Un premier cri, puis un second.
Des pleurs.
C'est habituellement triste. On pleure parce qu'on a du chagrin. Qu'il soit petit ou grand, les larmes coulent. On éclate de l'intérieur et on fait entendre sa peine au monde. Sauf quand il s'agit d'une naissance. Les pleurs sont doux à nos oreilles. On est heureux d'entendre ce nouvel être s'exprimer, vivre.
Il y a des cris à côté de moi, tandis que je reste silencieuse. On prend l'enfant et on l'apporte à sa mère qui tient déjà un autre bébé contre elle. Au creux de chaque bras, elle serre les deux petites choses encore fragiles. Chacun d'un côté de son cœur. Elle les contemple, tour à tour, les yeux pleins de tendresse.
Un homme entre, pressé de retrouver sa femme et de découvrir les nouveaux membres de sa famille. Il est heureux, elle sourit.
Je hurle à mon tour, pour attirer leur attention. Personne ne se retourne, personne ne vient me chercher. On ne me prend pas dans les bras.
« Maman ! Papa ! »
Moi aussi je suis là, je suis née ! Je dois faire partie de leur bonheur, je dois être leur bonheur. Alors pourquoi on ne fait pas attention à moi ?
Je criscrie, j'agite les bras, mais rien. On m'oublie dans le coin sombre de la pièce. Pendant des heures, des gens s'occupent de maman et des deux autres bébés. Ils restent autour d'eux, ils vérifient si tout va bien. Ils vont tous bien. Pas moi ! Personne ne se soucie de moi. Pourquoi ? J'ai crié comme les deux autres bébés, je n'ai rien fait de mal, alors pourquoi on les a pris eux et pas moi ?
« Maman ! Papa ! »
Je continue d'appeler, même lorsqu'ils quittent la salle. Ils me laissent derrière eux. Ils aiment déjà leurs deux autres enfants, mais m'ignorent, m'abandonnent. Ils ont choisi ces deux-là, et pas moi. Pourquoi ? Moi je les aime déjà, maman et papa.
Je donne de la voix, une dernière fois. Une dernière chance. Ils ne la saisissent pas, ils ne me prennent pas avec eux. Seule la porte claque pour faire place au silence, à la solitude, comme la fin d'une histoire. Mais je viens à peine de commencer à vivre, comment peut-on déjà me laisser ? Pourquoi mes parents ne veulent-ils pas de moi ?
La porte s'ouvre de nouveau.
Maman !
Papa !
Non. C'est une grande silhouette silhouette, bien différente, qui s'approche. Il L'homme porte un long vêtement noir boutonné jusqu'en haut, ses pas sont lourds sur le sol. Son énorme chapeau dissimule son visage. Il y a quelque chose de rond et brillant accroché à son cou. L'homme se penche vers moi, le pendentif se balance devant mes yeux. Je lève une main pour le toucher. C’est mon premier contact avec quelque chose.
─ Ce n'est qu'en face d'un miroir qu'une âme du diable se reconnaît, dit la voix grave au-dessus de moi.
L'objet tourne, d'un côté, puis de l'autre. Le métal étincelant me révèle alors à moi-même. Une ombre. Il n'y a que des contours, sans profondeur, sans couleur. Je ne possède pas de traits distincts, pas de détails. Je suis juste une forme sombre avec des creux et des bosses qui dessinent la forme d’un nez, d’une bouche ou encore des yeux.
─ Quand une âme n'a pas de place parmi les Hommes, elle doit disparaître.
Disparaître.
Pour aller où ?
Pour devenir quoi ?
Qu'allait-on me faire ?
Est-ce que j'aurai mal ?
Ce fut comme si soudain, Soudain, tout devenait devient horrible dans mon esprit. On voulait veut m'enlever du monde dans lequel je venais viens de naître, me retirer ce que je pourrais avoir. J'avais J’ai peur. Mes prochaines heures de vie me semblaient d'un coup aussi sombre sombres que ma peau.
Disparaître.
C'est ce que je fais quand l'homme me tournea le dos. J'ai Je fuis. Je me suis cachée, dissimulée dans l'ombre. M ais ce n'est pas parce que l'on ne me voit pas que je ne suis pas là, tout près.