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À Karine, Chloé et Arthur

Tous les sites, monuments, châteaux, ruines, calvaires, chapelles, souterrains décrits dans ce livre existent. On peut encore les visiter aujourd’hui.

Tous les épisodes relatifs aux aventures d’Arsène Lupin sont véritablement issus de l’œuvre de Maurice Leblanc. Chacun pourra s’y référer en les lisant ou les relisant.

Tous les indices fournis dans Code Lupin sont réels…

Vous êtes libre de croire en notre solution… ou d’en imaginer une autre…

Les faits

Entre 1905 et 1939 Maurice Leblanc écrivit soixante aventures d’Arsène Lupin. Beaucoup de ces aventures, surtout les plus énigmatiques, possèdent pour cadre ce que Maurice Leblanc a lui-même appelé le « triangle cauchois », ou « triangle d’or ». Un triangle géographique dans lequel Maurice Leblanc a d’ailleurs passé la majorité de sa vie.

En 1955, Raymond Lindon, maire d’Étretat, ami de Maurice Leblanc, publie sous le pseudonyme de Valère Catogan Le Secret des rois de France. Il prétend dans ce court essai que le roman L’Aiguille creuse possède un sens caché qui dissimule un secret historique. L’ouvrage est aujourd’hui épuisé et introuvable.

La falaise de la côte d’Albâtre, du Havre au Tréport, recule chaque année, en moyenne, d’environ vingt et un centimètres. La plupart des accès à la mer, échelles, escaliers, souterrains construits patiemment par les hommes depuis des siècles, ont aujourd’hui disparu, sont inaccessibles ou interdits au public.

Chaque année, près de deux millions de visiteurs, venus du monde entier, se rendent à Étretat pour admirer l’aiguille.

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La pièce d’or

Gérard Meyer hésita quelques instants avant d’entrer dans l’office de tourisme de Saint-Valery-en-Caux, cette longue bâtisse à colombages, étrange et biscornue. Ce 11 juillet, un soleil de plomb s’était abattu toute la journée sur la petite station balnéaire. C’était comme cela depuis une semaine, et seuls de violents orages chaque soir venaient perturber la canicule. Mais en cette fin d’après-midi, pour l’instant, aucun vent ne soufflait et les drapeaux européen, français, normand, pendaient immobiles, paresseusement, devant la mairie. À quelques mètres, les bateaux multicolores du port de plaisance clapotaient doucement. Ils étaient piégés. C’était la marée basse. Ils devraient attendre plusieurs heures avant de pouvoir sortir en mer.

Gérard Meyer dégoulinait encore de sueur. Finalement, il franchit en baissant la tête la porte basse en bois ouvragé. Entré, il frissonna. Il était encore torse nu. Il n’avait même pas pensé à remettre un tee-shirt. À plus de cinquante ans, il connaissait les limites du charme de son corps nu. Après tout, il venait là pour rendre service. Mais surtout, il n’avait pas pensé qu’il ferait une telle rencontre. Derrière son bureau encombré de prospectus, la jeune fille leva les yeux sur lui. Ce fut tout d’abord ses yeux noirs qui troublèrent Gérard, des yeux profonds d’Espagnole. D’Andalouse, pensa-t-il immédiatement. La demoiselle était habillée d’un petit bustier blanc en dentelle qui laissait dénudées ses épaules mates. Retenus par un chignon improvisé, de longs cheveux, noirs eux aussi, semblaient n’attendre que d’être libérés pour venir caresser ce buste. Gérard resta un instant immobile. Il eut encore le temps d’admirer les deux grands anneaux argentés que la jeune fille portait en boucles d’oreilles. Elle lui sourit et lança un bonjour avec un délicieux petit accent espagnol.

Espagnole. Andalouse sûrement. Gérard ne s’était pas trompé. Toujours un peu gêné, il s’avança vers le guichet. Il eut le temps d’observer un petit badge agrafé à son bustier : « Paloma. Stagiaire. »

— J’ai trouvé ça… Sur la plage.

Il sortit de la poche de son short une pièce d’or. Il la posa devant la jeune fille. Etonnée, elle observa de plus près l’objet trouvé. La pièce était très abîmée, mais on distinguait encore distinctement le dessin d’une couronne, ainsi que quelques mots anglais. En regardant de plus près, elle repéra une date : 1905.

— Vous l’avez trouvée sur la plage ?

Le sourire de la jeune stagiaire, son accent, ou les deux à la fois, firent une nouvelle fois frissonner Gérard.

— Oui, bredouilla-t-il. On pêchait à pied avec les mômes. On profitait de la marée basse. C’est la petite qui l’a trouvée, sous les falaises. Comme c’est pas à nous, on s’est dit que quelqu’un viendrait peut-être la réclamer…

La jeune Ibérique regarda Gérard un instant avec intérêt.

— Merci, continua-t-elle. Vous êtes en vacances longtemps ici ? Si personne n’est venu la réclamer dans quelques jours, je pourrais vous la redonner ?

— Non, ce n’est pas la peine. Ce n’est pas à nous. De toutes les façons, on repart demain. Gardez-la. Vous avez bien un musée ici pour ces trucs-là ?

Paloma sourit.

— Merci, ajouta-t-elle.

— De rien. De rien, je vous jure. C’est pas grand-chose. Puis c’est normal. On l’a trouvée, c’est tout.

Gérard lui adressa un petit signe de la main et sortit de l’office de tourisme. Paloma resta seule. Elle prit à nouveau la pièce entre ses doigts. Il s’agissait assurément d’une pièce de valeur. C’était de l’or, elle en avait la certitude. Elle suivait des cours d’histoire. Elle avait acquis quelques notions à propos de ces objets anciens. Elle essaya à nouveau de détailler les inscriptions. La date 1905 retenait son attention. Elle regarda par la porte vitrée le port de plaisance. Gérard avait déjà disparu. Une étrange question lui vint alors à l’esprit. Quel pourcentage de touristes trouvant une pièce d’or sur la plage la ramènerait en mairie ? Moins de la moitié sans doute. Oui, beaucoup moins. À peine dix pour cent ? Garder pour soi une pièce trouvée, ce n’est pas de la malhonnêteté. Dix pour cent, c’était déjà beaucoup, à bien y réfléchir. L’esprit de déduction de Paloma se mit à fonctionner très vite. Elle réfléchissait toujours ainsi. Par hypothèses et déductions successives. Si on admettait que moins de 10 % des touristes ramènerait une pièce d’or trouvée en mairie, on pouvait alors poser deux hypothèses. Soit la pièce d’or qu’elle avait entre les mains avait eu la chance d’être trouvée par un de ces rares touristes capables de ne pas garder la pièce pour lui. Mais cette hypothèse était statistiquement très improbable. Soit, et cette seconde hypothèse lui sembla immédiatement beaucoup plus vraisemblable, il y avait beaucoup de pièces d’or éparpillées à Saint-Valery-en-Caux, sur l’estran, sous les falaises, entre les galets, dispersées par les vagues. Une dizaine. Peut-être plus. Beaucoup de touristes avaient trouvé ces pièces… Et comme c’était probable, à un moment donné, une de ces pièces a été trouvée par un homme particulièrement honnête.

Non seulement Paloma semblait assez fière de sa déduction, mais surtout celle-ci lui ouvrait la délicieuse perspective d’un trésor sous les falaises. Elle resta un instant, rêveuse, à observer au loin la forêt multicolore de mâts de voiliers du port de plaisance. Avant tout, son hypothèse lui offrait un prétexte, un prétexte inespéré de contacter Roland Bergton. Le professeur Roland Bergton, son directeur de mémoire de recherche. Paloma était une étudiante espagnole, originaire de Carthagène, en Murcie. Elle précisait régulièrement en France que non, elle n’était pas andalouse. La Murcie est une toute petite province autonome qui tient à son indépendance face à sa grande voisine andalouse. Elle suivait depuis six mois des études en France, dans le cadre du programme d’échange Erasmus. Elle avait intégré un master d’histoire et de protection du patrimoine, sous la direction du célèbre professeur Roland Bergton. Elle avait soutenu son mémoire sur les « sources et fontaines cauchoises » il y a moins de dix jours, avec la mention maximale. Déjà, elle s’ennuyait de son charmant professeur. C’est lui, par son réseau de relations, qui lui avait déniché ce poste de stagiaire à l’office de tourisme de Saint-Valery-en-Caux. Elle ne devait retourner en Espagne qu’au mois d’août.

Hésitant à peine, elle composa le numéro de téléphone de l’université de Rouen. Au standard, elle demanda le secrétariat de l’école doctorale Savoirs, Critiques, Expertises. Une voix lasse lui répondit :

— Université de Rouen bonjour.

— Bonjour, fit Paloma d’une voie enjouée, je souhaiterais parler avec le professeur Bergton.

— De la part de qui ? répondit la voix lasse.

— Paloma Cortez. J’ai soutenu mon mémoire de master il y a dix jours avec lui.

— Les délibérations sont terminées mademoiselle. Tout le système informatique est bouclé. En septembre…

Paloma sentit immédiatement que ce serait très difficile d’obtenir un rendez-vous.

— Cela n’a rien à voir. Cela concerne mon stage… J’ai une information à lui donner. Une information importante.

— Je vais lui transmettre. De quoi s’agit-il ?

— C’est personnel…

— Je suis désolée mademoiselle, mais le professeur Bergton est particulièrement occupé aujourd’hui. Il est en ce moment en réunion. Il part après-demain pour l’étranger. Cela va être très difficile. Vous savez, l’université ferme dans une semaine.

Paloma sentait monter en elle un certain énervement devant la bureaucratie universitaire. Une fois de plus pensait-elle. Pourtant, ce fut la secrétaire anonyme qui lui donna la solution :

— Si c’est important, vous n’avez qu’à lui envoyer un e-mail.

Un e-mail ! Bien entendu. Paloma raccrocha et ouvrit aussitôt sa messagerie électronique. Elle avait souvent échangé ainsi pendant les mois précédents avec Roland Bergton : elle lui envoyait ses chapitres de mémoire rédigés, qu’il lisait et corrigeait. Elle réfléchit un instant. Il était occupé aujourd’hui. Il partait le surlendemain à l’étranger. Il fallait trouver un moyen de l’accrocher. Elle tapa les mots suivants : « Monsieur le professeur, une pièce d’or ancienne a été trouvée aujourd’hui par un touriste sous les falaises de Saint-Valery-en-Caux. Je suis en possession de cette pièce. J’aimerais vous en parler le plus rapidement possible. Cordialement. Paloma Cortez. » Elle hésita à renseigner la rubrique « objet » du message. Finalement, elle tapa « 1905  ». À cet instant, elle ne pouvait pas savoir que ces quatre chiffres, 1, 9, 0, 5, et eux seuls, allaient retenir l’attention du professeur et le décider à la recevoir. Paloma cliqua sur « envoyer » et son espoir s’envola dans l’espace virtuel. Elle attendit. De longues minutes. Rien.

Une heure plus tard, résignée, elle s’apprêtait à fermer l’office de tourisme. Avant de sortir, elle consulta une dernière fois sa messagerie. La formule « Vous avez un nouveau message » lui redonna le sourire. Le message était bref, sec : « RDV demain 8h45. Bureau école doctorale SCE. Roland Bergton. » Le soir même, Paloma prit le train pour Rouen. Elle ne travaillait pas le week-end.

Le bus en site propre TEOR, d’un bleu azur aux couleurs des vacances, la déposa juste devant l’Institut de recherche des sciences de l’homme de Haute-Normandie. L’IRSHS se présentait comme une cathédrale de verre flambant neuve, dominant le panorama de Rouen. Depuis quelques années, l’IRSHS de Haute-Normandie, et notamment l’école doctorale Savoirs, Critiques, Expertises, avait connu un développement spectaculaire. Roland Bergton y était pour beaucoup. Il avait dirigé l’école et l’Institut pendant plus de dix ans. Parallèlement, la plupart de ses ouvrages scientifiques sur la géographie ésotérique étaient devenus des best-sellers traduits dans le monde entier. Sa spécialité consistait à reconstituer les codes secrets dissimulés dans les œuvres d’art, qu’elles soient picturales, littéraires ou architecturales, et à déceler les liens spatiaux unissant ces œuvres. Les crédits régionaux, nationaux, européens avaient suivi, et il y a moins de deux ans, des bâtiments entièrement neufs furent érigés à la place des vétustes locaux nés avec l’université dans les années 1960.

En ce samedi 12 juillet, l’université était déserte. Paloma se dirigea vers le bureau A708. Sans prendre la peine d’emprunter l’ascenseur, elle gravit d’un pas décidé les sept étages qui menaient au bureau de l’ancien directeur de l’Institut. Il n’y avait personne dans les couloirs. Même les secrétariats semblaient désertés. Par contre, la porte du professeur Bergton était ouverte. Paloma s’avança. Le professeur ne l’avait pas remarquée, occupé à trier des documents sur son bureau.

Le professeur Bergton était adorable. Tous les étudiants s’accordaient pour le dire. Il y avait même quelque chose d’incroyable à voir cet homme, sollicité dans le monde entier, être capable de passer autant de temps avec des étudiants débutants, à leur expliquer une note ou régler un problème administratif. Par contre, incontestablement, le professeur Bergton faisait peur aux étudiants. Plus exactement, il impressionnait. Sûr de lui, d’une culture sans limites, ne se trompant jamais dans ses jugements, il faisait partie de ces hommes dont on ne discute pas les décisions, et donc qui n’ont même pas besoin de les imposer. Lorsqu’il parlait, il semblait toujours du côté de l’évidence, et tout son argumentaire vous amenait presque à coup sûr à penser comme lui. Face à lui, on se sentait toujours un peu stupide. Involontairement sans doute, cette supériorité créait une distance entre Bergton et les autres. C’est ce que pensaient les étudiants, et sans doute un certain nombre de ses collègues.

Cette réaction, évoquée dans les couloirs de l’université, avait surpris Paloma. Certes, elle aussi admettait l’esprit supérieur de Bergton. Mais très souvent, elle parvenait à décoder l’ordre de ses arguments, à mettre précisément le doigt sur la partie la plus fragile de sa démonstration. Plus d’une fois, en cours, elle avait ouvertement exprimé ses divergences. Bien entendu, le professeur Bergton avait adoré la polémique. Enfin de la contradiction ! Cela tranchait des autres étudiants si souvent trop sages. Surtout, Paloma avait tout de suite deviné derrière ce grand professeur d’université, à la carrure imposante, au sourire carnassier et aux cheveux grisonnants coupés trop longs pour dissimuler une cinquantaine d’années passées, un grand enfant jouant en permanence à plaire. Ce jeu permanent de séduction amusait beaucoup Paloma, car devant un auditoire généralement conquis d’avance, Roland Bergton était contraint à la surenchère. Paloma se plaisait à croire que le grand professeur la regardait un peu différemment des autres. Grâce à son impertinence et son esprit de contradiction. Un petit sentiment de fierté qui flattait son ego.

Cependant, dans l’instant, le professeur n’avait toujours pas remarqué sa visiteuse. Paloma toussa discrètement et lança :

— Professeur Bergton ?

Elle prit bien garde de prononcer Bergton à l’anglaise, comme on prononce Jackson ou Washington. Tous les étudiants imprudents qui, en cours, avaient un jour interpellé leur enseignant par un « professeur Bergton » prononcé à la française, s’étaient fait cruellement rabrouer. Paloma n’arrivait pas à trancher : le patronyme du professeur était-il réellement d’origine étrangère, ou s’agissait-il d’une coquetterie pour le distinguer des vulgaires Berton ou Lebreton, si fréquents dans le nord de la France ?

Le professeur ne l’avait pas entendue. Elle toussota à nouveau. Le professeur leva enfin la tête et remarqua Paloma :

— Entrez. Je vous en prie.

Il se replongea immédiatement dans ses papiers. Paloma fut un peu déçue. Elle avait enfilé un short en jean coupé très court et un tee-shirt coloré moulant en Lycra qui laissait deviner son ventre plat et bronzé. Il n’avait même pas laissé traîner le regard sur elle.

Elle s’assit face à lui, et sans parler, sortit la pièce. Elle la déposa sur le bureau.

Bergton releva la tête.

— C’est bon, j’ai fini. Excusez-moi. Je suis débordé ces temps-ci. Comme d’habitude d’ailleurs. Bonjour ma petite Paloma. Content de vous revoir. Je vous croyais repartie en Andalousie.

Paloma fronça les sourcils :

— Vous ne vous rappelez plus que je suis en stage tout ce mois ! C’est même vous qui me l’avez trouvé !

Bergton semblait confus.

— Ah… Oui, bafouilla-t-il. C’est vrai…

— Et je ne suis pas andalouse, enchaîna Paloma. J’habite Carthagène !

— Au temps pour moi ! Excusez-moi mon enfant. J’ai tellement de choses à penser. Carthagène… La Murcie. Comment ai-je pu oublier Carthagène, Hannibal, les éléphants… ?

Il baissa le regard sur la pièce.

— La fameuse pièce, commenta-t-il. 1905. Si seulement cela pouvait être vrai…

Il avança la pièce vers ses yeux et détailla :

— Une couronne. Une couronne anglaise. Début du siècle. Vous savez, ma chère Paloma, que ce genre de pièce vaut aujourd’hui une petite fortune.

Paloma eut une courte pensée pour le touriste en sueur d’hier. L’honnête homme…

Il continua :

— C’est de l’or incontestablement. Où l’avez-vous trouvée, exactement ?

— Un touriste l’a ramassée sur l’estran, à marée basse, vers Saint-Valery-en-Caux.

— Mouais, fit Bergton. La pièce peut donc venir de n’importe où. Vous savez que les galets se déplacent. D’Étretat jusqu’au Tréport, les vents d’ouest font dériver les galets sur près de cent kilomètres… La pièce peut avoir été transportée avec eux… Impossible de savoir d’où elle vient…

— Du bord de la mer, au moins, tenta Paloma.

— Peut-être, continua Bergton. Ou de la poche percée d’un touriste. Ou tombée d’un voilier au large. Non, mademoiselle, ce qui est important, c’est la date, 1905.

— 1905, demanda Paloma intriguée. Pourquoi ?

— Parce que, chère Paloma, j’attends ce moment depuis très longtemps. Plus de vingt ans ! Voici vingt ans, j’ai découvert un dossier. Un dossier intéressant, passionnant même. Mais faute d’indice, je n’avais aucun bout de pelote pour commencer à remonter le fil. Alors, j’ai archivé et je suis parti démêler d’autres mystères partout sur la planète. Mais celui-ci me tenait particulièrement à cœur, parce qu’il concernait mon petit coin de Normandie, mon petit espace natal, et plus précisément ce mystérieux triangle cauchois.

Il se leva. Il commença à chercher dans une grande bibliothèque qui couvrait tout le mur. Sur les différentes étagères s’empilaient dans un très grand désordre livres, dossiers et piles de photocopies diverses.

Paloma, impertinente, lança :

— Un dossier vieux de vingt ans. Si vous parvenez à le retrouver dans tout ce bazar…

Quelques secondes plus tard, le professeur attrapait une épaisse chemise cartonnée orange. Il esquissa un sourire satisfait :

— Voilà. Rien ne se perd. Même après vingt ans ! Belle enfant, savez-vous qui est né en 1905 ?

Paloma ne se donna pas la peine de chercher. Et elle n’aimait pas trop ce qualificatif de « belle enfant ».

— Vous allez être surprise. En 1905, en juillet exactement, est né Arsène Lupin.

Paloma le regarda avec stupéfaction.

— Vous connaissez Arsène Lupin, Paloma ? Maurice Leblanc est traduit en espagnol ?

— Oui, bien sûr. Je crois que j’ai dû lire quelques livres quand j’étais jeune, ou vu des films. Mais…

— Bien entendu, coupa Bergton. Lupin est sans doute l’un des deux ou trois héros imaginaires de la littérature française les plus célèbres dans le monde. Et de plus, Lupin est le premier ambassadeur de la Normandie…

Paloma sourit, ironique :

— Arsène Lupin le cambrioleur normand… Né en 1905… Une pièce d’or trouvée en Normandie frappée en 1905… Je vois le rapport. Sauf, monsieur le professeur, que Lupin n’a jamais existé !

— Bien entendu, bien entendu.

Bergton ouvrit son dossier orange. Sur la chemise, Paloma eut le temps de lire, distinctement « Code Lupin ». Ce titre l’intrigua. Bergton regarda sa montre et soupira.

— Je prends demain l’avion pour la Roumanie. Très tôt le matin. Direction la Bucovine. Une étonnante région moldave. J’ai comme l’idée qu’entre les fameuses sept églises orthodoxes peintes pendant l’occupation ottomane, puis catholique, il existe quelques mystères géographiques. C’est du moins ce qu’on me demande de trouver… J’ai d’ailleurs ma petite idée…

Il regarda Paloma. Celle-ci ne l’écoutait pas. Elle observait avec envie le dossier orange.

— Mais je vous l’accorde, ça n’est pas notre sujet.

Il regarda à nouveau sa montre.

— Il est neuf heures cinq. Ça me laisse une bonne journée. Ça devrait être suffisant. Que faites-vous aujourd’hui, Paloma ?

— Rien ! s’empressa-t-elle de répondre.

— Bien. Très bien. Nous avons donc une dizaine d’heures pour résoudre le code Lupin. C’est sans doute largement suffisant…

Paloma le regarda avec étonnement.

— Monsieur le professeur, si une dizaine d’heures suffisent… Et si cela fait vingt ans que vous avez ce dossier entre les mains, pourquoi ne l’avez-vous pas résolu avant ?

— Tout simplement ma chère parce que je n’ai pas eu le temps ! J’ai constitué ce dossier et je me suis dit que lorsque j’aurai une minute, je m’y pencherai. Et je n’ai jamais eu vraiment le temps depuis. J’ai archivé. La pièce d’or que vous m’avez apportée m’a rappelé ces vieux souvenirs. Quand je dis dix heures pour trouver la solution, ça peut-être aussi dix jours ou dix ans. Mais là, présentement, je n’ai que dix heures. Et puis surtout, aujourd’hui, je pourrai bénéficier de votre esprit de déduction, chère Paloma.

Paloma parut surprise. Le professeur insista :

— Non, non, ne niez pas, vous avez un esprit de déduction remarquable. Vos travaux ce semestre en témoignent. Bien supérieur à celui de mon cerveau fatigué.

Paloma rougit, flattée.

— Bien, continua le professeur. Savez-vous quel genre littéraire majeur Maurice Leblanc a laissé à la littérature ?

Paloma chercha vainement une réponse intelligente à donner. Le professeur répondit presque aussitôt à sa place :

— Il a créé un genre policier particulier. Aux histoires classiques de vols, meurtres, détectives, il a ajouté ce que l’on pourrait appeler un contexte. Mais chez Leblanc, le contexte ne sert pas seulement de décor, comme Londres chez Conan Doyle par exemple. Chez Leblanc, c’est le contexte historique et géographique qui permet de résoudre l’énigme. Leblanc lui-même reconnaissait que c’est sans doute ce qui rendait ses œuvres différentes des autres romans policiers : l’utilisation de l’histoire de France, des châteaux, des églises, des cryptes, des souterrains, des grottes, des cartes codées, des symboles ésotériques… C’est Maurice Leblanc qui a inventé ce genre littéraire : la chasse au trésor policière. Dan Brown et son Da Vinci Code, Umberto Eco et tous les autres ne sont que ses héritiers ! Et, cerise sur le gâteau, il a inventé ce genre littéraire en Normandie ! Tout commence dans le fameux triangle cauchois !

Paloma calma l’exaltation du professeur :

— Mais quel est le rapport avec ma pièce de 1905 ?

— J’y viens. Leblanc a imaginé trois trésors dissimulés dans le pays de Caux. Ce sont d’ailleurs ses meilleurs romans, tout le monde s’accorde là-dessus. Le premier, L’Aiguille creuse, est le plus célèbre de Maurice Leblanc. Publié en 1909, c’est le second roman de Lupin. Maurice Leblanc situe à Étretat le trésor prodigieux des rois de France. Le second, La Comtesse de Cagliostro, sera publié bien plus tard, en 1923, mais raconte pourtant la toute première grande aventure d’Arsène Lupin. Maurice Leblanc dissimule près de la Seine le trésor immense des moines normands. Le troisième, La Barre-y-va, est un des derniers romans de Leblanc, en 1930. Il imagine le trésor des Romains, près de l’estuaire de la Seine.

Paloma prit un ton ironique :

— Romains, moines, rois de France… D’accord… Mais la pièce d’or de 1905, elle provient de quel trésor ?

Roland Bergton prit brusquement un ton solennel :

— D’aucun des trois ! Mais je suis convaincu que cette pièce d’or provient du quatrième trésor cauchois ! Et si les trois premiers ont été inventés par Maurice Leblanc, le quatrième, lui, est bien réel… Et…

Bergton hésita.

— Et ?

— Et j’ai fait l’hypothèse il y a vingt ans que les œuvres normandes de Maurice Leblanc contiennent un code permettant de localiser ce quatrième trésor.

— Pardon ?

— Vous avez bien entendu, Paloma : je pense que Maurice Leblanc a laissé dans ses romans et ses nouvelles, du moins tous ceux qui évoquent la Normandie, des indices, des signes, des double sens qui offrent la clé du seul véritable trésor cauchois.

— Et ce trésor, il proviendrait d’où ?

— Je pense en avoir une idée assez précise. Votre pièce d’or la confirme. Mais cela, je vous en parlerai plus tard. Disons que je pense savoir qui a constitué ce trésor et que je pense savoir pourquoi…

— Mais vous ignorez où ! coupa Paloma, amusée.

— Je l’ignore encore, mais dans dix heures, avec votre concours, je ne doute pas que…

— Comment Maurice Leblanc était-il au courant ? coupa une nouvelle fois Paloma.

Bergton semblait amusé lui aussi :

— Impossible d’en placer une avec vous, belle impatiente ! Impossible de développer le moindre raisonnement. Ne soyez pas si pressée Paloma. Maurice Leblanc était un très fin connaisseur du pays de Caux. Cycliste accompli, il a parcouru de fond en comble à vélo toutes les routes cauchoises. Il s’intéressa de très près à l’histoire normande, et en particulier à celle des manoirs cauchois. Il en collectionnait les cartes postales, et en possédait plusieurs centaines. Il était fasciné par ces riches et mystérieux manoirs qui cachent leurs mystères derrière d’épais talus plantés. Et puis, n’oublions pas que Leblanc s’inspira souvent dans ses œuvres de faits-divers réels. Il adorait mêler la réalité et la fiction : vrais lieux ou lieux inventés ou déplacés, vrais noms et noms inventés ou déformés, vrais faits-divers ou faits-divers inventés ou romancés… Maurice Leblanc lisait les chroniques judiciaires, discutait, possédait des relations dans la police et la justice…

— Que voulez-vous dire ?

— Pas si vite, Paloma. Je vous en dirai plus lorsque ce sera utile. Sachez simplement que ce quatrième trésor, en fait le seul bien réel, dont vous venez de m’apporter la preuve, ne fut pas accumulé par des Romains, des moines ou des rois…

— Par qui alors ?

— Je peux juste vous dire qu’il s’agit d’un trésor bien réel amassé par des hommes bien vivants du temps de Leblanc. Un vol ? Un crime ? C’est ce qu’il nous faut découvrir.

— Maurice Leblanc en connaissait l’existence ?

— Oui. Par peur des représailles, par jeu aussi sans doute, il préféra coder ses révélations. Détourner l’attention. C’est la règle d’or de Lupin !

Roland Bergton regarda sa montre.

— Ma petite Paloma, je ne voudrais pas vous presser, mais nous avons désormais moins de dix heures pour découvrir ce quatrième trésor…

— Comment comptez-vous vous y prendre ?

— Oh, c’est très simple… Il suffit de marcher dans les pas de Lupin.

Bergton attrapa son gros dossier orange. Ils sortirent du bureau. Paloma s’apprêtait à descendre les sept étages lorsque Bergton posa la main sur son épaule.

— Attendez avant de descendre. Je vous propose tout d’abord de monter un étage, jusque sur la terrasse.

— Pourquoi ? plaisanta Paloma. On décolle en hélicoptère ?

Bergton sourit. L’escalier les mena jusqu’à une porte de verre qui s’ouvrait sur une immense terrasse. L’esplanade offrait une vue panoramique sur l’ensemble du site de Rouen.

— C’est magnifique, reconnut Paloma. Mais je croyais que l’on était pressés.

— Ne vous trompez pas. Notre enquête commence ici. Dans les pas de Lupin…

— Lupin fréquentait Rouen ?

— Son père, Maurice Leblanc, est né à Rouen, en 1864, 2 rue de Fontenelle, à quelques pas de la place du Vieux-Marché. Vous pouvez l’apercevoir, une vaste demeure qui fait angle avec les quais de Seine. Puis il habita le haut de la rue Jeanne-d’Arc. Puis pas très loin, 4 rue du Bailliage, juste en face du musée des Beaux-Arts et du jardin Solferino.

— Le jardin Solferino ? demanda Paloma. Je n’en ai jamais entendu parlé. Il n’existe plus ?

— Si. Il a pris aujourd’hui le nom de square Verdrel. Si vous êtes attentive, vous découvrirez une discrète plaque de marbre en l’honneur de Maurice Leblanc rue du Bailliage. Le jeune Maurice Leblanc fera toutes ses études au lycée Corneille, le grand lycée rouennais. Vous pouvez le repérer, juste au-dessus de la place de l’Hôtel-de-Ville.

Paloma écarquillait les yeux. Le professeur continuait :

— Au début de sa carrière, bien entendu, Leblanc ne rêvait que de gloire parisienne. À vingt-six ans, il ira même jusqu’à prendre le train Rouen-Paris pour pouvoir parler avec Zola, Goncourt, Maupassant et Mirbeau, qui étaient venus à Rouen inaugurer une stèle à la gloire de Flaubert. Mais par la suite, lorsqu’il sera devenu un auteur reconnu, il écrira beaucoup, et avec émotion, avec mélancolie, à propos de Rouen et de sa jeunesse rouennaise.

— Mais Lupin ! C’est dans les pas de Lupin que nous devons marcher, pas dans ceux de Leblanc. Non ?

Bergton soupira :

— Vous êtes bien comme tous les lecteurs. Seulement intéressés par Lupin. Et laissant Maurice Leblanc dans l’ombre. Le pauvre ! Cela a été le drame de sa vie. Il rêvait de marcher sur les traces de Flaubert et Maupassant. Et paradoxalement, il sera victime du succès d’un héros inventé par hasard, qui lui volera la célébrité et la postérité. Savez-vous que la seule rue rouennaise qui porte le nom de Maurice Leblanc est reléguée loin du centre-ville, dans la cuvette boisée que l’on aperçoit au loin sous les tours de la Grand-Mare, le vallon suisse. Inaugurée seulement en 1989. La rue Maurice-Leblanc est entourée de rues qui portent toutes le nom de cantons suisses ! Quand on compare à la présence de Flaubert, Maupassant et Corneille dans le centre historique ! Même Mont-Saint-Aignan, Barentin, Tancarville possèdent des rues Maurice Leblanc !

— D’accord, d’accord, coupa Paloma. Et Lupin ? Il était rouennais ?

— Non pas du tout… Lupin serait né à Blois. Mais Lupin dans ses aventures passe plusieurs fois par Rouen pour se rendre dans le pays de Caux. Par exemple dans Arsène Lupin contre Herlock Sholmes, Lupin enlève Herlock Sholmes et le fait embarquer pour l’Angleterre face à Quillebeuf. Ils traversent Rouen en voiture.

Bergton jeta un coup d’œil vers les quais de Seine, regarda Paloma et récita d’une traite : « D’une colline à l’autre, de Bonsecours à Canteleu, Rouen, sa banlieue, son port, ses kilomètres de quais. Rouen ne sembla que la rue d’une bourgade. »

— Vous connaissez Lupin par cœur ? demanda Paloma, impressionnée.

Bergton haussa les épaules :

— Je n’aime pas me vanter. Mais je possède une excellente mémoire littéraire. Je n’oublie presque jamais un texte que j’ai lu. Du moins un bon texte…

Paloma n’arriva pas à trancher si c’était de la part du professeur de la prétention pure ou réellement un don extraordinaire.

— À part ces passages éclairs, continua Bergton, deux aventures d’Arsène Lupin se déroulent à Rouen.

— Allez-y ! fit Paloma, impatiente.

— La première, Le Mystérieux Voyageur, est la quatrième nouvelle d’Arsène Lupin, publiée dans Arsène Lupin gentleman cambrioleur. Une très étrange nouvelle. Une des plus belles nouvelles de Leblanc. Une des rares aventures où Lupin se retrouve en difficulté.

— Racontez !

— Lupin prend le train Paris-Rouen à la gare Saint-Lazare. Il apprend que la police l’attend à Rouen. Pas de panique, il voyage sous une fausse identité avec de faux papiers. Mais dans le compartiment, qu’il partage avec une jeune femme, alors qu’il s’assoupit, un mystérieux voyageur l’agresse, le ligote, lui vole son portefeuille, et s’installe tranquillement dans son compartiment. De son côté, la jeune femme feint d’être évanouie. Arsène Lupin décompte alors avec angoisse les différentes gares sur la ligne, espérant que le mystérieux voyageur descende, pour qu’il puisse essayer à son tour de se libérer. Mais les différentes gares défilent et l’homme ne descend pas ! Vernon, Saint-Pierre…

— Saint-Pierre ?

— Saint-Pierre-du-Vauvray… C’était une gare importante avant que l’on construise celle de la ville nouvelle de Val-de-Reuil… Puis Pont-de-l’Arche, Oissel, Saint-Etienne-du-Rouvray…Il n’y a plus de gare avant Rouen. Lupin est perdu !

Paloma s’était assise par terre en tailleur. Elle écoutait Roland Bergton avec passion.

— Le train traverse la Seine ! Vous voyez, le pont de chemin de fer que l’on distingue là-bas, le plus en aval de la Seine ? Au dernier moment, dans le tunnel sous la côte Sainte-Catherine, le train ralentit. L’homme saute enfin du train.

— Pourquoi ?

— Des travaux sur la ligne !

— Déjà à cette époque ?

Bergton sourit.

— Oui. Vous voyez. Rien n’a changé en un siècle ! En quelques instants, avant d’arriver à la gare de Rouen, Lupin demande à la jeune femme de le libérer, se fait passer pour son ami, signale à la police qui attend à la gare de Rouen la présence du fuyard, et part même à sa poursuite dans une voiture accompagné par deux policiers. Devinant que le voyageur va tenter de rejoindre à pied la gare de Darnétal pour prendre le train d’Amiens, il entame une course-poursuite avec le train. Vous voyez, toute l’action se situe dans la vallée du Robec, la vallée boisée que l’on devine au loin, plein est. Il rate son agresseur à Darnétal, mais il rattrape et double même le train avant la gare de Montérolier-Buchy.

— Et alors ?

— Course-poursuite dans un bois avant la gare. Lupin rattrape son agresseur, qui était en fait un assassin en fuite. Il récupère ses faux papiers et le livre à la police !

Paloma sortit du grand sac à dos qu’elle portait une carte de la Normandie.

— Que faites-vous ?

— Je note sur la carte tous les lieux dont vous me parlez.

— Pourquoi cela ?

— J’ai besoin de me repérer. Et je ne me rappelle que d’une chose de mes lectures de Lupin. La clé de l’énigme reposait sur la disposition des lieux entre eux.

Bergton la regarda avec admiration :

— Vous avez raison, la clé des énigmes de Lupin est presque toujours géographique. Je vous laisse tenir la carte !

— Alors continuez ! La deuxième aventure ?

— Elle est plus tardive. C’est l’une des douze nouvelles du recueil L’Agence Barnett et compagnie : La Partie de baccara. C’est également une nouvelle assez curieuse, qui se déroule dans le milieu des négociants et industriels de Maromme. Un milieu que Leblanc décrit sans complaisance. Son père Emile était lui-même négociant et destinait son fils à la même vocation… Mais le jeune Maurice n’apprécia jamais beaucoup ce milieu. Il s’y essaya sans succès. D’ailleurs, dans toutes les aventures de Lupin, les bourgeois, banquiers, industriels se font ridiculiser et détrousser par Lupin de toutes leurs économies.

— Et de leurs femmes aussi… Revenez à Lupin !

— Justement, dans cette aventure, Lupin prend les traits de Jim Barnett, un curieux détective privé. Leblanc précise qu’elle se déroule dans une vaste maison dont une fenêtre donne sur les quais de Rouen.

Bergton désigna devant lui l’immense site portuaire de Rouen.

— Aujourd’hui, l’activité portuaire a presque entièrement disparu de la rive droite de Rouen. Mais à l’époque…

Paloma regarda sans intérêt les friches portuaires. Bergton s’en aperçut.

— D’accord, je termine mon histoire. Cinq négociants jouent au baccara toute la nuit. Après la partie, le dernier joueur resté dans la salle de jeu y est retrouvé mort au petit matin. On accuse le voisin, le seul à avoir pu entrer. Sa veuve éperdue s’en remet à Jim Barnett, alias Arsène Lupin…

— Et alors ?

— Lupin-Barnett prouvera que le voisin n’y est pour rien !

— Qui avait fait le coup, alors ?

— L’un des joueurs… Mais l’astuce de cette nouvelle est que tous les autres joueurs, qui avaient beaucoup perdu d’argent ce soir-là, se couvrent mutuellement pour récupérer leur mise et éviter le scandale.

— Ingénieux… C’est une astuce que beaucoup d’autres auteurs policiers reprendront par la suite… Y a-t-il d’autres aventures rouennaises ?

— Non, juste quelques lieux cités. Leblanc signale des cambriolages de Lupin à Montigny et La Vaupalière, au nord-ouest de Rouen. Le brigadier dans L’Aiguille creuse s’appelle Quevillon. C’est le nom d’une petite commune en bord de Seine au sud de Rouen. Et enfin, Arsène Lupin finit ses jours dans la commune imaginaire de Saint-Maclou, le même nom que la plus belle église de Rouen !

Paloma nota avec minutie tous les noms de lieux cités.

— C’est tout pour Rouen, chère enfant, fit Bergton. Mais j’aurai beaucoup de choses à vous raconter, et bien plus mystérieuses, là où nous nous rendons.

— Étretat ? demande Paloma avec des yeux pétillants.

— On ne peut rien vous cacher.