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Dépôt légal : D/2016/10.622/65
Couverture : Vincent Steinert
ISBN : 978-2-8072-0122-4
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo.
À Julie.
« Notre vie vaut ce qu’elle a coûté d’efforts. »
François Mauriac (1885-1970)
Contexte de la réflexion
La fin d’un modèle
Histoires de monnaies
Politiques des banques centrales
Euro et Banque centrale européenne
Déflation, inflation ? Stagnation ?
Dettes publiques, taux d’intérêt et banques
Considérations fiscales
Perspectives boursières
Économie digitale
Prospectives sociétales
Terreur
En conclusion, une dernière intuition
Table des matières
Cet opuscule rassemble des textes publiés dans la presse belge au cours des deux dernières années. Certains constituent une explication ponctuelle d’un phénomène économique, tandis que d’autres tentent d’élargir l’angle de la réflexion dans ses prospectives. Aucun de ces textes n’a d’autre ambition que de ressortir à l’intuition. Le lecteur n’y trouvera donc pas d’ancrage académique ou scientifique. Tout au plus ressentira-t-il la tentation de l’auteur de s’exercer à des visions imprécises en matière de configurations monétaires, étatiques et sociales.
La crise actuelle révèle une fin de modèle : la fin d’un modèle de complaisance, de manque de vision, de déficit de perspectives. Tout se passe comme si nous n’avions, en fait, rien retenu de l’Histoire. Il ne faut pas s’y tromper, cette crise est celle de nos futures générations auxquelles nous avons emprunté le bien-être.
Le moment est venu de poser la question des temps nouveaux et de constater qu’un univers moderne se dresse, sans qu’on l’ait pressenti, ni conjuré. Cet univers, qui ne pourra passer que par la jeunesse, reste à réinventer.
Printemps 2016
Bruno Colmant
Souvent, je m’interroge sur la trajectoire de nos communautés. Nos sociétés vieillissent mal. Pétries de certitudes géographiques et centrées sur un tropisme européen, elles ne réalisent pas que le monde s’est étendu dans les azimuts verticaux. Nous sommes imprégnés d’une suprématie civilisationnelle des années industrielles, mais la croissance s’est encourue. Et comme nous vieillissons, la jeunesse n’exerce pas cette nécessaire force de rappel.
La crise de 2008 fut un signe majeur : elle signifia la fin d’un monde de rentiers d’idées.
Mais cette crise n’est qu’une expression accessoire. De profonds chocs socio-politiques sont proches parce que nous n’arriverons plus à assurer la cohésion et la mixité sociales. En effet, la croissance économique est une échappée dans le futur. Son absence devient une prison puisqu’il n’est pas possible de se projeter dans un avenir économique meilleur.
Quels sont les murs de cette geôle ? Il s’agit de la gigantesque soustraction des dettes que nous avons contractées et qui doivent être défalquées de notre futur, comme un monde qui se renverserait. Il s’agit, bien sûr, de la dette publique, mais aussi des autres dettes sociales, comme l’accentuation des inégalités, et des dettes sociétales, dont les latences environnementales et climatologiques. Les pensions relèvent de cette problématique : un nombre réduit de travailleurs actifs n’arrivera pas à assurer l’augmentation de l’espérance de vie, dont il faut pourtant se réjouir. L’endettement des États, aggravé par la déflation, va les priver des moyens d’assurer la cohésion civique.
Cette déduction du futur, qui ne peut plus s’opérer sur la croissance, pourrait conduire à l’exclusion et à la prédation, d’autant que la pénétration dans l’économie digitale va temporairement pulvériser des pans entiers de l’économie marchande.
Nos temps ne sont pas ceux d’une crise, mais d’un bouleversement structurel. C’est une rupture et une prise de conscience. Je veux dire une véritable prise de conscience, pas l’expression mondaine ou convenue de ceux qui disent que tout change en espérant que rien ne les affectera. C’est l’adieu au XXe siècle. C’est l’abandon au monde de l’inertie, de la tétanie. Cette charnière qui grince avec le siècle qui s’est refermé, c’est aussi, malheureusement, l’oubli de tous les drames et totalitarismes qui l’ont assassiné deux fois.
Cette crise n’est donc plus souveraine ni monétaire : elle porte sur l’exercice des États, écartelés entre des entreprises mondiales et versatiles, et des dettes publiques dont la stabilité de l’expression monétaire et le refinancement sont les garants de l’ordre social. Nos politiques sont étatico-nationales alors que le marché est mondial.
Dans les prochaines années, le débat idéologique portera sur le dialogue entre l’État et le marché, entre la collectivité et l’individu, et entre la dette publique et la propriété privée. Certains exigeront une étatisation croissante, voire généralisée, de l’économie, pour maintenir l’ordre social. D’autres argumenteront que cette voie conduirait à désertifier toute initiative spontanée. Les insoutenables dettes publiques engageront la question du défaut ou de l’opposition sociale.
La véritable question portera sur la représentation de l’avenir du corps social, car les configurations sociales deviennent extrêmement vulnérables. Les démocraties seront mises à l’épreuve dans le sillage des chocs économiques. Insidieusement, d’autres configurations politiques, plus autoritaires, risquent d’émerger.
Notre siècle sera-t-il plus apaisant ? Je ne le crois pas. Tout se met en place pour alimenter les replis identitaires, les égoïsmes, les pertes de civilités dont certains espèrent sortir gagnants, alors que tous nous en serions perdants. À moins de vérifier que l’exclusion et l’ostracisme sont des choix démocratiques, et donc partagés, quelle société voulons-nous ? Une société d’ouverture, dans l’intelligence de la justice et de la sécurité ? Ou bien une société ostracisant qui fragmente les classes sociales, les attachements territoriaux, les affinités linguistiques et culturelles ?
Un de mes ancêtres était un exilé moldave, probablement victime de pogroms et spolié par les soldats de Napoléon. Accueilli en Belgique, son arrière-petit-fils devint, par son labeur et son acharnement, bourgmestre de Verviers, à l’époque l’une des plus florissantes villes du monde. Que serait-il devenu dans l’exclusion ?
Il faut résolument s’opposer à la fracturation de notre société.
Chaque jour, certains s’accommodent des outrances et des débordements verbaux. Pour ceux-là, la ligne rouge n’existe plus au motif de leur propre survie politique. Mais quelles valeurs morales veulent-ils montrer, au-delà d’une sombre mathématique électorale dont ils seront évidemment les victimes ?
Partout, en Europe et en Belgique, des rémanences des temps odieux se manifestent. Mais savent-ils, tous ceux qui adhèrent en toute bonhommie à des idées répressives, que chaque homme commence l’humanité et que chaque homme la termine ? Savent-ils que la liberté et la tolérance sont des combats ? Savent-ils que, pendant des milliers d’années, des hommes ont relevé la tête plutôt que des fusils, des bras et des mentons ? Que des hommes ont préféré éteindre les combats plutôt que d’allumer les marches au flambeau ? Dans La reine morte, le roi Ferrante dit : « Et un jour, tout sera bouleversé par les mains hasardeuses du temps. »
La monnaie est une expression symbolique qui représente le rapport d’échange de biens et des services. Mais il y a plus : elle défie les lois de la physique puisqu’elle est à la fois un flux et un stock. La monnaie ne vaut rien en tant que telle. Elle représente la valeur sans l’intégrer. Elle n’est pas valeur, mais sa propre reproduction. Elle n’est pas uniquement un stock car elle ne vit que par sa propre circulation.
La monnaie est donc la projection d’un flux insaisissable. Quand on réfléchit à ce phénomène, on se perd rapidement dans son signifiant. La crédibilité monétaire ne peut pas découler d’un acte d’autorité. La monnaie doit s’adosser à un référent qui excède ce qu’il garantit. Il faut donc une réciprocité entre la qualité de la confiance et la quantité de monnaie. Dans le cas d’une monnaie fiduciaire, le garant est un état de confiance. Il faut donc donner à la monnaie une valeur morale supérieure pour que la confiance qui lui est associée soit un référent satisfaisant. Ceci explique que le privilège de battre monnaie ait été capturé par les États au rythme de la formulation des États-nations à laquelle son étatisation est consubstantielle.
Mais quand cela ne suffit pas, on y ajoute un peu de divinité. Dans cet immense dédale conceptuel, l’origine étymologique du terme « monnaie » est un indice intéressant. La monnaie ramène au Palais de la Moneta où les pièces romaines étaient frappées. La légende veut que ce bâtiment fut construit à l’endroit où les oies du Capitole étaient parquées. Le Palais de la Moneta abritait aussi le culte de la déesse Junon, l’archétype de la déesse cosmique, qui promet prospérité et fécondité. Cela rappelle ce que Marx (1812-1883) énonçait dans sa théorie du Capital, à savoir que le seul but de la circulation monétaire est d’assurer sa propre « ovulation ». Junon était incidemment appelée Junon Moneta (ce qui signifie « Junon qui prévient ») car la déesse aurait averti les Romains d’un tremblement de terre imminent.
De nos jours, on retrouve toujours Dieu dans l’expression monétaire. Il a bien sûr le « in God we trust » qui est une mention obligatoire sur les billets en dollars depuis 1957. Il s’agit d’ailleurs d’une expression collective, puisqu’il est inscrit « in God we trust » et non « I trust », ce qui est logique puisque la monnaie, comme la divinité, n’existent que si elles fédèrent un nombre suffisant d’adeptes.
Mais tout près de chez nous, Dieu est encore très présent dans les matières monétaires. Sur la tranche des pièces hollandaises d’euro, il est inscrit « God zij met ons ». Dans ce pays, les banquiers doivent d’ailleurs faire serment de leur probité… sur la Bible. D’aucuns argumenteront que ces expressions religieuses sont propres aux pays protestants, au sein desquels la monnaie, comme le taux d’intérêt, furent mieux acceptés que dans les pays catholiques qui subordonnent toujours la monnaie à Dieu. Dans les pays protestants, la Réforme « dé-spiritualisa » le temps, nécessaire pour calculer l’intérêt de la monnaie. Il n’empêche : quel singulier et schizophrénique métissage !
La Bible rappelle aussi l’inanité des choses monétaires. Selon les Évangiles, le Christ aurait été trahi par Judas l’Iscariote pour trente deniers d’argent. De nombreux historiens se sont interrogés sur ce montant. Il s’agissait d’environ 120 grammes d’argent, un faible montant sachant que la solde d’un soldat romain était de l’ordre de 500 deniers par an, soit 750 euros. Mais imaginons que Judas (avant son suicide) ou ses héritiers aient placé ces 750 euros dans une hypothétique banque millénaire à un taux composé de 2,5 %.
Que valent 750 euros placés pendant 2.000 ans au taux annuel de 2,5 % ? Un calcul élémentaire conduit à un chiffre arrondi saisissant : 2.000.000.000.000.000.000.000.000 euros, ce qui représente 37 milliards de fois le PIB mondial. Les Évangiles résolvent cette incongruité en rangeant la monnaie parmi les puissances qui asservissent l’homme. Un nom démoniaque est donné dans l’Évangile de Matthieu à la monnaie : Mammon. Jésus avance que « Nul ne peut servir deux maîtres… Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon » (Matthieu 6, 24).
Mais alors, pourquoi faire référence à Dieu sur les billets et pièces ? Pour confesser les péchés d’argent ou pour crédibiliser la monnaie ? Ceci rappellerait-il que Dieu et la monnaie sont peut-être de fragiles équivalents sociologiques ou, au contraire, des formulations antagonistes ? La monnaie serait-elle alors la déclinaison humaine indispensable à la divinité, puisque toute religion est fondée sur la charité et le don… de monnaie ? Dieu et la monnaie ne seraient-ils finalement que deux artefacts ?
En conclusion de ces quelques lignes, le sujet du phénomène monétaire est obscur. Il est même ténébreux. La monnaie est un phénomène monétaire circonstanciel mais elle permet (très temporairement) l’accumulation de pouvoir et une hiérarchisation sociale. Parfois, je suis saisi par l’effroi de sa vacuité. Qu’y a-t-il derrière ce dernier ? Le pâle reflet d’imparfaites et éphémères conventions humaines ? Une tentative de mesure dégradée du temps ? Une hallucination collective choisie ? Le néant, une plongée dans son côté sombre ou plutôt une tentative de maquillage de ses ténèbres ? Avec un peu d’intuition, nous savons que des phénomènes monétaires inattendus se préparent. Il y aura d’immenses ajustements puisque nous vivons à crédit d’une dette publique dont le remboursement est repoussé d’année en année. Il faut donc réfléchir au sens de la monnaie car je crains qu’un jour la monnaie ne perde « sa » valeur. Ce jour-là, ce sera un profond aggiornamento. C’est parce que j’ai peur de découvrir l’inanité du phénomène monétaire que je me dis que les monnaies ressemblaient aux dieux : elles n’existent que le temps de rassembler des adeptes. Et qu’il faut mourir assez tard avant de savoir que Dieu n’existe peut-être pas, et assez tôt avant de savoir que la monnaie ne vaut peut-être rien.
Avril 2016
Depuis des années, je m’exerce à appréhender le phénomène monétaire… sans y parvenir.
Les mots me manquent pour transcrire une explication qui s’envole au moment où je crois l’avoir fugacement (et en vain) capturée.
Le signifiant de la monnaie est insaisissable.
La monnaie est un artefact, c’est-à-dire un phénomène créé de toutes pièces par les conditions expérimentales, dépourvu de toute signification théorique. Cela expliquerait incidemment la subordination de l’ordre monétaire à l’ordre social.
Par ailleurs, la monnaie renvoie à ce qui la garantit. Elle doit s’adosser à un niveau de confiance qui excède ce qu’elle garantit.
Il faut une réciprocité entre la qualité de la confiance et la quantité de monnaie.
C’est donc un concept en lévitation.
La monnaie sert de modèle au temps, dont la réalité est, elle aussi insaisissable.
Pour le sociologue, la monnaie est un moyen de rendre impersonnelle l’association entre des personnes inconciliables, et donc de sublimer les rapports sociaux.
Pour l’économiste, la monnaie est un phénomène monétaire éphémère et circonstanciel. C’est une formulation simplifiée de l’utilité du temps, ou plutôt de « l’ombre du temps ».
Pourtant, le temps nous échappe… à chaque moment.
Et nous croyons nous en protéger par la monnaie que nous disons être l’égal du temps.
Le temps est métaphysique.
La monnaie est sa traduction humaine.
Tant de choses nous dépassent…
Octobre 2015
La monnaie et le temps sont des concepts insaisissables mais comparables. La monnaie est un flux aux vitesses et accélérations complexes, tandis que le temps est en expansion.
Tant la monnaie que notre conception d’un temps linéaire sont des artefacts qui disciplinent les agencements humains. Ils assurent l’ordre social.
La monnaie est un phénomène monétaire éphémère et circonstanciel. C’est une formulation simplifiée de l’utilité du temps, ou plutôt de « l’ombre du temps » ou du « voile » de Jean-Baptiste Say. La monnaie est l’enfant matériel d’un temps qui ne peut être que de compréhension spirituelle.
Du reste, la monnaie porte en elle son caractère intermittent : elle se déprécie, se remplace, se confisque et se nationalise au gré des chocs de l’évolution des communautés humaines.
Elle s’écoule comme le temps.
Elle ne protège de l’avenir que de manière temporaire, c’est-à-dire aussi longtemps que les hommes décident eux-mêmes de la stabilité de leur futur.
La monnaie s’exproprie parfois, lorsqu’elle ne répond plus aux réalités socio-politiques.
Cela arrive aussi aux mesures du temps : outre le fait qu’elles se décalent selon les fuseaux horaires, ses expressions élémentaires ont fluctué au rythme des mêmes objections socio-politiques qui ont révolutionné la monnaie.
Il suffit de penser que les pays réformés réfutèrent le calendrier grégorien et que la Révolution française introduisit un nouveau calendrier, tentant de recommencer le temps à zéro au même rythme que la monnaie révolutionnaire – les assignats – revenait au même point, c’est-à-dire à la valeur zéro.
Certains pays, d’essence révolutionnaire, continuent d’ailleurs à conserver leur propre calendrier : Afghanistan, Éthiopie, Iran, Viêt Nam, etc.
Finalement, à l’aune d’un cosmos en expansion et d’un temps non conceptualisable, nos symboliques monétaires sont de petites mais nécessaires fragilités.
Août 2015
Le temps est insaisissable.
Nous le croyons linéaire et avons essayé de le mesurer pour nous domestiquer. Pourtant, il s’inscrit dans une dimension cosmique que nous ne pouvons conceptualiser : l’expansion. La monnaie tente, quant à elle, de valoriser le temps, en le fragmentant. Elle épouse l’impossibilité de son immobilité, puisqu’elle se déprécie ou s’accroît d’intérêts.
Elle n’est jamais stable.
Le temps est abstrait et insaisissable, tandis que la monnaie est une formulation conventionnelle. Le temps n’a pas de valeur car on ne peut ni le vendre ni le donner. Par contre, l’usage du temps a une valeur. Il s’agit du temps de fabriquer un bien et de produire un service ou du temps de déconstruire un bien. Benjamin Franklin avance d’ailleurs que le seul intérêt de la monnaie, c’est son emploi. On pourrait alors envisager la monnaie comme un étalon du temps dont la valeur relative serait fixée par un état temporaire de confiance. Sous cette orientation, la monnaie serait un gradient du temps, ou plutôt une régression de la gratuité du temps qui permet un échange d’utilités.
Mais la monnaie est vaniteuse : elle essaie d’accélérer le temps, mais ce dernier la ramène au présent. La monnaie ne dure pas dans le temps. Elle tente d’emprisonner le temps, en mesurant son prix par le taux d’intérêt, mais c’est vain : le temps domestique la monnaie.
La monnaie est trop empressée. Elle tente d’éreinter le temps. Mais le temps est indomptable.
Août 2015
Depuis qu’elle représente la monnaie plutôt qu’elle ne la véhicule de manière sui generis, son signifiant est la confiance. La monnaie ne vaut donc que par sa capacité à agréger – par adhésion ou coercition – la croyance qu’un symbole traverse le temps et l’espace. La monnaie est donc un fait social, ou plutôt un fait socio-étatique. Ses pulsations épousent les attributs des sociétés : la démographie, la productivité des facteurs de production, l’innovation, la complétude d’un marché financier, etc.
C’est ainsi que certaines monnaies sont librement convertibles, offrant leur faculté d’échange aux autres pays tandis que d’autres monnaies reflètent un degré d’étatisme et de nationalisme plus prononcé en limitant leur convertibilité.
La convertibilité d’une monnaie est d’ailleurs, à mon intuition, un signe de démocratie ou, à tout le moins, de vulnérabilité dans l’appréciation de l’économie.
Un choix monétaire est un engagement sociétal fondamental.
Il en est l’émergence.
C’est pour cette raison qu’il est indispensable de repenser la gouvernance de l’euro afin que cette monnaie repose sur une représentation politique, budgétaire et fiscale fédérale plutôt que sur une juxtaposition d’influences nationales, c’est-çà-dire un régime confédéral.
C’est aussi la raison pour laquelle l’entretien politique d’un Grexit est dangereux, car si la monnaie est à risque, c’est un pays qui le devient et risque de sombrer.
Août 2015
Il n’y a pas de monnaie absolue. La monnaie est un rapport d’échange relatif qui exprime une relation entre la valeur des biens et services. Par essence, une monnaie est instable puisqu’elle constitue un « super-objet » par rapport auquel la valeur des autres biens et services (formulés en signes monétaires !) est exprimée. Un rapport d’échange ne peut pas être absolu. Même des biens considérés (à tort) comme supérieurs et de nature monétaire, comme l’or ou l’argent, voient leur expression monétaire varier au-delà de leur rareté instantanée.
Les monnaies ne sont pas, dans l’absolu, faibles ou fortes. Elles le sont par rapport à d’autres monnaies. Une monnaie est donc doublement relative : par rapport au taux d’échange des biens et services qu’elle exprime, mais aussi par rapport à d’autres étalons monétaires qui sont eux aussi relatifs.
La dépréciation monétaire est un phénomène séculaire et permanent. Toute communauté emprunte à son futur. Mais la représentation de cet emprunt du futur se dilue dans la dépréciation monétaire, qui affecte le financement de cet emprunt de ce même futur, c’est-à-dire la dette publique. La monnaie déprécie donc l’expression de son propre emprunt dans le futur.
Août 2015