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Collection de droit de l’Union européenne – série colloques

Liste des auteurs

Dominique BERLIN, Professeur à l’Université Panthéon-Assas

Aude BOUVERESSE, Professeur à l’Université de Strasbourg

Emanuele CECI, Assistant et doctorant à l’Université catholique de Louvain

Stéphane DE LA ROSA, Professeur à l’Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis

Lothar KUHL, Chef d’unité à l’Office européen de lutte antifraude (OLAF)

Luc LEBOEUF, Chercheur à l’Université catholique de Louvain

Manuel LOPEZ ESCUDERO, Professeur à l’Université de Grenade

Francesco MARTUCCI, Professeur à l’Université Panthéon-Assas

Fabrice PICOD, Professeur à l’Université Panthéon-Assas, Directeur du Centre de droit européen

Edoardo TRAVERSA, Professeur à l’Université catholique de Louvain

Edouard TREPPOZ, Professeur à l’Université Jean Moulin Lyon 3

Araceli TURMO, Docteur de l’Université Panthéon-Assas

Liste des abréviations

AJDA

Actualité juridique de droit administratif

Ass. plén.

Assemblée plénière

coll.

collection

Cons. const.

Conseil constitutionnel

CDE

Cahiers de droit européen

D.

Dalloz

EEE

Espace économique européen

op. cit.

opus citatum

RAE-LAE

Revue des affaires européennes

Rec.

Recueil

Rec. CE

Recueil Lebon

Req.

Requête

RFDA

Revue française de droit administratif

RJEP

Revue juridique de l’économie publique

RTDE

Revue trimestrielle de droit européen

s.

suivant

spéc.

spécialement

TFUE

Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

TUE

Traité sur l’Union européenne

vol.

volume

Sommaire

Liste des auteurs

Liste des abréviations

Introduction

Partie 1
Un statut à préciser

La fraude dans l’abus de droit, par Aude Bouveresse

La lutte contre la fraude : action ou politique de l’Union ?, par Dominique Berlin

La lutte contre la fraude, exigence impérieuse d’intérêt général, par Fabrice Picod

Partie 2
Des moyens à approfondir

Des moyens à approfondir : les missions de l’OLAF, par Lothar Kuhl

Autonomie procédurale des États membres et lutte contre la fraude aux intérêts financiers de l’Union européenne, par Manuel López-Escudero

Le Parquet européen et la lutte contre la fraude, par Araceli Turmo

Partie 3
Des contours à délimiter

L’Union européenne et la lutte contre l’immigration irrégulière, par Luc Leboeuf

La lutte contre la fraude et l’Union européenne, par Edouard Treppoz

La lutte contre la fraude en droit fiscal, par Edoardo Traversa et Emanuele Ceci

La lutte contre la fraude et le droit européen de la commande publique, par Stéphane de La Rosa

Fraude et zone euro, par Francesco Martucci

Table des matières

Introduction

Fraus omnia corrumpit

La fraude corrompt tout. Décliné en droit de l’Union européenne, l’adage prend tout son sens. La fraude corrompt l’intégration européenne, c’est-à-dire ce lien juridique, économique, social et politique que l’Union, les États membres et les particuliers tissent depuis les origines de la construction communautaire. La fraude mine la solidarité et élime la confiance, deux charnières fondatrices du lien d’intégration. C’est pourquoi le droit de l’Union européenne organise la lutte contre la fraude.

L’article 310, paragraphe 6, du traité FUE dispose que l’Union et les États membres combattent la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. Dans les dispositions financières du traité FUE, le chapitre 6 est ainsi consacré à « la lutte contre la fraude » (art. 325 TFUE). Étroitement liée à l’exercice du pouvoir budgétaire européen, la lutte contre la fraude est devenue peu à peu une action à part de l’Union européenne, incarnée par une entité institutionnellement singulière, l’Office de lutte anti-fraude (OLAF). Il s’agit ainsi de préserver les intérêts financiers de l’Union dans un contexte marqué par une contrainte budgétaire. La lutte contre la fraude est d’autant plus impérieuse que le budget de l’Union est limité, de sorte que les ressources financières doivent être scrupuleusement maniées. À cet effet, la Commission a proposé en 2013 un règlement instaurant un Parquet européen afin de combattre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. La lutte antifraude devient le fondement d’un approfondissement de l’intégration dans le domaine pénal, par-delà les réticences étatiques.

Au titre de leur obligation de coopération loyale, les États membres sont d’autant plus impliqués dans la lutte contre la fraude que les ressources budgétaires de l’Union financent des actions menées au niveau national. Dans le respect de l’autonomie institutionnelle et procédurale, les autorités nationales et le droit interne sont dès lors instrumentalisés au service de la lutte contre la fraude au sein de l’Union. Celle-ci induit des mutations au niveau national comme le montre par exemple la responsabilisation des collectivités locales en France en cas de corrections et de sanctions financières (art. L. 1511-1-2 du CGCT introduit par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles).

La lutte antifraude ne se cantonne toutefois pas aux seuls intérêts financiers de l’Union. Elle tend à irradier progressivement l’ensemble du droit de l’Union, à tel point qu’on peut se demander si la fraude ne devient pas une notion à part entière de ce droit. Ainsi, en la matière, l’intégration positive précède l’intégration négative.

C’est dans le droit du marché intérieur que les premières manifestations de cette nouvelle forme de lutte antifraude a affleuré en jurisprudence.

De façon plus générale, la Cour de justice a admis des limites aux libertés fondamentales de circulation dont l’exercice se révélerait frauduleux dans une jurisprudence qui mobilise également la théorie de l’abus de droit. Aussi une précision conceptuelle s’impose-t-elle quant aux frontières entre abus de droit et fraude, d’autant que le juge national se saisit de la notion. Les juridictions nationales suivent le mouvement imprimé par la Cour de justice. Ainsi, dans un arrêt du 1er octobre 2014 (Mme A, n° 365054), le Conseil d’État a limité le droit de séjour d’un citoyen de l’Union en raison de son comportement frauduleux. En outre, il est admis par la Cour de justice que des réglementations nationales visant à lutter contre la fraude entravent légitimement une liberté fondamentale de circulation, à condition toutefois de respecter une série de conditions exigeantes imposées par la Cour de justice, telles que l’absence de discrimination, l’aptitude à lutter efficacement contre la fraude, la proportionnalité des mesures adoptées.

À cette notion jurisprudentielle s’ajoutent celles couramment employées dans la lutte contre l’immigration clandestine, contre la fraude fiscale et la contrefaçon. La commande publique laisse place à des exclusions d’une procédure de marché public en cas de comportements frauduleux. La conditionnalité politique appliquée à la Grèce comporte un volet particulièrement important de la lutte contre la fraude qui devient un élément de la discipline macroéconomique des États membres.

Puisqu’elle corrompt tout, la fraude est potentiellement partout. Si l’extension du domaine de la lutte antifraude s’explique par la volonté de garantir l’effectivité du droit de l’Union, de tout le droit de l’Union et non plus uniquement des intérêts financiers, on peut se demander si cela ne conduit pas à diluer la notion même de fraude. Constitue-t-elle dès lors un simple « gadget » que les autorités pourraient invoquer pour lutter contre tout comportement constitutif d’une violation de la règle ? Peut-on au contraire dégager une cohérence d’ensemble d’une notion fondamentale du droit de l’Union, à la signification politique essentielle pour le projet européen ?

Ce colloque qui a eu lieu sur une journée et demie a eu pour vocation de fournir une réflexion d’ensemble sur un thème finalement fort peu étudié en droit de l’Union européenne et, en tout état de cause, analysé de manière parcellaire puisque cantonné à des domaines spécifiques. Il comble ainsi une lacune de la doctrine du droit de l’Union puisqu’aucune étude d’ensemble n’a été à ce jour réalisée.

D. Berlin, F. Martucci et F. Picod

Partie 1
Un statut à préciser