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Ce livre est dédié à mes parents
qui m'ont donné le goût
de la curiosité de toute chose.

PRÉFACE

UNE HISTOIRE EN ÉVOLUTION

Aborder l’histoire d’un territoire peut se faire d’autant de manières qu’il y a de domaines de connaissance, d’époques, de moyens de communication et, surtout, de personnalités différentes ayant décidé, pour des raisons diverses de s’y intéresser. Les publications historiques relatives au département des Pyrénées-Orientales en particulier et aux Pays Catalans en général sont légion, parfois redondantes, souvent complémentaires, et cependant le sujet semble inépuisable. Les grands événements sont biens connus et pourtant sans cesse des sources restées jusque-là inconnues ou inexploitées viennent apporter de nouveaux éclairages. Les petites histoires complètent la grande et la narration des événements poursuit son évolution, au gré des découvertes. N’étant toutefois pas historien moi-même, mais bibliothécaire, ni de souche catalane, bien qu’ayant vécu déjà une quinzaine d’années dans ce département, je me suis néanmoins intéressé à cet héritage, dont j’essaie de transmettre quelques aspects au travers de cet ouvrage.

A ce titre, il me paraît intéressant d’évoquer quelques raisons qui m’ont encouragé à entreprendre la rédaction de ce livre.

La première raison est simple : connaître l’histoire et le patrimoine du lieu où l’on vit est une nécessité. Le présent se construit sur les symboles du passé ; l’histoire d’un territoire permet d’en comprendre les habitants, leurs mentalités et les enjeux locaux. Cela est d’autant plus vrai dans les Pyrénées-Orientales où l’identité régionale reste fortement liée à celle des Pays Catalans, dont elle constitue un élément.

La deuxième raison est une évidence : le bibliothécaire est un être curieux de toutes choses, ayant à portée de main quantité d’ouvrages destinés à assouvir sa soif de connaissance. Le fonds local de ma bibliothèque dispose d’ouvrages traitant de tous les aspects de l’histoire du département, il suffisait de s’en imprégner.

Le papier est l’avenir du numérique

La dernière raison relève également du métier de bibliothécaire. Il ne s’agit pas seulement d’ordonner le savoir disponible et de le mettre à disposition, mais aussi de le transmettre. C’est cette démarche qui m’a incité à m’investir sur internet dans le projet encyclopédique Wikipédia depuis quelques années déjà. Cette entreprise démesurée, décriée par les uns, indispensable pour les autres, vise à rendre accessible à tous l’intégralité du savoir humain. Cet objectif est par avance voué à l’échec, mais il permet toutefois à tout un chacun aujourd’hui d’aborder un sujet, quel qu’il soit, au moins dans ses faits essentiels.

Le travail des contributeurs de Wikipédia est, entre autres, structuré autour de projets regroupant tous les articles se rapportant à un même thème. Il existe donc un projet Pyrénées-Orientales, auquel je participe depuis un certain temps, et regroupant plus de 2 000 articles ayant un rapport de près ou de loin avec ce département. Ce travail m’a non seulement permis d’approfondir ma connaissance de tous les aspects des Pyrénées-Orientales, mais il m’a également obligé, dans son exigence de sourçage des informations, à revenir au livre. En effet, le numérique, aussi paradoxal que cela puisse paraître, ne saurait se passer du papier, principale source de stockage de l’information jusqu’à il y a peu.

Le numérique est l’avenir du papier

J’ai la chance, ainsi que je l’ai déjà dit plus haut, de travailler dans une bibliothèque et également de posséder une bibliothèque personnelle conséquente. Mais cela ne suffit pas toujours et on se tourne ainsi de nouveau vers internet. Dans leur quête sans fin pour transmettre le savoir, on y retrouve alors les bibliothécaires du monde entier. Ceux-ci numérisent aujourd’hui les fonds anciens dont ils sont les gardiens pour les rendre disponibles à tous, donnant ainsi une nouvelle vie aux livres oubliés, journaux disparus et autres vieux papiers improbables. Il suffit par exemple d’explorer les fonds numérisés de la Bibliothèque nationale de France, à travers son serveur Gallica, pour réaliser l’étendue du savoir qui attend encore d’être transmis, y compris concernant les Pyrenées-Orientales. Il semble donc évident que le numérique est également l’avenir du papier. L’un ne va pas sans l’autre.

Enfin, rédiger des articles sur Wikipédia est une chose, raconter des histoires en est une autre. Il a fallu l’intérêt d’un journaliste d’un quotidien des Pyrénées-Orientales pour que je franchisse le pas. J’ai alors tenu une chronique durant l’été 2013 avec pour objectif de faire découvrir des faits peu connus de l’histoire locale. L’ensemble de ces textes semble avoir rencontré son public et a dès lors constitué une base de départ pour l’ouvrage que vous tenez aujourd’hui entre les mains.

Des bibliothèques en passant par Wikipedia, puis par d’autres bibliothèques de papier ou virtuelles, et enfin à cet ouvrage sans doute destiné à se retrouver lui aussi sur une étagère, la boucle est bouclée. Mais ce livre ne doit pas être un point d’arrivée. Si les histoires que je narre ici ont l’heur de vous plaire, je ne peux que vous encourager à retourner dans les bibliothèques, matérielles ou immatérielles, et explorer par vous-mêmes les multiples aspects de notre patrimoine.

AMÉLIE-LES-BAINS

1. LA REINE AMÉLIE

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La commune d’Amélie-les-Bains, réputée pour ses sources thermales depuis l’Antiquité, s’appelait à l’origine Les Bains d’Arles puisque à proximité d’Arles-sur-Tech. Suite à la construction d’un fort en 1670, elle prend le nom de Fort-les-Bains. En 1840, l’établissement thermal est construit. Il est alors décidé de rendre hommage à Marie-Amélie de Bourbon-Siciles (ci-contre), épouse de Louis-Philippe 1er, roi des Français. La ville prend le nom d’Amélie-les-Bains. En 1848, la reine visite la ville, qu’elle apprécie et pour laquelle elle fera alors une promotion enthousiaste.

ARGELES-SUR-MER

2. PAYSAGE DES LANDES

Les plantations de pins en bordure de mer à Argelès-sur-Mer sont de nos jours un élément caractéristique de l’environnement de cette commune.

Pourtant, il y a 150 ans à peine, ces arbres n’existaient pas.

Le littoral roussillonnais était jadis constitué en grande partie de plages, de dunes, de marais et peuplé de moustiques. Avec le temps, les marais ont été asséchés, les plages aménagées et les moustiques ont peu à peu disparu. Au XIXe siècle, le Conseil général se pose toutefois la question sur la manière de rentabiliser ces portions de territoire impropres à la culture, à une époque où le tourisme balnéaire de masse n’existe pas encore. Le projet d’extension de la forêt dans le département des Landes, concrétisé par la loi de 1857, donne des idées à certains. Le Conseil général des Pyrénées-Orientales émet le vœu, dès 1853, de tenter une expérience similaire sur la côte, d’Argelès à Saint-Laurent-de-la-Salanque (aujourd’hui le littoral du Barcarès, mais qui ne deviendra commune qu’en 1929).

Diverses études de projets sont alors menées, mais il faut attendre la loi de 1860 sur le reboisement et le gazonnement des montagnes pour que ceux-ci puissent être mis en application. Cette nouvelle loi cherche à lutter contre l’érosion et les glissements de terrains, cause de nombreux sinistres en période de crues. Elle a également pour but de freiner la déforestation des montagnes tout en mettant en place une future industrie du bois. Après des premiers essais dans le canton de Sournia, l’administration se tourne vers les communes du littoral et cherche à faire valoir les avantages de la nouvelle réglementation, dont une des innovations principales consiste à proposer dans un premier temps des subventions aux communes acceptant de participer au projet.

La commune d’Argelès accepte dès 1861 de faire un premier essai, au frais de l’Etat, et deux hectares de pins maritimes sont alors plantés dans les dunes. Malgré un résultat décevant, conséquence de semis effectués à la mauvaise saison, les essais continuent l’année suivante à Argelès, ainsi qu’à Saint-Laurent-de-la-Salanque. En quelques années la politique de reboisement touche alors tout le département et provoque parfois des émeutes, notamment en zone de montagne où les paysans n’acceptent pas de voir leurs pâturages transformés en forêts. Mais l’administration est en marche et des pépinières sont créées afin de fournir les arbres nécessaires.

On construit même une sécherie de graines de pins à La Llagonne, destinée à fournir non seulement le département mais également d’autres zones à reboiser à travers le pays.

Cependant, la loi de 1860 n’est pas qu’incitative. Elle comporte un volet coercitif concernant les terrains à stabiliser et, devant le peu d’empressement de la ville d’Argelès à mettre un peu plus de volonté dans la mise en valeur de ses rivages maritimes, celle-ci est mise en demeure de s’exécuter en 1864. La commune refuse alors catégoriquement, arguant du manque de moyens financiers pour ce genre de projet. Elle n’est pas opposée aux plantations de pins tant que l’intégralité des coûts est prise en charge par l’Etat. Bon gré, mal gré, celui-ci continue à financer le projet quelques années avant d’y mettre fin.

La quasi totalité des autres communes du littoral ayant refusé à l’époque de participer au financement de ces plantations, c’est le long des plages d’Argelès que l’on trouve aujourd’hui le principal vestige de ce projet fou qui voulait reproduire le paysage des Landes dans les Pyrénées-Orientales.

BAILLESTAVY

3. UNE FAMILLE BIEN ÉLEVÉE

Le 28 août 1928, Pierre Mayneris, habitant de Baillestavy, reçoit le Prix Jean S. Barès du prestigieux Touring Club de France. Les conditions d’attribution de ce prix sont assez originales. Il faut être guide pyrénéen ou veuve d’un tel guide, habiter à plus de 500 mètres d’altitude et être le père ou la mère d’au moins sept enfants vivants et tous nés à plus de 500 mètres d’altitude également.

Monsieur Mayneris semble alors remplir toutes les conditions. Pour commencer, il réside à Baillestavy, commune dont l’altitude s’étend de 468 mètres à 1 720 mètres et dont le village lui-même se situe autour de 600 mètres. Baillestavy fait partie du massif du Canigou, avantage indéniable pour exercer la profession de guide pyrénéen. Enfin, Pierre Mayneris est le valeureux père de neuf enfants vivants (quatre garçons et cinq filles), tous nés à Baillestavy !

Toute la famille se rendit à Prades pour recevoir le prix d’une valeur de 2 400 francs, approximativement 1 400 euros en valeur actuelle1, une somme sûrement non négligeable non seulement pour l’époque mais également pour un modeste habitant du Conflent. La cérémonie fut suivie d’un banquet auxquels assistaient notamment le maire et le sous-préfet de Prades.

Notons que la même année était attribué, par la même association, le Prix Brunier qui récompensait l’épouse d’un guide des Alpes françaises et mère d’au moins sept enfants tous nés à, au moins 1 000 mètres d’altitude.

Le Touring Club de France et ses prix ont aujourd’hui disparu, mais il paraît de toute façon évident qu’il serait difficile de débusquer un quelconque lauréat à ces prix de nos jours.

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Guide de montagne des Pyrénées (vers 1834)


1 - Note sur la valeur du prix :

2 400 francs de 1928 correspondent à 1 400 euros actuels. En comparaison, ces 2 400 francs n’avaient plus qu’un pouvoir d’achat de 39 euros en 1959, juste avant le passage au nouveau franc.

BANYULS-SUR-MER

4. DES IDÉES LUMINEUSES

Louis Boutan (1859-1934) est un biologiste français spécialiste des mollusques. Après plusieurs voyages à travers le monde, il est invité pour la première fois en 1884 à Banyuls-sur-Mer par le professeur Henri de Lacaze-Duthiers, fondateur du laboratoire Arago.

Après plusieurs étés passés à y étudier la biologie marine, grandit la frustration de ne pouvoir ramener des images de ses observations. Louis Boutan demande alors à son frère Auguste, ingénieur, de l’aider à concevoir un appareil photo étanche à l’eau de mer.

Les premières photographies sous-marines du monde sont prises à Banyuls en 1893, valant à Boutan une renommée planétaire immédiate dans le monde scientifique. Il apprend les techniques de la plongée en scaphandre et améliore alors le procédé afin que l’appareil résiste à la pression pour pouvoir prendre des photos en profondeur. Confronté au problème de la lumière, il invente ensuite le premier flash sous-marin puis développe une lampe capable d’éclairer durablement et de manière dirigée sous l’eau.

Il sera également à l’origine d’un système de prises de photos à distance, grâce à un électro-aimant, qui lui permet de prendre des photos à plus de cinquante mètres de profondeur.

* * *

5. UN CASTING OSÉ

Jean-Claude Dague, surfant sur la vague libératrice des années post-68, déjà réalisateur d’un polar un peu raté (Le Bal des voyous, 1967) et d’une comédie pas très drôle (Poussez pas grand-père dans les cactus, 1968) décide de s’attaquer à la production d’un film érotique.

L’Indépendant Désirella