— C’est vendu…
Paul Vaux repose son verre. Sa femme et son fils ont tourné la tête vers lui. Dans la cuisine de la ferme des Pradelles, un silence s’est installé.
Nicole Vaux pousse vers les deux hommes un saladier de pommes un peu fripées, tachées d’auréoles brunes.
— J’ai su la chose ce matin. On en bavardait au café…
Paul a saisi un fruit et le fait rouler dans sa main, le regard dans le vague…
— J’ai pensé à ton sachet de haricots, ajoute-t-il à l’adresse de sa femme.
Il sort le sac de graines de la poche de son blouson. Nicole, circonspecte, examine l’emballage. Une vague déception apparaît dans son regard. Des années qu’elle aligne des poquets d’une semence bien précise ! Paul a pris ce qui lui tombait sous la main. Elle devra faire avec.
— La maison des Martinié est vendue, reprend Paul, mais personne n’est foutu de dire à qui. Sûrement pas des gens du coin, sinon on le saurait.
Il s’est décidé à s’attaquer à sa pomme. Le couteau méticuleux tranche d’abord par le milieu. Paul extirpe un à un les pépins qu’il suçote tout en pelant la reine des reinettes. Il coupe enfin des morceaux que la pointe de la lame porte à la bouche. La gestuelle mécanique se suspend.
— On n’en a rien à foutre !
La voix d’Éric. Aucun emportement dans le timbre. Le ton neutre exprime plutôt une manière d’indifférence bougonne. Le fils Vaux allume une cigarette. Les doigts de Nicole tâtent avec circonspection les graines sous l’emballage cartonné du sachet. Elle a incliné la tête. Paul reste figé face à l’ultime rondelle du fruit au bord de ses lèvres.
Une guêpe printanière cherche à pénétrer à l’intérieur de la bouteille de vin sur le goulot de laquelle elle s’est posée. La porte de la cuisine, ses deux battants ouverts, donne sur la cour où, en rase-mottes, passent des volées de moineaux. Deux impressionnants tracteurs à l’angle de la stabulation se fardent de poussière.
Début mai. On pourrait se croire en juillet. Les aubes sont douces ; le midi, caniculaire.
Chez les Vaux, on a cessé de parler du temps et de la météo. Des lunes qu’on ne branche plus la télé pour la carte des prévisions. Trop d’hivers sans rigueur, trop de pluies, trop de brutales sécheresses… Les présentateurs peuvent bien s’agiter telles des marionnettes sur l’écran, commenter les dépressions et les anticyclones, formuler des indices de confiance ; pour les Vaux, cela reste du bla-bla pour citadins, voilà tout !
Pour l’heure, les propos du fils ont coupé court à la discussion. On échange si peu, d’ailleurs. Paul tarde à croquer l’ultime tranche du fruit et il palpe les poches de son blouson de toile, gonflées de bricoles, de pièces détachées qu’il met de côté pour une improbable utilité future. Une manie chez lui. Comme celle d’enfouir ses mains dans celles de son pantalon à chaque fois qu’il hésite sur une décision, cherche ses mots.
Nicole n’est vêtue que d’une sorte de blouse ou de robe légère serrée à la taille. Elle aime le vêtement près du corps soulignant sa poitrine haute, la cambrure de ses reins que peu de regards neufs peuvent pourtant capter, ici. Éric porte un débardeur maculé de taches graisseuses sur un jean aussi effiloché que crasseux : les traces d’une matinée de mécanique sous le ventre huileux de sa Golf.
— C’est vrai, reprend-il, on n’en a rien à foutre de savoir qui a acheté ! Toutes les bonnes terres ont été vendues ! Restent que des murs d’enceinte et des bâtiments !
Nicole l’approuve d’un hochement de tête et elle commence à débarrasser la table. Il est resté encore sur le pas de la porte comme s’il attendait l’assentiment de son père ; il a fini par sortir. Paul s’attarde sur des épluchures du fruit et les dentelle du tranchant de sa lame. Le café a été servi.
Dans la cour, Éric s’est immobilisé. Il hésite à marcher vers le chenil où deux chiens jappent, les pattes avant cramponnées au grillage. La chasse est fermée depuis trois mois. Il lance un cri bref et les bêtes cessent d’aboyer. Elles regagnent leur abri.
Il se dirige vers sa voiture dont le capot est toujours soulevé. Il tire la jauge, vérifie le liquide après avoir essuyé entre deux doigts la trace ombrée. Sa tête est ailleurs.
Il cherche son briquet. Il a dû le laisser sur la table de la cuisine. Il se penche par la portière ouverte de la Golf et appuie sur l’allume-cigare. Sa main est passée à portée de l’autoradio. Une impulsion. La musique envahit l’habitacle et Éric se pose sur le siège baquet, les jambes relevées en appui sur le montant de la porte dont la vitre est abaissée… La fumée de la cigarette se dilue dans un rai de lumière filtrée presque verticalement par des plaques disjointes de la couverture métallique du hangar. Sa tête est ailleurs.
La maison de Sarah. La maison des fourmis… Vendue de nouveau. Près d’une dizaine d’années qu’elle est restée inhabitée, vide. Éric avait vingt ans quand les derniers propriétaires, la famille Martinié, avaient pris la décision de partir. Ils ne séjournaient là que quelques semaines d’été. À plusieurs reprises, bien avant leur départ définitif, ils avaient évoqué l’idée de finir leur vie ici. Pourtant, ils repoussaient les travaux indispensables à un meilleur confort, plus de commodités. D’une saison sur l’autre, les amis, les connaissances venaient en nombre plus restreint les retrouver dans ce coin perdu, ce hameau à plus de dix kilomètres du chef-lieu de canton. Leur solitude les ensevelissait. Sarah, leur unique fille, ne les rejoignait ici que quelques jours, guère plus.
Bien des choses avaient changé.
Un jour, à la fin août, selon Paul, les Martinié avaient annoncé qu’ils ne seraient plus là en juillet prochain. Ils avaient alors évoqué leur âge. En réalité, à peu de chose près, ils étaient de la même génération que le fermier des Pradelles. « Voilà bien ce comportement des gens de la ville ! avait commenté Paul. Ils sont tout feu tout flamme au début, et puis ils déguerpissent au premier embarras ! » Vagues propos. Verdict lapidaire.
Les Vaux qui leur louaient les terres et les bois avaient alors proposé d’acheter. Question de bon sens. Sarah, pressée en vain de questions, avait fini par confier à Éric que seul le devenir de la maison des fourmis lui importait. Il avait espéré des confidences plus intimes, plus de clarté sur les intentions de la jeune femme. Elle s’en était tenue à ce vœu.
La propriété des Vaux s’était ainsi agrandie de quelques hectares. Deux ou trois fois par la suite, Sarah fit des séjours éclair aux Pradelles, dans cette maison préservée selon son désir. Et puis, plus rien, plus de nouvelles, aucune explication.
Depuis plus de cinq ans, Sarah n’avait pas remis les pieds ici.
Éric imaginait encore, parfois, le retour impromptu de Sarah. De moins en moins à dire vrai. Tant d’années avaient filé en silence, en absence. Comment peut-on faire table rase du passé ? Il avait tenté de comprendre, comme pour se rassurer. Mais, à la longue, ces espoirs fragiles s’étaient délités. L’idée de voir Sarah débarquer à l’improviste appartenait à cette sorte de fantasme de la mémoire entretenu par des nuits d’insomnie, de mauvais rêves. Des pensées solitaires, nauséeuses, que les vérités implacables rendent plus douloureuses encore. Aux rares moments où Sarah s’insinuait dans la discussion chez les Vaux, Paul disait qu’on ne la reverrait plus. Elle finirait par vendre à son tour ; le plus tôt serait le mieux avant que la propriété ne tombe en ruine… Paul n’aimait que les situations claires et tranchées.
Ainsi des années avaient-elles passé.
On avait fini par oublier la maison des Martinié. Elle restait fermée. La bâtisse résistait aux hivers, aux souffles de tempêtes qui avaient balayé la région ces dernières années. Construite au début du XXe siècle, elle ne pouvait que tenir bon tant que sa couverture la protégeait. Seul, Paul envisageait le pire, un délabrement insidieux, promesse d’irréparable. Sa manière à lui de rejeter ce qui est désormais inutile, ce qui a perdu de sa fonction vitale, hospitalière. Figée, au même titre qu’un tertre rocheux, un lopin en friche auprès desquels on circule sans plus les voir, la maison inoccupée s’était installée dans le paysage.
Avec cette vente brutale, le passé resurgissait.
En septembre dernier, se souvient Éric, une voiture s’est arrêtée aux Pradelles. Le conducteur avait d’abord entamé une manœuvre dans la cour des Vaux, puis il avait immobilisé le véhicule devant le portail de la propriété inhabitée. Paul et Nicole étaient absents. Une fois par quinzaine, ils se rendent à la maison de retraite des Gourçolles. Adrien Vaux y réside depuis l’hiver 2008. Déjà près de cinq ans ! Le vieillard a perdu la raison. C’est une douce folie ordinaire à laquelle on a donné, au siècle précédent, un nom savant que la famille Vaux n’est pas parvenue à mémoriser. Naguère, on aurait souri un peu tristement : « le pépé, il n’a plus sa tête à lui ». Et on aurait fait avec… Drôle de caboche, en effet ! Pas seulement ridée de l’extérieur, mais toute plissée au-dedans, rétive au présent, égarée dans des souvenirs incohérents.
Ce n’était pas tant la tête qui avait préoccupé les Vaux : les jambes du vieil homme se dérobaient et, devenues flanelle, le clouaient dans une chambre au premier étage, l’emmuraient. Alors, Adrien était parti pour sa résidence des Gourçolles. À quoi avait-il pu penser lorsqu’on l’avait descendu, agrippé aux solides bras de deux aides-soignants ? Quelles idées le parcouraient dans l’escalier, au dehors ensuite et, enfin, dans le break blanc où on l’avait fait glisser sur un brancard ? Est-ce ainsi que s’entament des morts nouvelles sans caisson de bois ?
Couché le plus souvent, assis parfois dans un fauteuil muni de systèmes de sécurité, rarement debout, Adrien habite sa solitude nouvelle que peuplent des papillons de vies – infirmières, femmes de service –, qui tournoient autour de lui, ailes blanches ou roses affairées et précautionneuses pour ces objets sensibles dont elles ont la charge.
Paul et Nicole vont le voir. Un peu comme on se rend au cimetière. Sauf qu’ils ne portent pas de fleurs. Des gâteaux mous quelquefois. Ils se plantent près du vieux, tirent le drap sur les épaules, finissent par s’asseoir. Leur immobilité et leur mutisme se prolongent une demi-heure. Ni plus ni moins. Paul et Nicole échangent un regard, se lèvent, se penchent tour à tour sur le visage d’Adrien et quittent la chambre.
Éric lui a une seule fois rendu visite. Au retour, il s’est contenté de dire : « Il est comme mort pour moi… » Paul et Nicole n’ont pas trouvé à redire.
Ce jour de septembre où les Vaux accomplissaient leur rituel à la maison de retraite, Éric avait vu manœuvrer la voiture. Il avait pensé à des personnes égarées. L’été surtout, on stoppe à la ferme pour demander sa route. Toutes ces communales mal balisées fourvoient le chauffeur qui baguenaude.
Cette fois-ci, le véhicule s’était immobilisé devant la maison des fourmis. Dans le hangar où il soudait des cornadis, Éric avait pensé en un éclair : « Sarah ! » Pouvait-il imaginer un autre retour ? Il avait alors abandonné son poste, relevé les lunettes de protection sur son front. Les mains dans les poches, il avait traversé la cour, eu l’idée de libérer les chiens qui, surpris, avaient hésité d’abord à le suivre : il avait cherché une contenance en marchant en direction de l’auto garée à cheval sur le fossé brûlé par le désherbant, le soleil et le goudron grossier.
L’immatriculation appartient au département. Une berline confortable, couleur anthracite, avec toit ouvrant. Des dossiers sont entassés sur le siège arrière. Une sonnerie de portable a retenti au moment où le fils Vaux a croisé l’automobile. Le portail est ouvert sur les herbes folles de l’enceinte. Éric aperçoit un homme et une femme plantés devant la façade principale.
— Votre téléphone !
L’inconnu, surpris, a tourné la tête. En quelques enjambées, il a fait demi-tour et pris la communication. Éric s’est avancé jusqu’à l’entrée principale. La femme l’a observé derrière des lunettes sombres. Elle est menue, le cheveu noir rassemblé sur la nuque en queue de cheval. Un long tee-shirt rose descend jusque sur ses hanches, par-dessus un jean délavé. Dès qu’Éric a vu le couple, sa poitrine s’est apaisée. Cette silhouette féminine ne ressemble en rien à Sarah.
— C’est pour vous.
L’homme a tendu le téléphone à la femme qui l’accompagne. Éric a noté le vouvoiement.
— Merci de nous avoir prévenus.
— C’est bien normal, je passais sur le chemin…
Les deux hommes se sont regardés, jaugés en suivant du regard les chiens qui ont hésité à pénétrer dans cette cour en jachère.
— C’est fermé depuis des années… À l’abandon.
Son interlocuteur a un geste évasif.
— Vous êtes un voisin ?
Éric a acquiescé. La femme aux lunettes noires a raccroché. Elle se déplace vers eux d’un pas vif.
— On va accélérer la visite. Il faut que je sois à Paris dans la soirée.
Agacement perceptible dans sa voix. Les deux chiens tournent autour d’elle sans qu’elle y porte attention. Éric les a sifflés. Elle pivote, le dévisage, soulève ses lunettes sur le front et fait courir une main distraite sur le dos des animaux.
— Vous êtes une amie de Sarah ?
Les yeux de cette femme, sans les verres protecteurs, se sont allumés, lui a-t-il semblé, dans leur transparence à peine bleutée et tout à fait fragile. Ils se sont plissés. La lumière ? La question ?
Ce regard étrange s’est envolé. Une impression fugace. Les lunettes sont retombées.
— Sarah ? J’ai connu au moins deux ou trois Sarah.
Elle a fait un signe de la main et ses doigts ont pianoté dans le vide. Fallait-il interpréter ce mouvement discret comme une fin d’échange, un empressement, un agacement ? L’homme qui attendait devant la porte principale de la bâtisse a tiré une clef de sa poche.
Éric, pensif, était resté un long moment figé face à cette façade derrière laquelle le couple avait disparu. En septembre dernier, plus de six mois et toute cette scène est restée gravée avec une précision horlogère, prégnante dans sa tête. Elle y cogne. Septembre ? Hier plutôt.
D’un geste rageur, Éric cloue le bec à l’autoradio. D’une pichenette, il projette son mégot sur la dalle du hangar. Le cendrier est plein. Il s’incline un peu plus sur le siège baquet de la Golf… Il s’en veut de ressasser, de tourner en rond. Depuis le réveil, ce matin, il s’est plongé dans la mécanique, isolé dans les réglages et les contrôles du moteur. D’ordinaire, ce boulot chasse sa morosité lorsqu’il n’a pas le goût de travailler à l’extérieur comme aujourd’hui. Rien ne le pousse en dehors des bâtiments : les troupeaux paissent dans les pacages. Certes, il aurait été temps de commencer à faucher ces parcelles où l’herbe est déjà haute. Ce n’est pas le jour ! Paul n’a rien décidé. Les initiatives lui appartiennent toujours. Ont-ils d’ailleurs échangé quelques mots à l’aube ? C’est vraiment une journée à bricoler la Golf, à s’encrasser les mains, à tenter de moins penser. Hormis la fauche des prairies imminente, rien sur une feuille de route laconique. Bourrus et taciturnes, l’un comme l’autre, ils économisent les paroles.
« Moins on en dit, mieux on se porte », c’est le point de vue de Paul et Éric n’y trouve pas à redire. Ce matin de mai a semblé pourtant différent. Sans explications. À moins qu’Éric n’ait eu l’intuition que cette journée serait celle de la vente de la maison des fourmis. Souvent, il devinait des choses et la suite lui donnait raison. C’était de petits défis avec du probable. Mais l’imprévisible majeur lui échappait. Il en convenait.
Dissiper ce malaise…
Il abandonne l’habitacle de l’auto, traverse la cour déserte. La chaleur est suffocante. De mauvaises conditions pour entamer une première coupe. On attendra qu’un voile nuageux apaise la brûlure. Cette canicule de printemps, un désastre. Un nouveau désastre.
La main de Paul est glissée entre les cuisses de Nicole. Ils se trouvent de dos, à l’angle de la table. Éric décroche les clefs suspendues au-dessus d’un œil-de-bœuf ouvert sur l’ancien évier en pierre dévolu à des plantes grasses. Paul s’est retourné alors que Nicole, courbée sur la toile cirée où ses mains se crispent, se plaint sous la caresse qui ne la fouille pas encore. Paul a repris sa besogne, Éric est ressorti, Nicole gémit toujours. L’intrusion du fils lui a échappé. Elle n’a pas plus vu le rictus de l’homme alourdi sur elle, mais exprime de la satisfaction au contact des doigts tâtonnant sur les boutons du pantalon qui s’ouvre à la hâte.
Les hautes herbes d’automne sont avachies et la rouille de leurs tiges tordues par d’anciennes gelées blanches commence à être dévorée par des touffes de verdure nouvelle ; les repousses de ronces entament leur sinueuse conquête. Au centre de la cour de la maison des fourmis, le bassin circulaire accueille un chuintement d’eau le long d’une colonne surmontée d’une vasque fendillée. Éric s’est assis sur les marches du perron.
Ici se situe le premier vrai souvenir de Sarah. Elle devait avoir autour de dix ans ; Éric à peine deux de plus. Les Vaux avaient accueilli ces vacanciers avec les réserves d’usage. Pas d’hostilité, une prudence nécessaire. Qu’avaient-elles en commun, ces deux familles ? Rien en dehors de cet enfant unique : une fille, un garçon, voisins de circonstance pour quelques semaines d’été.
Un jour, Sarah avait fait signe à Éric. Il pilotait un tracteur sur le chemin devant le portail parfois ouvert. L’engin lui procurait une stature. Lorsque Sarah était en vacances, il manœuvrait souvent sur ce morceau de route.
— Comment t’appelles-tu ?
Sarah avait posé cette question-sésame en venant vers lui. Du haut de la cabine, révéler son identité, voilà qui avait de la gueule, avait-il pensé.
— Éric.
L’avantage du jeune garçon avait été de courte durée. Sarah avait tendu une main. Éric avait coupé le contact et, au lieu de sauter d’un bond du siège, en prenant appui sur le marchepied, il avait eu l’impression d’être extirpé. Il avait trébuché en cherchant à se retenir à la poignée extérieure de la cabine au moment de poser les pieds sur le sol. La fillette avait ri. Il s’était redressé gauchement.
— Viens voir, c’est fabuleux.
Et, en traversant la cour, elle avait ajouté :
— Sarah, je m’appelle Sarah. Tu en connais d’autres, des Sarah ?
Un mouvement de tête négatif. Elle l’entraînait, ne lâchait pas sa main jusqu’au perron dallé.
— Voilà ! As-tu déjà vu chose pareille ?
Un peu mal à l’aise – sa dégringolade du tracteur, l’aisance de la jeune voisine –, Éric observait. Des cohortes de fourmis circulaient en file indienne sur les marches, plongeaient dans des interstices tandis que d’autres pelotons ressortaient par des lézardes entre des pierres disjointes.
— Ce sont des fourmis.
Elle s’était esclaffée.
— Merci. Cela je savais. Mais tant et tant de fourmis, c’est juste incroyable.
— Il faut les tuer. On a du produit à la maison. C’est radical. Tu veux que j’aille le chercher ?
Le visage de Sarah s’était fermé.
— Je ne t’ai pas invité pour éliminer les fourmis ! Je pourrais tout à fait le faire moi-même !
La fillette avait marqué une hésitation. Elle fixait tour à tour les bestioles et Éric.
— Je ne crois pas que je puisse t’en dire plus…
Elle s’était assise et avait croisé les bras. Ses nattes bien régulières lui dessinaient un joli profil et sa mine boudeuse était plaisante.
— Alors, on les épargnera, avait-il consenti en posant ses fesses près d’elle.
Sans tourner la tête vers lui, elle acceptait cette clémence. Elle s’était tue. Elle semblait retenir encore ses confidences.
— Tu as bien promis ? Tu ne toucheras pas aux fourmis ?
— Oui, tu peux me faire confiance.
— Bien. Ce que je vais te révéler, tu seras le seul à l’apprendre.
Le ton de la voix laissait pressentir un mystère. Sarah s’était approchée le plus près possible d’Éric, à toucher son épaule.
— Toutes ces fourmis qui circulent à nos pieds, ce n’est rien ! Elles sont des milliers, des millions là-haut, comment savoir ?
D’un simple geste du pouce relevé, elle désignait le toit.
— Sur la toiture ! s’était étonné Éric.
— Ne sois pas sot ! Au grenier. Personne n’y va. Il faut une échelle. J’ai installé une corde pour y accéder. Je la camoufle quand elle ne m’est pas utile. Il faut beaucoup de force dans les bras pour grimper, prendre appui sur le mur et surtout pousser la trappe. C’est très lourd.
— Je peux t’aider.
— J’y compte bien. À nous deux, on montera plus aisément au royaume des fourmis.
— On y va tout de suite ?
— Non. (La voix était plus étouffée encore.) On le fera lorsqu’on sera seuls. Je te le dirai. Mes parents sont dans la maison. Il suffit que je trouve un prétexte pour échapper à leur promenade. Ils visitent le pays et veulent que je les accompagne. Dès que possible, j’aurai mal à la tête.
— Comment tu me préviendras ?
— Je sifflerai.
Sarah avait placé deux doigts entre ses lèvres et un son à peine audible en était né. Éric s’était moqué.
— Je n’entendrai rien.
Puis il avait porté sa main vers la bouche pour montrer comment émettre un vrai signal. Sarah lui avait retenu le bras.
— Je sifflerai plus fort. Je ne vais pas t’en faire la démonstration ici. Ils sont au premier étage ! Tu veux que j’éveille leurs soupçons !
Éric est resté sur le perron. Il regarde la clef dans sa main. L’envie d’entrer dans la maison a disparu. Quelques rares fourmis nonchalantes tournent en rond à ses pieds. Un court instant, il a cherché à leur barrer le passage de la pointe de sa chaussure. La maigre colonie est déroutée. Sa mémoire est de nouveau à vif.
* * *
Tard, ce même soir de mai. À dix-neuf heures, le chef-lieu s’enlise. La supérette station-service ferme. Il faut la carte bancaire pour accéder aux pistolets de carburant. Sur le parking, un employé en blouse bleue rassemble des caddies que les chalands négligent, leur contenu vidé. L’homme se hâte. Éric l’observe pendant que la pompe débite. Ils ne se connaissent pas. Des nuages effilés sont avalés par le couchant. Le temps ne changera pas. Éric récupère son ticket dans la machine. Derrière lui, l’homme cadenasse des chaînes de bouteilles de gaz et s’éloigne.
La Golf prend la grande rue qui descend au centre du bourg. De part et d’autre de l’asphalte grisâtre, des façades quasi à l’identique : autrefois, la petite agglomération fut minière. Les derniers puits ont fermé en 1960. Des bancs peu ou pas occupés devant des maisons. De rares mouvements de mômes sur les trottoirs. Deux motos bruyantes prennent des routes transversales.
Le bar Le Central paraît désert. Trois tables en terrasse sont vides. Éric jette un coup d’œil par la porte entrebâillée ; il roule au pas. De vagues silhouettes au comptoir. Des vieux. Le Central est devenu le café des anciens, des désœuvrés.
Éric ne s’est pas arrêté ce soir-là au café des « anciens ». Pas plus au Sporting : c’est un bar-tabac dévolu aux jeux. On n’y vient guère consommer ou discuter. On s’y rend pour le loto, le tiercé, dans l’arrière-salle, ou pour décrocher des guirlandes de la Française des Jeux, des tickets colorés à gratter en solitaire.
Éric gare sa Golf en face de L’Entracte. Les jeunes d’un lycée technique voisin en ont fait leur repaire. La bière pression y a meilleur goût. La musique aussi. Polo, le patron, prolonge une lointaine jeunesse au contact des potaches. Naguère, il travaillait dans le monde du spectacle. Il a connu des chanteurs que le succès a fuis. Parfois, l’une de ces gloires éphémères se produit ici. Pour des nostalgiques et quelques marginaux post-soixante-huitards.
Éric s’est assis sur l’un des tabourets du bar.
Polo a l’âge de Paul Vaux. Rien à voir pourtant avec le fermier des Pradelles. Polo arbore un bandana, une minuscule boucle d’oreille, des bracelets aux deux poignets. Les traits du visage sont creusés, mais son corps maigre, ses vêtements étroits lui donnent de dos une allure quasi juvénile. Il entretient cette silhouette.
Éric, seul face à lui, l’observe distraitement. Le bock a été éclusé. Une pression nouvelle s’y substitue, directe, dans le même verre. Éric jette un coup d’œil dans un journal gratuit de petites annonces. Une pile d’une vingtaine d’exemplaires est à portée de main. Beaucoup de pubs, d’entrefilets, de bric-à-brac…
— Alors, c’est vendu, dit d’une voix neutre Polo.
Éric a relevé la tête sans manifester un étonnement perceptible.
— Comment tu l’as appris ?
— La rumeur, comme tout le monde ou presque.
Polo marque un temps.
— Sauf que je connais l’acheteur. Plutôt, qui ne la connaît pas ?
La surprise – l’intérêt – est devenue décelable. Polo remplit le verre en précisant que « c’est pour lui ».
— Isabelle Collaert, tu en as bien entendu parler ?
— L’actrice ? interroge Éric.
— Exact !
Polo s’amuse à déchiffrer la stupéfaction. Ni cinéphile ni accroc de télé, Éric ne parvient pas à associer une image précise au nom de la comédienne. Était-ce elle qu’il a à peine aperçue accompagnant cet homme – un notaire, un agent immobilier – à la maison des fourmis ? Il avait d’abord songé à un couple pour opter ensuite pour une simple relation d’affaires. Quant à identifier la femme…
De nouveau, brièvement, il recompose la scène, se rappelle les quelques mots échangés. Mais le portrait reste brouillé. Il ne parvient pas à imaginer la présence d’Isabelle Collaert aux Pradelles. Que viendrait-elle faire dans ce hameau du bout du monde ? Comment aurait-elle appris que cette propriété était à vendre ? Ces questions n’appartiennent pas à sa logique : les résidents secondaires se sont multipliés depuis deux décennies, mais ce sont pour la plupart des retraités de retour momentané au pays ou plus encore des familles citadines qui ont fait le choix de la vie au grand air telle que la vantent des brochures touristiques. Isabelle Collaert aux Pradelles ! Une incongruité.
— Voilà une nouvelle qui ne semble pas te réjouir, fait Polo.
— À vrai dire, je m’en fous, rétorque Éric. Que veux-tu que cela change pour moi ou même pour nous ?
— Rien, sans doute. Pourtant, j’aime bien me faire à l’idée que des gens différents choisissent à leur tour ce désert. Quand j’ai quitté Lyon, tout le monde disait : « Qu’est-ce que tu vas t’enterrer dans ce trou ? » Des années maintenant que je suis là ; je ne regrette pas.
— Ici, c’est un gros bourg. Il y a encore de la jeunesse. Imagine qu’on te ferme le lycée technique… Cela deviendrait moins drôle, non ?
Polo ne répond pas. Il a dépassé la cinquantaine. Sans projet précis. Il fonctionne au jour le jour.
Ce qu’il n’a pas voulu dire à Éric, c’est qu’Isabelle Collaert il la connaît. En réalité, il l’a rencontrée au festival off d’Avignon. Début des années quatre-vingt. Elle appartenait à toute une bande du café-théâtre ; peut-être avait-elle déjà tenu des petits rôles au ciné. Du moins l’affirmait-elle. Polo a passé une nuit avec la très jeune comédienne ; elle n’avait alors pas vingt ans. On la sentait paumée, blessée. Il émanait d’elle une violence sourde, aux racines indécelables. Elle avait jeté Polo avant l’aube, sans explications. Avec la même rage que celle manifestée durant leur corps à corps. « Elle est comme cela avec les mecs », avaient commenté ses compagnons de scène auxquels Polo s’était confié plus tard, plus surpris qu’abattu. Il avait cherché à comprendre, un peu pour la forme. « Elle règle des comptes avec les hommes comme si elle voulait leur faire payer son passé », avait complété un type qui assurait les éclairages pour la troupe du café-théâtre. À sa voix lasse ou fataliste, Polo avait imaginé qu’il avait dû connaître les mêmes déboires sentimentaux et tenir lui aussi le rôle éphémère de l’amant éconduit. Voilà, c’était tout. Un croche-pied dont la vie a parfois le secret avait projeté Isabelle Collaert là, dans ce bistro où Polo joue à ne pas vieillir. « Putain de coïncidence », pensait-il. Et quel parcours depuis Avignon ! En 1985 ou 1986 – il hésitait sur la date –, il y avait eu Flagrant Délit, le film qui l’avait révélée. Tout s’était enchaîné par la suite : une solide carrière, des choix de scénarios scrupuleux… Il avait été stupéfait par cette ascension fulgurante, cette maîtrise professionnelle. L’image qu’il conservait d’une femme excitée et versatile ne collait plus à la réalité. Certes, la presse people se régalait de la vie intime de la comédienne, prétendument sulfureuse. Polo s’en contrefoutait ! Il savait quel crédit accorder à ces magazines racoleurs. La môme Collaert – celle qu’il avait connue – appartenait au tiroir des souvenirs. Jamais il n’avait évoqué leur brève liaison et pas seulement parce qu’il ne la considérait pas à son avantage. Il n’avait pas ce goût de la fatuité ; et puis, qui épater par le récit d’une aventure tournant si court ? Il se marre intérieurement : pas vraiment banal, ce télescopage du passé et du présent qu’un quart de siècle sépare. Ce plaisant raccourci doit se lire sur son visage.
— Qu’est-ce qui t’amuse ? interroge Éric.
— Rien de précis.
Il marque un temps.
— C’est curieux comme ici tout est possible alors qu’il ne se passe pas grand-chose. Comment dire ? Le vide, un vide sidéral, puis des constellations…
La considération est suffisamment absconse pour que le fils Vaux ne s’y attarde pas.
— Mon père affirme que ce pays va devenir une sorte de réserve d’Indiens…
Éric, songeur devant son verre vide, paraît soliloquer à son tour. Polo fait mine d’écouter. La rengaine est connue.
— Il n’y a pas de Peaux-Rouges, poursuit Éric, encore qu’on élève des bisons sur le plateau ! Restent bien quelques gros fermiers de loin en loin, trop de friches aussi. Tu parles de pionniers ! Des survivants plutôt. J’ai parfois eu l’idée de me casser d’ici. Pour aller où, pour faire quoi ? Tiens, nous aussi, on joue un rôle, on fournit de l’illusion… C’est l’objectif du futur parc naturel. Bientôt, on nous visitera comme une espèce en voie de disparition… On nous refile déjà notre cachet. Sauf que, pour nous, cela s’appelle primes ou subventions !
— Tu m’emmerdes ! C’est toujours le même film que tu me racontes. La rengaine est connue. Tu parles comme un tract des jeunes agriculteurs !
Polo ne s’énerve jamais. À l’abri derrière son comptoir, il est exempt de certitudes parce que la certitude l’ennuie. Sans illusions sur sa routine médiocre. À L’Entracte, il est maître à bord. Il y fait certes du surplace, mais il a passé l’âge des voyages au long cours. Il n’est ici ni bien ni mal. Quel autre choix aurait été meilleur ? Il se refuse à imaginer l’existence qui serait la sienne s’il n’avait pas quitté Lyon. Le désabusement du fils Vaux le laisse indifférent. Chacun sa merde. Ce XXIe siècle sera individualiste, à en crever. Voilà tout !
Éric est sorti. Il a dû faire un signe. En payant son demi, en laissant glisser sa fesse du tabouret avant qu’un pied ne prenne contact avec le pavage.
* * *
Ce soir-là, plus tard encore. Cette clarté à l’horizon résiste. Éric l’observe de l’autre côté de la vallée sur d’immenses prairies qu’elle écrase d’une pesanteur lumineuse uniforme. C’est trop loin pour discerner des troupeaux, des boules d’enrubannage sous plastique noir. Le crépuscule drape des terres figées…
La Golf descend sur Moutier. Éric cherche à chasser ses idées toutes faites avec la quadriphonie de l’habitacle. Il se reproche un peu cet échange avec Polo. Débiter toujours les mêmes conneries. Qui ne servent à rien. C’est un soir à se saouler la gueule, à passer chez Évelyne… Les deux, peut-être. Un soir à vomir Sarah.
Seul le portillon de la maison de retraite des Gourçolles est resté entrouvert. Éric traverse le parc par des allées goudronnées et se dirige vers l’accueil. Tout est fléché : les parkings, les diverses ailes des bâtiments, l’administration.
Dans le hall d’entrée, personne. Des veilleuses blafardes balisent les enduits lissés et un rang de fauteuils en skaï s’aligne sous une vue panoramique des tropiques. Éric s’assoit : il finira bien par passer quelqu’un ; il n’est pas pressé. Le silence est ici surprenant. Huit heures à la pendule ronde face à lui. Il prête l’oreille. Il n’a mis les pieds aux Gourçolles qu’une seule fois. Cela laisse de la marge pour imaginer. Les résidents doivent être à table, devant le poste de télé. Pas d’éclats de voix, de brouhaha métallique de repas pris en commun… Pas plus de va-et-vient.
Dans un souffle ténu, les battants de la porte sur sa droite se sont écartés : un homme en robe de chambre glisse en chaussons sur le sol recouvert d’un revêtement plastifié impeccable. Il tient une cigarette à la main et passe devant Éric sans l’apercevoir. Il sursaute pourtant imperceptiblement. Le fils Vaux a quitté son siège et marche vers lui.
— Que faites-vous là ? articule l’homme en peignoir et en pantoufles.
D’un mouvement maladroit, il a cherché à refermer l’encolure de son vêtement et la cigarette lui échappe, roule sur le lino. Éric la ramasse, la lui tend. Son sourire le rassure.
— Je viens voir mon grand-père. Adrien Vaux.
— Mais c’est interdit. Trop tard… On a droit à des visites en fin de matinée et à partir de quinze heures. À dix-sept heures trente, c’est terminé.
Le pensionnaire s’exprime calmement comme s’il récitait une leçon. L’homme est soigné : l’habit, les cheveux gris taillés en brosse, les doigts aux ongles nets. Il a sorti de sa poche un briquet élégant.
— Veuillez m’excuser, je sors un moment.
La silhouette n’est pas voûtée, mais les jambes n’acceptent que de courtes glissades, soutiennent une rigidité de candélabre.
Éric quitte le hall à son tour. Il fume près de cet inconnu dont le regard est fixé sur la route à une centaine de mètres, de l’autre côté des haies et des murets.
— J’ai conduit jusqu’à soixante-dix-sept ans… La même automobile durant un quart de siècle. Ma femme disait : « Toi, tu es Citroën ! » Ah ! ces jambes…
Éric ne répond pas. Il vient de balancer d’une chiquenaude son mégot alors que son voisin patine sur les dalles de l’escalier pour écraser sa cigarette dans un cendrier doré scellé en applique.
— La suspension hydraulique, c’était révolutionnaire, jeune homme !
Éric se borne à acquiescer.
— Mes déplacements aujourd’hui se font en quelque sorte sur coussin d’air. Impossible de décoller les pieds, je suis rivé au sol, voyez-vous…
L’homme en robe de chambre entame un demi-tour. Éric, en une enjambée, se retrouve à sa hauteur.
— Je souhaiterais vraiment voir mon grand-père… Il y a si longtemps que je n’ai pu le faire… Je suis venu pour cela…
Son interlocuteur hésite. Il paraît contrarié par cette requête. Elle ne le concerne pas, bouleverse les habitudes et n’est pas conforme au règlement.
— Donnez-moi le temps de rejoindre ma chambre et d’informer au passage le personnel de votre présence ici. Je ferai pour le mieux…, concède-t-il enfin. Adrien Vaux, vous m’avez dit ?
Ce sont les jambes qui flageolent, pas la mémoire.
— Oui. Et merci.
L’homme esquisse un mouvement de bras évasif et poursuit son pas nordique. Éric attend.
— Vous ne l’avez pas vu depuis des mois… C’est un vieil homme fatigué et votre visite pourrait provoquer un choc.
L’infirmière – l’aide-soignante, elle ne s’est pas présentée – insiste :
— Non, vraiment, ce ne serait pas raisonnable ! Revenez demain. Nous l’aurons préparé à cette rencontre… Légalement, je ne suis pas autorisée à vous le laisser voir !
Éric ne bouge pas du hall. Il se tait et écoute la jeune femme argumenter.
— Laissez-moi l’apercevoir un instant. Avec mon travail, il est souvent impossible de me libérer dans la journée… L’entrevoir simplement puisque je suis là. Quelques minutes…
La voix est sincère. Éric se montre persuasif. Natacha – elle porte une étiquette avec son prénom sur la poche poitrine de sa tenue rayée blanche et bleue – semble embarrassée. Répond-elle comme pour se dérober ?
— Ne bougez pas d’ici. Je vais jusqu’à sa chambre. Attendez-moi.
Cinq minutes, plus peut-être, se sont écoulées. La jeune femme, d’après Éric, doit prendre avis auprès d’un de ses collègues, un responsable. Un mouvement de porte à l’extrémité du couloir ; elle est de retour dans le hall et son visage sourit.