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Louise Gallez

aventures et mésaventures d'une infirmière

À mes amis, qu’ils puissent être hospitalisés sans peur,
ou qu’ils puissent mourir en paix…

Les témoignages que vous allez lire sont tous bien réels. Ce ne sera pas la première fois que la réalité dépasse – et de loin – ce quon aurait pu croire être de la fiction.

Cependant, dans le but de protéger la vie privée de patients et de soignants, certains détails ont été modifiés… mais jamais nont été trahies ni la réalité hospitalière, ni la réalité médicale, ni la véracité de ces anecdotes.

Afin déviter toute médisance, toute supposition outrageante à légard de lun ou lautre hôpital, soulignons que chacun des incidents décrits ici a eu lieu, ou aurait pu avoir lieu, dans les différents services de ce charmant établissement de soins connu, quelque part en Europe, sous le nom de Sainte Omertà.

LOmertà, ou la loi du silence, loi pratiquée à lorigine par la mafia sicilienne, est tout autant appliquée dans les hôpitaux, qu’ils soient de France, de Navarre, ou d’ailleurs.

Cet établissement auquel je donne le nom de Sainte Omertà pourrait se trouver à Bordeaux, Paris, Bruxelles, Lausanne, Montréal, Arlon, Luxembourg, Marseilles ou dans nimporte quelle clinique que vous avez fréquentée, ou que vous fréquenterez.

Hôpital de Sainte Omertà :

Recherchons infirmier (ère) salarié(e) en hospitalisation :

Vous prendrez en charge les malades dans leur globalité et de façon personnalisée. Vous aurez la responsabilité des soins préventifs, curatifs et palliatifs. Dans le cadre du développement des activités de notre société, vous serez amené à prendre en charge des patients atteints de pathologies diverses.

Le profil du soignant que nous recherchons est :

— Infirmier (ère) gradué(e) (A1) ou infirmier (ère) breveté(e) A2, ou équivalence CE

— Le bilinguisme est un atout recherché

— Doté(e) de fortes compétences relationnelles, et sachant travailler en équipe

— Vous êtes précis, rigoureux et disposez de bonnes capacités d'analyse

— Vous êtes dynamique,

— Flexible

— Disponible,

— Résistant au stress...

Prologue

Louise Gallez est un pseudonyme regroupant trois identités : celle de Sabine, celle de Pascal et celle de Louise.

Sabine, c’est l’infirmière qui rentrait des urgences et qui vidait son cœur, quand il débordait. Elle racontait alors à Pascal certaines des péripéties médicales qui la marquaient.

Pascal, c’est le prof de lettres qui écoutait Sabine. C’est l’auteur. Il a écrit, réécrit et corrigé certains des témoignages que lui relatait Sabine – ceux qui lui semblaient les plus marquants.

Quant à Louise, c’est la petite voix qui parle, parle et parle encore. Elle peut être le flic qui vit dans notre tête ; elle peut être une personne qui nous est extérieure. C’est la voix qui envahit chacun d’entre nous, dans son imaginaire ou dans le réel. C’est notre fée Clochette. C’est celle qui nous redirige vers de nouvelles aventures, qui nous force à nous remettre en question.

Ainsi, quand elle a lu le recueil encore brut de décoffrage, Louise s’est demandé pourquoi il n’y avait jamais de happy end dans ces récits.

La question méritait d’être posée... mais la réponse est simple : c’est que dans la vraie vie médicale, il y a soit un happy, soit un end.

Les deux, ensemble, c’est plutôt rare – sauf si on fait partie des gens qui se réjouissent de la mort de la belle-doche.

Il y a les moments happy : c’est l’histoire d’une fécondation in vitro qui fonctionne, ou d’une transplantation cardiaque réussie, ou d’un accouchement…

Mais rien n’est alors fini. Bien au contraire.

Il y a les moments end : c’est la perte d’un organe ou d’une fonction ; c’est la mort subite, ou la mort consécutive à une maladie ; c’est la mort programmée… Il n’y a pas de place, ici, pour le happy. Il y a du soulagement, tout au plus.

Un jour, en rentrant du travail, Sabine, en état de choc, s’était enfermée dans la salle de bain. Elle aurait bien eu besoin de parler, de vider son cœur, mais le secret professionnel le lui interdisait. C’était plus simple de s’isoler… et de pleurer dans une serviette éponge. Puis voulant tout de même faire quelque chose pour s’occuper, pour se changer les idées, elle avait lancé une lessive de pulls.

Au bout de 20 bonnes minutes, apaisée, elle s’était rendu compte que le programme était sélectionné sur 60°. Il y aurait quelques pulls à remplacer...

C’est ce jour-là qu’elle a brisé le secret médical (en ne donnant aucun nom, quand même...) et fait promettre à Pascal qu’il écrirait ses (més)aventures. Ce livre en est le résultat.

Sabine a choisi de ne pas quitter la profession, mais elle l’aborde différemment. Elle est devenue professeur en soins infirmiers. Elle est convaincue qu’elle a un rôle à jouer dans la prévention de la maltraitance, trop souvent liée à un manque de formation et à une motivation souvent erronée des étudiants.

Elle est encore infirmière à mi-temps.

Ce recueil de témoignages souhaite éclaircir, à l’intention du grand public, ce qu’est la profession d’infirmière aujourd’hui. À travers des situations, parfois drôles, parfois, tristes, parfois glauques, parfois attendrissantes, parfois scandaleuses, il répondra peut-être aux questions que le (futur) patient se pose. Il sensibilisera le lecteur à ce qu’est l’état actuel des soins de santé.

Sabine se laisse volontiers bercer par l’utopie : si un tel recueil de témoignages pouvait amener à des solutions politiques, ce serait un réel soulagement… pour tous ! Maggie de Block, Marisol Touraine, Lydia Mutsch, Jane Philpott, Alain Berset… l’entendez-vous ? Et à travers ces récits, entendez-vous le cri des soignants ?

Chers lecteurs, vous pouvez regarder toutes les séries télévisées consacrées aux soins infirmiers et à la médecine : aucune d’entre elles ne reflète, d’une manière ou d’une autre, la vie réelle et quotidienne du personnel que vous rencontrerez, tôt ou tard, dans le monde hospitalier.

Cette vraie vie, quant à elle, se dévoile à vous à partir de la page suivante : il vous suffira de tourner la feuille...

I. Famille, je vous hais !

Nous sommes un dimanche, et il est 14 heures. C’est la fin septembre et nous avons le bonheur de vivre une arrière-saison divine. Quand Caroline est arrivée devant la porte des urgences, ses collègues, profitant d’un court répit entre deux fournées de patients, se chauffaient au soleil de l’après-midi, une cigarette au bec. Caroline est infirmière au service des urgences et elle vient prendre son service. Aujourd’hui, elle est affectée à la réanimation : ce n’est pas trop son truc, mais, aux urgences, on ne choisit pas. Le chef de service vous colle une fois un département, une fois un autre, afin que jamais on ne perde la main ou... afin qu’on puisse se la faire.

Passée l’entrée, passées les effusions entre collègues, Caroline va jusqu’aux vestiaires où elle se change, avant de revenir jusqu’au service. Ses collègues sont revenus, eux aussi, de leur pause. Dans l’aquarium vitré, ainsi appelé du fait qu’il est – oh surprise – vitré de haut en bas, et que les patients peuvent voir tout ce qui s’y passe, chacun vérifie l’un ou l’autre dossier infirmier.

Par radio, une ambulance est annoncée. Le haut-parleur de la réception est audible par chacun d’entre nous : qui dit ambulance dit, parfois, vraie urgence. Nous sommes donc aux aguets. L’un des ambulanciers nous a déjà envoyé, par radio, les premiers éléments du cas : il s’agit d’une femme âgée d’une soixantaine d’années. Il semble qu’elle a fait un malaise à domicile, lors d’une réunion de famille. Elle a alors perdu connaissance.

Une fois débarquée de l’ambulance qui est entrée sur le parking toutes sirènes hurlantes, inconsciente sur son brancard poussé et tiré par les ambulanciers, la dame passe l’accueil. La voilà bientôt dans le couloir qui conduit à la réanimation. Elle y est accueillie par un premier infirmier – enfin, ici, par une première infirmière. C’est Paméla, une Noire sympathique et très professionnelle. Elle porte excessivement bien son prénom, car c’est la version africaine de Paméla Anderson. Depuis son arrivée aux urgences, il y a six mois, tout le personnel masculin du service (et pas que…) réclame des réanimations supplémentaires.

Bref.

Selon le protocole, Paméla parle à la comateuse, la questionne, teste une réaction possible, essaie de la ramener à la conscience – en vain. La vieille dame ne répond pas, ne réagit même pas aux questions. Ses yeux restent fermés.

L’ambulance a été suivie par une véritable armada de voitures dans lesquelles se trouvent divers membres de la famille : on croirait un défilé de mariage turc, moins les coups de klaxon. Profitant de l’entrée de l’ambulance dans la section réservée des urgences, les premières voitures se sont engouffrées, elles aussi, dans le parking, le bloquant totalement, empêchant l’entrée d’éventuelles autres voitures médicalisées et créant le chaos. Pas loin d’une vingtaine d’adultes et presque autant d’enfants accompagnent ainsi la patiente.

Nous apprendrons plus tard que certains étaient là, lors de la réunion de famille et que d’autres ont été rameutés par téléphone au cours du trajet vers l’hôpital… Moins de cinq minutes après l’arrivée de l’ambulance, nous avons maintenant une petite quarantaine d’adultes présents, qui dans la salle d’attente, qui devant l’accueil, qui… dans le service.

Les adultes mâles, chemises ouvertes sur un poitrail avantageusement poilu (chaîne en or en option), sont remontés, déchaînés, menaçants et sont prêts à bousculer les ambulanciers qui transbahutaient la patiente du véhicule jusqu’aux urgences. Les femmes, presque toutes affublées d’un sac à main Louis Vuitton en pur plastique véritable, crient, parfois sur les maris, parfois sur les soignants, parfois sur les deux, parfois comme ça, en l’air, juste histoire de faire du bruit. Les enfants, quant à eux, se contentent pour la plupart de pleurer – quand ils ne sont pas, déjà, à jouer sur leur téléphone portable.

Sous la protection des vigiles qui, pour une fois, étaient présents1, les ambulanciers nous donnent leur version des faits : ils sont certains que la femme n’a rien de grave – en tous les cas rien de suffisamment grave pour un transfert en SMUR2. Une fois sur place, avec le SMUR justement, ils ont estimé qu’ils pouvaient transporter la patiente dans une ambulance classique, et c’est ce qu’ils ont fait. Quant à l’ambulance médicalisée, elle a pu vaquer à d’autres occupations plus urgentes.

Cela n’a pas du tout plu, du tout, du tout, du tout à la famille qui en est presque arrivée aux mains lors du départ de l’ambulance médicalisée. La tribu a suivi l’ambulance normale ensuite. Maintenant, elle occupe le parking des urgences – et pas que : à ce qu’on comprend, la rue par laquelle on arrive chez nous est totalement bloquée par des voitures garées en double file...

Profitant de la porte qui avait, bien évidemment, été ouverte pour laisser entrer la vieille dame inconsciente et les ambulanciers qui la transbahutaient, un nombre non négligeable des proches est entré dans le service. Le chambard est à son comble. On entend aussi parler de plaintes en haut lieu.

La famille, d’origine maghrébine, est manifestement en stress. Quand on a une vieille mère/tante/amie qu’on croit mourante, le stress est compréhensible, évidemment, mais c’est aussi épuisant pour le personnel de l’hôpital. Sur les huit adultes de la famille présents dans le service, on comprend finalement qu’il y en a cinq qui sont des enfants de la patiente. Non sans difficulté, nous faisons sortir tout ce beau monde et nous débrouillons par les encaquer dans la salle d’attente. Hystériques au départ, ils commencent à nous faire confiance à partir du moment où, de notre côté, on a pris le temps d’écouter leurs plaintes. Petit à petit, les adultes se calment et acceptent de déplacer les voitures, permettant enfin à d’autres ambulances de prendre la rue de Sainte Omertà et de rentrer sur le parking des urgences avec d’autres patients.

En salle de réanimation, pendant ce temps-là, tout a été lancé : prise de sang, radio des poumons, électrocardiogramme...

Le médecin demande à ce que la patiente subisse un scanner, pour vérifier qu’il n’y a pas d’atteinte au cerveau. En attendant le départ vers l’imagerie, Caroline se retrouve seule et complète le dossier tout en observant la vieille dame inconsciente, les chiffres des appareils de monitoring, ceux du saturomètre... L’appareillage n’indique rien d’anormal.

Sans aucune raison concrète, juste sur base d’une impression, soudainement, Caroline referme le dossier de la patiente et s’adresse à elle :

— C’est bon madame, vos enfants sont partis. Ils sont dans la salle d’attente. Nous sommes seules. Vous pouvez ouvrir les yeux maintenant.

Au moment où elle prononce ces mots, Caroline se sent quelque peu idiote. Elle est certaine qu’elle devait dire cette phrase, justement cette phrase-là… En même temps, elle sait qu’il est complètement stupide de parler à une personne qui ne réagit pas. Après tout, il n’y a pas cinq minutes, Paméla a déjà essayé le truc – on l’essaie toujours… – sans résultat probant…

Mais là, son intuition ne l’a pas trompée : à peine la phrase prononcée par Caroline, la patiente ouvre un œil puis l’autre, balaie prudemment la salle du regard, cherche et obtient la confirmation qu’il n’y a pas un chat dans la pièce – en tout cas, aucun de ses enfants. Elle et Caroline sont bien seules.

Surprise par une situation qu’elle a provoquée et qui la dépasse, Caroline sourit bêtement à la... euh... à la malade ? Sourire bête ou pas, elle a besoin de quelques secondes pour se remettre de cette résurrection inattendue.

Puis, très vite, elle en arrive à la conclusion qu’il n’y a pas de miracle et que son inspiration l’a juste amenée à dire ce qui devait l’être. Maintenant il faut savoir, comprendre ce qui a conduit la patiente à son malaise – réel ou, plus probablement, factice.

Caroline prend alors une chaise et s’assoit à hauteur de la dame qui l’observe, pour s’entretenir avec elle, comme s’il s’agissait d’une conversation intime entre deux amies.

— Bonjour, je suis Caroline, votre infirmière. Vous savez ce qui s’est passé madame ?

La dame fait signe que oui, mais ne parle pas.

Puisque ça a marché jusqu’à présent, Caroline décide de continuer à suivre son intuition et rien d’autre. Elle pratique ce qui lui a été enseigné à l’occasion d’un lointain cours de psycho', adoptant une attitude d’empathie et installant dans son monologue une place pour la prise de conscience de la patiente : une prise de conscience morale d’abord.

— Madame, vous êtes aux urgences, dans un box de réanimation. Notre service n’a que deux box de réa. Normalement, ils sont là pour gérer des cas très graves... Considérez-vous que votre place est bien ici ? Si ce n’est pas le cas, on va s’en rendre compte et on vous laissera partir sans avoir réglé votre vrai problème. Si vous voulez de l’aide, c’est maintenant ou jamais.

Un silence. La dame regarde Caroline, rougit, sourit un peu gênée, puis lâche le morceau :

— Ils se disputent tout le temps.

— Qui ? Vos enfants ? demande Caroline.

— Oui, répond la dame – et elle ajoute : « Ce n’est pas facile pour moi. Avant, mon mari gérait les conflits entre eux. C’était le chef. Mais il est mort, et moi je ne suis pas capable de régenter leurs différends. Et tout à l’heure, ils hurlaient tellement… J’étais dépassée. Alors j’ai fait semblant d’avoir un malaise, juste pour qu’ils se taisent. » Et elle ajoute : « Je suis désolée ; je ne pensais pas que cela prendrait des proportions pareilles. »

Caroline, rassurée, promet à la dame de l’aider, sans trop concevoir ce qu’elle pourra faire à ce propos... Elle retourne près du médecin et lui demande :

— Ça te va si j’installe la patiente à l’HP 6, sans monitoring ?

L’HP est le diminutif d’hospitalisation provisoire. C’est une salle où on trouve quelques lits séparés parfois par un rideau, parfois par une cloison : l’agencement de ces petits espaces permet d’installer les patients pour observation, quand leur pathologie ne réclame que peu de surveillance, le diagnostic étant établi et le danger écarté.

Interloqué, le médecin demande à Caroline si elle a fumé la moquette. Elle relate l’entretien qu’elle vient d’avoir avec la patiente.

Dans l’équipe soignante, certains sont d’abord scandalisés, d’autres amusés... mais tous reconnaissent que c’est l’un des diagnostics vitaux les plus rapides qu’ils aient jamais vus : enfoncé le Docteur House ! Pour se venger d’elle, c’est à Caroline qu’on donne la mission d’annoncer la bonne nouvelle à la tribu maintenant rassemblée dans la salle d’attente.

Elle y rejoint donc les fils, les filles, les beaux-enfants, les petits-enfants, les frères et les sœurs de la patiente qui trépignent. Ils sont l’un à côté de l’autre, se tiennent la main, pleurent pour certains. Quand ils voient Caroline arriver, ils se lèvent et lui posent, tous à la fois, des questions sans nombre.

Caroline leur sourit et invite les cinq enfants de la malade à se rendre dehors pour être plus tranquilles, loin d’oreilles indiscrètes. Quand tout ce petit monde est réuni avec elle sur le parking, d’entrée de jeu, elle les rassure. Il faut trouver les mots justes : ces gens ne doivent pas se sentir ridiculisés… Bien évidemment, au plus profond d’elle-même, Caroline – et, avec elle, toute l’équipe – est amusée par la situation, mais il serait bien malheureux que la famille s’en rende compte.

À force d’être toujours en situation de stress, quand une telle péripétie prend place, le rire détend et permet à l’équipe de retrouver de l’énergie qui lui permettra d’affronter, ensuite, une autre situation réellement dramatique.

Le rôle de Caroline, ici, est d’expliquer aux cinq rejetons que leur mère s’est, d’une certaine manière, jouée d’eux. Il faudra aussi justifier son attitude, expliquer qu’elle avait des raisons pour ce faire, que quelqu’un, dans la famille, doit trouver une solution pour qu’elle n’en arrive plus à ce genre d’extrémités.

Last, but not least, il ne faut surtout pas donner l’impression à ces gens que l’on se moque d’eux. Il faut amener ces vieux enfants à comprendre que, aux urgences, nous traitons cette affaire tout aussi sérieusement que nous traiterions un infarctus.... Il est essentiel que leur confiance reste entière. C’est seulement ainsi qu’ils accepteront le diagnostic qu’on leur présente.

Précédemment, Caroline a travaillé dans les soins palliatifs. Elle y a acquis, à l’occasion de la prise en charge de mourants, ce côté humain, probablement atypique aux urgences.

Dehors, sous un petit rayon de soleil automnal, elle explique à la fratrie que leur maman, d’une certaine manière, a quelque chose à leur dire. Elle explique son message, le faux malaise... Les enfants se regardent et, après un silence embarrassé, une des filles dit : « vous avez raison, c’est de notre faute ».

Rapidement, les autres entérinent ce point de vue. Les enfants, gênés, comprennent vite le message de leur mère et, sans aucune pudeur, avouent à l’infirmière qu’en effet ils ont tous une responsabilité dans cette histoire.

Devant ce qui pouvait ressembler à une humiliation publique, les cinq enfants auraient pu réagir avec brutalité. Ils n’auraient sans doute pas trucidé Caroline, mais la violence, dans un cas pareil, n’était pas à exclure. Rien ici. Pas de scène, pas de sang, pas de cris, pas de menaces, pas de massacre d’infirmière. L’affaire a été classée bien plus calmement qu’on pouvait le craindre.

C’est ainsi que, l’un après l’autre, chacun des enfants, dans une sorte de réflexe rituel, est venu présenter ses excuses à sa mère. Trois heures plus tard, la malade rentrait chez elle, entourée de ses proches. Ses enfants avaient juré que jamais plus leur maman n’aurait à supporter les chamailleries de ses grands dadais quinquagénaires.


1. Pas de présence 24 h/24, car l'hôpital doit faire des économies.

2. SMUR, ou SAMU, dépendant des pays dans lesquels ces véhicules sont utilisés : ambulance médicalisée pour prendre en charge des patients qui présentent un état de santé très instable.

II. Quand l’hôpital se
fout de la charité