PAUL MORIN, ancien capitaine de lanciers, propriétaire d’une fonderie : M. BEAUVALET.
PIERRE DURAND : M. DUAUT.
M. HUBERT, propriétaire : M. PECRUS.
M. RAYMOND, employé dans les ponts-et-chaussées : M. EUGÈNE.
JULIEN, ancien lancier : M. BARON.
Le MAIRE du lieu : M. MELCHIOR.
JEAN, domestique de Paul Morin : M. PAUL.
JÉRÔME, vieux berger des Pyrénées, sorcier : M. DUBOURJAL.
BLANCHE, ouvrier de la fonderie : M. GILBERT.
PIERRE, ouvrier de la fonderie : M. JOLY.
JUSTIN, ouvrier de la fonderie : M. BOURGEOIS.
Un OUVRIER : M. ROGER.
Un NOTAIRE, personnage muet.
Madame MORIN, mère de Paul Morin. : Mad. VERTEUIL.
MARIE, fille de M. Hubert : Mad. MAZURIER.
MARGUERITE, domestique de Paul Morin : Mad. ÉLÉONORE.
Invités, Ouvriers, Hommes et Femmes du peuple, villageois, etc.
La scène est à Céret, aux environs de etc., en 1816.
Le théâtre représente un grand appartement ouvert dans le fond. Sur le côté des portes latérales. Le rideau du fond représente le Canigon.
Paul, Marie, Madame Morin, Monsieur Raymond, Monsieur Hubert, Julien, Un notaire, Marguerite, Le maire, Ouvriers.
Tous ces personnages, excepté Raymond, sont autour d’une grande table, assis ou debout ; Raymond est sur le devant de la scène.
Et mon diable de berger qui ne se montre pas… Je connais le caractère faible et superstitieux de Marie… son apparition seule aurait pu retarder la cérémonie, et me donner un rayon d’espoir !… C’est fini… le contrat va se signer… Paul Morin l’emporte… ah ! nous verrons, je me vengerai ou j’y perdrai mon nom.
Monsieur le maire, veuillez bien accepter nos remerciements ; vous allez marier nos enfants, et vous daignez assister à la cérémonie et signer au contrat.
Ce que nous ferons à la mairie sera un devoir… Ce que je fais ici est un plaisir.
M. le maire !… croyez…
Pardon… Il est un privilège attaché à mes fonctions, qu’aujourd’hui surtout je réclame il s’approche de Marie Madame Paul-Morin, voulez-vous me permettre de vous embrasser.
M. le Maire, c’est moi qui vous présente ma femme.
Mes enfants, acceptez mes compliments et mes vœux pour votre bonheur.
Dites donc, mon capitaine… c’est bien joli un jour de bataille ; mais il vaut mieux encore un jour de noces ?
Sans doute Julien… Vois comme elle est jolie !… Je vais être heureux, mon camarade, je l’espère… et quand tu auras choisi une femme, nous te marierons à ton tour… nous trouverons moyen d’employer madame Julien, et tu ne nous quitteras pas.
Jamais, mon capitaine.
Permettez, M. Paul, qu’à mon tour…
M. Raymond, je sais que vous avez désiré la main de Marie, et vous le voyez… j’ai été plus heureux que vous ; mais rien de plus naturel que sa préférence… vous êtes étranger dans la commune, quelque temps de séjour dans ce pays, où vous avez été envoyé en qualité d’ingénieur, ne pouvait balancer tous mes titres : enfant de ces montagnes, mes premières années se sont écoulées auprès de Marie, et notre amour a grandi avec nous… Je sais toute l’amitié qu’a pour vous mon beau-père, M. Hubert, et j’espère que la préférence que l’on m’a accordée ne nous brouillera pas…
Bien, mon fils, je vous remercie.
Ah ! Monsieur… croyez… certainement à part, que Jérôme vienne avant la bénédiction nuptiale, et nous verrons la fin de tout ceci…
Ma mère !… car je puis maintenant vous donner ce nom…
Ma fille ! toi seule manquais au bonheur de Paul : il va être dès ce jour tout entier dans tes mains !
Excellente mère !
Allons, mes amis, nous voilà tous heureux… ne nous attendrissons pas… L’époux est content de la dot… moi je trouve le douaire convenable ; signons le contrat… M. le Maire… veuillez signer le premier.
Très volontiers, il signe.
Voilà M. Raymond bien attrapé… mais après tout… s’il est raisonnable, il verra bien que mademoiselle Marie ne pouvait pas balancer entre mon capitaine et lui… mon capitaine est jeune, riche, aimable, bon, et puis la croix qu’il a gagnée, j’ose le dire… Tiens, voilà M. Raymond qui se dispose à signer au contrat… allons, il prend son parti…
Au marié, maintenant se retournant. Eh ! bien, où êtes-vous donc, Paul ?
Un moment, M. Hubert, un moment… il nous manque un ami, Pierre Durand… il ne peut pas tarder à venir, car j’ai envoyé vers lui ce matin, et je vois mon courrier qui descend de cheval.
Les mêmes, Jean.
Eh bien ! Jean… quelles nouvelles ? Pierre Durand te suit sans doute ?
M. Durand ?… non, Monsieur.
Comment ! il ne vient pas ?…
Non, Monsieur…
Manquer à ma noce !…
Monsieur, c’est que je ne l’ai pas trouvé.
Il était donc déjà parti… mais alors comment ne l’as-tu pas rencontré en chemin ?…
Mon capitaine, vous savez que M. Pierre Durand est coutumier du fait, et je gagerais qu’il se sera égaré dans la montagne, et qu’il aura demandé son chemin à quelque joli petit minois chiffonné qui l’aura désorienté… et voilà !
Si ton ami ne vient pas, j’espère que son absence ne te fâchera pas assez pour t’inquiéter…, tu ne voudrais pas être triste aujourd’hui.
Non, ma bonne Marie, non… mais tu sais combien je lui suis attaché… nés le même jour, partis ensemble pour l’armée, pendant dix ans nous avons partagé les mêmes périls… les mêmes grades, les mêmes honneurs nous étaient toujours accordés en même temps, et je suis fâché de lui voir montrer cette froideur dans une pareille circonstance.
Il va venir peut-être…
Oui, oui, il viendra… Julien aura tort… aujourd’hui Pierre-Durand ne doit penser qu’à l’amitié, aussi bien, je ne suis pas fâché de ce moment de retard.
Ni moi… Il donnera à mon sorcier le temps d’arriver…
Il me vient une idée que je prétends mettre à exécution. Julien… ma mère… venez avec moi.
Comment, tu me quittes ?
Paul parle bas à sa mère et à Julien ; pendant ce temps Jean s’approche de M. Hubert.
M. Hubert, ça se trouve bien qu’il s’en aille… faut que je vous parle en secret…
À mon père ?
Et à vous aussi mademoiselle Marie !… c’est important…
Comment ?
Chut !
Ma foi, vous avez raison, mon capitaine, mademoiselle Marie, vous ne vous attendez pas à la surprise… ça va faire plus d’effet dans le village.
Paix donc, Julien !
Vous pouvez compter sur l’impatience des futurs.