Toutes nos recettes sont réalisées avec des produits choisis en fonction du respect de la nature et d'une approche écologique et bio.
Après 12 ans au service de mes hôtes au restaurant "Chez Nous" me voici aux commandes de mon nouvel établissement "La Cuisine Du Futur"
Mon concept :
Faire le meilleur pour mes convives tout en respectant leur santé et en préservant notre planète.
Le restaurant sera ouvert, les vendredi soir et samedi soir (et sur réservation spéciale).
Ce sera une joie de vous recevoir et de partager avec vous ma cuisine et mes passions.
Je vous retrouverai à Boirs dans la Vallée du Geer
(à 10 minutes de Liège - autoroute Liège-Anvers).
A bientôt • Benoît Crespin • Réservation : 0486 39 41 16 - 04 380 38 04
www.lacuisinedufutur.be • “Nous suivre sur Facebook : “La cuisine du Futur””
Nous voici à la croisée des chemins entre l′avant et l′après, le passé et le futur. Nous sommes sur le point de bouleverser notre manière de consommer et de vivre, nos habitudes alimentaires, notre vision de la gastronomie : le train est en marche. La révolution pas très loin.
Après des décennies de créativité et de dîners somptueux pour nos palais, notre façon de consommer va connaître une mutation à grande échelle.
La gastronomie occidentale a connu de multiples changements. Au départ de manière lente, car les acquis de base reposant sur des siècles d′évolution étaient bien ancrés, ensuite de manière accélérée. Ces avancées proviennent du travail acharné de grands restaurateurs, de grands chefs, d′hommes visionnaires, qui n′ont eu cesse de rechercher l′excellence et la différence. Ils ont eu l′opportunité de mettre leur talent en exergue pour notre plus grand plaisir.
Ils ont ainsi pu puiser dans leur imagination sans contrainte. Ils ont également bénéficié de l′arrivée de produits importés du monde entier, quelle que soit leur origine ou la saison.
La médiatisation due aux nouveaux moyens de communication ont fait de certains des stars (Paul Bocuse, Roger Verger, George Blanc, Michel Gérard…). J′ai eu la chance de travailler à leurs côtés et de les observer. Ils méritent notre reconnaissance, quand on sait à quel point leur métier est exigeant mais ô combien merveilleux.
La technologie, les matières premières modernes et les ustensiles adaptés ont contribué à leur succès.
Les guides gastronomiques qui les ont sans relâche poussés à l′excellence ont fait le reste.
Doit-on voir dans ce changement annoncé la fin d′une époque ? Oui, certainement ! Doit-on regretter cette période bénie ? Sans aucun doute…
Doit-on avoir peur de l′avenir ? Surtout pas car la société évolue, s′adapte à l′univers qui l′entoure et c′est justement ce cadre de vie qui va pousser les grands décideurs de notre « bien manger » à revoir leur copie.
D′où vient le changement ? Citons dans le désordre les facteurs économiques, écologiques et de santé. Sans oublier cet éternel besoin de partir à la découverte de nouveaux horizons.
L′art culinaire est en question et c′est tant mieux ! Une nouvelle ère va s′ouvrir, menant vers des terres vierges qu′il faudra explorer et apprivoiser.
Nous, passionnés du « bien manger », allons participer à cette révolution gastronomique.
Certains produits de consommation vont disparaître de nos assiettes et d′autres jusqu′alors inattendus vont y prendre place. Des produits qui ont été transformés vont reprendre leur place originelle dans notre quotidien.
Les cuisiniers, les chefs, les producteurs et distributeurs vont devoir s′adapter, apprendre à appliquer certaines principes qui leur étaient jusqu′ici inconnus.
Le métier de restaurateur va lui aussi beaucoup évoluer et exigera des connaissances générales équivalentes à celles d′autres disciplines dites « intellectuelles ».
Une personne qui cuisine a une responsabilité très importante, voir capitale envers la société. Cette responsabilité a été banalisée, malmenée et sous-estimée au fil du temps. Un être humain a besoin pour vivre de respirer, de boire, de manger et, en cas de nécessité, d′être soigné. Dès lors, pourquoi le niveau d′études entre les professions de cuisinier et de médecin est-il si différent ? Tous deux ont la responsabilité de la survie de notre corps.
L′alimentation médicale (diététique), voilà un des enjeux de la cuisine de demain.
Qu′introduit-on dans notre corps ? De la nourriture, des liquides, de l′air, et des médicaments. A l′avenir, le restaurateur et le médecin en auront la responsabilité. Ils seront complémentaires et indissociables l′un de l′autre alors qu′actuellement, un fossé les sépare.
Les crises alimentaires qui ponctuent notre quotidien depuis plus de 20 ans sont un signal d′alarme que nous ne pouvons plus ignorer (ex : « vache folle », grippe aviaire, …) Notre devoir est de nous montrer d′une vigilance extrême vis-à-vis des dérives occasionnant de telles crises. Le cuisinier est le dernier bastion entre le producteur et le consommateur. C′est à son niveau qu′une décision importante peut être prise : accepter ou non de servir tel ou tel aliment.
40 % de la population européenne est victime de surpoids. Sont-ils coupables d′être des gros ? Non ! Ils sont avant tout les victimes d′une société basée sur la surconsommation et sur le plaisir à court terme. Le cuisinier devient alors l′ambassadeur du « bien manger », du manger honnête et responsable. Mais son plus grand défi sera de concilier goût et qualité, sans tomber dans le piège de la malbouffe et des dérives sur nos organismes.
Car notre corps est unique : c′est notre seul véhicule de vie. Certaines « pièces » peuvent être changées. L′entretenir d′une manière responsable doit devenir une philosophie de vie et une préoccupation du quotidien. En tant que citoyens responsables, il ne nous viendrait pas à l′idée de faire le plein de notre voiture avec un carburant mal adapté. Il en est de même pour notre alimentation.
La notion du mot « bon » doit être repensée. Un aliment est-il bon en bouche ou est-il bon pour la santé ?
La phrase « j′ai bien mangé » doit prendre toute sa signification et ce, à plusieurs niveaux. La saveur, la présentation, le cadre dans lequel le plat est servi restent des éléments importants. Mais aujourd′hui, viennent s′ajouter deux éléments nouveaux : les bienfaits que cela nous apporte en matière de santé et le respect de ce que la terre et la mer veulent bien nous offrir.
Nous devons en finir avec la malbouffe tel un fumeur qui a décidé d′en finir avec le tabac. Fini les repas où nous nous levons de table le ventre lourd après le plaisir de la dernière bouchée. C′est notre corps qui subit les affres d′un repas mal conçu et mal équilibré (« Il n′y a qu′une cuisine : la bonne », ne l′oublions pas !). Retour aux produits locaux et de saison.
Les clients eux aussi évoluent : on compte de plus en plus de végétariens, végétaliens, frugivores, de personnes allergiques, sensibles à leurs besoins et à leurs manques. C′est dans cet esprit de complémentarité que le cuisinier va devoir repenser son travail et être à l′écoute de leurs desiderata.
Quant aux produits bio, ils vont définitivement reprendre une place de plus en plus prépondérante dans notre assiette pour redevenir la norme, non seulement pour leurs vertus gustatives mais surtout parce qu′ils sont exempts de toxicité. Les compléments alimentaires ne sont pas en reste ; galvaudés à une certaine époque, ils reviennent en force grâce à des formules de qualité et sûres. De quoi entretenir notre capital-santé !
Le respect de notre environnement doit devenir le « fil rouge » de notre quotidien. Il faut protéger les denrées animales et végétales qui sont menacées contre les inconscients qui sont prêts à mettre le prix pour les consommer.
La filière agro-alimentaire est également un secteur qu′il faut tenir à l′œil, car bien des dérives y sont constatées quotidiennement : manipulations génétiques, élevage industriel, spéculations boursières sur le prix de l′alimentation, sans parler de l′élevage industriel (usines à viande) et abattoirs aux pratiques moyenâgeuses, voire barbares.
Les professionnels ont désormais un devoir qui leur incombe : respecter l′équilibre de la nature dans les assiettes, et donner ainsi une nouvelle dimension au service qu′ils proposent. Il est d′usage de dire que le client est roi, alors le servir avec tous les égards qu′il mérite, oui, mais pas à n′importe quel prix !
Nous devons chérir notre passé culturel et gastronomique, être bienveillants de tous nos acquis qui sont la base des techniques et des connaissances de la cuisine d′aujourd′hui. Nous devons nous en servir pour aborder le futur qui s′offre à nous. C′est une véritable autoroute de créativité et de vigilance qui nous attend. Tous les grands chefs, guides, meneurs, innovateurs, … vont devoir montrer la voie. Pour moi, le meilleur d′entre eux sera celui qui réussira à conjuguer respect, authenticité, bien-être et passion.
Il est nécessaire de repartir d′une feuille blanche, de réapprendre à savourer des produits isolés, comme une pomme, juste le goût d′une simple pomme cueillie à la pleine maturité de sa saison et non plus un produit travaillé, lyophilisé, pollué, démembré puis reconstitué, servi dans un emballage aussi développé qu′un paquet cadeau.
« La cuisine, c′est quand les choses ont le goût de ce qu′elles sont » Curnonsky.
J′ai récemment fait un test dans une cuisine où je pratique. J′ai bandé les yeux de mes cuisiniers et leur ai fait goûter des produits de base divers : légumes, viandes, poissons, végétaux et fibres… avec pour mission de les reconnaître. Le résultat a été décevant, comme je le craignais. Un véritable désastre pour des ouvriers qui avaient fait de leur passion leur métier. Trop de produits ont été travaillés depuis longtemps et mélangés les uns aux autres pour reconnaître leur saveur première. Les préparations culinaires de demain ne devront être constituées que de 4 à 6 composants, ce qui permettra à chacun d′entre eux de garder son goût d′origine.
Notre façon de nous alimenter est à réapprendre : le maintien, le manger lentement, la mastication, le respect des temps de digestion, … Nous devons remettre en cause le schéma habituel des repas. Fini les dîners « entrée, plat, dessert » ! Fini le concept de l′assiette classique (une viande, un légume, une pomme de terre) ! Bienvenue aux repas légers, aériens, colorés, savoureux, innovants, en accord avec notre temps.
C′est dans cet esprit que vous et moi allons, dans ces pages, découvrir avec joie et allégresse ce qui nous attend dans la cuisine du futur.
Voyageons dans l′histoire pour prendre conscience de l′aspect primordial des pratiques culinaires.
Notre métier n′est pas le plus vieux du monde, mais il tient ses origines il y a de cela bien longtemps.
On peut raisonnablement penser que tout a démarré il y a environ 2,5 millions d′années avec l′apparition des premiers représentants du genre Homo.
Ils sont omnivores mais, dans un premier temps, ils se nourrissent aussi bien de végétaux que d′animaux, même si ces derniers ne constituent pas au départ la base de leur alimentation.
Le repas est composé d′herbes sauvages, de bourgeons, de jeunes pousses, de racines, de fruits et de baies.
Le caractère omnivore de nos lointains ancêtres est un avantage, car ils peuvent se nourrir de tout, et une contrainte car il leur faut presque de tout pour survivre. Heureusement, hier comme aujourd′hui, l′homme s′adapte à l′univers qui l′entoure, même si celui-ci est parfois extrême (régions polaires ou très chaudes). Cette flexibilité alimentaire lui permet de survivre aux saisons de sécheresse et aux refroidissements de l′hiver.
Petit à petit, les hommes du Paléolithique se mettent à consommer de plus en plus de viande, d′abord des animaux de petite taille faciles à attraper, voire des animaux morts qu′ils dévorent tels des charognards.
Ils sont souvent eux-mêmes des proies. Ainsi, il n′est pas rare de les voir grimper aux arbres avec leur pitance pour se nourrir à l′abri de leur propre prédateur.
Rappelons qu′à cette époque, l′homme est très loin de dominer le monde. Il est quasi comme un animal parmi les autres… Il a juste ce « petit plus » qu′est l′intelligence qui lui permet de maîtriser l′univers dans lequel il évolue, d′avancer et de poursuivre son inexorable ascension.
Les années passent et l′homo sapiens prend confiance. Il se risque à la chasse qui lui permet de garnir son garde-manger car, pour survivre dans cet univers hostile et combler ses dépenses physiques, il a besoin d′énergie. Il brûle quotidiennement en moyenne 3000 à 5000 calories contre 2000 aujourd′hui.
Les apports en protéines augmentent à leur tour. A l′inverse, les lipides sont peu abondants car la consommation de produits laitiers n′est pas encore maîtrisée à cette époque. Il faudra pour cela attendre que l′homme pratique l′élevage.
Nos ancêtres du paléolithique supérieur consommaient dix fois plus de fibres que nous, trois fois moins de sel et très peu de sucre, excepté sous forme de fruits, de miel et de baies.
On peut donc en conclure que sur bien des aspects, leur alimentation était plus saine que celle d′aujourd′hui, alors que leur univers était bien plus rude qu′il ne l′est actuellement.
L′homo devient de plus en plus « homme ». Cette époque est celle de la découverte du feu et surtout de sa maîtrise qui a permis de réaliser les premières « cuissons ».
Il n′est pas établi que nos ancêtres ont pris l′initiative de cuire les aliments par pur soucis de goût, mais plutôt pour faciliter le découpage, le masticage et la digestion d′aliments tels que la viande.
Nos ancêtres devaient être des experts en barbecue !
C′est aussi le début de l′utilisation d′ustensiles, pierres plates aiguisées pour la découpe, outres en cuir pour les liquides ou bols en bois qui font office de premiers récipients à manger.
Une action humaine telle que le salage destiné à la conservation a été une autre étape toute aussi importante dans cette évolution.
Nos ancêtres étaient des nomades. Ils ont suivi le rythme des saisons et de la migration des troupeaux pendant des milliers d′années.
Pendant cette évolution, ils prennent conscience de leur potentiel et apprivoisent leur environnement. Ils préfèrent élever de petits animaux et cultiver plutôt que de cueillir ce qui pousse à portée de leurs mains. Ces pratiques leur permettent de se sédentariser. Ainsi, les premiers villages naissent.
Une explication suggère l′émergence d′une nouvelle conception du monde.
L′homme s′élève au-dessus des autres espèces qu′il côtoie. Environ 10.000 ans avant notre ère, l′Homo sapiens cesse de se considérer au même niveau que les végétaux et les animaux. Il a conscience de son pouvoir de réflexion et de son emprise sur les éléments. On verra plus tard que cette attitude de toute puissance et de vanité lui causera bien des soucis. « On peut vivre de différentes manières au-dessus des lois de l′homme créées par l′homme mais pas au-dessus de celles de la nature ».
C′est dans les régions du Proche-Orient que l′on retrouve les premières traces d′agriculture organisée : on y sème des céréales (blé, orge) et des légumineuses (lentilles, pois chiches).
L′agriculture et l′élevage vont de pair. La domestication permet d′introduire dans le régime alimentaire le lait source de calcium, indispensable à la croissance tant pour les os que pour la dentition.
Le lait est la première source de vie pour les nouveau-nés. Il a donc une forte dimension symbolique.
La pêche fait aussi partie des actes nourriciers. C′est ainsi que beaucoup de villages ont trouvé émergence sur les bords de cours d′eau, non seulement pour la pêche mais aussi pour l′irrigation des cultures.
On retrouve les premiers bastions de la « colonisation humaine » organisés au bord du « croissant fertile », cette vaste zone où coulent l′Euphrate, le Tigre, le Jourdain et le Nil.
On peut commencer à parler de variétés dans les produits consommés.
Cette nouvelle diversité leur permet de mélanger les aliments entre eux et donc d′établir des préparations plus harmonieuses. On commence à parler de savoir-faire et de recettes de cuisine. Les plus anciennes retrouvées à ce jour proviennent du royaume de Babylone (situé dans l′Irak actuelle) sur d′anciennes tablettes gravées datant de plus ou moins 1700 avant JC. Rédigées sous l′ancien royaume de Babylone, on y décrit des bouillons de légumes, de céréales, de viande diverses, ainsi que des tourtes de volaille.
Il est intéressant d′imaginer l′organisation du repas des travailleurs de la construction des pyramides. Au-delà de l′œuvre architecturale, la logistique demandée pour alimenter des milliers d′hommes affamés, quel casse-tête pour ces « intendants » de l′impossible !
On y est… On peut raisonnablement qualifier les responsables de ces mets de premiers « vrais cuisiniers ».
Il ne s′agit pas juste de faire à manger mais de rentrer dans un processus social et hiérarchisé qui démarre du cultivateur, du pêcheur, et de l′éleveur, jusqu′à l′assiette. Pour les invités ou dans un cadre familial, le moment du repas devient l′occasion de se réunir, il soude les clans; il devient un moment de partage, rôle qu′il tient encore aujourd′hui mais qui est devenu un peu galvaudé de nos jours (un belge sur 4 prend son repas en famille).
Au temps de l′Egypte ancienne, les pharaons garantissent la nourriture pour tous afin de préserver une stabilité au sein du peuple et assurer leur pouvoir royal. Ils y parviennent avec efficacité en contrôlant les récoltes, y développent des systèmes d′irrigation, constituent des réserves, … Bref, avoir les clefs du garde-manger, c′est avoir et conserver le pouvoir.
On peut constater un parallélisme intéressant entre le Moyen-Orient et l′Occident; presque 4000 ans plus tard, un programme d′échange instauré par l′ONU pour venir en aide à l′Irak après les ravages de la guerre du Golf (pétrole contre nourriture).
Avons-nous vraiment évolué ?
L′alimentation devient un moyen de pression, une récompense pour le travail accompli. La main d′œuvre doit travailler le ventre plein. Au fur à mesure que le temps passe, des différences sociales se creusent dans le peuple. La viande et les graisses sont réservées à l′élite alors que le reste de la population se contente de galettes de pain et de légumes (oignons, dattes, raisins).
Cette priorité d′accès aux denrées riches n′aura par contre aucune difficulté à traverser les siècles; les mauvaises habitudes ont la vie longue.
A cette époque, la nourriture accompagnait les hommes jusque dans leur tombe afin qu′ils puissent se nourrir dans l′au-delà, c′est dire l′importance accordée à la nourriture.
Alors… toujours sceptique sur l′importance de notre métier ?
Lorsque les peuplades romaines se répandent à travers l′Europe et au-delà, l′alimentation va connaître une nouvelle évolution. On ne se contente plus de consommer ce que l′on trouve à proximité et ce que l′on cultive mais on commence à importer des denrées venues de loin : légumes, épices, herbes variées et poissons pêchés en mer tels que rougets, congres, murènes,… Les premiers crustacés font leur apparition.
Les rois de leur monde organisent des banquets, des orgies, des beuveries car il faut s′auto satisfaire de la réussite du grand Rome. Mais le peuple se contente bien souvent de pain et d′eau.
A travers ces évolutions, le métier de cuisinier se fragmente, il y a maintenant les boulangers, les bouchers, les charcutiers, de véritables brigades se constituent avec à leur tête un chef et des marmitons.
Il faut nourrir les « dieux » et pour les contenter, il leur faut déborder d′imagination et de créativité.
Les bêtes se servent entières, agrémentées de boudins, de fruits exotiques, de garnitures en tous genres.
L′ostentatoire est de mise, il faut impressionner les invités ; on atteint la démesure.
A cette époque, un personnage emblématique se fait connaître par son métier. Ce « chef », du nom d′Apicius, cuisinier de l′empereur Tibère, ouvre une école de cuisine. Il est aussi l′auteur du recueil « De re coquinaria ». Il y met sur papier 458 recettes, sa créativité est sans égal et les moyens dont il dispose sont sans limites. Il est le premier d′une longue série de stars du fourneau.
Il finira par se donner la mort.
Un bien mauvais présage qui hélas en appellera d′autres. C′est déjà dire la difficulté de ce métier à peine naissant.
Revenons en terre sainte au début de notre ère. Il y est question d′un dîner frugal composé de vin et de pain, un petit dîner sur le pouce entre vieilles connaissances, un total de douze convives plus un.
Même si certains ont toujours méprisé la nourriture et ses bienfaits, on ne peut nier la valeur symbolique de se retrouver « entre amis à une même table », surtout lors de ce fameux dîner « dont on parle toujours » ! Comme quoi, un simple repas peut marquer l′histoire.
Après ce saut dans le temps, même si une évolution réelle s′est faite sentir, une ère nouvelle s′ouvre dans le monde de l′art de la table. Nous entrons dans le siècle où les clivages sociaux continuent à avoir la dent dure, voire très dure. On peut même avancer qu′elle va trouver ici ses lettres de noblesse et pas pour le bonheur de tous.
Fini le temps de la chasse et de la cueillette pour faire vivre la tribu. Fini le temps du partage sans aucune compensation. Voici venu le temps des clercs, des chevaliers et des paysans.
Les riches avec les riches et les pauvres… on s′en fiche (autre parallélisme avec notre société actuelle).
Pour les puissants, l′approche de la nourriture garde par bien des façons des valeurs symboliques. Les hommes se nourrissent « selon la qualité de l′individu », de manière conforme au rang qu′ils occupent, de manière à se distinguer du paysan.
La quantité est un facteur, mais pas seulement. Celui d′en haut consomme au cours de longs festins beaucoup de volailles volant haut dans le ciel (faisans, paons, cygnes, hérons, cigogne,…). Ces grands volatiles dominent les autres créatures, ils représentent la hauteur dominante sur ceux qui évoluent sur le plancher des vaches.
Les gens d′en bas se contentent bien souvent des produits de leur maigre élevage et des légumes de leur récoltes.
A la fin de la période médiévale, entre le début du XVIème et la fin du XVIIème siècle, les évènements vont venir bousculer les habitudes alimentaires au sein de toutes les classes sociales.
L′explication est arithmétique : la grande peste de 1348, la guerre de cent ans et les famines ont décimé les paysans. Les terres qu′ils cultivaient se muent en forêts et en prairies naturelles, elles prennent la place des terrains d′élevage et des terres cultivées. La population a fortement diminué et le gibier abonde. Ces évènements feront faire à l′homme un petit pas en arrière dans son inexorable ascension vers ce qu′il croit être le sommet.
Pour bien manger, il faut bien boire et ils ne se contentent pas de boire de l′eau ! Nos aïeuls étaient déjà de sacrés picoleurs : un litre et demi à deux litres de vin par jour et par personne. Le vin est omniprésent dans leur quotidien ainsi que le cidre poiré.
Cervoise et bière sont destinées aux plus démunis, les grands crus font leur apparition, ils résisteront au temps et c′est tant mieux.
Les lois dictées par les chrétiens d′Europe font leur apparition et suivent le calendrier religieux. Des règles puritaines sont instaurées par l′Eglise. La viande, sous prétexte de favoriser le « péché de la chair », est proscrite le vendredi, « jour de la mort du Christ », ou pendant la période de Carême, « période de quarante jours précédant Pâques ».
Ne dit-on pas « le mardi gras », le dernier jour de viande précédant cette période où il est de bon ton de faire la fête ? Il y a aussi les périodes de « jeûne »…
Dans les journées dites « maigres », la viande est alors remplacée par du poisson; sa nature froide et humide ne risque pas d′échauffer les sens.
Ces règles ont favorisé l′intensification de la pêche. Le hareng et la baleine font partie du quotidien des repas.
Il est intéressant de constater l′importance accordée à la nourriture par ces lois catholiques qui, par contre, desserviront quelque peu nos connaissances culinaires de l′époque en condamnant fermement l′écriture de livres de cuisine accusés de glorifier le « péché de gourmandise ». Heureusement cela ne vas pas durer…
De nos jours, même si ces pratiques ont tendance à disparaître en partie de notre quotidien (pas toujours), un exemple reste bien ancré dans la culture musulmane : c′est celui du ramadan durant lequel il est interdit, entre autres, de boire et manger entre le lever et le coucher du soleil.
Au fil du temps, les demeures se modernisent. Au sein des châteaux, une place est réservée à la cuisine car bien manger et surtout bien recevoir est très important. C′est l′occasion d′étaler sa richesse par l′organisation de plantureux banquets où les acrobates, ménestrels et jongleurs croisent les faisans, les cygnes farcis et autres mets somptueux.
Le tout à la française, servi sur de grands plats qui se succèdent jusqu′à plusieurs dizaines posés sur de grandes tables où chaque convive a sa place selon son rang.
Des règles de services sont instaurées. Les plats se succèdent avec ordre et logique; les soupes et bouillons font place aux poissons, viandes et volailles entrecoupées d′entremets; suivent les fromages et desserts. L′ensemble arrosé d′hypocras, un vin aux épices.
Le maître queux n′évolue plus seul au sein de la cuisine. Il dirige une brigade : pâtissiers, rôtisseurs, boulangers, poissonniers se croisent et travaillent ensemble. Les maîtres de cérémonie, responsables des boissons, orchestrent le tout à la plus grande satisfaction de leur maître.
Le repas reste un moment où tout se joue au cœur des communautés. Assis à la même table, on se rencontre, on décide de la guerre ou de la paix, on impressionne les invités, on se marie, on se saoule et parfois on se bagarre.
Toujours manger… mais pas seulement.
Au-delà des cuisines qui évoluent, des brigades qui se forment, des matériaux qui s′apprivoisent et des chefs qui acquièrent de l′expérience, de nouvelles denrées vont venir envahir l′Europe.
Grâce à la multiplication des expéditions et des voyages lointains, les épices vont devenir des denrées courantes servies au repas des nantis. Elles servent évidemment à agrémenter les plats, mais pas seulement. Leur valeur est tellement grande que bien souvent elles sont utilisées comme moyen de paiement, d′où l′expression « payer en espèces », c′est-à-dire payer en… épices.
D′autres expressions de la vie courante utilisées aujourd′hui prennent leurs origines de ces dîners : « l′addition est salée » ou « poivrée ». Le mot banquet provient des repas où les invités prenaient place sur des bancs. Le mot copain vient de celui qui partage sa tranche de pain ! Les exemples d′expression sont innombrables dans notre vocabulaire courant, ce qui souligne une fois de plus l′importance de la nourriture dans notre culture et notre évolution.
Un nouveau tournant s′opère à l′époque de la Renaissance, qui porte bien son nom. La gastronomie va être la grande bénéficiaire de l′influence italienne.
Notre métier trouve ses premières grandes lettres de noblesse. Des livres de recettes apparaissent. Certains y décrivent des recettes compliquées, originales, extravagantes et parfois éblouissantes.
La vaisselle aussi évolue : fini les bols en bois ! On commence à servir dans des métaux précieux : étain, cuivre, argent et faïence.
Si l′époque du Moyen Âge était celle de l′abondance outrancière avec ses dîners lourds et gras, la Renaissance sera celle du raffinement.
Les riches qui méprisaient les aliments des paysans adoptent à nouveau dans leur assiette les légumes de chez eux : carottes, panais, salsifis, épinards, laitue, cresson et chicorée, ainsi que les importés : artichauts, asperges et cardons.
Autre raison à ce changement, la médecine à cette époque n′en est qu′à ses balbutiements et les maîtres queux cherchaient non seulement à régaler leurs mangeurs, mais aussi à les maintenir en bonne santé. « Un bon cuisinier est un bon médecin », disait-on.
Ceux qui traitaient les maladies le faisaient bien souvent en prescrivant des bouillons revigorants, ainsi que des soins à base d′herbes médicinales. Même si pour nous ces méthodes peuvent paraître archaïques, elles représentent en partie la cuisine du futur.
Il faut faire preuve d′imagination, plonger notre esprit dans la passé et se souvenir qu′à cette époque, l′air était pur, l′eau limpide, et la pollution n′existait pas. C′était le temps où la population mondiale n′était que de 500 millions d′individus au 16ème siècle, contre 7 milliards aujourd′hui.
Les animaux consommés étaient élevés en pleine nature; leur nourriture était saine et peu grasse. Le sucre bien trop cher ne tenait qu′une petite place dans les menus. L′huile et le beurre étaient rarement utilisés. D′une manière générale, l′alimentation était bénéfique pour le corps.
Une leçon à retenir pour nous qui ne connaissons plus les bénéfices de ces aliments non pollués.
Au début du 16ème siècle, les réformes protestantes contestent la papauté et dénoncent l′hypocrisie de l′église catholique sur le régime alimentaire qu′elle impose. Pour les protestants, la modération alimentaire doit être une attitude permanente car dans leur esprit, c′est l′excès qui est condamnable alors que les catholiques compensaient les périodes dites maigres par d′autres aliments tout aussi coûteux.