des prix bas, il mène également des campagnes marketing originales. En 2014, ce constructeur indien a ainsi lancé une nouvelle marque, baptisée YU, qui fonctionne sous une version modifiée du système d’exploitation Android et qui est proposée par la société américaine Cyanogen14.
L’intégralité des 10 000 smartphones « YU Yureka 4G » mis en vente sur le site Amazon India a été vendus en trois secondes. A la même époque, le constructeur chinois Xiaomi a vendu 50 000 terminaux 4G en deux minutes et trente secondes sur le site indien Flipkart.
De ce point de vue, ces nouveaux acteurs locaux extrêmement dynamiques de la téléphonie mobile contribuent également à leur manière à une tendance de fond observée ces dernières années, à savoir une fragmentation progressive du système d’exploitation Android de Google.
De leur côté les constructeurs chinois de smartphones comme Xiaomi tentent également, non sans mal, d’avancer leurs pions ce marché indien qui paraît aujourd’hui incontournable pour assurer leur croissance future. Entré sur le marché indien durant l’été 2014, Xiaomi a ainsi écoulé pas moins d’un million de terminaux en 5 mois. L’objectif affiché du constructeur chinois était alors d’écouler jusqu’à 200 000 nouveaux terminaux par semaine sur le marché indien. Cependant, Xiaomi a dû faire face à une interdiction provisoire de commercialisation sur le territoire indien à la suite d’une plainte pour violation de brevet déposé par le suédois Ericsson. La concurrence acharnée des acteurs locaux comme Micromax ou Karbonn, associés au géant américain Google entrave également la progression fulgurante de Xiaomi.
Cette extraordinaire croissance du taux d’équipement en smartphone est également en passe de transformer radicalement l’offre en matière de commerce en ligne. Si l’Inde demeure un pays extrêmement pauvre, c’est également l’un des pays émergeant ou la classe moyenne croît le plus vite. Ainsi, en 2010 près de 30 % de la population indienne vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Seulement deux ans plus tard ce taux avait chuté à 21,9 % selon la banque mondiale. Selon le National Council for Applied Economic Research, on comptait 160 millions d’Indiens de la classe moyenne en 2014 et ce chiffre devrait connaître une croissance de 66% pour atteindre 267 millions en 2016. Gartner estime que 28 millions de consommateurs indiens achètent aujourd’hui en ligne soit environ 2,2 % de la population totale (1,25 milliards). Ce chiffre pourrait passer à 128 millions de consommateurs en 2016 soit environ 10 % de la population. Si ces chiffres restent relativement modestes au regard du marché chinois ou du marché américain, c’est le rythme de croissance de l’e-commerce indien qui retient surtout l’attention. Gartner estime ainsi le rythme de croissance annuel de l’e-commerce indien à 71 % contre 15,4 % aux États-Unis et 49,7 % en Chine.