

Plus de 60 femmes (chanteuses, actrices, politiciennes, animatrices de télévision) se sont réunies autour d'une même chanson « No woman, No cry » dans le but de mettre en lumière ce fléau et ainsi briser le silence.
Ce livre a pour but de faire prendre conscience, à travers notamment des témoignages et la législation, de l’état actuel des violences sexuelles envers les femmes en France. Il propose également un certain nombre d’associations de défense des femmes.
En France, aujourd’hui, une femme meurt tous les 3 jours sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint. Plus de 200 000 femmes sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles. 75 000 sont violées.
Une femme sur cinq et un homme sur quatorze déclarent avoir subi des violences sexuelles. Les enfants sont les principales victimes : 81% ont subi ces violences avant l'âge de 18 ans, dont 51% avant 11 ans et 21% avant 6 ans. (Enquête de l’association Mémoire traumatique et victimologie, mars 2015).
L’invitation est pertinente. La perspective, intéressante. Le projet, judicieux !
Oui, il nous faut unir nos voix. Unir nos voix pour faire entendre à notre société notre refus des violences, notre détermination à venir en aide aux personnes qui en sont victimes, notre volonté de faire reculer ces actes d’appropriation, de domination, de négation de l’autre en tant que personne.
Ce livre unit les voix de femmes qui prennent la parole pour dire le viol, les viols, les humiliations, les agressions sexuelles, les violences et leur cortège de souffrances, de silence, de détresse, d’isolement.
Prendre la parole pour dire la violence subie est une victoire fondamentale.
Victoire sur l’emprise construite et installée par l’auteur des violences. Un père violeur. Un conjoint violent. Des parents maltraitants. Un violeur de soirée amicale. Un collègue de travail harceleur, violeur. Un médecin, un thérapeute, un avocat… des personnes qui avaient la confiance de celle dont ils feront leur victime. Des personnes qui avaient pour mission de protéger, éduquer, soigner, aimer.
Par leurs actes, coups, insultes, violences, viols, ils ont cru pouvoir devenir maîtres et propriétaires de leur victime. Mais leur projet s’écroule parce qu’elle a pris la parole.
Elle se confie à une personne qui va l’écouter, la croire, l’accompagner pour dissiper l’embrouille, déconstruire la manipulation, voir la réalité telle qu’elle est. Il y a une victime, il y a un ou des agresseur(s). Il a mis en place un piège, il a une stratégie. Isoler, humilier et traiter comme un objet, faire régner la terreur, la convaincre que c’était elle la responsable et la coupable, que personne ne pourrait l’aider car personne ne la croirait. C’est le plan des agresseurs pour garantir leur impunité.
Unissons nos voix pour déjouer ce plan.
Elle a parlé : il a perdu ! Derrière l’apparence de la force, du pouvoir, apparaît alors la véritable personnalité de l’auteur des faits. Incapable de nouer des relations harmonieuses, égalitaires, réciproques. Incapable de respecter autrui. Incapable de reconnaître à l’autre le droit de choisir, de décider, de désirer, de refuser. Incapable de respecter la loi. C’est un délinquant, auteur de crimes ou de délits passibles de sanction.
Cassandra, Céline, Roxane, Mathilde, Marie-Claire, Wanda, Coralie, Nathalie, Matti, Mia… ont pris la parole dans ce livre qui unit leurs voix. Encouragées de les entendre, d’autres, à leur tour, uniront leurs voix aux nôtres pour que s’écroule la conspiration des oreilles bouchées et que toute victime (enfant, adulte, femme, homme) trouve les soutiens dont elle a besoin.
Elle a parlé : il a perdu si sa parole a été entendue, prise en compte. C’est l’action dans laquelle le Collectif Féministe Contre le Viol s’est engagé depuis 1986 en ouvrant Viols-Femmes-Informations 0 800 05 95 95 une permanence téléphonique où la parole des victimes de violences sexuelles est reçue, écoutée, soutenue, pour les aider dans leur combat pour surmonter les effets du viol.
Unissons nos voix pour dire à la victime qui se confie : vous n’y êtes pour rien, le coupable c’est lui. Il n’avait pas le droit : c’est la loi. Nous allons vous aider pour faire valoir vos droits et retrouver votre chemin.
Marie-France Casalis
Porte-parole du Collectif Féministe Contre le Viol
Témoigner est toujours un acte douloureux et courageux qui permet, avec une grande pudeur ici, non seulement de marquer des faits mais de comprendre également le chemin de la reconstruction. Y parvient-on ? Comment se dessine la vie de ces femmes qui ont subi l’impensable ? Mais aussi, témoigner apporte une libération parfois nécessaire pour avancer. C’est ce que ces femmes m’ont dit. Certaines n’avaient encore jamais pu le faire. Notre victoire se tient là, car parler est le début d’une autre vie.
Je les remercie donc très chaleureusement d’avoir accepté de dévoiler à nos yeux leur douloureuse histoire, le mot est faible. Certaines ont choisi de le faire anonymement et d’autres pas. Vous allez lire différents témoignages qui abordent le viol, l’inceste, la pédophilie, l’excision et diverses formes de violences.
Après les témoignages, nous allons évoquer l’aspect théorique et juridique des différentes formes de violences sexuelles, le viol et l’inceste notamment. Nous ne pouvons nous empêcher de nous poser certaines questions : celle du délai de prescription, les plaintes classées sans suite, la prise en charge de ces femmes, l’incapacité pour la justice de déceler le réel comportement du pervers narcissique, la lenteur des dossiers et surtout l’immense détresse de certaines de ces femmes qui n’arrivent pas à se reconstruire.
Oui, parfois elles sont seules, rejetées par leur famille, oubliées de leurs amis et c’est anormal car elles ont plus que jamais besoin d’être comprises et entourées.
Vous comprendrez très bien, au fil de votre lecture, qu’il est impossible de porter plainte systématiquement au moment des faits, mais que bien souvent cela se déclenche des années plus tard et au-delà du délai de prescription. C’est une des raisons pour lesquelles nous devons faire appel auprès des instances compétentes, pour faire revoir cette loi et supprimer ce délai. Puisque le viol est un crime, aucun délai ne doit freiner la reconstruction qui passe aussi par le dépôt de plainte et la reconnaissance en tant que victime. Seul un jugement peut apporter cette reconnaissance et permettre une certaine « libération » pour ces femmes.
Aucun auteur ne doit rester impuni.
Nous espérons vivement que les récentes lois et propositions instaurées par le ministère des droits des femmes seront bien mises en place et effectives rapidement, notamment la formation des professionnels de santé, de la police, des juges. C’est un point récurrent, quand ces femmes ont déjà le courage d’aller raconter leur histoire ou de porter plainte, souvent dans un état psychologique très fragile, le moindre mot mal exprimé, la moindre formulation soupçonneuse à leur encontre, peut les faire changer d’avis et entraîner le report de cet engagement, pourtant déterminant pour elles, des mois, des années plus loin, voire à jamais.
Nous aborderons également l’excision qui touche environ 30.000 femmes en France.
Parler est toujours difficile, mais c’est la première démarche essentielle pour sortir d’un silence qui enferme et favorise le repli sur soi et donc l’isolement. Il y aura toujours une personne pour écouter, une association notamment, dont vous trouverez une liste non exhaustive à la fin de ce livre. Les associations spécialisées qui font un travail remarquable, peuvent accompagner dans les démarches judiciaires.
Sortir de cette culpabilité qui emprisonne, de cette honte qui n’a pas lieu d’être, d’une spirale infernale qui étouffe ces femmes. Oui, la honte doit changer de camp ! Nous sommes tous responsables de ce silence si nous fermons les yeux devant ce fléau.
Nous savons que 87 % des violences sexuelles sont commises par un membre de la famille ou un proche. Nous savons aussi que sur 100 agressions, seules dix aboutissent à une plainte et une seule ira jusqu'au procès.
D’où l’importance de l’écoute, de la prise en charge, de ne jamais sous-estimer une plainte, un témoignage, une marque sur un visage, un cri de détresse.
Ces témoignages nous amènent également vers un constat, celui de la protection des enfants. En effet, nombreuses sont celles qui ont subi des violences étant enfants. La maltraitance envers les enfants est une réalité que l’on ne peut passer sous silence dans ce livre.
En France, le nombre d’enfants décédés suite à des sévices corporels oscille depuis des années entre 600 et 700 par an, soit 2 enfants par jour, soit 3 à 5 % des enfants maltraités (Sources S.Cg et Docteur Michaud-Nérard).
La maltraitance sur mineur (ou maltraitance à enfant) désigne de mauvais traitements envers toute personne de moins de 18 ans « entraînant un préjudice réel ou potentiel pour la santé de l’enfant, sa survie, son développement ou sa dignité ». L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) inclut dans ces mauvais traitements toute violence ou négligence, physique ou affective, notamment les sévices sexuels et l'exploitation commerciale.
Environ 20% des femmes et 5 à 10% des hommes disent avoir subi des violences sexuelles dans leur enfance, et 23% des personnes déclarent avoir été physiquement maltraitées dans leur enfance.
La maltraitance sur mineur peut prendre plusieurs formes. Les quatre principaux types sont physiques, sexuels, psychologiques / émotionnels et la négligence. Les violences sexuelles et physiques induisent la violence psychologique, mais ne s'excluent pas entre elles.
D'après l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), les mauvais traitements infligés aux enfants constituent un problème majeur de santé publique partout dans le monde, avec près de 40 millions d'enfants concernés. Les enfants victimes de mauvais traitements présentent une gamme de troubles physiques, affectifs et du développement qui peuvent les empêcher de mener une vie saine et productive. Outre des problèmes de santé, les enfants maltraités ont des difficultés scolaires, des problèmes de toxicomanie et des démêlés avec la justice.
En France, chaque année, 95 000 enfants sont signalés comme enfants en danger de maltraitance, dont 19 000 sont considérés comme maltraités (chiffres ODAS, 2005) et ces chiffres augmentent d'année en année d'environ mille enfants signalés comme étant en danger. Deux enfants en meurent chaque jour. Un enfant sur dix endure des violences sexuelles. Près de 80 % des adultes connus comme maltraitants ont eux-mêmes été maltraités (mais environ 93 % des enfants maltraités dans leur enfance deviennent de bons parents à l'âge adulte). En 1995, la justice a été saisie de 35 000 cas de maltraitance sur enfant ; en 2002, ce chiffre est passé à 49 000. Dans 90 % des cas, elle provenait de la famille proche (le père dans 46 % des cas, la mère dans 26 % des cas).
Mais voilà, ce phénomène reste encore très tabou, principalement parce qu’il se déroule dans l’enceinte familiale, impénétrable. C’est cela qu’il faut briser ! Quoi de plus horrible pour un enfant que de subir de telles violences pour se construire. Chaque parent, membre de la famille, proche ou ami, qui a connaissance de maltraitances envers quiconque et qui se tait, se rend coupable de non-assistance à personne en danger.
L'article 223-6[2] du Code pénal français condamne l'abstention volontaire de porter assistance à une personne en péril :
« Quiconque, pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne, s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. »
« Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter, soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. »
Ce livre est davantage présenté comme un documentaire. J’ai volontairement repris des articles et extraits de publications, dont les sources sont citées, afin d’illustrer les propos. Il se veut d’abord un outil d’information et de prévention, un levier qui va permettre à toutes celles qui n’osent pas encore parler de pouvoir le faire.
Mon expérience d’auteur, engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes, et l’écoute auprès des femmes, me permettent de dire que le travail reste encore de taille. Que ce soit dans les tribunaux, les commissariats, les services sociaux… et ce malgré tout ce qui est mis en place. Il y a une réalité du quotidien qui nous échappe et envers laquelle nous ne savons pas encore faire face : la position de victime et tout ce que cela engendre comme souffrances, des souffrances majoritairement irréparables. Notons que les violences, sous toutes leurs formes, augmentent toujours envers les femmes, que ce soit dans la rue, dans l’enceinte familiale, dans les entreprises… et que la violence psychologique grandissante est manifestement la plus difficile à prouver.
Il est urgent de prendre conscience que la violence détruit non seulement les êtres, mais aussi la société. L’éducation a un rôle essentiel et c’est dès le plus jeune âge que nous devons apprendre aux enfants la non-violence, le respect, un certain retour à des valeurs oubliées. Chaque parent est responsable du bon éveil de son enfant, de sa protection, de son développement affectif, car tout se joue à ce stade de la vie.
Il est manifestement évident que les victimes doivent recevoir des soins médicaux et psychologiques appropriés, ce qui n’est pas suffisamment le cas aujourd’hui. Mais les agresseurs aussi doivent être soignés, car enfermer ces personnes ne suffit pas ; les récidives sont nombreuses.
D’après le psychiatre Roland Coutanceau, qui a ouvert en 2001 l’une des premières consultations françaises pour les hommes violents, dans le cadre du centre médico-psychologique de la Garenne-Colombres, il y a neuf hommes violents pour une femme violente.
Faire prendre conscience aux hommes de l’impact de cette domination de l’homme sur la femme, qui bien souvent, conduit aux violences. Nous ne pouvons plus avancer dans ce système qui laisse toute la place au pouvoir par la force, par l’argent, par les déviances sexuelles. Bien sûr chaque être est complexe et dépend d’un patrimoine génétique, biologique, psychologique et ensuite d’une éducation, mais prendre conscience que tout acte de violence est une réponse à un problème personnel et qu’il ne doit en aucun cas être répercuté sur un être. C’est de la responsabilité de chacun de se prendre en charge et aussi de signaler ces actes. Combien de vies détruites à cause du silence ?
Enfin, je voudrais rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui œuvrent en silence ou de manière plus visible, afin de rendre leur dignité, et une liberté, à toutes ces femmes, à tous ceux qui subissent des violences.
Nathalie
Je ne sais pas par où commencer.
Je l’ai rencontré car il habitait le même immeuble que moi, chez ses parents. Il était beau, fort et j’ai été très vite séduite par cet homme. Nous nous sommes installés ensemble assez rapidement dans mon studio. Malheureusement, la situation s’est vite dégradée. Il est devenu possessif et jaloux, un simple regard d’un homme sur moi déclenchait une dispute qui finissait par des coups.
Au début, ce sont de simples insultes : « Salope, pourquoi il te regarde comme ça ? » ou « Tu le connais ? » Non, je ne connaissais pas ces hommes, mais pour lui je mentais. Puis tout s’accélérait, n’importe quelle situation déclenchait en lui de la colère qu’il exprimait par cette violence sur moi, comme si j’étais la seule coupable de son malheur.
Cela pouvait se déclencher pour un problème de repas, il ne voulait pas manger tel plat, ou bien la maison n’était pas assez propre, ou encore il choisissait mes vêtements, et même s’il avait choisi un vêtement un peu décolleté et qu’un homme osait me regarder, c’était de ma faute. Quand je sentais que ça allait être l’enfer pour moi, je simulais des malaises pour qu’il me laisse en paix.
Le pire était quand il était sous l’emprise de l’alcool, il devenait complètement parano, il vivait dans son monde, c’était incompréhensible.
Pendant quatre ans, il a refusé que je rentre en contact avec ma famille, car pour lui ma famille voulait nous séparer. Mais pour moi, ce n’était pas du tout le problème. Il voyait que ma famille n’était pas dans le besoin financièrement et ça, il ne pouvait pas le supporter. L’homme violent est fier et dès que sa fierté est atteinte, il se venge comme il l’a fait sur moi.
Une fois, j’étais enceinte de mon premier enfant et je le conduisais partout, pour son trafic de drogue notamment. J’étais pressée d’aller aux toilettes et j’ai laissé les clés à l’intérieur de la voiture. Il s’est énervé car je n’avais pas à laisser les clés à l’intérieur, c’était de ma faute, je n’avais pas à avoir envie d’aller aux toilettes. Les voisins, interpellés par les cris, ont appelé la police, mais malgré mon regard inquiet, la police ne s’est aperçue de rien et est repartie me laissant seule avec ce monstre. Ce que je savais arriva. Une fois dans le sous-sol, il s’est mis à me battre à coups de poing et malgré mes cris personne n’est descendu pour me défendre.
Cette autre fois, j’étais enceinte de mon premier enfant et j’avais perdu du sang parce que je ne me reposais pas assez. Je conduisais trop et j’étais stressée à cause de la peur qui m’envahissait chaque jour. Je suis donc allée aux urgences, mais malheureusement je me suis fait examiner par un homme, ce qu’il ne faut pas faire quand on est avec un homme violent. J’aurais dû me faire examiner par une femme et surtout pas par un homme, pour lui ce n’était pas possible qu’un homme me touche le vagin. Mais dans l’urgence et l’inquiétude de perdre mon enfant, je n’ai pas pu refuser l’examen par un homme. À peine montée dans la voiture, j’ai reçu des gifles et bien sûr il m’a insultée tout au long du trajet. Nous étions invités à manger chez ses parents. Il n’a pas pu s’empêcher de m’humilier devant ses parents en disant que j’aimais me faire tripoter « la chatte ». Après, j’aurais dû me reposer, mais monsieur en avait décidé autrement, il était tellement en colère que nous n’avons même pas mangé et j’ai dû le balader tout l’après midi pour aller voir ses copains, restant la plupart du temps dans la voiture à l’attendre. Mais je n’avais pas d’autre choix que d’accepter cette situation et surtout de me taire, car je savais très bien que si j’ouvrais la bouche, ce ne serait pas les insultes mais encore des coups. Il y a même des fois où j’avais tellement peur quand il me battait que, désolée, mais je me faisais pipi dessus. C’est par des faits comme ça que l’on perd toute confiance en soi. Je n’étais même plus libre de mes pensées.
Ou encore descendre six étages par l’escalier en étant tirée par les cheveux quand il arrivait tard le soir.
Quand il sortait seul, j’étais soulagée, mais je savais très bien que quand il allait rentrer ça ne serait pas facile pour moi et surtout je ne pourrais rien dire.
Ces moments où je devais écarter les jambes en pleine nuit pour cet homme qui n’était plus celui que j’aimais à ce moment-là. Car en dehors de ces moments de violence, je l’aimais, je l’admirais et je me sentais en sécurité. C’est ça qui est dingue à comprendre, se sentir en sécurité avec cet homme alors que celui-là même vous met en danger par moments. Je n’arrive toujours pas à comprendre ce sentiment que j’ai pu avoir envers lui. Cette pénétration forcée est horrible, certes, mais c’est beaucoup plus profond, je n’arrive pas à trouver les mots qui peuvent caractériser ce sentiment. L’acte de cette violence physique est là, mais pour moi, c’est surtout la violence morale subie, car c’était insultes sur insultes : "T’aimes ça, salope" ou "Tu n’es bonne qu’à ça", etc. et le matin je devais préparer son joint. Il arrivait dans le salon en peignoir et il me disait : « Viens-là, suce » et si je refusais, je me faisais tabasser. Donc je m’exécutais, mais pour lui ça ne suffisait pas, il fallait qu’il me tire les cheveux pendant cet acte, en me forçant à bouffer sa « bite » (je suis désolée, mais c’est le terme qu’il employait), il me disait : « Bouffe-la moi. »
Le drame arriva. Comme je l’ai dit, j’étais enceinte de mon premier enfant et j’ai reçu un coup dans le ventre. Mon fils est décédé à huit mois et demi d’un hématome et d’une hémorragie interne. Complètement perdue et seule sans ma famille, je n’ai rien fait, juste pleuré en silence, car je n’avais pas le droit de pleurer.
Je suis retombée enceinte un an et demi après ce drame et là j’ai été suivie sérieusement par le CHU. Je suis rentrée à la maternité un mois avant l’accouchement, mais pendant ce temps-là, Monsieur n’a pas fait mieux que de mettre enceinte son ex-compagne.