D’une enfance marquée par les déchirements successifs qu’engendrent les nombreux déménagements de sa famille, Amélie Nothomb garde un attachement viscéral à la langue et à la littérature. Enfant, elle considérait déjà celles-ci comme les seuls éléments qu’elle pouvait emporter avec elle, lorsqu’à chaque nouvelle nomination de son père diplomate, tous ses repères devaient être abandonnés.
Il n’est donc pas étonnant que l’écriture constitue aujourd’hui encore le cœur de son existence, et que l’auteur se dise victime de « graphomanie » – manie de l’écriture. Une saine maladie qui la pousse à s’astreindre depuis ses 17 ans à un rituel de rédaction strict mais fécond, puisqu’elle publie, depuis maintenant près de 25 ans, un roman par année.
Pourtant, il est difficile de voir une véritable évolution dans son œuvre. Cette remarque n’a rien d’une critique. C’est dire seulement que, dès le premier roman publié chez Albin Michel (Hygiène de l’assassin en 1992) tous les thèmes chers à l’auteur sont déjà présents : le rapport souvent difficile à l’autre, l’intérêt pour le langage et la communication, la fascination pour la monstruosité, qu’elle soit morale ou physique, etc.
Le style de Nothomb y est également déjà affirmé : sa plume est nerveuse, rapide, ironique et cinglante, mais, surtout, parfaitement maîtrisée.
En fait, Amélie Nothomb a atteint sa maturité d’écrivaine dès sa première publication et, comme tous les grands auteurs, elle est la victime consentante de ses propres obsessions. Ses romans se ressemblent, c’est un fait, mais ils se ressemblent à l’image d’une fratrie qui partagerait d’inévitables traits communs. Ils sont tous le fruit d’une même mère, qui y injecte son ADN. La « recette » de Nothomb est indéniablement singulière et, par là même, reconnaissable entre toutes.
C’est peu dire que le Japon occupe chez Amélie Nothomb une place particulière. Sa fascination pour le pays de sa petite enfance est aujourd’hui bien connue.
Pourtant, il faut attendre Stupeur et Tremblements, son huitième roman, paru en 1999, pour qu’il fasse une véritable incursion dans son œuvre. Il réapparaît ensuite dans de nombreux autres textes, surtout ceux à caractère biographique, comme Métaphysique des tubes, Ni d’Ève ni d’Adam (2007) ou encore La Nostalgie heureuse (2013).
Stupeur et Tremblements, en bon représentant du style nothombien, développe les thèmes chers à l’auteur. Le roman raconte l’expérience de la jeune Amélie dans une entreprise japonaise. Récit biographique d’une expérience traumatisante, d’un affrontement entre deux cultures à ce point opposées qu’elles semblent parfaitement inconciliables, il constitue malgré tout un texte très drôle.
C’est d’ailleurs certainement ce rire jeté au visage de l’adversité, ce décalage face à l’horreur, qui explique l’immense succès critique et public qu’a connu et connaît toujours le roman. Il constitue l’une des plus belles réussites d’Amélie Nothomb, récompensée par le Grand Prix du roman de l’Académie française.