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Collection de droit de l’Union européenne – série colloques

Directeur de la collection : Fabrice Picod

Professeur à l’Université Panthéon-Arsar (Paris II), Chaire Jean Monnet de droit et contentieux communautaire, dirige le marter professionnel « Contentieux européens », président de lu Commission pour l’étude des Communautés européennes (CEDECE)

La collection droit de l’Union européenne, créée en 2005, réunit les ouvrages majeurs en droit de l’Union européenne.

Ces ouvrages sont issus des meilleures thèses de doctorat, de colloques portant sur des sujets d’actualité, des plus grands écrits ainsi réédités, de manuels et monographies rédigés par des auteurs faisant tous autorité.

1. Le mandat d’arrêt européen, sous la direction de Marie-Elisabeth Cartier, 2005.

2. L’autorité de l’Union européenne, sous la direction de Loïc Azoulai et Laurence Burgorgue-Larsen, 2006.

3. Les entreprises face au nouveau droit des pratiques anticoncurrentielles : le règlement n°l/2003 modifie-t-il les stratégies contentieuses ?, sous la direction de Laurence Idot et Catherine Prieto, 2006.

4. Les échanges entre les droits, l’expérience communautaire. Une lecture des phénomènes de régionalisation et de mondialisation du droit, sous la direction de Sophie Robin-Olivier et Daniel Fasquelle, 2008.

5. Le commun dans l’Union européenne, sous la direction de Pierre-Yves Monjal et Eleftheria Neframi, 2008.

6. Doctrine et droit de l’Union européenne, sous la direction de Fabrice Picod, 2008.

7. L’exécution du droit de l’Union, entre mécanismes communautaires et droits nationaux, sous la direction de Jaequeline Dutheil de la Rochère, 2009.

8. Les droits fondamentaux dans l’Union européenne. Dans le sillage de la Constitution européenne, sous la direction de Joël Rideau, 2009.

9. Dans la fabrique du droit européen. Scènes, acteurs et publics de la Cour de justice des communautés européennes, sous la direction de Pascal Mbongo et Antoine Vauchez, 2009.

10. Vers la reconnaissance des droits fondamentaux aux États membres de l’Union européenne ?

Réflexions à partir des notions d’identité et de solidarité, sous la direction de Jean-Christophe Barbato et Jean-Denis Mouton, 2010.

11. L’Union européenne et les crises, sous la direction de Claude Blumann et Fabrice Picod, 2010.

12. La prise de décision dans le système de l’Union européenne, sous la direction de Marc Blanquet, 2011.

13. L’entrave dans le droit du marché intérieur, sous la direction de Loïc Azoulai, 2011.

14. Aux marges du traité. Déclarations, protocoles et annexes aux traités européens, sous la direction de Ségolène Barbou des Places, 2011.

15. Les agences de l’Union européenne, sous la direction de Joël Molinier, 2011.

16. Pédagogie judiciaire et application des droits communautaire et européen, sous la direction de Laurent Coutron, 2011.

17. La légistique dans le système de l’Union européenne. Quelle nouvelle approche ?, sous la direction de Fabienne Peraldi-Leneuf, 2012.

18. Vers une politique européenne de l’énergie, sous la direction de Claude Blumann, 2012.

19. Turquie et Union européenne. État des lieux, sous la direction de Baptiste Bonnet, 2012.

20. Objectifs et compétences dans l’Union européenne, sous la direction de Eleftheria Neframi, 2012.

21. Droit pénal, langue et Union européenne. Réflexions autour du procès pénal, sous la direction de Cristina Mauro et Francesca Ruggieri, 2012.

22. La responsabilité du producteur du fait des déchets, sous la direction de Patrick Thieffry, 2012.

23. Sécurité alimentaire. Nouveaux enjeux et perspectives, sous la direction de Stéphanie Mahieu et Katia Merten-Lentz, 2013.

24. La société européenne. Droit et limites aux stratégies internationales de développement des entreprises, sous la direction de François Keuwer-Defossez et Andra Cotiga, 2013.

25. Le droit des relations extérieures de l’Union européenne après le Traité de Lisbonne, sous la direction de Anne-Sophie Lamblin-Gourdin et Eric Mondielli, 2013.

26. Les frontières de l’Union européenne, sous la direction de Claude Blumann, 2013.

Sommaire

Avant-propos, par Édouard Dubout et Alexandre Maitrot de la Motte

L’écriture des libertés de circulation, par Stéphane de la Rosa

Ier Partie
Thèse : Problématiser l’unité

Situations purement internes et libertés de circulation, par Francesco Martucci

Libertés de circulation et situations horizontales – la personne privée comme destinataire commun ?, par Edouard Dubout

Existence/exercice des droits subjectifs et libertés de circulation : l’hypothèse (à nouveau) d’un rapport de mise en œuvre, par Jean-Sylvestre Bergé

L’accès au marché est-il le critère de l’entrave aux libertés de circulation ?, par Dominique Ritleng

Libertés de circulation et abus de droit, par Anastasia Iliopoulou-Penot

La justification des atteintes aux libertés de circulation : cadre méthodologique et spécificités matérielles, par Vassilis Hatzopoulos

IIème Partie
Antithèse : Éprouver l’unité

Opérateur économique, citoyen, « personne » : quelle liberté choisir pour la protection de ses droits ? E pluribus unum, par Jean-Yves Carlier

Libre prestation de services et droit d’établissement : les stratégies des entreprises, par Anne-Lise Sibony

La spécificité de la libre circulation des marchandises, par Peter Oliver

Les spécificités de la libre circulation des capitaux : l’exemple de la contestation des entraves fiscales, par Alexandre Maitrot de la Motte

IIIème Partie
Synthèse : Penser l’unité

Le classement des libertés de circulation en doctrine – aperçu de droit comparé, par Maria Fartunova et Claire Marzo

La distinction des biens et des personnes dans la classification des libertés de circulation, par Sophie Robin-Olivier

Le sujet des libertés de circuler, par Loïc Azoulai

Faut-il réécrire les libertés de circulation ?, par Marc Fallon

Avant-propos

par

Édouard DUBOUT et Alexandre MAITROT DE LA MOTTE

Professeurs à la Faculté de droit de l’UPEC

Équipe de recherche « Sources du Droit, Institutions, Europe » (EA 4389)

1. L’unité des libertés de circulation est une question essentielle. Elle ne peut que passionner ceux qui s’intéressent au cœur du droit de l’Union européenne, c’est-à-dire à son droit matériel, et, au sein de celui-ci, aux libertés européennes de circulation. Pour élaborer leurs stratégies normatives ou contentieuses comme pour exercer ou permettre d’exercer la libre circulation au sein d’un espace en cours d’unification, les acteurs de l’ambitieuse et nécessaire construction européenne, qu’ils soient magistrats, avocats, législateurs, administrateurs, régulateurs, décideurs, entrepreneurs, investisseurs, travailleurs, consommateurs, universitaires ou citoyens, peuvent en effet se demander si, au-delà de la diversité de leurs régimes, la libre circulation des marchandises, la liberté de circulation des travailleurs, la liberté d’établissement, la libre prestation des services, la liberté de circulation des capitaux et des moyens de paiement et, plus récemment, la libre circulation attachée à la citoyenneté européenne, ne sont pas soumises à des principes communs. In varietate concordia ?

C’est en vue de répondre à cette question légitime et difficile qu’un colloque international a été organisé, les 15 et 16 mars 2012, à la Faculté de droit de l’Université Paris-Est Créteil par l’équipe de recherche « Sources du Droit, Institutions, Europe » (EA 4389), avec le concours du Centre d’Études Internationales et Européennes de l’Université de Strasbourg. Au regard de l’inestimable qualité de toutes les communications qui y ont été présentées, et pour lesquelles nous voulons sincèrement remercier ici chacun des intervenants, cet objectif a incontestablement été atteint. Aussi avons-nous jugé nécessaire d’en publier les actes.

2. L’idée d’une telle recherche est à la fois modeste et ambitieuse. Sa modestie découle de ce que son origine provient d’un besoin simple, voire très pragmatique, et qui est partagé par tout enseignant du cours de droit matériel de l’Union européenne : comment présenter de manière pédagogique le droit des libertés de circulation ? Faut-il appréhender ces libertés une par une, au prix de lancinants recoupements, ou en proposer une lecture conjointe, au risque d’incessants tempéraments ?

Simple, ce besoin n’en reste pas moins essentiel. Car il est clair que tout enseignement procède d’une forme de systématisation, et donc d’une recherche, qui ne peut demeurer totalement neutre. Pour partie, l’importance grandissante du droit de l’Union dans les études de droit provient d’une entreprise de légitimation par la doctrine spécialisée qui en propose une grille de lecture destinée à expliquer (et donc à justifier) un phénomène juridique nouveau, en proposant de nouveaux concepts épistémologiques. Et il est incontestable que le droit de l’intégration repose essentiellement sur l’adhésion des acteurs juridiques internes au projet européen. Aussi la volonté de proposer une lecture claire et cohérente de ce qui fait le cœur de l’intégration européenne, à savoir la constitution d’un espace sans frontière intérieure, se comprend-elle aisément. À ce stade, la fonction de chercheur précède comme il se doit celle d’enseignant. Et le souci de clarifier la présentation d’un droit aux multiples composantes mais orientées vers une finalité commune implique alors de s’interroger sur la manière avec laquelle son unité peut être pensée.

L’ambition de la tâche peut paraître démesurée. Certains des plus éminents spécialistes s’y sont essayés, à l’instar de L. Idot et A. Rigaux qui ont réussi à établir une grille de lecture très convaincante, en présentant ce qu’elles appellent « le principe de libre de circulation » (1). D’autres ont également plaidé pour une approche unitaire du droit de la libre circulation, tout en assumant une posture malheureusement trop rare, laquelle consiste à faire prévaloir la prescription sur la description (2). C’est ainsi que dans son incontournable manuel, M. Fallon mentionne à plusieurs reprises les similitudes entre les libertés et avance parfois, de façon prémonitoire, l’idée d’en fusionner certaines (3).

Mais certaines spécificités demeurent, au point qu’il peut paraître vain de vouloir les dépasser. Aussi la plupart des auteurs entreprennent-ils de comparer les libertés en soulignant les différences de régime qui les séparent. Des manuels spécifiques sont par ailleurs consacrés à une liberté particulière : tel est l’exemple de la somme que l’on doit à P. Oliver au sujet de la libre circulation des marchandises (4).

3. Ceci tient pour partie à ce que l’objet d’une telle étude n’est pas clairement identifié. Quelles sont en effet les libertés de circulation ? Et plus globalement, qu’est-ce qu’une liberté de circulation ?

L’identification des libertés de circulation est, étonnamment, peu évidente. Leur nombre évolue ; et s’il est habituel de se référer aux quatre libertés mentionnées à l’article 26 § 2 TFUE, elles sont en réalité plus nombreuses. La libre circulation des marchandises est déjà elle-même composite, distinguant les entraves tarifaires (fiscales ou non) des entraves non-tarifaires à l’exportation et à l’importation, chaque fois selon un régime propre. Quant à la libre circulation des personnes, elle combine celle du travailleur et le droit d’établissement, dit aussi « liberté d’établissement » (article 49 TFUE) : étrangement, celle-ci est la seule qui n’obéit pas à une dénomination fondée sur le titulaire de la mobilité mais sur l’objet de celle-ci, à savoir l’installation sur un territoire national. De même, la libre circulation des capitaux et des moyens de paiement est double bien que soumise à un régime en apparence indistinct.

D’autres exemples de spécificités formelles ou substantielles seront avancés. Et la question est sans doute rendue encore plus difficile depuis qu’en sus de ces libertés économiques de circulation s’applique une liberté de circulation citoyenne qui bouleverse totalement le droit de la mobilité dans l’Union, et dont les liens avec les précédentes sont parfois ambigus. Enfin, il ne faut pas négliger le droit dérivé qui organise de plus en en plus fréquemment d’autres régimes spéciaux de libre circulation : actes et décisions de justice, contrats ou preuves, données personnelles, etc.

En définitive, ces libertés de circulation ont pour finalité la constitution d’un espace commun par la protection d’un droit à la mobilité transnationale. Mais cet espace n’est pas nécessairement le même : au-delà de son cœur économique, il comprend des dimensions commerciales, douanières, sociales ou financières qui sont différentes. Derrière la diversité des libertés de circulation, il y a en réalité une superposition d’espaces européens en construction.

Parallèlement, la nature juridique des libertés de circulation évolue. Sous l’influence de leur développement jurisprudentiel et des interprétations dynamiques qui les sous-tendent, la question se pose de savoir si elles ne sont plus seulement constitutives d’un espace (lui-même à géométrie variable), mais bien plutôt d’un statut. C’est du moins la thèse qu’a défendue l’Avocat général Poiares Maduro lorsqu’il a conclu qu’« à présent, les libertés de circulation doivent être comprises comme l’une des composantes essentielles du statut fondamental des ressortissants des États membres » (5). En quelque sorte, cela revient à dire qu’elles forment des attributs du sujet de droit de l’Union européenne qui leur préexisterait, alors qu’auparavant, seul l’usage de la liberté de circuler le constituait comme tel.

Ce renversement de logique entraîne de nouvelles difficultés dès lors que certaines libertés de circulation se prêtent moins aisément que d’autres à cette transformation normative qui aboutit à la constitution de droits subjectifs au profit des particuliers.

4. Comment parvenir alors à une certaine forme d’unité ? Quelle méthode convient-il d’employer pour faire face aux difficultés rencontrées ?

Parmi plusieurs méthodes, il en est une qui est classique dans les Facultés de droit, et qui consiste à recourir au réflexe taxinomiste pour dresser une typologie des libertés européennes, les classer, les répartir entre des catégories juridiques qui sont fondées sur des critères également juridiques.

Il faut bien convenir, cependant, que cette méthode est inadéquate en l’espèce. Il n’existe a priori ni catégorie homogène, ni même, en amont, de critère incontestable de répartition des libertés, pas plus qu’il n’est possible, en aval, de se référer à des régimes juridiques propres à chaque catégorie. Il est, en d’autres termes, peu aisé d’identifier des catégories de libertés, et ce aux deux sens du terme : qu’est ce qui distingue une catégorie des autres ? qu’est ce qui caractérise une catégorie donnée ?

Il est par exemple peu adapté d’employer une classification fondée sur les objectifs poursuivis : union douanière, marché intérieur, union économique et monétaire. Si elle peut sembler séduisante au premier abord, une telle classification conduit en effet à séparer la libre circulation des marchandises (union douanière) et la libre prestation des services (marché intérieur) ou à traiter différemment la libre prestation des services (marché intérieur) et la libre circulation des capitaux (union économique et monétaire). De nombreux points communs peuvent pourtant être identifiés à chaque fois.

Il est également contestable de recourir à une classification qui soit fondée sur le type de protection conférée et sur les titulaires des droits. Il serait certes tentant de dresser une typologie qui procède à une distinction selon que sont en cause des biens (marchandises, services et capitaux) ou des personnes (travailleurs, établissement, citoyenneté). Mais cette classification ne reposerait sur aucune séparation étanche ou évidente. Que l’on songe, par exemple, qu’en matière de services, le droit de l’Union protège les prestataires ou les bénéficiaires des services. De même, il est possible de se demander si la libre circulation des marchandises ne s’adresse pas in fine aux producteurs et aux consommateurs. Car derrière le bien, il y a la personne ; et comme l’a noté Jean Carbonnier, la chose « n’est qu’un intermédiaire entre une personne et le droit » (6). Enfin, le droit applicable aux services ou aux capitaux ne correspond pas à une transposition des règles applicables en matière de marchandises.

Il est tout aussi discutable d’opérer une classification fondée sur le caractère des mouvements protégés : s’agit-il de mouvements économiques ou de mouvements non économiques ? Il existe en effet des mouvements qui sont à la fois économiques et non économiques, à l’instar de celui qui est effectué par un travailleur qui s’établit dans un autre État membre avec sa famille. Qui plus est, chaque liberté économique présente des spécificités (objectifs, champ d’application, justifications, etc.) qui la distingue des autres. Certes, la libre circulation citoyenne pourrait être isolée dans cette perspective, mais elle entretient des liens étroits avec ses consœurs économiques dans ce que l’on peut désigner comme la construction d’une citoyenneté européenne « de marché ».

Et il est encore probablement moins pertinent de procéder à une classification fondée sur le régime des libertés. Le juriste qui ne parvient pas à trouver une unité notionnelle cherche parfois, en désespoir de cause, une unité qui s’attache au régime juridique applicable : il déduit alors l’existence d’une notion à partir de son régime. Mais la difficulté est précisément que les régimes diffèrent, parfois sensiblement, comme l’illustre notamment celui des marchandises à travers par exemple la qualification et la justification de l’entrave. En fin de compte, il existe autant de régimes que de libertés européennes, voire plus de régimes que de libertés dès lors que certaines d’entre elles prévoient une dualité de régimes (marchandises, capitaux et moyens de paiement).

Les exemples destinés à montrer à quel point il est difficile de classer a priori les libertés européennes pourraient être multipliés. Mais sans doute est-il plus intéressant, en amont, de se demander pourquoi la taxinomie se heurte à des obstacles. Cela tient, pour l’essentiel, à ce qu’il n’existe aucun critère permettant de distinguer des catégories juridiques. Cette absence de critère résulte de ce que dans certaines situations, plusieurs libertés sont invocables.

Il arrive en effet que plusieurs libertés soient cumulativement appliquées. Tel est le cas du travailleur qui migre avec sa famille : il peut se prévaloir de la liberté de circulation des travailleurs et de la citoyenneté. Tel est aussi le cas des investissements financiers : lorsqu’un contribuable constitue une entreprise dans un autre État membre et qu’il est plus lourdement taxé que dans une situation interne, la mesure fiscale nationale qui aboutit à cette discrimination porte à la fois atteinte à la liberté d’établissement (exercer une activité économique dans un autre État membre) et à la liberté de circulation des capitaux (placer son épargne et percevoir des dividendes). Il arrive également qu’un objet économique puisse être considéré tout autant comme une marchandise que comme un service. À nouveau, les exemples pourraient être multipliés. Cela tient à ce qu’il est parfois impossible, lorsque plusieurs libertés sont en concurrence, de trouver le critère départiteur, illustrant ainsi la porosité de leurs frontières. Cela ouvre des perspectives d’instrumentalisation de la part de ceux qui en maîtrisent les subtilités.

Mais faut-il classer les libertés ? L’inconvénient du classement n’est-il pas de nier tout ce qui peut être commun à plusieurs libertés, voire à toutes les libertés : tel est le cas du raisonnement juridique, du ou des critères de l’entrave, des raisons impérieuses d’intérêt général, de l’appréhension des situations purement internes, de l’appréhension des discriminations à rebours, etc.

5. Ce n’est donc, en fin de compte, qu’au terme d’un raisonnement de type dialectique qu’il est possible de répondre à la question de savoir si l’on peut classer les libertés européennes de circulation et, le cas échéant, de procéder à une ou des classifications.

Ce raisonnement dialectique se présente comme suit. Après un rapport introductif permettant de remettre les questions posées dans une perspective historique, la thèse entend problématiser l’unité des libertés de circulation. Sont alors étudiées les situations purement internes, les situations horizontales, l’existence et l’exercice des droits subjectifs, l’accès au marché et le critère de l’entrave, l’abus de droit ou les justifications des entraves : soit autant de problématiques communes qui laissent penser qu’il existe une unité des libertés de circulation.

Vient ensuite le temps de l’antithèse, qui permet d’éprouver l’unité. La question des choix stratégiques et contentieux des opérateurs économiques, des citoyens et des personnes, la comparaison des potentiels respectifs du droit d’établissement et de la libre prestation des services, ou encore les spécificités affichées par la libre circulation des marchandises et la libre circulation des capitaux, montrent à quel point chaque liberté se caractérise par des règles qui lui sont propres.

Pour penser l’unité, une synthèse est alors nécessaire. Après avoir étudié les modalités de classement des libertés, opéré une distinction entre les biens et les personnes, et appréhendé le sujet des libertés de circulation, elle répond à la question de savoir s’il faut réécrire les libertés de circulation.

(1) L. Idot et A. Rigaux, Lamy procédure communautaire, 2005, fascicules 140 et s. On regrette que ce document ne soit pas plus aisément disponible.

(2) M. Fallon, « Vers un principe général de liberté de circulation – Pour une approche unitaire du droit du marché intérieur », Annales d’Etudes européennes de l’université catholique de Louvain, 1996, p. 73-115 ; H. D. Jarass, « A Unified Approach of Fundamental Freedoms », in M. Andenas et W.H. Roth (ed.), Services and Free Movment in EU Law, Oxford University Press, 2002, pp. 144-162 ; M. Poiares Maduro, « Harmony and Dissonance in Free Movement », Cambridge Yearbook of European Legal Studies, 2001, vol. 4, pp. 315-341 ; A. Rigaux, « Cohérence et marché intérieur », in V. Michel (dir.), Le droit, les institutions et les politiques de l’Union européenne face à l’impératif de cohérence, Presses universitaires de Strasbourg, 2009, spéc. pp. 323 et s.

(3) A propos du droit d’établissement et la liberté de prestation de services, largement regroupées dans la directive n° 2006/123 du 12 décembre 2006, voy. M. Fallon, Droit matériel de l’Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2002, spéc. p. 177.

(4) P. Oliver (ed.) Free Movement of Goods in the European Union, Oxford, Hart Publishing, 2010, 628 p.

(5) Conclusions du 30 mars 2006 dans les affaires Vassilopoulos et Marinopoulos, aff. C 158/04 et C 159/04, spéc. pt. 40.

(6) J. Carbonnier, Pour une sociologie du droit sans rigueur, Paris, L.G.D.J., collec. « Flexible Droit », 1995, 8ème édition, spéc. p. 197.