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« Il n’y a pire faim que la soif. »
– Alphagor Bourbier de Montcon,
dit Braquemart d’airain

« C’est pas faux ! »
– Karadoc de Vannes

À Fred Bocquet et à Samir Kasme,
pour leur relecture et leurs conseils éclairés

Première partie

Chapitre I

Les premiers verres se vidaient sans un mot en taverne du Sanglier Noir. On piquait à pleines mains dans le jambon que Morrachou, le tenancier, coupait en larges tranches et on s’envoyait le gobelet de vin ou la chopine de bière d’un geste ample, ouvrant grand la gueule et penchant le corps entier vers l’arrière, pour se remettre au plus vite des lassitudes de la journée. Gros Louis et le Berthoux avaient les bras lourds, qui d’avoir labouré ses champs, qui d’avoir monté de hautes charpentes ; les autres avaient creusé, maçonné, sarclé, bêché ; et même les marchands ambulants étaient fatigués d’avoir chargé et déchargé des ballots et des caisses sans jamais vendre autant qu’espéré.

Le Berthoux laissa retomber sa chope lourdement et fit un geste machinal à l’intention de Morrachou, mais le tavernier n’attendait nul signal pour remplir les verres et vider ses fûts à cadence régulière. Il n’y avait guère que lorsque entrait en taverne, avec la mine en verve, le chevalier Alphagor Bourbier de Montcon, dit Braquemart d’airain, que Morrachou pressait l’allure. Braquemart seul avait le corps et la langue lestes alors que le labeur pesait sur la nuque et la parole de ses comparses. Oui, seul Braquemart avait le mot facile. Et si le fils de Jeanne se montrait aussi généreux de paroles que sa mère l’était de cuisse, tous ceux qui s’imbibaient chez Morrachou savaient bien qu’il devait une bonne part de son entrain et de sa verve aux matinées qu’il passait vautré sur son sommier galeux, bien au chaud sous sa vieille couverture qui sentait la ménagerie, le mâle aguerri et la femme de petite vertu. Il ronflait tard, passé tierces, faisant vibrer les murs de sa masure, et rotait dru le vin et les charcuteries de la veille. Ces odeurs pleines dissuadaient tout homme de bon sens de venir l’importuner avant qu’il ait dormi son saoul.

Dudit Braquemart, il était d’ailleurs question dans les mots incrédules du Berthoux et dans les moues désabusées du Gros Louis. Ils étaient accoudés au comptoir et discutaient à voix basse. Tous tendaient l’oreille.

– Tu as mal ouï…

– Je te jure bien que non. En pleine nuit, il s’est dressé devant moi alors que je relevais mes collets. J’ai eu la frousse de ma vie.

– Et qu’a-t-il fait, m’as-tu dit ?

– Il m’a crié que j’y allais fort sur le lièvre.

Un murmure désapprobateur enfla de table en table et se termina lorsque chacun reprit lampée.

– Lui qui se targuait d’en avoir pris trente en une nuit…

– Il a ajouté que chasser Corneauduc ne voulait pas dire arracher pitance à la bouche du suzerain.

– Tais-toi, il arrive…

Les épaules hautes, Braquemart entrait en effet en taverne. S’il remarqua le silence qui se fit, il n’en montra rien. Il descendit les quatre marches qui craquèrent étrangement dans le calme de la salle.

– Holà amis, holà Morrachou ; je ne vois point encore à place mienne les deux chopines que je vais prestement vider.

Tandis que le tavernier faisait cracher son fût, Braquemart s’installa entre le Gros Louis et le Berthoux, les poussant du coude. Il jeta un œil triste au tabouret vide de Gobert Luret, forgeron du village et inséparable compère, avant d’attaquer à voix basse en lorgnant les deux hommes, l’un après l’autre, de sous ses sourcils broussailleux.

– Eh bien, mes deux amis, on marmonne au lieu de parler franc ? On médit du compagnon quand il n’est pas céans pour se défendre ? N’a-t-on donc rien à me dire de bonne voix de gorge honnêtement humectée ?

– C’est-à-dire, Alphagor…

Gros Louis s’épongeait le front, pas bien à l’aise d’affronter le chevalier… Car s’il avait les bras puissants, il n’avait pas la langue assez agile pour rivaliser avec ce bretteur du verbe.

– J’ai été surpris par ta réaction, cette nuit… Je ne te savais pas aussi tatillon sur le terrain de chasse du duc.

Braquemart s’envoya première chopine dans le gosier et rota longuement pour tester sa voix.

– Une de mes paroles te resterait-elle sur le gaster ? Faudrait-il que je te la fasse digérer au poing ?

– Non, Alphagor… Comment dire ? Un homme tel que toi… Appeler à la modération sur le lièvre, c’est comment dire… Curieux…

– Qu’y a-t-il sous ta langue, Gros Louis ?

– Comment ? J’ai peur de ne point te comprendre…

– Lorsque tu dis, curieux, quel est le mot que tu caches telle grosse outre de fiel ?

– Je ne pense point plus que je ne dis.

– Et moi je suis sûr du contraire… Depuis que j’ai ramené son fils au duc1, tout ici n’est plus que messes basses. Si tu ne veux point cracher tes vilenies, je puis t’aider.

Braquemart serra son large poing pileux et l’agita devant les narines du Gros Louis, qui ne l’étaient pas moins. La colère était sérieuse. Deux fois Morrachou s’était proposé de remplir les godets et nul n’avait réagi. Le tenancier savait combien les virils pugilats avaient tendance à saper les déjà branlantes fondations de son estaminet. Aussi, s’éclaircissant la gorge, tenta-t-il de faire diversion :

– Messieurs, vos disputes sont celles de chenapans, de chapardeurs de pain. Hommes de votre trempe auraient mieux à dire à l’heure grave que nous vivons…

– Quelle heure grave ?

Braquemart n’avait pas desserré le poing.

– Un étranger a traversé le bourg… Au petit trot, le port altier, mais il n’ôta point son chapeau ni ne fit signe de croix devant statue de Sainte Vierge…

Un frisson parcourut l’échine de Gros Louis.

– Enfin, cela ne se peut…

– Peut-être vient-il de pays où les gestes sont autres, dit le Berthoux.

– S’incliner devant la Vierge, ce n’est point us de région, c’est de la religion, dit Braquemart.

Et sur cette bonne phrase il s’envoya enfin sa chopine et repoussa son verre vers Morrachou pour se faire prestement resservir.

– Morrachou, ta route a croisé celle d’un huguenot !

Le tenancier et l’ensemble de sa clientèle se turent le temps de se remettre d’une telle révélation et de vider leur verre à lentes et profondes gorgées, comme pour se réconforter.

– Un huguenot… Qui aurait imaginé qu’un jour si basse engeance mettrait pied sur nos terres ?

– Et le duc ? Le duc ne s’y oppose donc pas ?

– Pire que cela, dit Morrachou, surpris lui-même par l’ampleur que prenait, à présent qu’il la contait, une histoire à laquelle il n’avait prêté que peu d’attention et dont, si le besoin de diversion ne s’était fait sentir, il n’aurait sans doute pas soufflé le moindre mot. Était-ce, comme le disait sa femme, à force d’avoir trop écouté les fredaines de Braquemart que ses propres bons mots lui semblaient vains, était-ce plus simplement parce qu’il se préférait bougonnant derrière son comptoir, dans l’ombre, quand personne ne prêtait attention à lui ?…

– Pire ?

– La herse s’est ouverte lorsqu’il s’est présenté au château et ma femme m’a dit que les gardes s’inclinèrent au passage de ce drôle. Il n’avait pourtant ni armure ni blason à se faire recevoir. Il n’était point gueux, certes non, sa façon de monter à cheval le démontrait à qui voulait savoir, mais n’était sûrement pas de rang à frapper ainsi à la porte du duc.

– Les huguenots ont parfois plus d’un tour dans leur sac, croyez-moi !

– Tu en connus, toi, Braquemart ?

– Si j’en connus ?… Je suis monté sur leurs chameaux et j’ai dormi dans leurs curieuses petites huttes de neige. C’était en croisade, alors que je me remettais juste de méchante blessure… Sers-moi pleine chope, Morrachou, que je vous conte cela.

Morrachou s’empressa d’accéder à ce souhait en soupirant d’aise. Lorsque Braquemart évoquait ses souvenirs, il en avait pour des heures. Et nul ne se rappelait de l’avoir vu jouer simultanément du poing et de la langue. Le tenancier pouvait sombrer dans un confortable mutisme et emplir son coffre d’autant qu’il viderait sa cave.


1 Voir L’Héritier de Minnetoy-Corbières.

Chapitre II

Le duc Freuguel Childeric de Minnetoy-Corbières palpait la fesse de la sommelière qui déposait suffisamment d’outres pour accueillir un visiteur de rang. Il avait l’œil perdu, nostalgique peut-être, de celui dont le sceptre ne sait plus faire chanter la viande des femmes et qui garde de passé licencieux des souvenirs infiniment doux. Il y a peu, on disait au contraire que la vue de culs qu’il ne pouvait entreprendre attisait ses mauvaises humeurs et lui donnait l’envie de supplicier quelques hôtes de ses oubliettes. Mais la venue heureuse autant qu’inespérée d’un fils avait adouci son tourment. Il se jurait bien de montrer à son garnement au plus près que le permettrait la chrétienne décence comment besogner les jouvencelles. Profitant de sa taille, l’angelot se perdait déjà les yeux sous les jupes de soubrettes. Ah, il en ferait craquer des couches, le petit marcassin chéri de son papa !

– Ce que vous me dites, Enguerrand, n’est guère réjouissant.

L’homme qui se tenait debout face à lui n’avait accepté qu’un petit verre de remontant, et il était resté en bottes et en cape. Il parlait comme on geint, trop vite, et son histoire lassait le duc qui écoutait tout de même, parce qu’une épine dans son passé l’y contraignait. Il se consolait en vidant le vin au pot, se coinçant le bec entre les lèvres, et se renversant peu à peu le contenu dans la bouche. Quelques rots méritoires concluaient l’entreprise et donnaient un peu de forme au plat récit d’Enguerrand de Montfureur, fils du marquis Dalibert de Montfureur, chevalier des Combes de Murtaux, héros de guerre et huguenot, huguenot bien que héros de guerre, qui, en temps de jeunesse, avait sorti le jeune Freuguel Childeric d’une mauvaise embuscade tendue par ses cousins.

– Les troupes de cet infâme Prauctère Hégemble se sont renforcées. Nos espions sont formels. Les mouvements de troupes ne tarderont pas.

– Et vous n’avez pas moyen de briser leur élan ?

– Nous manquons d’hommes et de matériel, Messire le Duc. Notre seul espoir, c’est l’épaisseur des murs de notre château. Mais archers, arbalestiers et canonniers ne suffiront pas. Nous tiendrons, nous tiendrons jusqu’à notre dernier souffle, mais si renforts ne nous sont pas promptement offerts, nous succomberons.

Le duc entama un nouveau pichet puis essuya ses lèvres dégoulinantes en souillant la moitié d’une de ses manches de chemise.

– Je ne puis, vous le comprendrez, chevaucher à vos côtés, engager mon honneur et mon armée pour sauver des huguenots, fussent-ils mes amis, des assauts d’hommes de vraie foi, fussent-ils des chiens malveillants. Mon passé et mon honneur sont avec vous, mais Jésus et Sainte Vierge retiennent mon bras.

Enguerrand s’essuya le front, ne s’asseyait toujours pas.

– Mon père n’espérait pas vous voir partir en guerre, il se disait simplement que, puisque nul ne vous assaille, vous pourriez envoyer à notre secours quelques-uns de vos hommes qui s’engraissent en cuisine au lieu de manier les armes. Un détachement de mercenaires courageux, voilà ce que nous sommes venus quérir.

Le duc reposa le pichet encore à demi plein, pour se gratter une barbe humide et puceuse. Il n’avait plus goût à risquer sa peau, mais que d’autres la risquent en son nom ne le dérangeait point. Moins de convives en salle de garde, ce serait de plus grosses rations lorsqu’il se relèverait de nuit pour planter la fourchette dans le ragoût tiède.

– Je ne puis rien vous promettre, Enguerrand. La défense de Minnetoy-Corbières est un sujet avec lequel je ne badine pas. Retournez parmi les vôtres… Messager vous sera envoyé d’ici deux jours pour vous dire quelle aide je pourrai vous fournir.

D’une main légère, il fit signe à Enguerrand de se retirer. Il n’aimait pas la façon qu’avait ce jeune homme trop sobre de loucher alors qu’il vidait le vin de fort chrétienne bien qu’allante manière. Les hommes de modération manquent singulièrement de pudeur. On détourne la tête face à une joie qu’on ne partage pas, que diable ! Et de joie, le duc allait s’en offrir une deuxième.

– Faites mander Eustèbe Martingale.

***

Dans la toge qu’il portait pour la nuit, Eustèbe Martingale marchait autour de son lit, s’aspergeant de parfum pour se redonner des forces. Mais même les fortes fragrances ne le soulageaient plus. Il avait peur. L’entretien avait réveillé ses pires angoisses. Le duc allait l’envoyer en guerre, lui qui savait à peine tenir une épée. Depuis des années, il traînait sa silhouette d’avorton à la tête rentrée dans les épaules autour du trône. Il était de tous les conseils, de toutes les manigances. Sa langue était l’arme qu’il maniait le mieux ; la médisance et la calomnie, la flatterie et l’allusion étaient de toutes ses phrases. Le duc le gardait à ses côtés malgré l’hostilité de sa femme, car Martingale était le meilleur collecteur d’impôts que l’on pût imaginer, l’antidote contre les caisses vides et les vins pauvres. Seulement, le village venait de payer son troisième tribut de saison et il était bon de laisser le gueux respirer de temps à autre. Eustèbe Martingale avait donc le temps de prouver sa fidélité sous d’autres cieux ; le duc le lui avait signifié sans ménagement.

Assis sur un tabouret, son homme de confiance, Roland Meurefisse, tentait en vain de le calmer.

– Tout n’est point dit, Maître Martingale.

– Le duc est redevable à ce Montfureur, t’ai-je dit, et ce porc est amputé de cervelle, mais point du sens de l’honneur. Je commanderai aux pires mercenaires de cette armée, ceux-là mêmes qui parlent de me trucider en salle de garde. Je partirai à leur tête et ces sauvages me laisseront pour mort en bosquet. Le duc ne s’en doute pas, mais le détachement n’atteindra jamais Montfureur, du moins pas au complet…

– Mais n’êtes-vous point son conseiller ? N’est-ce pas à vous d’orienter sa pensée ?

– Encore faudrait-il qu’il eût une pensée.

– Vous avez des hommes de confiance parmi les soldats, des alliés fidèles, ceux qui vous aident à collecter les taxes… En choisissant juste, vous atteindrez Montfureur sans dommage.

– Et je périrai au cours du siège. Car là aussi, je ne vois que cause perdue. Les huguenots finiront au gibet de la cour d’honneur et notre soutien nous condamnera au même sort… À moins que je trahisse à propos, c’est ma spécialité de trahir ; mais tout de même, il est plus aisé de manipuler cet imbécile de duc qu’un huguenot qui compense sans doute manque de ripailles dans les livres et le savoir.

Roland Meurefisse se frappa soudain la cuisse.

– Maître Martingale, je crois que j’ai l’idée. Une idée que votre langue saura présenter au duc comme il se doit et qui vous évitera périlleuse campagne.

Martingale ouvrit un flacon de parfum, s’en renversa le contenu dans la narine droite et, à peine soulagé, soupira d’une voix faible :

– Dis, dis, Meurefisse, les mots qui seront ma planche de salut et que je ne pressens point.

– Si au lieu de dégarnir son armée et de déplorer de nombreux morts au combat, le duc dépêchait à son ami un héros ?

– Un héros ?

– Oui, un héros au prestige si grand que sa venue redonnerait force et foi aux défenseurs du château de Montfureur…

– Tu penses à ?…

– Oh oui, Maître, je ne pense qu’à lui !

Et Martingale rit à s’en faire monter les larmes. Il étreignit Roland Meurefisse qui se dégagea au plus vite pour vomir à cause du parfum. Mais Eustèbe ne se vexa point de cette manifestation de dégoût. L’idée était trop belle, elle lui permettait de profiter de la douce chaleur et des bons repas du château et d’envoyer à la mort son cauchemar, sa haine, sa hantise : le chevalier Alphagor Bourbier de Montcon, dit Braquemart d’airain.

Chapitre III

Eustèbe Martingale s’agenouilla. Face à lui, la duchesse somnolait sur le trône en épouillant Achille, le sanglier ducal, devenu son animal de compagnie mieux que le puissant lévrier ou que le noble destrier. Elle méprisait Eustèbe, mais l’amour qu’elle portait à son gros cochon sauvage n’était pas sans l’apaiser, aussi Martingale s’accommodait-il plutôt bien de la présence du sanglier. Le duc l’inquiétait plus, qui oscillait d’avant en arrière en fredonnant quelques vieilles paillardises tout en s’enfournant des pâtés en bouche par paire et sans mâcher.

– Il faut que je m’emplisse gaster, sans quoi je ne vomirai que bile, dit-il de voix peu assurée en abandonnant çà et là des consonnes que sa conscience n’était plus apte à prononcer.

Eustèbe Martingale se dit alors que le duc tenait une murge sévère. Il n’était certes pas puceau de la gorgée et sa ration de vin quotidienne avait de quoi effrayer Huns dépravés et Vikings en campagne, mais là, il fallait reconnaître qu’il s’était imbibé la couenne au-delà de l’habitude. Et si l’alcool renforçait un trait de caractère de Freuguel Childeric, c’était bien l’obstination. Eustèbe se dit qu’il allait devoir jouer serré.

– Bon, Martingale, vous n’avez point sollicité si tardive audience pour me regarder gober terrine. Qu’avez-vous donc à me dire ?

– Alphagor Bourbier de Montcon, votre grandeur !

– Eh bien, qu’a-t-il encore fait ?

– Rien, justement. Il ne fait rien, et il est seul héros du duché…

– Certes.

– Et qui mieux qu’un héros est capable d’héroïsme ? Si vous envoyez Bourbier du côté de Montfureur, vous épargnerez trente ou quarante de vos hommes, et les défenseurs vous seront reconnaissants de leur offrir un être d’exception, symbole de votre puissance.

La duchesse repoussa Achille qui reniflait bruyamment sous ses jupes. Le sanglier grogna, montrant ainsi qu’il n’aimait point qu’on lui refuse une privauté, et s’en alla ronfler sur un épais tapis.

– Et si nous estimions avoir besoin du chevalier pour défendre Minnetoy-Corbières ?

– Enfin, Duchesse, Bourbier ne sait que défendre son tabouret en taverne, tout le monde le sait.

– Tout le monde sait surtout combien vous le détestez et que vous ne cessez de mettre en doute ses exploits.

Eustèbe Martingale bomba la poitrine. Enfin, la conversation prenait le tour qu’il désirait. Même saoul comme mille cochons, le duc savait où était son intérêt lorsqu’on le lui soulignait. Il n’aimait en outre point trop que sa femme intercède pour ce drôle de larron dont les viriles fanfaronnades et les exploits de couche devaient résonner douloureusement à ses oreilles.

– Votre Grandeur, loin de moi la prétention d’en savoir plus que vous sur les hommes et leurs talents. Et si Bourbier est bien l’homme que vous croyez, si sa croisade et ses exploits sont authentiques, ne pensez-vous pas qu’il trouvera matière à le montrer ? Diriger la défense d’une forteresse, voilà bien tâche digne de lui. S’il échoue, vous aurez perdu un héros dont Minnetoy-Corbières pleurera la mémoire, mais vous n’aurez point dégarni votre armée. Et s’il réussit, chacun reconnaîtra votre intelligence et louera votre courage d’avoir envoyé pareil homme honorer une dette d’amitié. Faites partir Bourbier pour Montfureur, et quoi qu’il arrive, vous ne le regretterez point.

La duchesse voulut riposter, mais son époux la fit taire d’un geste brusque.

– Il est dit que Bourbier partira au plus tôt sauver Montfureur et son peuple.

Et il s’envoya une forte lampée pour fêter cela.

***

En auberge du Sanglier Noir, on entendit un galop empressé. Morrachou ouvrit la porte de derrière.

– C’est lui, regardez !

– À le voir éperonner sa monture, on voit bien qu’il ne s’inclinera pas plus devant la Vierge cul au village qu’il ne le fit de face, dit Gros Louis qui s’était levé pour voir.

– Quelles mœurs obscènes ! Comment vivre sans révérer la Sainte Vierge ?

– Qu’en penses-tu, toi, Braquemart ?

– Je pense qu’en matière de vierge, je ne peux dire. Toute vierge que je connus, à mon départ ne l’était plus.

Le Berthoux et Gros Louis entonnèrent rire de gorge et crachèrent dans la toux qui s’ensuivit quelques restes de belles côtelettes et du dépôt de vin lourd.

– Et je pense surtout à femme qui n’est pas vierge et dont les exigences nous privent de bon compagnon.

Les autres opinèrent doucement et Morrachou remplit discrètement le verre de Braquemart pour tenter de lui changer de bien sales idées. Deux jours déjà, que Gobert Luret, justement surnommé Ventrapinte, forgeron de son état et imbibé par nature, n’avait pas poussé la porte de la taverne. Même en temps de grande fièvre, il n’avait boudé l’amicale compagnie aussi longtemps. Femme sienne, la peu fidèle Isabelle, l’avait menacé de ne plus même le laisser ronfler dans sa couche s’il s’avisait encore de rentrer en milieu de la nuit en chantant de honteuses paillardises qui l’obligeaient à savonner les oreilles des enfants pour leur purger l’âme. Vite dit ; Isabelle était fâchée et Gobert ne faisait point le fier. On chuchotait tout bas que sa juste fureur de femme était attisée par un autre motif. Yvin, le boulanger, portait beau et on le savait tourner autour de femmes languissantes ; et la maison de Gobert était réputée dans le bourg pour être celle où une femme se languissait le plus. Or, Yvin se sentait mal. Les premiers froids avaient mis de l’eau dans ses poumons, selon Pierrinot, le rebouteux, qui lui avait donné de nombreux onguents et lui avait conseillé de garder le lit et d’y demeurer seul. Sans personne pour la faire patienter durant les joyeuses libations de son époux, Isabelle avait décidé de sévir. Gobert partageait donc la carafe d’eau familiale et s’endormait à l’heure des poules. Même son ronflement manquait d’entrain, avait constaté Braquemart en passant près de sa maison.

Cette triste constatation poussa les virils amis à commander quelques saucissons et de fortes tournées. Comme souvent lorsqu’ils avaient besoin de se stimuler l’entrain, ils entonnèrent L’Hymne des fûts lapés, en montant ton et tempo au fil des vers :

Ô combien laperais-je
S’il m’était donné
Par un bon sortilège
Le doux don de laper
À façon du matou
À la truffe rosée
La douce rosée d’août
À peine déposée

Combien me plongerais-je
Le nez droit dans barrique
Qu’il vente ou qu’il neige
Malgré cent coups de trique
Pour que ma langue agile
Goûte à dernière goutte
Comme battement de cil
Avant de prendre route

Combien revivrais-je
Après mille supplices
Et cent mille coups de verge
À l’enivrant calice
L’eau de vie ne croupit
Elle frémit sans bouger
Dans l’attente de celui
Qui saura la goûter

En barrique ou en muid
Vide en toute apparence
L’eau de vie se tapit
Pour une dernière danse

Et puis, pour rendre à Gobert digne hommage, tous lui dédièrent L’Ôde à l’épouse endormie :

Ma mie ferme paupières
Ton souffle se fait clair
Et dans la nuit profonde
Entends le bruit de l’onde
Non ce n’est pas rivière
Non ce n’est pas torrent
Non plus comme naguère
Longs sanglots de l’amant

Ô ma mie endormie
C’est le chant du goulot
Auquel répond l’écho
Du bouchon dans la nuit
Qui bercent tes rêves
Lorsque je bois sans trêve
Mon amour d’une vie
Ô ma mie endormie

Quand leurs voix furent taries par trop de virils contre-ut ayant manqué leur cible, ils s’assirent autour du tapis et firent rouler les dés jusqu’à que les bouteilles encombrent la table à tel point que le jeu fut déclaré impossible. Ils s’en retournèrent au comptoir et comme Braquemart assenait que deux coups de plus, et les dés lui auraient donné raison, Morrachou jugea bon de déboucher une paire de bouteilles pour leur permettre d’étancher le débat à leur guise.

– La chance est comme tout, disait Braquemart, elle a ses propres règles. Maures d’Abyssinie m’en apprirent beaucoup, assez pour que je puisse vous dire…

– Si j’étais vous, Bourbier, je garderais les conseils des Maures d’Abyssinie pour plus tard.

Tous se retournèrent. Il était l’heure où l’ivresse estompe les bruits autant qu’elle fait chavirer les cœurs. Aucun d’eux, pas même Morrachou, n’avait entendu la porte s’ouvrir. Mais Eustèbe Martingale était bien là, fringant comme en temps de récolte des taxes, flanqué de deux de ses sbires les mieux bâtis et qui savaient faire rempart de leur corps quand on le menaçait d’un mauvais coup. Morrachou s’avança.

– Enfin, Maître Martingale, nous vous avons payé tout ce que nous vous devions avant Toussaint.

– Jamais, jamais vous n’aurez assez payé pour que la protection ducale s’étende à votre sinistre tripot, Morrachou, mais rassurez-vous, ce n’est pas après vous que j’en ai…

Il s’approcha de Braquemart, mielleux.

– Vous rendez-vous compte, Alphagor Bourbier de Montcon, que je viens vous donner une occasion en or de prouver votre héroïsme ?

– Mille fois, je l’ai prouvé, rétorqua Braquemart qui se désola que les fortes exclamations de ses amis ne fassent mieux résonner sa saillie.

– Alors peut-être que la mille et unième sera la bonne… Venez avec moi, Bourbier, le duc vous attend.

Chapitre IV

Gobert Luret poussa un long soupir alors que la porte se refermait à double tour. La serrure et la clé, qu’il avait patiemment travaillées dans sa forge, n’étaient pas de celles que l’on crochète, et son épaule rendrait l’âme avant le chambranle. Restait à supplier. Mais de longues années de mariage avaient appris à Gobert que son Isabelle n’était point sensible à ses plaintes nocturnes.

Par acquit de conscience, Gobert longea la ruelle pavée qui menait au Sanglier Noir. Les torches qui signalaient le lieu de boisson au cavalier de passage étaient éteintes, et Morrachou, lui non plus, n’était pas du genre à ouvrir son huis une fois ses fûts dignement vidés. Gobert se frappa les flancs pour tromper le froid. Il ne faisait pourtant rien de mal. Étendu de tout son large dans la couche conjugale, bouche grande ouverte, il dormait du juste sommeil de forgeron lorsque sa douce l’avait secoué pour lui dire qu’elle ne pouvait fermer l’œil à son côté. Il eut peut-être le tort d’arguer alors qu’il prendrait volontiers l’air, mais que la taverne était sans doute fermée.

Gobert ne se faisait nulle illusion : sa douce Isabelle n’ouvrirait pas avant le matin. Il pensa d’abord à pousser le pas jusqu’à la cabane de Braquemart, mais il suffisait que le chevalier eût trouvé drôlesse sur son chemin pour que son arrivée soit sujet de méchante humeur, de fâcheuses réprimandes et des quolibets du Sanglier Noir à l’heure où il s’y accouderait de nouveau et de plein droit. Il pouvait également passer la rivière et pousser sa route jusqu’au logis d’Alcyde Petitpont. Le meunier avait la porte ouverte, la soupe prête et le litron sur sa table pour les amis de passage. Oui, Gobert pouvait se rendre chez Petitpont, mais il estima qu’avant d’entamer le trop long sentier qui menait au moulin et à la demeure d’Alcyde, il convenait de prendre un honnête remontant. D’honnête remontant, Braquemart et lui en avaient enterrés quelques flacons au champ des sources, sur le haut du village, pour se donner la force de partir en chasse, se remettre d’être rentré bredouille ou d’avoir dû fuir à toutes jambes, coursés par les hommes de Martingale, pour avoir posé un peu trop de collets sur les terres du duc. Le lieu servait aussi les tristes nuits où sa femme le mettait dehors à l’heure où nul ami ne tenait encore sur ses pattes et ne pouvait, par conséquent, lui offrir un verre. Il s’en alla donc par la petite rue de terre qui s’éloignait des maisons hautes du village. Les nuages couraient vite dans la nuit et la lune en était bien pudique. Aussi, Gobert, dont les pieds connaissaient les moindres aspérités du trajet et qui ressassait en outre de bien tristes pensées, ne vit la silhouette que lorsqu’il fut déjà bien avancé dans le champ. À découvert. Le forgeron se figea. Qui donc pouvait donc connaître l’endroit précis de leur précieux butin de gorge ? C’est alors que l’homme se redressa et se retourna, main au fourreau et bouteille en pogne.

– Qui va là ?

– Ah, c’est donc toi, Braquemart ! J’ai cru un instant qu’un damné assoiffeur s’avisait de nous voler le vin de la bouche.

– Que fais-tu là, Ventrapinte ? Tu m’as dit ce matin en forge que tu passerais toute ta nuit contre doux sein de ta mie.

– Ma mie s’est révélée revêche… Mais toi ? Ne t’es-tu donc point assez imbibé chez Morrachou ? Il te faut donc piocher dans les réserves des heures mauvaises, comme ça, sans raison, bois-sans-soif que tu es !

– Sans raison ? Si tu savais… Assied-toi, mon ami, j’ai quelques péripéties à te narrer…

– Si ton histoire parvient à me faire oublier mes tourments, je suis tout ouïe…

– Oh, ta douce Isabelle ne te fait donc plus l’honneur de ses chaleurs ? Yvin aurait-il repris bon pied ?

– Ne me parle pas de ce pétrisseur obscène. Qu’il s’occupe donc de ses miches et que jamais il ne revienne mettre les pattes dans mon pétrin !

Gobert leva haut la bouteille à cette forte pensée. La lune sortit de sa cache comme pour lui souhaiter bonne santé, et aussitôt, le cul dans les herbes sèches, réprimant un frisson et savourant d’autant mieux le vin, Gobert se dit que, finalement, les tourments trouvaient leur juste consolation en amitié et en ivresse. Il se sentit réconforté par cette idée, un peu ému peut-être, aussi tendit-il la bouteille à Braquemart puis lui donna-t-il sévère bourrade qui enfonça le goulot bien plus que nécessaire en bouche du chevalier.

– Fichu maladroit ! Heureux encore que j’ouvre bien grand le clapoir quand il s’agit de boire, sans quoi ta sensiblerie de cocu m’aurait coûté trois dents. Que t’a-t-elle donc fait, pour te mettre en pareil état, ton épouse ?

– Elle prétend que je grogne, ronfle et pète autant quand je ne bois point que lorsque je rentre de taverne, et que mes mouvements en couche l’empêchent de dormir… Et quand elle ne dort pas, elle est d’une humeur terrible. Je te jure, elle m’a réveillé à grands coups de balai, et c’est à peine si j’ai pu enfiler souliers avant qu’elle ne referme porte sur moi.

– Il te faut donc trouver ce qui la fait dormir.

– Je sais ce qui la fait dormir. Isabelle en couche bien pilonnée s’endort comme un bébé.

– Alors…

– Le problème, c’est que lorsque je la besogne, c’est moi qui m’endors comme un bébé.

Braquemart téta longuement la bouteille jusqu’à être bien sûr de l’avoir asséchée. Il n’avait rien à ajouter, et au contraire des chaudes et grasses ambiances du bistrot qui le poussaient à dire tout à partir de rien, pour quelques rires et une nouvelle raison d’avoir soif, la nuit fraîche l’incitait au silence. Il en avait presque le temps de savourer le vin.

– Et toi ?

– Quoi ?

– Et toi, Alphagor ? Que t’arrive-t-il ? Tu as bien une raison d’être venu piocher dans notre réserve en pleine nuit ? Tu parlais de péripéties, il me semble.

– C’est cas de le dire. Tu te souviendras, mon vieil ami, que je t’ai laissé te répandre sur ton pitoyable mariage comme si c’était la première fois que tu t’en plaignais, alors que le destin m’envoie un défi que tu n’imagines pas. Oui, tandis que tu te préoccupes de ton épouse, de tes souliers et de tes ronflements, c’est un château que je vais devoir défendre et une armée qu’il me faudra combattre.

– Seul ?

– Oui, seul, pourvu de ma vaillance et de mon expérience des croisades. Faire face à une armée entière, te rends-tu compte ?

– Pardonne-moi, Braquemart, mais es-tu bien certain qu’il n’y a pas chez Morrachou gnôle nouvelle qui porterait ta langue un peu plus loin de réalité que d’ordinaire ?

– Tu ne me crois point, Ventrapinte ?…

– Enfin, bougremissel ! Tu ne peux pas avec deux pauvres bras…

– Le duc m’envoie en renfort à un vieil ami, huguenot auprès duquel il avait autrefois contracté dette d’honneur. Une armée entière marche sur son château, paraît-il fort mal défendu. Et je suis leur renfort, leur seul et unique renfort…

– Alphagor, pareil récit ne s’entend point souvent. Pour le croire, encore faudrait-il le voir.

– C’est bien pour cela que tu vas m’accompagner !

Chapitre V

– Un château huguenot, tiens, tiens…

Alcyde Petitpont apportait des compresses aux plantes et de grandes amphores prestement emplies à la source. Il n’existait aucun autre remède, pour remettre sur pied les deux plus ardents buveurs du village, les plantes et les racines les plus efficaces se refusaient à prodiguer leurs effets dans ces ventres sinistrés.

Il n’était guère étonnant que les deux compères se remettent de leurs ardentes libations au moulin. Alcyde partait à la recherche de plantes sauvages avant l’aube. Il lui arrivait de croiser en chemin le renard, le loup, le sanglier, mais aussi de ramasser l’ivrogne.

Un autre que lui, passant à proximité de la clairière, aurait pu prendre les gémissements rauques pour le cri d’un blaireau, mais Alcyde savait reconnaître le cauchemar de l’homme au foie surchargé. Vingt fois, il avait ramassé Alphagor et Gobert endormis, la main à la bouteille, dans ce champ entouré de frênes où ils en finissaient avec une soif tenace.

Les amis n’avaient pas encore l’allant suffisant pour entamer le pain et le jambon, et ils contaient leur histoire bribe par bribe, étonnés par l’intérêt du meunier qui, d’ordinaire, les laissait dire en vaquant.

– Des huguenots, dis-tu, Alphagor ?

– Quelle est cette question, meunier ? Éprouverais-tu coupable intérêt pour cette foi impie ?

– Quand des hommes font évoluer la science et la pensée, je ne vais pas scruter le fond de l’âme pour y lire le nom d’un dieu ou la conformité d’une foi.

– Tu dis bien, Alcyde, bougonna Gobert en se tapant le front à pleine paume, mais tu dis trop vite, avec des mots dont ma tête au matin ne saurait que faire… Alors, bougremissel, graissons-nous l’estomac pour faire passer le mal, et cessons ces histoires de huguenots qui ne nous concernent pas.

– Qui nous concernent fort puisque j’y vais guerroyer, et que tu vas me suivre !

Gobert ne répondit pas tout de suite, le temps d’observer le tremblement qui s’emparait de ses mains.

– Dis-moi que je dois en rire, Alphagor, et aie courtoisie de me le dire vite !

– Pourquoi rire ? Ne m’as-tu point écouté cette nuit ?

– Sûr que je t’ai entendu, mais si je devais prêter foi à chacune de tes paroles lorsque tu as bu…

Alcyde avait déployé un plan sur la table, il traçait du doigt un chemin tourmenté.

– Il y a certes une bonne trotte d’ici à Montfureur. Comptes-tu passer par les collines ou longer le rivage ?

– Je ne sais, Alcyde, je ne sais… Sinon qu’il me faudra prendre garde aux humeurs de Lucien.

Le fidèle cheval d’Alphagor le promenait plus sûrement que l’inverse. Comme Braquemart avait rarement chose d’importance à faire ni de lieu précis où se rendre, les rôles du cavalier et de la monture se mêlaient assez harmonieusement, surtout que Lucien avait le don de trouver l’abreuvoir en bordure de taverne, par goût personnel ou pour complaire à son maître, là encore la réponse n’était pas des plus sûres.

– Tu pars demain ?

– Je crois que le roulis qui tiendra compagnie à mon gaster journée durant ne me permettra guère de me mettre en route plus tôt… Il faudra en sus que je laisse Gobert faire dignes adieux à son épouse.

– Mais cesse avec cela, Braquemart. Je n’ai nul goût pour la guerre et le combat. Va détruire des armées si ça te chante, mais sans moi. Je ne viens pas.

Il y eut un silence durant lequel Braquemart tenta vainement de fourbir ses arguments… et qui ne fut rompu que par Petitpont.

– Moi si, mais je prends ma charrette.

***

Il était potron-minet, le lendemain, quand on frappa à la porte de Martingale. L’âme damnée du duché n’était pas de ceux qui se lèvent tôt. Aussi se frotta-t-il les yeux sans bien comprendre, alors que Roland Meurefisse se tenait bien droit derrière la porte.

Parfumé de frais, mais l’œil encore vide, Martingale enfila une toge violette et ouvrit enfin son huis. Meurefisse le considérait d’un œil triomphant.

– Ça y est, il est parti !

– Bourbier ?