Le démon de sang
Livre 2 : Rouges, comme le Sang
Je remercie mes proches pour leur précieuse aide, ainsi que N°197 Firestation Chiswick pour m’avoir accueilli et m’avoir fourni un lieu de travail non conventionnel.
Mes pensées vont plus particulièrement à Serge Gauthier-Pavlov pour son soutien et ses corrections, à Roman Carrasco pour ses idées et son travail sur les illustrations, et à Hugues Rimpot sans qui Bazil n’aurait jamais vécu cette histoire.
Coup d’estoc
Le soleil resplendissait haut dans le ciel. Ses rayons, libres de tout nuage, se reflétaient sur l’eau azur de la Palonde et réchauffaient l’air qui montait en colonnes. Ces courants aériens étaient d’autant plus stables que le vent d’altitude était régulier. Un albatros planait dans une de ces cheminées d’air chaud. Son élégance et sa massivité accentuées par son plaisir évident de voler donnaient à ce tableau une teinte irrésistible de liberté et de sérénité.
Un virage à gauche, une spirale sur la droite. Ses plumes blanches vibraient en raison de la vitesse tandis que ses ailes étaient portées toujours plus haut. Non, ce n’était vraiment pas une mouette qui survolait l’immense étendue d’eau douce, c’était le roi des oiseaux marins en personne et nul ne pouvait contester son règne. Un bruit lui parvint. Qui osait donc troubler sa gracieuse parade ? Qui osait ennuyer de la sorte le souverain ? L’albatros piqua à la fin de sa courbe, s’éloignant à regret de la chaleur. Son œil perçant ne prit que quelques secondes pour trouver l’origine du vacarme : des humains. Ces animaux stupides oscillaient lourdement sur deux de ces constructions abjectes qu’ils appelaient des bateaux. Le fier oiseau en était désormais sûr : ces créatures ne comprenaient rien à l’élégance. Au lieu d’apprécier le soleil, ils faisaient du bruit. Un bruit désagréable et violent, celui de la guerre.
Bazil perdait son souffle. Ce combat, pourtant si bien engagé, virait à l’hécatombe. Le pont, fraîchement lavé, se recouvrait d’une couche visqueuse et rouge. Les pleurs remplaçaient les cris. Les ordres des deux camps s’enchaînaient sans que quiconque ne puisse savoir s’ils lui étaient destinés ou non. Le tintement des armes s’entrechoquant dominait tout ce vacarme de rage et de souffrance, il menait la danse. Aucun instrument de ce terrible orchestre ne pouvait survivre à son solo : un bruit trop puissant indiquait une personne en trop bon état, cela ne restait pas longtemps impuni. L’acharnement avait laissé place à la démence, elle-même dominée par l’épuisement des corps et des esprits.
Le bruit sourd d’une douleur étincelante retentit dans le crâne de Bazil. Un éclat de bois carbonisé venait de lui perforer l’avant-bras gauche. Il fut forcé de mettre genou à terre pour laisser passer l’éclair de souffrance. Sa halte ne fut que de courte durée. La lame de son assaillant finissait déjà sa courbe dans les airs pour se rapprocher de son but ultime. Bazil roula sur le côté, évitant de justesse le coup mortel. Il fallait en finir. Sa main tremblait. Le poids de son épée devenait de moins en moins supportable. Il sentait que la force lui manquerait pour parer la prochaine attaque.
Une voix dans sa tête lui dicta son prochain mouvement. L’entité qui lui donnait sa magie avait peur, peur que son pion ne se fasse manger sur l’échiquier. Dans un sursaut de survie, Bazil saisit une corde tendue sur sa gauche et attira d’un coup sec son adversaire à lui. Tout mouvement sur le pont se figea. Sa fatigue et jusqu’au tumulte du carnage se firent lointains. Il ne percevait que sa main, crispée sur la lame salement fichée jusqu’à la garde dans le torse ennemi. Au moment où un flot de sang, aussitôt absorbé, recouvrit le métal magique ; Bazil sentit son corps se régénérer tandis que sa victime s’effondrait.
Le monde vacilla. Bazil tomba à plat ventre en crachant un liquide au goût métallique. La tache rouge noircit instantanément et les couleurs se firent ternes dans ses iris. Le vainqueur n’était pas bien différent du vaincu dans sa posture. Seuls ses yeux regardant au ras du pont et son cœur en train de battre le gardaient dans le royaume des vivants. Il ne sentait plus rien qu’une fatigue écrasante. Malgré tout, une ultime pensée s’encadrait dans son esprit : « Nifel, Elyana, Kerlinor… étaient-ils encore en vie ? » Sa joue s’affaissa mollement dans le sang laissant sa vue unique témoin de la suite du combat.
Une personne se tenait dos à dos avec un chaffe-souris. Ses cheveux, habituellement soyeux, étaient hérissés à l’instar de la fourrure de son compagnon animal. Les traits de son visage étaient crispés tout comme la créature qui exhibait ses crocs menaçants. Elyana et Krein hurlaient à l’unisson, ils hurlaient de rage. Autour d’eux, leur faisant face, une demi-douzaine d’hommes en uniforme rouge s’apprêtaient à l’assaut. Tout en eux reflétait la haine envers cette fougueuse qui avait exterminé tant des leurs.
Une ombre se rapprochait à grands pas de cette scène. Ses trois dagues prêtes à trancher quelconque opposition. La troisième, tenue par sa queue, mordait au passage dans le cou d’un esclavagiste. C’était Scratch, le Skaven, qui volait à la rescousse de ses amis. Il ne les avait rencontrés que trois semaines auparavant, pourtant sa fidélité était déjà inébranlable. Il avait consacré du temps à ces quelques individus montés sur son navire. Ses rats espions avaient mémorisé leurs odeurs et leur compagnie les avait bien amusés. Ils avaient même des anecdotes à raconter… Un début d’histoire en commun.
Bazil se glissa sur le flanc. Il n’avait pas encore la force de se relever et ce simple effort lui donna la nausée. Pourtant, il se devait de voir les autres.
Un riche habit bien ajusté traînait près d’un cordage. Les manchettes déchirées pendaient lamentablement aux poignets du mage qui se tenait le flanc en grimaçant. Valinor avait été un des premiers à réaliser la difficulté de la bataille. Sans réussir à lancer plus de trois sorts, il avait été touché par un carreau d’acier. Le métal noir anti-magie avait perforé le coton blanc immaculé et Bazil avait senti tous les pouvoirs de son compagnon s’éteindre comme une lanterne tombant à la mer. Valinor avait survécu à la blessure, mais à quel prix ? À présent, Bazil doutait du fait qu’il retrouverait cet elfe ronchon aimant la bonne cuisine.
Une armure noire scintillait au soleil, en première ligne de la dernière charge contre les esclavagistes. Les pointes habituelles de ses épaulettes avaient été remplacées récemment par des griffes d’acier et la personne dans l’armure avait laissé derrière elle ses aspirations à la magie. C’était Nifel, accompagnée d’une bonne dizaine de marins, qui suivait Kerlinor dans un ultime effort pour remporter la victoire. Un trait de feu percuta son avant-bras. Elle releva la tête, indemne, et se rua sur le mage à cape rouge qui avait osé essayer de la tuer. Bazil sourit. L’initiation à l’anti-magie allait bien à son amie. Il l’avait accepté et l’y avait même encouragé. De ce fait, la transition s’était faite facilement et leur attachement réciproque n’avait cessé de grandir malgré leur nouvelle différence.
Une clameur retentit. Bazil se releva le temps de joindre sa voix à celle de ses camarades. Ils avaient finalement remporté la victoire. Il essaya de faire un pas mais se ravisa bien vite, son équilibre ne s’étant pas complètement rétabli. Il attendit donc accroupi qu’Elyana parcoure les quelques pas qui les séparaient. Elle le prit par le bras, écrasant un flot d’injures pour le maintenir debout.
–Eh bah, se reprit-elle. Faut pas que ça devienne une habitude de se reposer sur les femmes !
–Ce n’est que la deuxième fois, répondit Bazil en faisant la moue.
–La deuxième fois en comptant les entraînements au sauvetage en mer ? Tu te fous de moi j’espère !
Leurs rires sincères firent se retourner une bonne partie des survivants. Bazil aimait ces taquineries qu’Elyana et Nifel avaient pris l’habitude de lui envoyer. Elles tombaient toujours au pire moment et déclenchaient un rire purement nerveux mais cent fois plus reposant qu’une nuit de sommeil. Ces quelques secondes leur permettaient d’oublier la gravité des situations, la fatigue et les efforts à venir. Nifel les rejoignit et les serra dans ses bras en prenant bien garde à ce que ses griffes d’acier ne les touchent. Elle prit un air faussement grave.
–Elyana, Bazil… Je suis au regret de vous annoncer… que notre amitié va pouvoir continuer. Et franchement, c’était pas gagné !
–On s’est complètement fait avoir par la taille de l’embarcation, ajouta Kerlinor d’un ton exaspéré. Ils n’étaient pas plus d’une quarantaine mais quelle quarantaine… La « Voile Pourpre » ? Des troupes d’élite sous le commandement de Mogk’Tall, aussi loin sur la Palonde ? Quelle connerie ! Heureusement qu’on a vaincu… le seul problème c’est qu’on a également gagné une grosse vingtaine de morts et une quarantaine de blessés dont certains dans un état critique. Anthor va avoir du pain sur la planche en tant que nouvel apothicaire. Et nous, on est bon pour des funérailles, un retour sans tarder à Saline, plusieurs permanences de nuit à l’infirmerie et un réarrangement des quarts… Vous en avez de la chance de ne pas être lieutenant.
–Ne t’inquiète pas Kerlinor, intervint Elyana. Je t’aiderai autant que je le peux et ce n’est pas que parce que je suis sous-lieutenante.
–TOUT LE MONDE SUR L’INCENDIAIRE !! ! Ramassez nos morts et nos blessés et sabordez-moi ce rafiot de malheur ! Quart deux, mettez ces pleutres aux fers dans la cale ! Allez, on se bouge, un dernier effort !
Bazil se fit la réflexion que la voix du capitaine ne portait plus aussi loin que dans la matinée, néanmoins elle restait ferme et autoritaire. Il avait, dès le début, apprécié le capitaine Muguet. C’était un vétéran de la marine ayant monté tous les échelons pour atteindre, la quarantaine passée, le commandement d’une frégate. Il était juste et franc tout en montrant de l’amitié et de l’affection envers son équipage. Bazil observait le vieux loup de mer prendre un mort sur l’épaule et soutenir un blessé sur son chemin pour l’Incendiaire. Cet homme, si dévoué, lui inspirait le plus profond respect.
Son avant-bras lui faisait mal. Une boule de feu avait explosé non loin de lui et un éclat de bois était passé au travers, déchirant le muscle mais laissant intact l’os. La magie du sang que possédait Bazil lui permettait une régénération rapide mais pas instantanée. En fait, plus sa régénération était accélérée, plus elle laissait de traces. Il pouvait s’attendre à une belle cicatrice un peu en dessous du poignet.
Se replier sur l’Incendiaire… Bazil suivait d’un pas lent les derniers hommes qui empruntaient la passerelle après avoir sabordé la Voile Pourpre. La petite frégate allait sombrer au fond de la Palonde sans que quiconque en retrouve trace.
La chasse n’avait commencé que trois heures auparavant. Elyana venait d’informer l’équipage qu’ils allaient couper la route d’un navire esclavagiste de petite taille. Le vent étant favorable, le capitaine Muguet avait réglé leur trajectoire pour une interception facile permettant deux tirs de baliste avant l’abordage. Jusque là, tout s’était déroulé comme prévu. Mais, une fois la Voile Pourpre à portée de sort ou même de flèche le combat s’était corsé. Les arbalétriers esclavagistes avaient de meilleures armes et plus d’entraînement. Leurs carreaux touchaient juste tandis que les flèches de l’Incendiaire étaient victimes des sorts de protection du petit navire.
Le capitaine Muguet, voyant les pertes se multiplier sur son pont, avait ordonné un abordage rapide et risqué. Il lui avait coûté la vie d’une première vague d’hommes se heurtant à une riposte bien trop organisée. En revanche, la deuxième vague réussit à créer une brèche dans les rangs et la mêlée avait éclaté.
Bazil jeta un dernier coup d’œil sur la voile rouge qui dépassait encore un peu de l’eau. C’était une sale bataille qu’il laissait derrière lui ainsi que nombre de personnes avec lesquelles il n’avait pas eu le temps de faire connaissance. Ses amis, plus entraînés, avaient tous survécu. Parmi eux, Valinor… Une question s’imposait : pourrait-il un jour faire à nouveau usage de sa magie ? Bazil pressa le pas vers l’infirmerie.
Une activité folle y régnait. Une grande majorité de l’équipage s’y trouvait soit pour aider soit pour recevoir des soins. Anthor se démenait pour essayer de gérer un capharnaüm de plaintes et de demandes au milieu d’une odeur écœurante de sang et de sueur. Seules les blessures importantes pourraient être traitées, et les marins ayant une entaille comme celle de Bazil au bras devraient oublier leur mal-être et concentrer leurs forces restantes aux opérations les plus pressantes.
Valinor et Kerlinor étaient assis au sol, le visage morne. Bazil comprit au silence du chasseur que le carreau était resté trop longtemps en contact avec le sang. L’elfe ensorceleur, dont une larme solitaire coulait sur la joue, avait définitivement perdu toute trace de magie. Bazil ne savait quoi dire. Perdre sa magie était la pire chose qu’il aurait pu imaginer, même perdre la vue ou l’usage de la parole eurent été moins graves. Les pouvoirs d’un mage, en particulier d’un ensorceleur, étaient l’aboutissement de sa vie. Il y travaillait dès sa tendre enfance et percevait chaque seconde de son existence par leur intermédiaire.
Nifel avait aussi perdu l’accès à la magie, mais, n’étant pas pratiquante, l’influence de l’acier ne l’avait pas plus dérangée qu’un contact avec la laine rêche. Elle s’y était vite accoutumée. À l’inverse, Valinor ne pourrait jamais s’y habituer. Son corps et ses veines s’étaient développés pour un usage quasi permanent de la magie. Adulte, son corps ne pourrait jamais se réadapter. Toute sa vie il sentirait ce manque comme une dépendance dont il ne pourrait se défaire.
Bazil sortit prendre l’air. Anthor aurait vite besoin de ses talents pour certaines opérations… mais pas tout de suite. Bazil se sentait le besoin de respirer un bon coup avant de se lancer dans la chirurgie. Le navire était à l’arrêt et le troisième quart s’affairait à remettre de l’ordre sur le pont. Les morts, posés en ligne à tribord, allaient y rester jusqu’à ce que ceux qui ne pourraient être sauvés les rejoignent et que l’on fasse des funérailles. D’ici là, l’équipage côtoierait les vestiges de leurs compagnons, de leurs amis. Les hommes essayeraient bien d’éviter le contact avec les corps, avec le sang, mais ils ne pourraient en fuir la vue, ou l’odeur. C’étaient ça les horreurs de la guerre, ces images traumatisantes que les soldats ramenaient chez eux, gravées à jamais dans leurs mémoires, ressurgissant la nuit.
Bazil monta sur le gaillard avant. Elyana et Krein s’y tenaient déjà, occupés à panser leurs plaies. Celle de Krein, à une de ses pattes postérieures, cicatriserait vite, le carreau qui s’y était fiché ne contenant pas de fer. Ils levèrent les yeux à son approche. Bazil haussa les épaules et secoua la tête en unique réponse avant de s’asseoir lourdement sur le sol. Il sortit sa pipe et un reste de tabac.
Quelle idée de s’engager dans l’armée… Ils devraient relater ces événements au Joker dès leur arrivée. Bazil voyait déjà la scène. Le Joker les écouterait soigneusement en tripotant les pompons de ses habits burlesques… Peut-être ferait-il l’effort de ne pas partir trois fois pendant le rapport comme à son habitude. Puis, il demanderait à Valinor de sortir prendre l’air. Il exposerait alors le fait qu’un ensorceleur sans magie était un poids mort et que malgré l’attachement que pouvait avoir Elyana, elle se devrait de le renvoyer de son unité au plus vite. Elle murmura quelque chose au sujet de Valinor et Bazil lui demanda de répéter.
–J’espère que le Joker ne me demandera pas de l’abattre. Il risque d’être renvoyé de notre unité et il sait beaucoup de choses…
–C’est une pratique courante ? demanda Bazil en chuchotant.
–Habituellement non. Mais quelque chose se trame à Saline, quelque chose d’envergure. La Voile Pourpre ne transportait pas des soldats d’élite de Mogk’Tall, ça c’était l’image qu’ils voulaient donner. Si tu avais dû mordre la main d’un homme pour sauver ta vie, tu aurais vu qu’ils portaient un tatouage de tour sur le poignet. Ces soldats étaient certes des troupes d’élite, mais sous les ordres de Garh de la Tour. Le même pion qui avait commandité mon assassinat. Ce n’est qu’une coïncidence cette fois mais… ne tire pas cette gueule… Notre couverture n’est pas compromise, ils ne nous ont pas reconnus. Mais, c’est moi qui ai donné l’information sur la Voile Pourpre, du coup je ne sais pas ce qu’il va se passer… Ce qui est sûr c’est que Garh va redoubler d’efforts dans ses sombres projets et que les forces de Rachess vont commencer à se manifester dans Saline…
Sur ces mots, Elyana se secoua les mains pour en faire tomber les gouttes de sang et s’attaqua au bandage final de Krein. Bazil profita du silence pour tout remettre en place dans sa tête. Comment expliqueraient-ils à Valinor qu’il a perdu sa magie contre des hommes du même Cercle d’Espoir auquel il appartenait ? Ils n’avaient pas dit mot de leur altercation avec les six espions de Garh. Devaient-ils garder les affaires internes de leur faction secrètes ? Garh de la Tour essayerait-il de venger la mort de ses hommes ? Elyana était un pion au même niveau que lui, pourtant Bazil doutait fort du fait que ledit grade apporterait une quelconque sécurité, tout semblait pointer vers le contraire.
Il n’eut pas le temps de réfléchir longtemps. La brise apporta un parfum qu’il reconnut instantanément malgré l’odeur tenace de sang qui l’accompagnait. Nifel était montée sur le gaillard avant. Elle lui donna une tape sur l’épaule.
–Laisse-nous donc entre filles… Ils ont besoin de toi à l’infirmerie.
Doutes
Il pleuvait. Les rayons de l’aube étaient masqués par les nuages comme si la nuit refusait de partir. Des gouttes grosses comme des noisettes crépitaient sur le pont au-dessus de Bazil. Son petit-déjeuner l’attendait devant lui, pourtant il n’arrivait pas à l’entamer.
Il s’était engagé dans l’unité d’Elyana par manque évident de choix. Depuis, les choses avaient changé. Il s’était fait à l’idée d’être un agent double aux ordres de la belle fougueuse. Il avait commencé à apprécier ses compagnons. Il avait rencontré Nifel, Scratch, le capitaine Muguet… tant de gens qui lui inspiraient confiance. Mais tout avait changé depuis quelques jours. La guerre avait forci et résonnait désormais au sein du Cercle d’Espoir. Valinor n’était que le premier à en faire les frais. Le doute avait saisi Bazil. Combien de jours, de semaines, avant que la même chose ne lui arrive ? Combien de victoires pourraient-ils encore célébrer avant que la défaite ne vienne mettre fin aux réjouissances…
Il posa son regard songeur sur le biscuit qu’il avait dans la main. C’était la seule nourriture qui ne s’altérait pas en mer. Elle n’avait ni goût ni odeur et ne remplissait que difficilement l’estomac d’un marin. Bazil se laissa aller à des souvenirs nostalgiques de leurs premiers jours sur l’Incendiaire, tout était si bien…
La pluie tombait aussi lors de son premier réveil à bord de la frégate. Il devait être cinq heures du matin et Bazil n’avait pas d’obligation, sa formation ne commençait que le lendemain. C’était le bruit qui l’empêchait de dormir. Non pas celui de la pluie, mais celui de la cinquantaine de personnes qui ronflaient tout autour. Leurs empreintes sanguines vibraient à ses oreilles et obscurcissaient ses sens tout comme un épais brouillard masquerait sa vue. Était-il normal de dormir dans ces conditions ? Ce n’était que sa première nuit à bord de l’Incendiaire et pourtant Bazil savait déjà qu’il détestait les bateaux. Le hamac de son voisin grinçait régulièrement, comme si le navire, lui aussi, pouvait ronfler.
Bazil se leva lentement en prenant garde à cette poutre qui avait tenté de l’assommer la veille. La première étape était franchie, elle n’était malheureusement pas la dernière. Fallait-il encore réussir à descendre de ce perchoir sans tomber ni déranger Valinor qui dormait juste en dessous. Où était donc cette satanée échelle ?! Bazil étouffa un juron en ratant le premier barreau, puis poursuivit sa descente dans la pénombre d’un pas mal assuré.
Le dortoir du navire était un endroit tout à fait ignoble. L’odeur de transpiration se mêlait à celle du suif des rares bougies qui tentaient, si bien que mal, d’éclairer la grande pièce. Le plafond était bas et irrégulier à cause des poutres qui supportaient le pont supérieur. Les crochets étaient les plus terribles, fixés dans l’idée d’aider les matelots à suspendre leurs affaires, ils ballottaient, souvent inutilisés, à hauteur des yeux. Le premier entrepont était définitivement l’endroit le moins hospitalier de la frégate. Bazil se doutait que le calme présent ne serait qu’un souvenir éphémère en voyage, les quarts devant se relayer toute la journée et toute la nuit… Sans parler du roulis du navire en pleine mer.
Bazil vérifia une dernière fois que son équipement était bien rangé avant de saisir sa pipe. La pluie et la fatigue l’avaient empêché de l’utiliser la nuit dernière si bien qu’elle était encore prête à l’emploi. Quoi de mieux qu’un point couvert sur le pont pour essayer de comprendre à quoi ressemblaient son nouveau logis et ses nouveaux colocataires ?
Le vent venait du Nord, cela signifiait que le bord droit de la coquerie devrait être protégé de cette pluie battante. Bazil s’y dirigea en songeant aux nouvelles appellations qu’il devrait utiliser. Il se déplaçait sur la partie tribord du pont en partant du château arrière pour aller vers le gaillard avant. Leur dortoir était situé dans la cale et ces grosses cordes étaient des bouts, des amarres et des… enfin bref, tous ces noms lui seraient communiqués dans les jours à venir, lors de leur formation. Il était inutile de faire du zèle.
Une ombre à la démarche raide vint le rejoindre. Bazil sourit en l’entendant bougonner. Le soleil s’était à peine levé qu’Elyana râlait déjà, fidèle à elle-même. Cette fois-ci parce que le sol bougeait… C’était là la particularité d’un navire ! Elle finirait par s’y faire. Les nouveaux se distinguaient de loin à la maladresse de leur démarche. Bazil avait vite compris que le pas de bourrée était le plus adapté à un sol mouvant. Elyana lui fit un salut du menton et s’accroupit à côté de lui.
–Bien dormi ? Krein ne m’a pas laissée tranquille avant d’avoir trouvé un abri dans le port, continua-t-elle sans attendre de réponse. La pluie ne m’a que peu bercée. Au moins, la cantine est respectable. Les plats relèvent du luxe pour un bâtiment de l’armée… Enfin, espérons que ce n’est pas juste parce qu’on est à quai. Tiens, tu devrais aller manger au lieu de fumer. Tu verras, tu seras surpris.
–Surpris par quoi ? Les chaises attachées au sol ou l’absurdité de notre miss…
–Tut tut, on ne se plaint pas matelot ! l’interrompit gentiment la fougueuse en lui mettant le doigt sur la bouche. Les murs ont des oreilles, lui chuchota-t-elle. Va donc manger, tu comprendras mieux le ventre plein.
Bazil éteignit sa pipe sans bien comprendre l’avertissement de la meneuse. D’autant plus que son pouvoir de détection des sangs chauds, étendu depuis peu, l’assurait qu’aucun homme n’était à portée de voix. Pourquoi ne devait-il donc pas parler entre eux de ce que l’un et l’autre savaient ? Si certains marins avaient la capacité de se cacher à son pouvoir, il n’en avait rien su. La Marinière était peut-être omniprésente ainsi que le Cercle d’Espoir, mais, sur ce rafiot, ils étaient ces deux parties à la fois. C’est donc dubitatif que Bazil descendit dans la cale et se dirigea vers l’escalier menant au deuxième entrepont. L’odeur du pain frais l’y guida sans erreur.
Il comprit la mise en garde d’Elyana au moment même où il franchit la porte. La créature qui était assise devant lui relevait du cauchemar. Un Skaven était une de ces bêtes qu’on redoutait de croiser un jour dans sa vie. Adeptes de l’assassinat et de la magie noire, les hommes-rats vivaient habituellement en sociétés cachées à la face du monde. Le fait d’en savoir un à bord était chose des plus étonnantes et inquiétantes. Bazil ne pouvait détacher son regard de cet être velu, moustachu et crochu qui tenait une miche de pain avec sa queue et la grignotait de ses dents acérées. Ses yeux rouges inspiraient une terreur qui contrastait avec le ridicule de son accoutrement. Deux oreilles grises bardées de piercings dépassaient d’un chapeau en cuir usé. Des perles étaient attachées à des sortes de tresses qui pendaient en désordre de son menton effilé. Quant au veston, des plus improbables, il était usé mais de facture prisée, tout sauf étanche et d’un orange pour le moins criant. Bazil se fit la réflexion que, malgré son déguisement de clown-pirate de seconde zone, l’individu devant lui était éminemment puissant et dangereux.
Les Skavens étaient autant réputés pour leur fidélité envers leurs compagnons que pour l’efficacité de leurs poisons contre les traîtres. Un Skaven solitaire signifiait qu’il avait un protégé à bord, un humain adepte de quelconque magie noire ou necrolytique. Bazil comprit de suite que l’ami de l’homme-rat était la raison de sa présence sur l’Incendiaire. Le Joker devait s’y intéresser de près. Bazil constata que sa magie évitait l’homme-rat comme s’il n’existait pas. Ses défenses psychiques ainsi que sa maîtrise du camouflage semblaient colossales.
Bazil devait être resté trop longtemps immobile car le Skaven planta ses petits yeux rouges dans les siens et lui adressa la parole d’une voix rauque mais étrangement enjouée.
–Tu peux prendre du pain un peu plus loin là-bas et, si je t’intéresse tant que ça, il n’y a que des places libres à cette table. Tant que tu y es, rapporte-moi un peu de fromage frais. Il est légèrement salé, c’est un régal pour les rongeurs.
Bazil hocha la tête en silence et alla se servir avant de revenir s’asseoir à côté de la masse de poils gris. Son interlocuteur avait, sans aucun doute, voulu le tester. Il allait être servi. L’empreinte sanguine du rat était si bien masquée qu’il dut s’y prendre à deux fois pour tirer sa chaise avant de comprendre que le rat la retenait de sa longue queue. Bazil soupira puis lui adressa un sourire poli en lui montrant du menton le bol plein de fromage.
–Je vois que nous allons pouvoir nous entendre, dit le Skaven en esquissant une mimique qui devait s’apparenter à un sourire. Je suis Scratch et toi… tu es Bazil, l’ami d’Elyana. N’est-ce pas ?
–Et pas que d’Elyana ! répondit Bazil en serrant la patte que lui tendait son interlocuteur. Comment connaissez-vous mon identité ?
Scratch lui montra son museau d’un air embarrassé, comme si son seul flair suffisait amplement. Voyant qu’il n’aurait d’autre réponse Bazil continua sur le ton de la conversation.
–Je dois avouer être un peu étonné de votre présence à bord. J’espère juste que ce qu’on dit est faux… que les rats ne quittent pas le navire en premier.
–Très drôle, on ne me l’avait jamais sortie. Tu sais, tu peux me tutoyer. On va passer un bon bout de temps ensemble sur ce bateau et trop de politesse me fait mal aux moustaches. Je vois que je t’ai mis mal à l’aise, reprenons donc en de meilleurs termes. Merci pour le fromage, je suis content que tu aies accepté de venir à ma table. Je n’aime pas bien manger seul.
Le souvenir de son premier repas en compagnie de Scratch fit sourire Bazil. Le Skaven ne devait vraiment pas aimer manger seul car il l’attendait tous les matins depuis. Bazil fixa une dernière fois le biscuit de mer qu’il tenait dans sa main avant de le reposer en secouant la tête de dépit. La présence de fromage frais n’avait pas duré.
–Eh quoi Bazil, ce biscuit t’effraye-t-il ? Reprends-le. Affronte-le ! Il va t’avaler tout rond !
–Non, non. Je me souvenais juste du jour où on s’est rencontrés. Tu m’avais pas mal impressionné.
–Ah… forcément. Quoi de plus héroïque qu’une longue moustache trempée dans un café au lait ? Cela dit en passant, nous n’aurons plus de lait pour demain… fini le café adouci.
Bazil s’était vite habitué à l’humour simple de Scratch. La nature de son ami n’avait pas été un souci et un lien s’était très vite tissé entre eux. Ils partageaient une table commune à chaque repas, des entraînements matinaux analogues et nombre de pauses ensemble. Le Skaven venait jusqu’à discuter avec lui quand il n’y avait pas trop d’activité pendant son quart. Ils échangeaient le tabac, les bonnes adresses à Saline et même certaines réflexions sur les rares femmes qui les entouraient. Ils s’étonnaient de trouver des détails identiques risibles ou attractifs.
Bazil avait vite compris que l’apparence d’une créature ne faisait pas sa pensée et encore moins son cœur. Scratch était le compagnon de voyage idéal. Il était taquin mais savait être compréhensif quand l’occasion n’était pas à rire. Son équipement n’était que peu adapté à une frégate armée mais son agilité et sa vivacité d’esprit comblaient largement cette défaillance. C’était, de plus, un excellent matelot et combattant aguerri à qui il faisait bon de faire confiance. Combien de fois l’avait-il aidé pendant sa formation, ses quarts de nuit ou les batailles navales ?
Il n’avait peut-être pas trouvé qui était le protégé de l’homme-rat, mais il avait gagné un ami. Le Joker les avait prévenus de faire attention au charme potentiel de la créature, avertissement ignoré par Bazil. Le Joker n’arrivait pas à comprendre ce qui poussait Garh de la Tour à essayer de tuer ses espions, comment pouvait-il dire que Scratch ne resterait pas leur allié ? Le rat avait prouvé sa fidélité pendant la bataille de la veille. Sans lui, Elyana aurait d’autres soucis que la perte de magie de Valinor. Voire qu’elle n’en ait plus du tout.
–Tu penses que ça va continuer longtemps comme ça ?
–Hm, de quoi tu parles Bazil ? Je viens de te dire qu’il n’y aurait plus de lait.
–La guerre, les combats… les morts, insista Bazil. Valinor a perdu toute trace de magie et tant des nôtres sont morts, tout ça pour rien.
–Comment ça pour rien ?! Nous avons vaincu Bazil et c’est là ce qui est important. Oui, nous avons perdu des amis… amis que je connaissais bien mieux que toi d’ailleurs. Mais leur mort n’est pas vaine. Ce navire allait vers Saline sans aucun doute, imagine les dégâts qu’ils auraient pu faire s’ils rejoignaient les forces de Rachess. Quels ordres le Joker ou je ne sais quel autre génie stratège aurait pu leur donner.
Bazil feignit l’incompréhension. Comment était-il possible que Scratch soit au courant de la destination finale de la Voile Pourpre ? S’il savait aussi pour le Joker, se pourrait-il qu’il soit tout autant au courant pour eux ?
–Le Joker ? Il est à Saline ?
–Évidemment Bazil, tu n’es qu’un humain mais n’en sois pas sot pour autant ! Rachess a toujours été proche de ses hommes et ils sont de plus en plus nombreux à arpenter les rues de la capitale. Le Joker est son bras droit et son espion le plus fidèle, peut-être même est-il son seul ami… pourquoi seraient-ils séparés ? Je te le dis moi, ça va bientôt se bouger tout ça. Nous rapportons trop de prisonniers pour qu’ils puissent rester à ne rien faire plus longtemps.
–C’est terrible…
–Non, c’est normal, c’est la guerre. Et puis, tu verras que vu comment Rachess est efficace elle arrivera à nous reprendre tous ses bonshommes.
Ce n’était pas la première fois que Scratch parlait ainsi des forces de Rachess. Il semblait en être extrêmement respectueux malgré le fait qu’ils soient ses ennemis. C’était d’autant plus étonnant que Scratch haïssait le reste des esclavagistes qu’il ne considérait pas plus qu’un tas d’abrutis sans cervelle ni volonté propre. La cavalière avait dû marquer le Skaven d’une manière ou d’une autre car il ne pouvait s’empêcher de parler du Joker comme d’un prodige et d’elle comme d’un génie stratégique.
Bazil eu soudain un doute quant à sa mission. Le Joker n’avait jamais parlé ni d’exécution ni de meurtre, il ne les avait envoyés sur l’Incendiaire que dans le vague but d’enquêter. Pourtant, il était évident qu’il savait que Scratch était à bord. Se pouvait-il que ces deux-là se connaissent ? Si oui, quelles pouvaient bien être les intentions de leur employeur ?
Elyana vint troubler ses réflexions et il la suivit dehors. Elle prit le soin de garder le silence jusqu’à ce qu’ils atteignent le gaillard avant, elle paraissait inquiète. Ayant vu sa mine, Kerlinor s’était joint à eux. La meneuse attendit quelques instants qu’il donne une dernière directive et se lança sans retenue.
–Nous avons un problème. Vous l’avez tous les deux vu et Anthor confirme mes pensées : Valinor est en train de devenir fou. L’absence de magie a altéré son être, son odeur a changé ainsi que son comportement. Il est devenu craintif, renfermé sur lui-même, cachotier. Je vais peut-être loin… mais on ne peut plus lui faire confiance. Bazil m’a dit qu’il parlait des événements récents dans son sommeil, Kerlinor tu m’as dit qu’il avait refusé certains de tes ordres et il ne m’a pas fait de rapport depuis sa blessure. La seule chose qui lui reste est une rancœur forte envers moi et une soif inassouvissable de pouvoir.
–Si c’était notre seul problème. D’ailleurs, il fallait que je te parle d’un truc Elyana… Ça peut attendre, se reprit Bazil.
–Non, plus rien n’attend. Nous entrerons dans deux jours à Saline, je devrai faire mon rapport le soir même et avec ce que j’ai pour l’instant Valinor est un homme mort.
–Bon, à toi de gérer après. Le cristal d’Éther a recommencé à se manifester. Je t’avais dit qu’un soir j’avais l’impression qu’il chuchotait dans mon esprit une multitude de paroles incompréhensibles ? Eh bien ça a recommencé et je peux t’assurer que ce n’est pas avec moi que parle le cristal. D’une manière ou d’une autre il arrive à dialoguer avec Valinor qui est sur le hamac juste en dessous. Je ne sais pas ce qu’ils se disent mais ce qui est sûr c’est que Valinor cherche à combler son vide magique et qu’il ne serait pas contre devenir un Éther.
–Pause ! Tout le monde s’arrête, je ne comprends rien ! intervint Kerlinor d’un ton agacé. C’est quoi ce cristal ? D’où vous le sortez et comment peut-il « communiquer » ?
Elyana regarda Bazil un instant puis prit une grande inspiration.
–Ce que je peux t’expliquer de sûr c’est que Bazil et moi nous sommes vus transportés dans un endroit très loin au nord de ces terres.
Tandis qu’elle parlait Bazil eut un frisson dans le dos. Son corps tout entier se rappelait ces voyages impromptus à la Forteresse de Glace. Il se remémorait chacune des sensations que son esprit avait vécues bien que son enveloppe charnelle ne fût pas présente. Tout avait commencé avec cette elfe noire et avait fini avec ce satané cristal qu’il avait enfermé dans un coffret d’acier pensant que le métal froid les rendrait tous insensibles à l’immense pouvoir des Éthers.
Mais ce n’avait pas été le cas, ou du moins que partiellement. Dans les jours qui avaient suivi leur retour, le cristal avait commencé à lui parler. Ce n’était pas vraiment des mots, plus un charabia de pensées qui filtraient au travers de l’anti-magie. La magie des Éthers était celle des âmes et des esprits et le cristal était un concentré des eaux mystiques du fleuve qu’ils avaient vu. Il était donc composé d’âmes et de pensées des défunts comme des vivants. L’artefact avait perçu, d’une manière qu’ignorait Bazil, le manque constant auquel était sujet Valinor et il cherchait à le combler.
–On ne peut pas laisser Valinor s’approcher du cristal, continuait Elyana. Il assouvirait sûrement sa soif récente de magie, mais il le noierait. L’Éther a une utilisation des plus dangereuses. Ses adeptes passent leur vie à s’y former et pourtant nombreux sont ceux qui s’y perdent. La magie s’accapare leurs esprits et laisse leurs corps à l’état de légumes, le fleuve les entraîne dans son courant…
–Je vais essayer de m’y faire mais il va me falloir un peu de temps, rumina Kerlinor. Que pouvons-nous faire ?
–Je ne sais pas, rien… Une fois le contact établi, il me paraît impossible de le sectionner ou alors il faudrait établir une distance énorme entre le cristal et Valinor, et ça nous ne pouvons pas le faire. Ce qui est sûr, c’est qu’il ne faut pas que Valinor comprenne ce qui lui parle. Cache le coffret Bazil, sois sûr qu’il reste hors d’atteinte.