• Activité physique : supplice ou délice ?
• Ados & suicide : en parler et se parler
• Alzheimer : fatalité ou espoir ?
• AVC : en réchapper et y échapper
• Dépression : s’enfermer ou s’en sortir ?
• Diabète : survivre ou mieux vivre ?
• Infarctus : s’en relever et s’en protéger
• Vaccination : agression ou protection ?
© Le muscadier, 2016
48 rue Sarrette – 75685 Paris cedex 14
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Directeur de collection : Jérôme Dallaserra
Couverture & maquette : Espelette
Conversion numérique : Mariane Borie
Illustration de couverture : © igorr/123RF
ISBN : 979-10-90685-99-4
ISSN : 2275-9654
Chacun aspire à une bonne santé. Alimentation, activité physique, hygiène de vie en général sont devenues des préoccupations significatives pour une majeure partie d’entre nous. En matière de traitement et de prévention, les progrès scientifiques de ces dernières décennies ont ouvert des perspectives sans précédent. Toutefois, nous ne savons pas toujours où trouver l’information la plus pertinente d’autant que, dans ce domaine en particulier, on entend ou on lit souvent tout et son contraire.
Qui croire ? Comment s’y retrouver ?
La collection CHOCsanté a pour ambition de rendre accessibles au plus grand nombre, aussi objectivement que possible, les connaissances de pointe établies par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) qui, depuis maintenant plus de 50 ans, organise la recherche publique dans le domaine de la santé. Le lecteur y trouvera non seulement les avancées médicales les plus récentes, mais également des conseils pratiques qui lui permettront d’améliorer sa santé et celle de ses proches.
L'alcool : une drogue banalisée
Impact et usages de l'alcool
Un tribut social et individuel
• L’alcoolisme, une prise de conscience récente
• Les dommages sanitaires et socioéconomiques
• Absorption et métabolisme
Des formes d’usage très différentes
• Les usages non problématiques
• Les usages à problème
• Évaluer sa consommation
Les effets de l'alcool sur notre organisme
Les mécanismes de l’addiction
• Un cerveau sous influence
• Les facteurs de vulnérabilité
• Les pathologies liées
Alcool et développement
• L’alcoolisation fœtale
• L’alcool à l’adolescence
Les solutions existent
Prévention et prise en soins
• La prévention
• La prise en soins
• Les perspectives
Les enjeux actuels de l’alcoologie
Pour aller plus loin
Biographie de l'auteur
L’alcool occupe une place toute particulière dans notre société. Tel Janus, la molécule d’alcool, aussi appelée éthanol ou alcool éthylique, présente deux visages : d’un côté, le visage de la joie associée au plaisir d’une consommation sociale, festive et conviviale ; de l’autre, le visage de l’anxiété et de l’angoisse observé chez les consommateurs devenus de véritables esclaves.
La production d’alcool et sa commercialisation constituent une branche ancienne et incontournable de notre économie – à tel point qu’il en est devenu un emblème national. En 2012, le budget annuel moyen alloué à l’alcool par chaque foyer était ainsi de 322 euros, pour une consommation quotidienne moyenne de 2,7 verres d’alcool (soit une moyenne de 27 grammes d’éthanol pur par jour). La consommation d’alcool est profondément ancrée dans notre culture, nos traditions et notre patrimoine, de sorte qu’il est souvent inimaginable dans notre pays d’organiser un évènement festif de notre vie sociale ou familiale sans alcool. Celui qui ne boit pas est souvent perçu avec étonnement, ses interlocuteurs cherchant généralement à connaitre les raisons de son refus de boire. Il n’est pas rare d’entendre qu’aimer boire du bon vin est typiquement français.
Ces représentations positives de la boisson sont ancrées dans l’histoire de France. Dès l’époque antique, le vin symbolise le sang du Christ ; le premier miracle du Christ n’a-t-il pas été de transformer de l’eau en vin lors des noces de Cana ? L’essor de la boisson est surtout économique au Moyen Âge qui voit se développer de manière galopante la viticulture monastique et les pères brasseurs de bière. La Renaissance voit apparaitre les grands crus aux XVIIe et XVIIIe siècles. La précarité du monde ouvrier de la fin XIXe et au début du XXe siècle a vu émerger un alcoolisme formidablement dépeint dans l’Assommoir d’Émile Zola. Et il n’y a pas que le vin : les bouilleurs de cru ont eux aussi bénéficié, depuis l’époque napoléonienne, d’une notoriété certaine à produire de l’eau de vie.
La consommation d’alcool constitue une norme, à tel point que la simple idée de proposer une journée sans alcool, à l’instar de la journée sans tabac – et même le mois sans tabac maintenant –, parait inacceptable à certains. Le caractère ordinaire, voire socialement valorisé de la consommation d’alcool conduit la plupart d’entre nous à refuser d’identifier l’alcool à une drogue. Pourtant, la molécule d’alcool répond à tous les critères utilisés pour identifier une drogue : action sur le cerveau, altération des sens (rôle psychotrope) et de la capacité de l’individu à se contrôler, et capacité addictive (rôle addictogène). Justement parce que l’alcool est une drogue socialement acceptée, sa consommation en quantité excessive constitue un enjeu majeur de santé publique. En France, environ 10 % de la population présente ainsi un rapport à l’alcool qui pose problème. La plupart d’entre nous estiment tout savoir de l’alcool, mais il existe en réalité un gouffre gigantesque entre les représentations positives (fête, plaisir, convivialité, bon vivant, etc.) et les dommages réellement induits. En France, moins de 10 % des personnes qui sont en difficulté face à l’alcool sont ainsi prises en soins, les 90 % restantes se retrouvant seules face à ce trouble bio-médico-psycho-social.
Ce faible taux de prise en soins est dénommé treatment gap. Il s’explique par de nombreuses barrières : la personne ne reconnait pas sa maladie, ne souhaite pas entrer dans les soins, ne souhaite pas prendre un médicament, accède difficilement aux soins ; l’équipe soignante connait trop peu la maladie, est peu encline à la traiter, à prescrire une pharmacothérapie ; les traitements eux-mêmes présentent des effets secondaires, une efficacité limitée et retardée, des posologies complexes, un cout élevé, etc.
L’usage nocif d’alcool constitue un sujet tabou. Le grand public est trop peu informé, et même les professionnels de santé ne sont généralement pas suffisamment formés sur le sujet. L’histoire de France joue indubitablement un rôle important dans la constitution du paysage actuel en matière de consommation d’alcool. Il apparait toutefois aussi indubitable que l’efficacité des acteurs économiques du secteur à communiquer et à influencer la législation joue un rôle majeur dans cette situation. Les rapports de la Cour des comptes et de l’Académie nationale de médecine sont venus rappeler l’impérieuse et urgente nécessité de réagir. L’enquête de la première a ainsi relevé un laxisme vis-à-vis de la problématique de l’alcool en matière de politique publique, ainsi qu’une proximité entre élus et alcooliers. Deux publications, l’une de l’OFDT (2015) et l’autre du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (2016), ont par ailleurs montré que les méfaits de la consommation d’alcool constituent la première cause d’hospitalisation en France, avec un cout de 120 milliards d’euros par an (pour un marché mondial évalué à 1 143 milliards d’euros en 2015). Ce cout global comprend : la valeur des vies humaines perdues (66 milliards d’euros), la perte de la qualité de vie (39,1 milliards d’euros), les pertes de production (9 milliards d’euros), les soins (7,7 milliards d’euros) et les dépenses de prévention-répression-recherche (283 millions d’euros). Sont déduites les économies de retraites non versées (1,7 milliard d’euros) et les recettes des taxes prélevées sur l’alcool (3,2 milliards d’euros). L’âge moyen au décès d’un consommateur à problème est de 63 ans (71 ans pour le tabac). Le cout de l’alcool représente ainsi à lui seul un demi-point de PIB. En revanche, la taxation sur les alcools couvre à peine 42 % du cout des soins engendrés par la consommation d’alcool. L’Académie nationale de médecine a par ailleurs demandé à ce que le syndrome d’alcoolisation fœtale soit élevé au rang de Grande Cause nationale.
L’alcool est la drogue qui cause le plus de dommages sanitaires et sociaux, non seulement pour les individus, mais aussi pour leur entourage et pour la société. En France, la mortalité attribuable à l’alcool est de 49 000 morts par an. Dans le monde, un décès toutes les dix secondes est lié à l’alcool (2,5 millions de morts par an, soit 4 % de la totalité de la mortalité mondiale). Les dommages sanitaires liés à l’alcool sont sérieux : effets toxiques pour nos organes, pour nos capacités cognitives et comportementales, dépendance. Selon l’Organisation mondiale de la santé, le mésusage d’alcool est ainsi la cause unique de plus de quarante maladies, et il joue un rôle dans plus de deux-cents maladies.
Prévenir, identifier, et revenir d’un usage problématique d’alcool est donc un enjeu majeur pour la société, et pour l’individu. C’est dans ce contexte que le présent ouvrage a l’ambition de fournir les clés pour quantifier et pour qualifier sa consommation d’alcool, avec pour objectif d’aider à repérer et à résoudre les usages problématiques.