Mon cœur bat toujours. Il est brisé, mais je survivrai. J’en veux à tout le monde : à Sandro, aux flics qui s’excitent pour rien sur la plage, et à moi-même. Étendu dans le sable, les bras en croix, je ne peux esquiver la question. Où ai-je foiré ?
Autour de moi, c’est un véritable champ de bataille. II y a des corps dans tous les sens, des débris métalliques dans tous les coins. Impossible de dire à qui appartient quel morceau.
Les médecins s’inquiètent pour mon nez, ma joue et mes côtes. J’ai aperçu mon reflet dans le pare-brise d’un hélicoptère, je fais peur à voir.
Mais la douleur ne m’intéresse pas, je n’ai pas le temps pour ça.
L’étincelle de haine qui a brillé au fond de mes entrailles ces deux derniers jours s’est embrasée.
Hier, j’aurais donné n’importe quoi pour rentrer à Lemania avec Marion, Maxens, Sandra et les autres. On se serait installés dans ma chambre, devant le gymnase ou au Perfect Chicken. Maxens nous aurait fait rire avec ses blagues stupides, Marion m’aurait adressé un de ses sourires lumineux.
Et cela m’aurait suffi. Nous aurions occulté ce cauchemar ou en tout cas fait semblant.
Mais le Mîlenarium est maintenant gravé dans ma chair. Aucune chance que je l’oublie une seule seconde. À moins de perdre une nouvelle fois la mémoire.
Car tout commence par une amnésie.
Je ne peux donc pas vous raconter cette histoire en entier, seulement la partie dont je me souviens.
Mais c’est un bon début.
Ensuite, nous pourrons parler de ce qui m’intéresse vraiment.
Ma vengeance.
Ploc, ploc, ploc, ploc.
Le tempo régulier des gouttes d’eau qui frappent ma joue me ramène à la vie. Le bitume contre mon dos est gelé et le frisson qui me parcourt fait résonner une onde de souffrance à travers chacune des particules de mon corps.
Avec prudence, j’entrouvre un œil.
Le premier rayon de soleil me brûle la rétine et la lumière transperce mon crâne de douleur.
Le crépi d’une façade subsiste sous mes paupières.
Deuxième tentative : ma main me sert de visière pour atténuer le choc.
La ruelle est déserte, des montagnes de déchets s’entassent contre les bâtiments et une vieille gouttière rouillée suinte au-dessus de moi.
C’est quoi, cet endroit de merde ?
Péniblement, je me retourne.
Je crève de soif. Du bout de la langue, je lape un peu d’eau sur le sol.
Elle a un arrière-goût d’urine, mais ma gorge adore.
Sérieux, qu’est-ce que je fous là ?
Je m’assieds et je me détaille de la tête aux pieds : une impression de jamais vu.
Du bout des doigts, j’effleure mon torse couvert de plaies et la douleur m’arrache un cri.
Mes bras sont tout aussi amochés, mon poing droit est serré si fort que mes ongles m’ont entaillé la paume. Quand j’entrouvre la main, un bracelet en plastique bleu tombe sur le bitume. Il est maculé de sang.
Le mien ?
Aucune idée, je ne me souviens de rien…
Un désespoir infini m’envahit. J’aimerais que tout s’arrête, me rendormir, ne plus penser.
Je ferme les yeux.
Le sol de la ruelle se rapproche à toute vitesse et mon cœur s’emballe. Je ne respire plus, mes membres se débattent inutilement dans les airs pour ralentir ma chute.
Plus que quelques mètres.
Mes muscles se raidissent encore davantage et je lève mon avant-bras pour me protéger.
Je rouvre les yeux. Au bord de l’étouffement, je happe une grande bouffée d’oxygène.
Au moins, on sait comment j’ai atterri là…
Et avant ça ?
Rien, le blanc complet. Ma mémoire semble désespérément vide.
Je me passe la main dans les cheveux, ils sont mi-longs et blonds. J’en suis presque étonné.
Une seule séquence tourne en boucle dans mon cerveau : la chute.
Je regarde le sommet des bâtiments. Je n’ai pas pu tomber d’aussi haut, je serais mort.
Peut-être d’une fenêtre ? Elles sont toutes fermées et certaines sont même condamnées par des planches.
Je me laisse tomber en arrière sur le sol, je n’ai plus qu’à me laisser mourir ici. Si ça se trouve, c’est ce que je voulais.
Me suicider.
Les secondes puis les minutes s’écoulent. Je suis bien, allongé sur le béton humide, les yeux fermés. Mes muscles se détendent et je ne sens plus rien, ni le froid, ni la douleur.
– Ça va ? souffle une voix de femme au-dessus de moi.
Je sursaute, une décharge d’adrénaline me parcourt l’échine. Par réflexe, ma tête rentre dans mes épaules.
– Mais que t’est-il arrivé ? Tes parents sont là ?
Le ton semble amical, la voix est douce et enjouée même si je perçois une pointe d’inquiétude.
– Tu habites près d’ici ? insiste-t-elle devant mon manque de réaction.
Bonne question. Dans le doute, j’émets un grognement.
La femme s’approche et s’accroupit. Je sens que sa main se tend vers moi. Elle reste suspendue à quelques millimètres de ma peau, hésite.
– Tu as bien un prénom, au moins ?
Je soupire, si seulement je pouvais m’en souvenir !
Ses doigts effleurent mon épaule avec douceur et mes larmes roulent sur mon visage.
Leur goût m’est étrangement familier.
– Capitale de l’Érythrée ?
– Asmara
– De l’Égypte ?
– Le Caire.
– Des Bahamas ?
– Nassau.
Les questions de la vieille femme fusent, les réponses du petit garçon aussi. Enfin, quand je dis « le petit garçon », je parle de moi. Je dois avoir sept ou huit ans, les yeux bleu foncé et les cheveux blonds coupés très court. Mon nez se fronce quand je réfléchis, aucun doute, c’est moi.
Je suis collé au plafond avec une vue plongeante sur mon jeune moi, assis bien droit sur une chaise en bois au centre d’une salle de classe. Tout en parlant, la femme fait les cent pas sur le parquet en bois massif. Vous suivez ?
Mes rêves sont parfois étranges.
La pièce est immense. Recouverts d’une protection transparente, une quarantaine de pupitres sont alignés contre les murs.
– Population de l’Uruguay ? continue-t-elle.
– 4 343 932, selon le dernier recensement.
– De la France ?
– 85 258 512, selon le dernier recensement.
– PIB de l’Indonésie ?
– 974 milliards de dollars.
Soudain, une main serre mon épaule et la salle de classe s’évanouit. L’obscurité dure une interminable seconde.
Quand j’ouvre les yeux, je fais face à une baie vitrée. La vue sur la forêt environnante est à couper le souffle.
– Qu’est-ce que Sandro a répondu ? demande un homme dans mon dos.
La voix me fait frissonner et une peur primaire m’envahit. Déraisonnable, excessive.
Je veux répondre que je n’en sais rien, mais ma gorge se ferme. Impossible de respirer, une poigne de fer me tord le ventre.
Je me suis réveillé en sursaut.
Du doigt, j’ai désigné la lampe de chevet. La lumière a envahi la pièce et j’ai été obligé de refermer les yeux. Sous mes paupières, j’ai revu la baie vitrée, la forêt.
Encore ce putain de rêve.
C’était quoi, cette question débile ?
– Comment je saurais ce que Sandro a répondu ? Je ne sais même pas qui est Sandro…, ai-je murmuré pour chasser les dernières bribes du cauchemar.
Les psys bardés de diplômes et de bons sentiments, que j’avais consultés par dizaines, pensaient tous que c’était un souvenir d’avant.
Avant l’amnésie.
À quoi ressemblait cet avant ?
Alors là, pas la moindre idée, aucun d’entre eux n’avait pu m’aider. Ce n’était pas à ça que servait la thérapie, selon eux.
À quoi servait-elle ? Je préfère ne pas m’exprimer.
Tout le monde était persuadé qu’il y avait eu un avant. Moi, je n’en savais rien, mon souvenir le plus ancien datait de trois ans : la ruelle pourrie.
Qu’est-ce qui me prouvait qu’il avait bien existé, cet avant ?
– Il est 7 h 25, a chantonné la voix féminine d’Eva, mon intelligence artificielle personnelle. Eliott, il faut vous lever, je vais ouvrir le store.
Après un déclic sonore, la lumière du jour a filtré dans la pièce.
– Nous sommes le mercredi 12 mai 2049. Joyeux anniversaire, Monsieur ! Le ciel est couvert, mais il ne devrait pas pleuvoir. Ce matin, vous avez un test d’allemand et cet après-midi…
– Merci, Eva, ai-je coupé d’un ton abrupt. C’est bon, je me lève.
Mon Songeur a glissé sur le coussin. Quelle daube ! J’avais claqué la moitié de mes économies pour ce bandeau censé me permettre de sélectionner mes rêves.
Hier soir, j’avais opté pour un cocktail sur une plage de sable blanc, entouré de mes top-modèles préférées. Je vous jure qu’elles ne ressemblaient en rien à la vieille qui m’assaillait de questions dans la salle de classe.
J’ai tâtonné sur ma table de nuit à la recherche de mon bracelet de communication. Je l’ai frôlé du bout des doigts et il s’est enroulé autour de mon poignet. Le carré de l’écran tactile s’est projeté sur mon avant-bras. D’un œil encore endormi, j’ai parcouru mes nouveaux messages.
Sur Faces, la plupart de mes amis partageaient la même info : une bimbo-chanteuse quelconque avait mimé un acte sexuel en plein concert. J’ai fait défiler les photos, impossible de me souvenir de la moindre de ses chansons.
En revanche, j’ai découvert ses fesses sous toutes les coutures.
– Monsieur, il faut vous lever, a répété Eva.
Assis au bord du lit, j’ai pointé la porte du doigt, et elle a coulissé en douceur.
Courage.
Après m’être traîné jusqu’à la salle de bains, j’ai glissé le robot-brosse à dents dans ma bouche. M’observant dans le miroir, je me suis recoiffé d’un geste de la main.
Pas la peine de jouer les faux modestes, la nature m’avait gâté : 188 centimètres pour 85 kilos, je suis plutôt bien bâti pour mon âge. Dix-sept ans depuis aujourd’hui. Bien sûr, je fais du sport, mais on ne m’enlèvera pas de la tête qu’il y a quelque chose de génétique.
L’acné, par exemple. Malgré tous les progrès technologiques, la plupart de mes camarades de classe sont encore ravagés par ce fléau. Moi, pas la moindre trace, une peau de bébé.
De quoi faire chialer Dame Justice.
Plus que tout, j’étais fier de mes yeux d’un bleu foncé indescriptible.
– Aïe, ai-je grimacé.
La brosse à dents venait de punir ma vanité, cette saleté s’acharnait sur mes gencives.
J’ai craché le robot dans le lavabo et l’ai observé tourner sur lui-même au milieu de ma salive ensanglantée.
Pendant une seconde, j’ai revu le bracelet bleu taché de sang serré dans mon poing.
J’ai fermé les yeux.
Le sol de la ruelle s’est rapproché dangereusement et mes muscles se sont raidis. Trois ans et des heures de thérapie plus tard, cela me faisait toujours le même effet.
– Monsieur, il faut vous dépêcher, a sifflé Eva.
– C’est bon, ai-je grogné.
Comme si une maman ne suffisait pas, ils en avaient créé une version électronique.
Et on payait pour ça.
J’ai enfilé le T-shirt qui traînait à l’entrée de ma chambre et décrété que l’odeur était encore supportable. En plus, je l’aimais bien.
– Commande-moi un Minitro pour dans cinq minutes devant la porte, ai-je ordonné à Eva avant de m’élancer dans l’escalier.
En bas, la mélodie de Just The Way You Are résonnait dans la cuisine. Comme toujours, Chloe chantonnait par-dessus la musique.
Chloe, c’était 162 centimètres et 57 kilos – du moins, c’est ce qu’elle assurait – de bonne humeur. Le tout surmonté d’une chevelure rousse bouclée.
C’est la première chose qui m’avait marqué quand elle m’avait aidé à me relever dans la ruelle : le volume de sa tignasse.
Dès le lendemain, elle m’avait accueilli de manière provisoire. Mais comme j’étais incapable de me souvenir de quoi que ce soit, que je n’avais aucun papier sur moi et que les différents appels à témoins n’avaient rien donné, la situation avait fini par s’éterniser. Au point que Simon, son mari, et elle-même avaient fait une demande d’adoption.
Depuis dix-huit mois, j’étais officiellement leur fils unique.
Ils découvraient le rôle de parents tandis que je me réhabituais à celui d’enfant. Et la situation était compliquée pour tout le monde.
Je n’avais rien oublié des gestes du quotidien. Je savais me servir d’un bracelet de communication et de n’importe quelle technologie sans aucun souci. En revanche, j’étais complètement perdu face à la complexité de la vie de famille. Même si j’étais reconnaissant envers Chloe et Simon de leur gentillesse, leur intérêt pour moi et leurs questions continuelles me mettaient mal à l’aise.
Très souvent, je n’avais aucune envie d’y répondre. J’ignorais à quoi ressemblaient mes parents biologiques, mais ils ne m’avaient visiblement pas habitué à autant d’attention.
– Pourquoi tu écoutes encore cette vieillerie ? ai-je lâché en entrant dans la cuisine.
– Bonjour, a souri Chloe en se tournant vers moi. Joyeux anniversaire, mon chéri. Comment vas-tu ce matin ? On commence par là, il me semble.
Elle m’a contemplé quelques secondes dans l’espoir d’une réponse.
– Ma mère adorait Bruno Mars ! a-t-elle finalement repris sans se départir de sa bonne humeur. On l’écoutait tout le temps. Un peu de culture musicale te ferait du bien.
J’ai pointé du doigt la vieille chaîne stéréo et l’appareil s’est tu immédiatement.
– Mais j’ai de la culture musicale, tu vas voir. Eva, j’aimerais écouter Michael Jackson.
– Quel titre, Monsieur ?
– Va pour Beat it.
Alors que les premières notes résonnaient dans la cuisine, j’ai esquissé quelques pas de danse. Le rythme dans la peau, encore un don de la génétique.
J’ai ramassé mon pull à capuche sur une chaise, mon préféré. Presque du même bleu que mes yeux.
En riant, Chloe m’a servi un bol de céréales et en a renversé la moitié par terre. Sans interrompre ma chorégraphie, j’ai tapé dans mes mains et l’aspirateur s’est mis en marche.
– Bon, Michael, rends-moi Bruno Mars, a ordonné Chloe quand j’ai eu englouti mes cornflakes.
J’ai haussé les épaules et demandé à Eva de transférer la musique dans mes écouteurs sans fil.
À peine le silence était-il revenu dans la cuisine que j’avais déjà disparu dans le couloir.
– Ton bol ! a hurlé Chloe alors que je franchissais le seuil.
J’ai claqué la porte en faisant mine de ne pas avoir entendu et j’ai respiré un grand coup. Alors, qu’est-ce que cela changeait d’être majeur ?
Pas grand-chose, apparemment.
Au bout de l’allée, la capsule arrondie et vitrée du Minitro m’attendait pour me traîner jusqu’au gymnase.
J’ai rabattu la capuche de mon pull sur ma tête et je me suis engouffré dans le véhicule.
– Veuillez énoncer votre destination, m’a demandé la voix synthétique.
– Gymnase Wawrinka, Lemania.
– Calcul de l’itinéraire en cours.
Longues secondes de suspens, les Minitros étaient prévus pour six personnes. Parfois, l’intelligence artificielle de la ville décidait qu’un détour s’imposait histoire d’embarquer un autre usager qui se rendait au même endroit que vous.
– Pas d’autre demande sur votre parcours. Vous serez à Gymnase Wawrinka, Lemania, dans sept minutes. Bon trajet.
Tant mieux. J’ai glissé mon doigt sous le cadran de mon bracelet de communication pour en sortir mon papier-écran. Le minuscule carré s’est illuminé et s’est automatiquement déplié dans ma main. Je l’ai arrêté à la taille d’une feuille A4.
Dans le menu défilant, j’ai sélectionné mon cours d’allemand, les quelques annotations que j’avais dictées la veille sont apparues. Je n’allais pas aller loin avec ça.
Le test prévu était une interro orale où un seul élève présentait une lecture qu’on devait tous préparer. Le choix de la victime était remis au hasard et à l’humeur du prof.
Plutôt que de réviser, j’ai consacré quelques secondes à prier pour que ce ne soit pas moi. Peu de chance qu’un dieu quelconque fasse un geste, la seule fois où j’avais mis les pieds dans une église, c’était lors d’une balade avec Simon. On crevait de chaud et il faisait bien plus frais à l’intérieur.
N’empêche, un miracle ne serait pas de refus.
Serpentant en douceur parmi les autres capsules, mon Minitro a remonté l’avenue principale à toute allure. Chloe m’avait expliqué qu’avant il y avait des véhicules privés mais qu’ils étaient désormais interdits parce que leurs conducteurs humains causaient trop d’accidents.
J’ai essayé de me concentrer sur mon papier-écran, mais en pure perte. Mon attention a vite dérivé vers l’extérieur.
Peut-être parce que ma mémoire n’était vieille que de trois ans, j’étais encore fasciné par Lemania. Construits tous en même temps, les bâtiments se confondaient : six ou sept étages de haut, de grandes baies vitrées découpées dans une façade bardée de bois et des toits plats recouverts de potagers et de verdures. Pendant longtemps, j’avais eu de la peine à les différencier les uns des autres.
Pour ajouter à ma confusion, les rues étaient rectilignes et se croisaient à angle droit.
La cité avait été pensée pour accueillir toutes les nouvelles technologies : un système de transport efficace, des maisons intelligentes et un service de voirie automatisé.
Le minimum vital pour une ville correcte.
Transformer Lausanne ou Genève aurait coûté une fortune. Les bâtiments n’étaient pas adaptés et certains habitants s’opposaient au changement. Par souci d’économie, les promoteurs immobiliers romands avaient donc décidé de faire sortir de terre une nouvelle métropole : Lemania.
– Vous êtes arrivé, a annoncé la voix du Minitro en s’immobilisant devant le gymnase, un bâtiment en forme de L, presque entièrement vitré.
En pénétrant dans la classe, j’ai senti le stress monter, comme une rockstar avant de grimper sur scène. Ou plutôt comme un condamné à mort avant son exécution. Vu le massacre programmé, peu de chance qu’une groupie me montre sa poitrine ou me jette sa culotte.
Dos au tableau numérique, petite barbiche grisonnante, lunettes rondes et costard cravate beige, monsieur Kunfer était déjà assis à son bureau.
Tête basse, je me suis avancé jusqu’à mon pupitre en essayant de faire le moins de bruit possible. Surtout, ne pas se faire remarquer.
L’écran tactile incorporé à ma table ramait complètement, il ne fallait pas être pressé avec cette vieillerie. Normalement, je n’avais accès qu’à mes documents de cours et aux contenus jugés utiles, Wikipédia, par exemple. Les profs ne juraient que par l’encyclopédie participative. Elle contenait des informations sur tout : de la plus petite des bactéries à la plus grande ville de Chine, en passant par les webséries les plus débiles.
Mais Maxens m’avait montré comment contourner le système de sécurité pour naviguer sur d’autres sites.
Mon voisin de table pénétrait justement dans la classe. Il a jeté un œil à mon écran avant de s’écrouler sur sa chaise comme s’il venait de courir un marathon.
– LemaniaBuzz.com ? C’est pas un site pour vieux, ça ? s’est-il moqué.
– Salut Max. T’as toujours pas coupé tes cheveux ? ai-je répliqué sur le même ton.
Maxens a admiré une mèche de sa longue tignasse avant de la coincer derrière son oreille.
– J’aime bien ce style, ça me donne un côté bohème.
– Bohème, ça doit être ça… Lis ça : il l’a fait.
– Qui ?
– Comment qui ? Le type dont tout le monde parle depuis trois mois, MOW !
– Ah oui, le fameux Master Of World, non mais sérieux… Rien que son nom est ridicule.
– N’empêche, il a dit qu’il allait pirater la messagerie du président américain et il l’a fait. C’est du lourd, il y a les échanges du vieux Peterson avec une certaine Tifhène partout sur le Web. Avec photos, vidéos et tout. Je te promets que c’est chaud. Pas plus de vingt ans, la Tifhène, mais elle a pas froid aux yeux.
– Elle a pas froid aux yeux ? Qui dit encore ça ? Ah oui, j’avais oublié que tu es officiellement un vieux. Joyeux anni, au fait.
– Tais-toi et regarde plutôt, ai-je chuchoté en faisant défiler la galerie d’images.
Un raclement de gorge appuyé nous a fait sursauter.
– Si Eliott et Maxens veulent bien arrêter de reluquer leurs notes de cours avec autant d’ardeur, nous allons pouvoir commencer, a ordonné Kunfer.
Tous nos camarades ont pouffé.
– Un vrai clown celui-là, m’a glissé Maxens.
– Chut, je veux pas passer aujourd’hui.
– Eliott, vous m’avez l’air bien bavard ce matin, si vous faisiez profiter toute la classe de votre allemand ?
Tête basse, j’ai hésité une courte seconde.
– Allez, ne soyez pas timide, venez devant.
La traversée de la classe a semblé durer une éternité. La comparaison avec un condamné à mort m’est revenue à l’esprit.
Paniqué, la gorge sèche, j’ai fixé intensément mon papier-écran.
– So, Ich werde über Seite 21 sprechen, ai-je commencé d’une voix tremblante.
– Über Kapitel 21, denke Ich, corrigea Kunfer avec un petit sourire en coin.
Tétanisé, j’ai acquiescé du menton. Franchement, je préférais encore l’échafaud.
Et soudain, les mots sont venus tous seuls
– Dans ce chapitre, l’auteur nous raconte comment le héros fait la connaissance de la belle Estelle. Il promène son chien dans un parc quand la jeune femme le percute avec son vélo. Le héros tombe immédiatement à la renverse. Dans tous les sens du terme. Pour se faire pardonner, elle lui offre une glace au bord de l’étang, un vrai coup de foudre.
Levant les yeux de mon écran, j’ai contemplé la classe dans l’attente d’une réaction. Mais mes camarades m’observaient avec un ennui mortel. Personne ne semblait remarquer que je n’avais pas prononcé un mot d’allemand. Surtout pas Kunfer. Il me dévisageait tranquillement, attendant que je reprenne mon explication. Je me suis exécuté, toujours en français.
– L’auteur essaie clairement de nous montrer qu’Estelle est la rédemption du héros. Après tous les changements qu’il a opérés depuis le début du récit, elle est sa récompense.
Sans rire, je ne savais même pas comment dire « récompense » en allemand. Alors « rédemption »…
J’ai jeté un œil à Kunfer, attendant qu’il explose de colère et me vire de sa classe. Mais le prof était toujours aussi impassible.
Qu’est-ce que c’était que cette blague ?
Au fond de la classe, Maxens me dévisageait, ébahi. Ce qui ne lui arrivait pas souvent.
Je l’avais rencontré trois ans plus tôt lors de mon premier jour au gymnase. Un type asocial au style douteux et un amnésique sans amis, on était faits pour s’entendre.
– Parfait, Eliott, a fini par intervenir Kunfer. Je vois que vous étiez très bien préparé et j’en suis le premier surpris. Je vous mets donc 19 sur 20.
Là, ça devenait carrément flippant. Il avait été remplacé par son jumeau sympathique ou il était bourré ?
Sidéré, je l’ai remercié d’un signe de tête et je suis retourné m’asseoir.
– C’est quoi, cette blague ? ai-je soufflé à Maxens.
– À toi de me le dire. Tu prends des cours du soir ou quoi ?
– Tu plaisantes, je n’ai pas prononcé un foutu mot d’allemand. Je sais pas pourquoi…
– Eliott, silence ! a rugi Kunfer depuis son bureau. Je suis très content que vous vous soyez enfin décidé à travailler, mais cela ne vous dispense pas de vous taire.
Bon, au moins on était sûr que c’était toujours lui.
Quand la pause sonna, tous les élèves se précipitèrent hors de la classe.
– J’ai l’impression d’avoir réussi le casse du siècle, ai-je glissé à Maxens en rejoignant le couloir.
– Tu te fous de moi ? Tu viens de parler vingt-cinq minutes dans un allemand parfait !
– Arrête, tu me connais, je sais à peine dire ein Sandwich bitte…
– Tu viens de parler de ce putain de bouquin comme si tu étais né avec une boule de Berlin et un bretzel dans la bouche.
Je l’ai dévisagé en silence. Il paraissait sincèrement surpris, mais pas pour les mêmes raisons que moi.
– Si ça se trouve…, ai-je murmuré.
J’ai eu du mal à me concentrer sur le cours d’histoire. J’avais vraiment parlé allemand sans m’en rendre compte ? En tout cas, Kunfer n’avait pas sourcillé. Et il n’était pas du genre à faire des blagues.
J’étais peut-être né en Suisse allemande et les souvenirs m’étaient revenus en mémoire au bon moment ?
– Eliott, enlevez votre capuche durant la classe, m’a ordonné madame Vaugner en me tirant de mes pensées.
Très lentement, pour bien montrer quel effort cela représentait, j’ai obéi.
Avec elle comme avec les autres profs, le courant ne passait pas. Heureusement, l’histoire, les maths et la géographie ne me posaient pas de problèmes. Je connaissais toutes les dates et toutes les capitales par cœur. Et rien de plus facile que de résoudre une équation.
Mais dans les autres branches, c’était une catastrophe. Quels que soient mes résultats, tous les enseignants me reprochaient mon impertinence et ma paresse. Malgré la pluie de remises à l’ordre et de remarques négatives, Chloe ne m’engueulait jamais sous prétexte que j’avais subi un choc.
Mon amnésie était l’excuse parfaite pour tout.
Quand la sonnerie a retenti, j’ai remis ma capuche et me suis précipité hors de la salle de classe. Dans le couloir principal, j’ai joué des coudes, bousculant au passage un groupe d’élèves de première année. Ils ont contemplé ma carrure et ont préféré ne pas se plaindre.
Autour de moi, de nombreuses conversations bruissaient au sujet des derniers exploits de MOW. Très honnêtement, ce qui m’avait surtout passionné, c’étaient les photos de cette Tiffany. Ou Tifhène ?
J’avais oublié son prénom, mais ses courbes restaient imprimées sur ma rétine.
Arrivé devant mon casier, j’ai appuyé mon bracelet de communication contre le capteur. Un bip a retenti et la porte a glissé sur le côté.
Je me penchais pour attraper mes affaires de sport quand je l’ai aperçue.
Elle fendait la foule, petite jupe plissée, sourire aux lèvres, totalement décontractée. Comme si elle était dans son salon.
Pour le commun des mortels, chaque passage d’une classe à l’autre était une opération commando. Le gymnase grouillait de dangers potentiels : une chute, une moquerie, une braguette mal fermée et la vidéo finissait sur Faces. Pour toujours.
Mais elle, elle était loin de ce genre de préoccupations. Elle, c’était Marion. Son passage a définitivement éclipsé Tiff-quelque-chose de mon esprit.
Ses cheveux bruns coupés au carré encadraient de magnifiques yeux verts aux reflets dorés.
Cette création divine habitait une petite maison rose au numéro 84 de la rue Daniel-Brélaz. Son intelligence artificielle personnelle s’appelait Adam, elle avait un chien, deux frères, 756 amis sur son compte Faces et, selon celui-ci, adorait les vêtements polymorphes qui changeaient de couleur au gré de ses envies.
Je l’ai observée passer, ouvrir son casier et le fouiller.
Je savais tout d’elle, absolument tout.
Taille ? 166 centimètres. Poids ? 54 kilos. Couleur préférée ? Le fuchsia. Passe-temps ? La mode et le tennis. Le nom de son doudou ? Olaf, un petit bonhomme de neige hérité de sa mère.
Je l’observais depuis trois ans. En réalité, cela tenait plus de l’espionnage, mais j’essayais de me persuader du contraire.
Le plus dur avait été d’apprendre son nom. C’est Maxens qui me l’avait soufflé, lui-même le tenait d’une voisine. Google avait fait le reste. Avec la reconnaissance faciale, j’avais retrouvé des centaines de photos et de vidéos d’elle depuis son plus jeune âge.
Je l’avais contemplée faire de la balançoire à cinq ans, se barbouiller de chocolat en compagnie de son père à huit. Mes préférées étaient celles de l’été dernier où elle courait sur une plage en maillot de bain. Pour mon plus grand bonheur, sa mère adorait immortaliser tous les instants de leur vie de famille et les mettre en ligne.
Soudain, ses yeux se sont posés sur moi. Perdu dans mes pensées, j’avais oublié que je la dévisageais. Je me suis empressé de détourner le regard. Les mains moites, j’ai traversé le couloir d’un air aussi nonchalant que possible.
Maxens m’attendait à l’entrée de la cantine.
– Putain, t’en as mis du temps, a-t-il pesté. Regarde le monde qu’il y a…
Sans lui laisser le temps de terminer sa phrase, je l’ai chopé sous le bras et l’ai tiré jusqu’à la file. Max avait une peur bleue de la foule, il fallait que je lui force la main, sinon il était capable de sauter la pause-déjeuner.
– Pourquoi t’as mis si long ?
– Je l’ai croisée.
Pas besoin de préciser qui.
– T’as encore fait un truc stupide ?
– À part la mater bêtement…
– Tu rigoles ?
Je me suis contenté d’avancer de trois pas dans la queue.
– Mon pote, il faut que tu te décides. Soit tu fonces, soit tu l’oublies…
– J’attends le bon moment.
– Le bon moment ? Tu l’attends depuis trois ans. Tu as tellement attendu que l’année se termine dans cinq semaines. Après, fini, plus de Marion. Il est temps de lui rentrer dedans. Tu sais tout sur elle, même la couleur de ses chaussettes préférées.
– Rien à voir !
– Arrête… T’as détesté tous ceux qui ont flirté avec elle et t’as fêté chaque rupture comme si t’avais gagné au loto. C’est maintenant ou jamais. Tente ta…
Je lui ai balancé un coup de coude pour le faire taire.
– T’es malade ? J’essaie de t’aider.
– Chut… Elle est là.
– Où ?
– Dans l’autre file.
Pendant quelques instants, nous avons avancé en silence.
– T’as vu, MOW a tenu parole, ai-je dit pour relancer la conversation.
– Pfff…
– Je n’arrive pas à comprendre ce que tu lui reproches. Ce mec, c’est trop la classe ! Il dégomme tous ceux qui s’en prennent à la neutralité du Net. Et à chaque fois, il leur pose un ultimatum.
– Il veut juste faire son malin, oui. N’importe quel hacker pourrait faire ça…
– Prendre le contrôle des maisons des PDG de tous les fournisseurs d’accès Internet ? Il a des vidéos de toutes leurs petites habitudes honteuses. Avec ça, ils ne sont pas prêts de vendre le Web au plus offrant.
– Une vraie groupie…
– Et alors ? ai-je répliqué tout en choisissant mon repas sur l’écran. Je ne suis de loin pas le seul, tout le monde parle de lui.
– Ça ne l’aidera pas quand il va se faire choper. Ils finissent tous par se faire choper… Je suis bien placé pour le savoir.
– Ton père le traque ?
– Mmmh, il essaie.
Le père de Maxens était un spécialiste en sécurité informatique mondialement connu. Dans ses jeunes années, Lionel Windre avait lui-même été un hacker. Il n’en parlait jamais, mais la rumeur disait qu’il avait fait de nombreuses victimes. Aujourd’hui, il avait créé sa propre boîte et était payé pour assurer la sécurité de différentes multinationales.
– Votre repas est prêt, cracha la borne d’une voix numérique. Hamburger avec frites, sauce soja et supplément wasabi.
– Parfait, on se retrouve à la table ?
– Attention !
L’avertissement de Maxens est arrivé trop tard. Le choc m’a fait lâcher mon plateau et a projeté mon assiette dans les airs.
Pendant un quart de seconde, j’ai contemplé son visage.
Marion.
Le burger et sa sauce soja ont pris la direction de sa jupe. Mû par une volonté propre, mon bras a jailli et les a rattrapés juste à temps.
Surpris par mon réflexe, j’ai laissé tomber la nourriture sur le plateau qui gisait déjà par terre.
Marion ne semblait pas avoir remarqué que j’avais évité le pire.
– Tu peux pas faire attention ? a-t-elle crié.
– Désolé, ai-je murmuré en me sentant rougir.
Toute la salle avait le regard braqué sur nous. Finalement, l’interro d’allemand, c’était un bon souvenir. La mise à mort, c’était maintenant.
L’instinct de survie a pris le dessus, je me suis enfui en abandonnant mon déjeuner sur le sol de la cafétéria.
Et mon amour-propre avec.
– Putain, tu me dois un burger, s’est plaint Maxens en me rejoignant sur l’escalier du gymnase. Je me suis tiré sans manger.
Voyant que je ne réagissais pas, il s’est assis à côté de moi. Sa présence, même silencieuse, m’a réconforté, au moins, lui ne me lâchait pas.
– Tu veux sécher la gym avec moi ? Je déteste ce cours, a-t-il finalement demandé. On pourrait aller au centre commercial.
J’ai hoché la tête et il a commandé un Minitro. Comme toujours avec Maxens, celui-ci est arrivé entièrement vide. Et j’étais déjà prêt à parier que nous atteindrions le LemaniaShopping, sans faire aucun détour. J’ai hésité à l’interroger à ce sujet pour la centième fois, mais je savais très bien qu’il ne me répondrait pas.
Me laissant tomber dans mon siège, j’ai essayé de me détendre en observant les bâtiments défiler. Plus on s’éloignait du gymnase, mieux je me sentais.
– Je crève la dalle, tu me le payes, ce burger ? a lâché Max quand nous sommes arrivés à destination.
J’ai esquissé un sourire.
– Ah, quand même !
– Où ?
– Perfect Chicken ?
– Va pour Perfect Chicken.
– Et quand je te disais de lui rentrer dedans, c’était une façon de parler, a-t-il souri.
Je lui ai balancé un coup de poing dans l’épaule.
– Au moins, elle est pas prête de t’oublier.
– Abruti.
Composé de trois cylindres appondus les uns aux autres, LemaniaShopping était situé au centre de la ville. Nous avons franchi les portes coulissantes et nous sommes mêlés à la foule qui se pressait dans les couloirs sans fin.
Depuis l’entrée, des dizaines de tapis roulants serpentaient entre les boutiques. Pour s’y retrouver, ils étaient numérotés et recensés sur un plan coloré. Il fallait prendre le 17 pour rejoindre Perfect Chicken.
Chloe m’avait raconté que, dans son enfance, les gens aimaient se déplacer à pied entre les magasins. Aujourd’hui, même pour se rendre au fitness, personne ne marche. Le sportif moyen court quarante-cinq minutes sur un tapis roulant, puis en prend un autre pour aller attendre son Minitro.
Allez comprendre.
Arrivé au cinquième étage, j’ai choisi une table près de la baie vitrée qui dominait tout le centre commercial. Sur l’écran, nous avons commandé un seau d’ailes de poulet, des frites et deux sodas. Moins d’une minute plus tard, un bras métallique a déposé l’ensemble sur notre table.
Les ailes étaient toutes parfaitement identiques. J’avais vu un documentaire sur Faces qui racontait que le modèle de poulet idéal avait été cloné dix ans plus tôt. De la Chine aux États-Unis, on mangeait tous le même volatile. En boucle.
– Drôle de journée, ai-je dit en croquant à pleines dents.
– À cause de l’allemand ou à cause de Marion ?
– Les deux.
– Alors, tu comptes faire quoi ?
– Pour Marion ?
Il a hoché la tête.
La seule chose qui me venait à l’esprit était de m’enterrer au fond du jardin.
– Ça fait trois ans que j’attends un coup de pouce du destin…
– C’était peut-être ça.
– Tu rigoles ? Je me suis payé la honte de ma vie…
– Justement, tu vas la trouver demain et tu t’excuses. Une bonne manière de lancer la conversation.
– J’ai déjà peur de remettre les pieds au gymnase, alors lui parler…
– Bonne nouvelle, demain tu vas pas au gymnase !
– Comment ça ?
– Tu notes vraiment rien. On a la journée portes ouvertes à l’EPFL.
– J’avais complètement zappé.
– On la trouve demain matin, tu t’excuses et vous découvrez l’EPFL ensemble. Rien de tel que la nouveauté pour vous rapprocher.
– J’ignorais que t’étais le roi de la drague. Pourquoi tu n’appliques pas tes conseils toi-même ?
– Je préfère la solitude, ça va mieux avec mon style.
Maxens prétendait adorer être seul et se montrait dédaigneux envers toute forme de socialisation. C’était surtout un grand timide qui avait très peur d’approcher quelqu’un.
Toute l’histoire de notre rencontre. Premier jour au gymnase : la panique totale. Inutile de préciser que je ne connais personne, quatre mois plus tôt, je me suis réveillé totalement amnésique dans une ruelle pourrie. Et mon avenir est presque aussi mystérieux que mon passé. Chloe et Simon m’accueillent à titre provisoire, mais l’assistante sociale veut me placer dans un foyer.
Malgré tout, les médecins avaient lourdement insisté pour que j’y aille. Selon eux, tout irait bien. Ils m’avaient assuré que je me souviendrais parfaitement de tout ce que j’avais appris à l’école. J’avais seulement oublié mes informations personnelles. Juste deux ou trois broutilles du style : qui je suis, où je suis né et comment je suis arrivé là.
Bref.