Je travaillais comme infirmière dans un hôpital réputé de Montréal, et chaque midi, je mangeais à la cafétéria avec un groupe de femmes à l’esprit ouvert. Nous étions environ une dizaine, qui partagions le célibat, la liberté, les voyages, et parfois même, les hommes. Nous avions toutes un passé très actif ; nous anticipions l’avenir dans le sens positif, mues que nous étions toutes autant par une irrationnelle et inébranlable confiance en nous-mêmes. Que nous soyons pharmaciennes, infirmières ou médecins, nous nous sentions à égalité, et quelle que soit notre fonction, cette liberté d’esprit était sans doute le véritable moteur de notre amitié. D’une certaine manière, nous étions plus ou moins consciemment des sortes de libertines du XXIe siècle.
Ce jour-là, par je ne sais trop quel hasard, nous étions toutes attablées à la cantine, lorsqu’une nouvelle tête vint s’asseoir à la table voisine : un homme début quarantaine, stéthoscope au cou, et beau comme un lever de soleil sur les dunes du Sahara. Sous ses pantalons, on devinait une cuisse élégante, musclée et aux attributs visibles, que bien des femmes auraient volontiers accueillis entre leurs jambes. Je ne pus m’empêcher de fantasmer, l’imaginant dans mon dépôt en train de me caresser la vulve, ou alors me pénétrant par l’arrière-train, me procurant des jouissances sans pareilles. Puis, au milieu de son quart de nuit, j’allais le rejoindre dans une chambre vide, là où nous nous laissions aller à nos désirs concupiscents. Une chaise devant la porte comme serrure, la fenêtre ouverte donnant sur un vent chaud de juillet, et nosébats, nos caresses, notre sexe intimement lié l’un à l’autre sauvagement, jusqu’à un phénoménal orgasme. Je salivais, à la seule idée des acrobaties sexuelles auxquelles je pourrais me livrer avec ce spécimen.
Je revins à moi, lorsque l’une d’entre nous, considérant l’individu comme point d’attraction, émit une proposition qui nous ravit toutes. Celle d’avoir dans son lit ce bel adonis, mais pas pour un soir seulement, pour une relation sporadique ou non qui durerait au minimum trois semaines, maximum quatre et, de toute évidence, avec preuves à l’appui. Nous en avions huit devant nous pour prouver nos prouesses de séductrice. La première qui réussirait l’exploit gagnerait un voyage en Italie. Il va sans dire que celle qui fit cette proposition avait un frère qui travaillait dans une compagnie aérienne, et que la mise sur table pour la gageure n’était pas considérable, compte tenu du nombre de participantes. Nous étions six à considérer la chose possible, et n’avions même pas cent dollars chacune à investir dans cette aventure jubilatoire, aphrodisiaque et culturelle. Je choisis d’y prendre part, bien que je trouvai l’individu trop séduisant, et sûrement très difficile à prendre dans mes rets. Mais l’enjeu, et surtout la satisfaction de gagner, valaient bien un tel risque, sachant pertinemment que l’attrait d’un tel mâle pouvait électriser bon nombre de femmes.
Trois semaines, c’est long et très court. Je me tins à l’écart quelques jours, pour l’observer attentivement, et ainsi mettre au point ma stratégie d’approche. Je fus ainsi témoin de toutes les tentatives des autres parieuses, qui aboutirent à autant d’échecs. Il s’appelait Joshua, et était affecté au 5e étage, service de pneumologie. J’étais employée à la pharmacie, et rares étaient les occasions que j’avais de rencontrer face à face de beaux mâles. Au cinquième jour du pari, je me retrouvai par chance avec une ordonnance signée Joshua, sur laquelle était gribouillée une posologie quasiment illisible. Certes, avec mes connaissances, je pouvais fort bien deviner, mais je lui envoyai un message lui demandant de bien vouloir passer à la pharmacie. Aussitôt que je le vis arriver de loin, je redressai ma poitrine, ouvris mon sarrau, et arrachai le troisième bouton de mon chemisier, faisant pigeonner ma poitrine autant qu’il en était décemment possible. Il remarqua la chose d’un œil expert…
– Pardon, vous avez un bouton détaché…
– Oh. Merci. Oh non ! Je l’ai perdu. C’est pas très grave. La plupart du temps, je tra- vaille seule, ce n’est pas dérangeant. Qu’en pensez-vous ?
– Si vous le dites… Hem, je suis le Dr. Joshua Goldberg. J’ai reçu votre message.
– Oui. Excusez-moi, je ne comprends pas ce qui est écrit sur votre ordonnance.
– Vous avez parfaitement raison. J’ai griffonné. C’est 30 mg toutes les 6 heures. Donnez ; je vais vous le refaire.
Je lui tendis le billet, le laissai écrire, puis au moment de reprendre le papier, plaçai fermement ma main sur la sienne.
– Dites-moi. Ça vous dirait de manger avec moi à la cafétéria, demain ?
– Et pourquoi pas ? Ce sera l’occasion de mettre les points sur les i. Demain avec plaisir, mais ce sera à midi. Ça vous convient ?
– À midi ? Bien sûr ; à demain.
Le lendemain, j’étais à la cafétéria à 11 h 55 pile, prête à accueillir mon gibier avec l’affec- tion d’une véritable carnassière. Cette fois, je ne portais pas de chemiser, mais mon décol- leté, sans être plongeant, mettait mes seins en valeur. Il m’en fit d’ailleurs compliment, avec un demi-sourire. Nous étions assis complète- ment au bout de la cafétéria, là où habituelle- ment personne ne va. Sur ces entrefaites, mon groupe de parieuses fit irruption sans être in- vité. Ce fut comme un char d’assaut se jetant sur nous pour avoir la meilleure place à côté de l’homme d’espérance. Celui qui ignorait qu’il était en soi une finalité, celle du voyage en Italie. Je fis mine de rien, en levant légèrement les yeux vers elles. Je regardai mon soupirant, en lui faisant des yeux un signe com- me quoi nous pourrions changer de place. Il n’eut pas l’air d’avoir compris ; et, comble de misère, la conversation tourna autour de consternantes banalités.
Devant ce demi-échec, je lui laissai deux ou trois jours pour avaler l’affront de mes collègues, et m’enquis de l’inviter à manger autre part. Je ne fis pas vraiment d’invitation formelle, mais je lui dis incidemment que j’aurais apprécié remettre ça.
– C’est moi, qui vous invite, fit-il avec
élégance. Par contre, je ne suis pas libre avant dimanche. Et madame ?
– En principe, je travaille. Mais je vais m’arranger…
Je lui glissai mon numéro de téléphone dans la main avant de repartir. Durant les quelques jours d’attente, j’évitai de revoir le groupe, ce qui tourna plutôt à mon avantage, car certaines s’étaient mises à le harceler sans retenue, ce qu’il ne semblait guère apprécier. Cependant, je vins à remarquer que Fabienne,
une des parieuses, ne se montrait plus. Et comme elle travaillait au même étage que lui, peut-être avait-il rendez-vous avec elle avant moi ? J’allai me renseigner. Il n’était pas de garde ce samedi. Fichtre ! Je passe en deuxième, pensai-je.
Samedi arriva. Il me fallait savoir si Fabienne était chez elle, et en sa compagnie. J’attendis que le ciel se parsème d’étoiles, et me rendis dans son quartier, où par précaution, je stationnai à une dizaine de maisons de la sienne. Arrivée à la porte, je tendis l’oreille. Il y avait bel et bien quelqu’un à l’intérieur. Je me sentis un peu idiote, de sonner comme ça un samedi soir sans prévenir. Je reculai donc devant cette alternative. Pourtant, il m’était impératif de constater qui était bien là. Je longeai le mur qui donnait sur la salle à manger ; et comme une espionne, je jetai un œil par la fenêtre, où les rideaux étaient ouverts. Même si je devais m’y attendre, le jeu faisant partie de cette soirée, j’en restai interloquée, car je reconnus aussitôt Joshua. Il ne perd pas son temps celui-là, me dis-je…
La fraîcheur de la nuit commençait à se répandre, mais je voulais rester un peu, ne serait-ce pour savoir jusqu’où était déjà engagée leur intimité. Je me glissai doucement derrière la maison, et m’accroupis dans un coin sombre où par chance, la porte-jardin me plaçait aux premières loges. La scène était à peine éclairée par quelques bougies ici et là. Ils ne prirent même pas le temps de se rendre à la chambre à coucher. Sur le comptoir de la cuisine, il installa Fabienne, lui fit écarter largement les cuisses en souriant, et à genoux, il enfonça la tête dans le pelage frisotté de son bas-ventre. Je compris alors la raison pour laquelle cette dernière n’ouvrait jamais les fenêtres. Ses vagissements et ses exclamations s’entendaient bien au-delà de l’endroit où je me tenais. À chaque coup de langue, elle criait, explosait littéralement, avec des miaulements de chatte en chaleur. Joshua en semblait même un peu décontenancé. Par instants, il interrompait ses succions, pour la considérer dans toute l’exaltation de sa jouissance. Puis il reprenait consciencieusement le cunilingue ; jusqu`à ce qu’elle poussât un long cri d’exultation, au point culminant de l’orgasme. Il recula d’instinct, mais fut quand même aspergé par le giclement de son liquide. Je me tapis derrière une banquette pour voir la suite. Sans se départir pour autant de la raideur de son membre, il emmaillota en hâte celui-ci d’un préservatif, retourna Fabienne sur le ventre sans ménagement, étalée sur le comptoir, et la perça avec frénésie. Elle semblait y prendre un plaisir fou, à entendre ses vagissements. J’anticipais ma rencontre du lendemain, et me préparais mentalement
à refuser ses avances. Rien qu’à le voir fouir ainsi entre ses fesses rebondies, cela m’enlevait toute envie. Mais au bout d’un moment, elle se dégagea, se retourna et le déshabilla comme s’ils étaient sur le point de prendre feu. Elle saisit à pleines mains le phallus épanoui tendu vers son cul, en retira la capote d’une main preste, et le goba presque entièrement, bourses comprises, comme si elle voulait littéralement lui manger le sexe. Joshua se tenait les mains sur les hanches et la tête renversée en arrière, en émettant par moments des halètements de plaisir, à peine audibles d’où je me tenais. Tantôt, il prenait sa tête entre ses mains et activait lui-même son sexe dans sa bouche, et tantôt elle remontait au gland, pour le rendre fou de jouissance. Mais à les regarder ensemble, je comprenais parfaitement qu’un tel jeu n’était que sexuel. C’était ma seule chance pour les jours à venir.
Le lendemain matin, vers les dix heures, je reçus un appel de Joshua. Il m’invitait à un brunch dans un hôtel du centre-ville. J’avais donc à peine deux heures pour me préparer. Avec ce dont j’avais été témoin la veille, stratégiquement, je ne devais surtout pas jouer les libertines, puisqu’il avait déjà tout ce qu’il lui fallait en la personne de Fabienne. Force était donc, par opposition, de jouer les femmes réservées. Ma toilette fut choisie dans cette optique. Lorsque la sonnette retentit, mon cœur sursauta. Pourquoi donc étais- je entrée dans une telle aventure ? Un bref instant, je me demandai même s’il n’était pas plus sage d’y renoncer. J’ouvris la porte sur un rayon de soleil, qui m’illumina un instant.
– Oh ! Quelle élégance ! Excusez-moi, je suis un peu en avance.
Je ne le fis pas entrer, car ce n’était ni convenable ni impératif. Il me conduisit à sa voiture, un vieux cabriolet Volkswagen impeccablement conservé. Les cheveux dans le vent durant le trajet, je me sentis soudain aussi gaie qu’une adolescente à son premier rendez-vous.
Ce fut un déjeuner euphorique. Mon appareil photo, que j’avais apporté pour lesdites preuves, fonctionnait sans arrêt. Du 29e étage de l’hôtel Delta, le restaurant Tour de ville offrait une vue spectaculaire : d’un côté le fleuve et le port, et de l’autre, le Mont-Royal. Nous conversions à bâtons rompus, alors que dans quatre semaines, mon supposé soupirant pourrait aussi bien ne devenir qu’un souvenir de plus. Les règlements de notre jeu stipulaient que la relation devait se terminer au bout de trois ou quatre semaines de fréquentation. Aurais-je à m’en attrister, ou à m’en réjouir ?
Au retour, nous nous arrêtâmes sur le bord du canal Lachine. Là, le dos appuyé à un arbre, il saisit mes lèvres déjà humides d’envie, pre- nant ma tête entre ses deux mains. J’éprouvai alors le désir de m’abandonner, mais le pari que je gardais en tête m’arrêtait. Je devais garder la tête froide, car il m’envoûtait déjà. La suite me rendit perplexe, car il me dit qu’il cherchait une relation stable, et que ce lui semblait être moi. Mais connaissant désor- mais la teneur de sa relation avec Fabienne, je restais sur mon quant-à-moi. Devant nous, les rayons de soleil qui transperçaient les nuages investissaient le bleu pâle du ciel de mai. Quand nous reprîmes la voiture, Joshua m’amena chez lui, au lieu de me reconduire chez moi.
– Un souper à la chandelle, ça te plairait ?
– Pourquoi pas ? Mais on peut aussi culti- ver les fleurs, avant de les couper.
– Sarah, la vie est courte. Je vois la mort tous les jours, tu sais…
Il ne mit pas une heure à me convaincre. Je me laissai faire, puisque de toute façon j’en mourais d’envie.
Chez lui, il me conduisit à son spa situé dans sa chambre à coucher.
– C’est l’endroit où nous prendrons notre dessert.
– Et l’entrée, ce sera où ?
– Viens, je vais te montrer.
Il me prit par la main, tout droit vers la terras- se. Nous avons vite renoncé à nous y installer, car le ciel s’était couvert et annonçait l’orage. Il referma la porte derrière nous, m’installa confortablement sur le canapé du salon, et re- vint avec une bouteille de champagne et deux verres. Après maintes belles paroles, une en- trée de petites quiches et la bouteille presque terminée, il se fit plus entreprenant. Il m’al- longea sur le divan, vint s’installer au bout de mes pieds qu’il plaça directement entre ses jambes. À mon seul contact, sa verge bondit derrière sa braguette. Je mouvais mes orteils sournoisement, pour le porter à ébullition. Mais lui fit de même avec ses pieds, qui se mi- rent à enjôler mes hanches avec application, pour ensuite atteindre ma vulve, après s’être introduits sous les replis de ma jupe. Après quoi seulement, il m’embrassa ; à m’enflam- mer jusqu’au plus profond de mon ventre. Je finis par me retrouver dans ses bras, en direc- tion du spa. L’escalier lui fut difficile à mon- ter, car les rondeurs ne sont jamais légères, c’est vrai ; mais c’était probablement aussi ce qui rendait son érection si émouvante. Il m’y déposa, me déshabilla avec délicatesse. Je me relevai alors, sûre de ma beauté, et me mis à le caresser partout, du bout des doigts, une fois qu’il fut devant moi aussi totalement nu que moi. Il se tenait comme un peu embarras- sé, sans sa blouse blanche et son stéthoscope, le phallus protubérant et les lèvres tremblan- tes. Je sentis alors, combien il pouvait devenir ma chose, par la seule puissance de sa grosse verge éperdument rivée vers moi, et qu’il ne contrôlait plus ; comme si celle-ci était de- venue totalement mienne. Je possédais son
sexe, je le possédais par le sexe ; je le tenais par les couilles. Nous restâmes debout dans l’émotion de ce premier corps à corps, mes seins gonflés de désirs collés à sa poitrine, son phallus frappant à mon ventre comme à une porte close.
Le spa ayant atteint la chaleur désirée, la demi-heure qu’on y passa m’amena dans un état de relaxation tel, que je ne voulais plus m’en extraire. Mais il s’employa patiemment à m’assécher à coups de langue, il nous enduisit l’un et l’autre d’huile aphrodisiaque, et nos deux corps réunis sur les draps blancs se mirent à glisser l’un sur l’autre dans une sorte de danse de la volupté. Tantôt ma main bien huilée saisissait ses parties génitales, faisant éclore le bonheur de ses sens, tantôt ses doigts passaient et repassaient sur l’œil de mes lèvres intimes. Ensuite, sous mes yeux révulsés de plaisir, Joshua effeuilla à pleine bouche les replis de ma vulve, avec la courtoisie lubrique d’un amant désireux de toucher le plaisir de sa muse avant le sien propre. Je le tenais fermement par ses fesses charnues et moelleuses, pour l’engloutir dans les abysses de mon corps, autant que de mon esprit. Je désirais le contenir en moi, comme un monde absorbé par un autre. Lorsque j’atteignis enfin les limites extrêmes avant l’irruption de l’orgasme, je me retirai brusquement de lui, et pris d’une main ferme possession de sa verge au bord de l’explosion, lui présentant mon postérieur, et en effectuant des va-et-vient dans mon vagin surexcité, tout en lui tenant les pieds. Cette position acrobatique, à tête renversée, nous porta exactement au même instant au paroxysme de la jouissance. Nos caresses finales, sur nos corps huileux, furent aussi voluptueuses que les toutes premières.
Durant le repas qui suivit une copulation si bienfaisante, il ne cessa de me dévorer des yeux. Mais moi, bien qu’encore ivre d’amour, je ne pouvais m’empêcher de revoir la scène de la veille avec Fabienne. J’avais gagné, c’était sûr.
À cause de nos horaires souvent différents, nos rencontres furent pourtant sporadiques. Et au fur et à mesure de nos rencontres, je ramassai les preuves. Où que nous allions, j’en conservais des photos-souvenirs. Entre la troisième et la quatrième semaine, j’eus enfin en main toutes les pièces à conviction qui m’étaient nécessaires. Mon dossier étant monté, j’invitai les filles à venir chez moi pour constater. Pas une seule d’entre elles n’avait réussi à s’en approcher, sauf Fabienne, qui le vit trois fois dans la même semaine, et ce fut tout. Ma conscience me parla très fort ce soir- là. Je leur avouai que même après seulement trois semaines de fréquentation, ma relation avec Joshua était devenue plus importante que prévu. Je leur demandai de ne surtout pas le mettre au courant de notre marché. En échange, j’allai jusqu’à leur laisser mon voyage en Italie. J’étais aussi confuse, car je ressentis brusquement dans les yeux de Fabienne la jalousie qu’elle en éprouvait. En fait, il n’avait jamais été convenu qu’il devait être mis au courant une fois l’affaire terminée, mais c’était bien ce qu’elle entendait faire. Son attitude m’horripila à tel point, que je finis par toutes les mettre à la porte. Le lendemain, je me rendis très tôt chez Joshua. C’était trop tard, il savait tout. Fabienne le lui avait appris depuis longtemps, une fois qu’elle eut compris que tout était joué. Il m’apprit calmement, d’une voix clinique, et sans même un sourire, qu’il n’éprouvait en réalité aucun sentiment pour moi. Il n’avait fait que feindre durant vingt-quatre longs jours, pour moi vingt- quatre jours de bonheur, juste le temps de notre amour pour rire, pour rien. Il m’avait donc grugée, et enculée sous tous les angles par-dessus le marché. De quoi mettre à bas tout mon égo de séductrice de commande. Dès lors, je cessai toute amitié avec les femmes
L’Accordeur de piano
Devant sa tasse de café, Géraldine surveille par la fenêtre : elle espère encore l’accordeur de piano. Mais la pluie enveloppe le monde depuis le petit matin ; et bientôt l’orage emprisonnera quiconque a peur des intempéries. Décidément, son accordeur ne viendra pas. Elle remplace le songe par la concentration, en se replongeant dans un livre sans grand intérêt, tandis que ses chats ronronnent près du foyer de pierres. Une douce chaleur enchante la maison, la baigne dans une quiétude scintillante.
Mais alors qu’elle n’y pensait même plus du tout, le maître tant attendu sonne à la porte. Géraldine aperçoit par la fenêtre un homme grand à canne blanche et aux verres teintés. Il attend sans impatience, une mallette à la main. On le lui avait pourtant décrit comme quelqu’un d’assez spécial ; mais elle ignorait qu’il était aveugle. « M. l’Accordeur n’a pas de nom ». C’est du moins ce qui était écrit, en élégantes gothiques, sur la carte de visite qu’il lui présente avec une certaine désinvolture.
– Bonjour, Madame. Je suis Monsieur l’Accordeur.
– Ah… ! Je vous attendais, monsieur. Entrez donc, je vous en prie. Je vais vous montrer le piano.
Géraldine prend la main de l’accordeur, dirige son visiteur jusqu’au salon, où trône le majestueux instrument de musique.
– Permettez-moi, madame… Mais comme vous avez les mains douces !
– Oh… ! Eh bien, merci. Merci, monsieurL’accordeur.
M. l’Accordeur dépose sa mallette par terre, s’assied devant le vaste clavier, et se met aus- sitôt à jouer quelques portées d’une sonate de César Franck. Géraldine en est subjuguée… Réussira-t-elle un jour à promener ses doigts avec tant d’allégresse sur son instrument ? M. l’Accordeur se lève ; il sent bien que Géraldi- ne est tout près. En lui tenant la main, il a dû ressentir sa sensualité dévorante ; ce grain de peau et cette aura d’épicurienne qui sans doute s’ignore tout à fait. Il sent qu’elle le regarde. Il n’est pourtant pas beau ; mais on admire tou- jours les aveugles, n’est-ce pas ? Ils évoluent dans des espaces sensibles tellement inaccessi- bles au commun des mortels.
– Dites-moi… quel est votre prénom ?
– Je n’en ai pas. Enfin, je veux dire… pas pour le travail. Donnez-moi le nom que vous voudrez. Ça me conviendra…
Géraldine s’interroge sur la raison pour laquelle un aveugle aurait scrupule à divulguer son prénom. Oui ; vraiment spécial, cet accordeur.
– Bon, dans ce cas… Puis-je vous appeler Edgar, alors ? Je crois que cela vous irait assez bien.
– Si ça vous fait plaisir. Et vous, comment dois-je vous appeler ?
– Moi, c’est Géraldine.
Dans sa station debout, l’accordeur passe et repasse ses mains, avec d’infinies précautions sur le piano ; en explore interminablement les détails, comme on caresse un corps de femme. Noire-blanche, noire-blanche…
– Un piano, ça ressemble un peu… à une personne du beau sexe. Il y faut… beaucoup, beaucoup de délicatesse, vous savez…
Ses mains fines, presque féminines, explorent une à une les fioritures sculptées dans la fibre du bois. Chaque corde, chaque marteau, prend tour à tour une consistance éloquente. Géraldine jette un coup d’œil par la fenêtre : la pluie vient de cesser, et un pâle soleil caresse les vitres éplorées.
– … C’est une merveille, que ce piano, poursuit-il. Le saviez-vous ? Je lui trouve au toucher une sonorité remarquable… un vrai bijou, Géraldine…, un vrai bijou… !
… Noire-blanche, noire-blanche… Toute la maison écoute, le cœur battant. Un brusque rayon de soleil se pose sur les doigts aveugles, illumine un envol de triolets.
- Venez, que je vous montre… Vous permettez ? Fermez les yeux un peu… Donnez-moi vos mains. Les mains ne mentent pas. Les yeux peuvent nous tromper. Mais pas les mains…
Géraldine, subjuguée par la voix profonde, lénifiante, se laisse aller à l’enchantement. Elle s’assied sur le banc, ferme les yeux et s’abandonne. Elle lève les deux mains en même temps, laisse retomber le bout des doigts sur les reliefs dociles des touches noires et blanches. Noire-blanche, noire- blanche... Ses sens émergent alors de sa nuit intérieure, comme des harmonies éveillées par la musique. Une chaleur l’envahit, son corps se met à trembler un peu. Jamais, elle n’a
éprouvé un pareil émoi. Ses doigts semblent bouger d’eux-mêmes ; et c’est si facile, quand on ose ne plus rien y voir. L’Accordeur, assis tout près d’elle et sentant le passage, tente de l’envoûter.
comme ça… Savez-vous qu’on peut voir aussi… avec les mains… ?
Elle le savait sans doute déjà. L’accordeur enlève ses lunettes, prend les mains de Géraldine, et les guide sur les reliefs de son visage.
– Oui. Vous pouvez même me découvrir avec vos mains… Simplement avec vos mains… Touchez mes yeux…, mes joues…, le lobe de mes oreilles…, ma bouche, aussi… ma nuque… Non, n’ayez pas peur… Je ne peux rien vous faire, vous savez. Absolument rien. Je suis aveugle…
Géraldine laisse brusquement s’écrouler ses barrières et ses murailles de préjugés. Sans discuter davantage, elle prend à son tour avec ferveur les mains du supposé Edgar, et les amène au contact de son visage à elle. Le seul toucher vaut bien des paroles. Il captive les sens, les sublime, dans le foisonnement impeccable du silence. Et l’exploration du bout des doigts dérive insidieusement en caresses, en un dialogue des sens, bien au lèvres, bouge un bout de langue entre ses dents de corail; et très lentement, au rythme étrange de l’accordeur à son ouvrage, surgit une ouverture de concerto en do majeur. Se tisser l’un dans l’autre ; entrer dans l’harmonie d’un corps à corps ; renaître enfin dans la musique d’une fusion exaltante… Il lui relève la jupe, l’assoit sur lui tendrement,
à califourchon. Justement, elle ne porte pas de culotte. Elle frotte sa vulve avec insistance contre le membre dur qu’elle éprouve sous l’épaisseur de l’étoffe. Il presse ses seins et les lui mange, tandis qu’elle lui lèche les oreilles avidement. Edgar ouvre enfin sa braguette avec lenteur, solennel, et extrait son sexe ; gros, congestionné d’émotion. Il l’introduit sans préambule, passionnément, en la moiteur et la nuit de ses fondements. Et ils dansent l’un dans l’autre, passant du menuet au concerto, de pianissimo à crescendo forte. Sa verge puissante la taraude, toujours au plus profond, à la brisure d’un cri qui se prolonge en silence. Et même, le supposé Edgar se met soudain à jouer du piano en même temps, tout en finesse, en ponctuant ses andantes de coups de queue bien francs. Course vers la jouissance, vers le bonheur hors du temps ; au rythme des notes volubiles, absolues, qui les emportent dans un pays obscur, crevé d’étoiles et de scintillements. Géraldine se balance et oscille : en avant-en arrière, en arrière-en avant, le sexe mélodieux d’Edgar planté divinement dans sa vulve palpitante. Enivrée d’amour et de musique, par cette queue miraculeuse qui se fait aria en son être, fait vibrer son vagin comme l’archet le violon. Mais la fête se résorbe d’un seul coup en feu d’artifice, avec une grande giclée liquide qu’elle ressent dans les lointains de ses sens. Géraldine rouvre alors les yeux, attire à elle la tête d’Edgar, qu’elle place entre ses seins. La fugue est ainsi achevée ; le silence se dépose à pas lents sur son décor du quotidien, le fait luire d’une lumière neuve. Elle se remet debout, rabaisse sa jupe en désordre, la défroisse avec soin, et fait disparaître toute trace d’amour sur eux. Elle sort de la pièce sans ajouter un seul mot ; pour le laisser à sa besogne comme si de rien n’était.
Une heure plus tard, depuis la salle à manger, elle entend résonner une à une les notes blanches et noires. Malgré elle, elle est toujours sous l’emprise du plaisir interdit. Pourquoi un aveugle ? On ne choisit jamais. Il aura suffi qu’il arrive ce jour-là ; presque par hasard et malgré la pluie. Mais en réalité, elle avait envie de faire l’amour depuis déjà si longtemps !
Sur le seuil de sa porte, Géraldine prend les grandes mains d’Edgar ; presque avec dévotion. Il se tient très droit devant elle.
– Edgar… Tu reviendras ?
– L’avenir est plein de surprises, Géraldine ; je ne te promets rien. En tout cas, je n’oublierai pas ce matin, avec toi.
La pluie encore un peu présente, Géraldine offre à Edgar de le reconduire. Quand ils atteignent le coin des rues Bellechasse et Fabre, comme il l’en a prié, elle ne s’attarde pas. Et repart un instant, en essayant de refouler ce gros nœud qui lui crie dans la gorge. Mais elle se retrouve vite bloquée derrière un camion de livraison. La pluie ayant cessé à nouveau, elle sort de sa voiture ; et elle ne sait par quel pressentiment, elle rejoint à grands pas l’angle Bellechasse et Fabre. C’est là qu’elle aperçoit de loin sa seconde surprise de la journée ; mais à rebours. Edgard n’a plus ses verres. Il a plié sa canne blanche, et marche sourire aux dents, par le soleil revenu.
Les Bélanger, des Montréalais tout simple- ment charmants, venaient d’emménager en Mauricie. Étienne était passionné de nature, et avait longtemps caressé le rêve de devenir dompteur de chevaux. Brigitte, sa femme, était pharmacienne. Pendant un temps, elle avait employé tous ses samedis à éplucher les journaux, dans l’espoir de se trouver un poste qui lui siérait à merveille. Mais finale- ment, après deux ans de recherche active, elle avait fini par acheter une pharmacie dans un village proche de leur demeure. Une chance, multipliée par un rêve réalisé : lui, dompteur de chevaux et elle pharmacienne selon son cœur. Que rêver de plus ? Eh bien, une vieille ferme à bon prix, un peu en retrait du village, qui couvrait plusieurs arpents ; avec de nom- breux bâtiments, dont une grange, une écurie, une maison, un chalet d’invités tout près d’un petit lac artificiel. Leur rêve exact, en somme.
Un jour, alors qu’Étienne était parti à la grande ville pour faire des courses, Brigitte décida de se rendre seule au chalet d’invités qui était situé tout au bout d’une de leurs terres. Le sentier se dirigeait droit vers la forêt, où Brigitte respirait à pleins poumons l’air vivifiant dont elle ne faisait que rêver, au temps où elle vivait encore à Montréal. Arrivée à destination, elle entra avec un soupir d’aise dans l’unique pièce de rondins, au centre duquel trônait le poêle à bois. Un divan-lit ouvert invitait à la sieste ; une chaise berçante dirigée vers la fenêtre suggérait la lecture d’un bon roman, ou la contemplation du dehors. Au plafond, était suspendue une lampe à l’huile ; des bougies s’alignaient autour des deux fenêtres et sur des plinthes qui longeaient la maisonnette. Et surtout, cette vue sur le lac. Elle fit rapidement le tour de la pièce, et voulut aussi goûter à la fraîcheur de l’eau. Mais celle-ci était encore bien trop froide pour la baignade. Elle sortit une chaise d’extérieur, et alla s’asseoir près du lac. À ce moment-là, elle s’aperçut qu’il y avait des traces fraîches d’un véhicule tout terrain contre le mur arrière de la maison. Pourtant, l’endroit n’avait pas été habité depuis plus d’un an. Brigitte s’en retourna perplexe.
>Mis au courant à son retour, Étienne entre- prit aussitôt d’élucider le mystère. Le lende- main, il se rendit lui-même au chalet. Il prit soin de laisser sa monture assez loin, pour que personne ne puisse l’entendre venir. Il se dissimula parmi un bouquet d’arbres, mais n’aperçut aucun VTT. Après une courte at- tente, il entra. Rien ne laissait supposer que quelqu’un était venu. Excepté ces traces en- core fraîches, sur le sol noir, qui ne laissaient pourtant aucun doute.
Un mois passa, durant lequel ni l’un ni l’autre ne retourna au chalet. Puis, vint un certain dimanche, où il faisait une chaleur d’enfer.
Étienne ne voulant pas sortir les chevaux, Brigitte proposa une marche en forêt pour s’aérer un peu, après leur rude semaine de travail. Ils partirent donc vers le lac bras dessus bras dessous, la serviette de plage sur une épaule, dans le calme plein de la nature. Des perdrix qui cacabent, un envol soudain de tourtereaux, la forêt leur était ce jour- là comme un concert léger. À quelques pas seulement du chalet, Étienne aperçut un VTT appuyé contre le mur de l’entrée. Aussitôt, il fit signe à Brigitte de ne pas faire de bruit, et ils s’avancèrent avec précaution. Tout à coup, ils entendirent des voix venant du lac. Ils se dissimulèrent comme ils purent, le cœur palpitant. C’étaient une voix d’homme et une voix de femme. Ils semblaient s’amuser dans l’eau, aussi insouciants que des enfants.
Deux versions, à vous de choisir.
Si vous êtes Catholique pratiquant, ne lisez
pas la partie de droite.
– Si ton mari savait que je suis avec toi en ce moment, il me tuerait, Hélène ! – N’y pense pas. C’est aujourd’hui, qui compte ! Allons, An- dré, on pourrait nous voir ! Hélène et André cou- rurent main dans la main jusqu’au chalet, où ils s’engouffrèrent. Lorsqu’il les vit, Étienne fut si inter- loqué, que rien ne sortit de sa bouche lorsqu’il voulut les apostropher. Brigitte et lui demeurèrent ac- croupis, dans l’espoir que les amants se rha- billent au plus vite. Mais ceux-ci, tout à leurs jeux amoureux, s’entremêlaient san sfin comme une danse nuptiale, s’enroulaient l’un dans l’autre dans leur plaisir apparemment inextinguible. Force fut donc à Brigitte et Étienne de les observer sans rien dire, jusqu’à ce qu’ils consentent à quitter les lieux. Hélène était une femme que la nature avait comblée. Ses cheveux longs et bouclés, d’or vif, lui descendaient jusqu’au bas des reins, et dansaient avec le vent. Sa poitrine droite et ferme lui donnait une allure de Vénus callypige. Ses jambes élancées avaient l’élégance des gazelles. Tout chez elle inspirait. Comment un homme pourrait-il rester coi devant tant d’avantages ? André, lui,était bien bâti, l’œil intelligent. Il n’ignorait pas sans doute qu’il avait déniché une vraie merveille. Au mouvements de ses mains sur le corps de son Hélène, on pouvait croire qu’il caressait un joyau, dont il prenait garde de n’altérer ni le grain, ni ce désir magnétique quicirculaitdesa peau à la sienne. Tel un chat bien dompté, il léchait chaque courbe du corps de sa maîtresse, la faisant frissonner de volupté. Elle se laissa faire les yeux clos. Jouit, puis devintlionne.Elle lui prit le pénis, s’enamusa et lui en aspira quelques gouttes. Les deux amants se firent graduellement fébriles. Quand il la pénétra d’une verge attentionnée, elle fut soudainement prise d’une rage folle ; ses doigts lui arrachèrent le dos, tandis qu’il poursuivait sa mon- tée de spermes sans faiblir, pour en ar- river à un grandiose coït final. Hélène re- garda alors sa montre calmement ; il était l’heure. En à peine quelques secondes, ils se rhabillèrent, et partirent comme des voleurs dans la nuit. |
– J’espère que le Bon Dieu va vous pardon- ner, monsieur le curé. Pensez-vous ? –T’enfaispas, ma Claudette ; avec toutes les hosties et le vin bénis que j’ingère, je suis déjà largement pardonné ! (il tapotait d’un air satisfait son ventre protubérant). Couple bizarre, pour lemoins. Àcroire qu’une soutane pourrait se trouver dans la maisonnette. J’ai déjà eu une amie qui ado- rait faire l’amour avec sonmarilorsqu’il portait la toge. Il en faut bien pour tous les goûts. Comme Étienne voulut sortir de son buis- son pour s’enquérir de la raison pour laquelle ils occupaient un endroit privé, Claudette et son curé, sortirent de l’eau totalement nus, et coururent jusqu’au chalet. De saisissement, Étienne recula de quelques pas, et alla rejoindre Brigitte derrière les fourrées. Ensemble, ils attendirent en silence que le couple se rhabille, mais il ne se rhabilla pas. Tout au contraire, il se livrait aux plaisirs de Gomorrhe. Claudette, une femme d’un physique assez imposant, le retable bien rempli, s’adonnait aux plaisirs de la chair avec une touchante concupiscence. Son partenaire, peut-être curé après tout, mais certes pas eunuque, avait l’apparence d’un joueur de base-ball. Bien bâti, quoiqu’un peu flasque à divers endroits. Il se laissait faire comme un enfant prend plaisir à abandonner son corps pour la première fois aux soins d’une nourrice experte ès l’art de la cajole. Elle prit bien en main son membre viril, s’en amusa gaillardement, comme si elle voulait en aspirer toute l’onction pour son propre baptême. Le susnommé curé, visiblement émoustillé, voulut s’avancer vers la sacristie, cette der- nière ne devant pas servir très souvent, mais il eut quelque difficulté à s’y introduire. Une fois à l’intérieur, un va-et-vient bien compréhensible démontra à l’observateur averti ses incontestables prédispositions pour la chose sacrée. Il lui prit même envie à l’improviste de passer par la porte d’en arrière. Comme dans un cloître, c’était aussi difficile d’y entrer que d’en res- sortir. Mais malgré tous ces embarras de circulation, l’objectif fut heureusement at- teint, par la grâce de la divine Providence. Dans l’extase et la félicité , Claudette reçut donc l’extrême onction. Ils restèrent étendus cinq minutes, puis repartirent sans un mot de plus par le chemin des pénitents. |
Étienne et Brigitte se relevèrent péniblement, avec l’impression d’avoir des millions de fourmis dans les jambes, bien décidés à ce que désormais, plus personne ne pénétrât impunément sur leur propriété. Ils avaient perdu l’envie de se baigner et de se reposer dans leur petit nid d’amour, et ne parvenaient toujours pas à comprendre l’existence même des squatters. Ils s’en retournèrent collés l’un contre l’autre, un peu mélancoliques. Chemin faisant, Étienne s’amusa à tirer les cordons du maillot de sa belle. Elle fit mine de refuser son jeu, mais s’arrêta net. Elle regarda le ciel, et consentit. Il la prit dans ses bras, la plaça de façon à ce que les rayons du soleil l’illuminent. Puis, avec ses dents, il tira tout doucement chaque cordon qui tenait son maillot, tout en lui léchant tout le corps. Lorsqu’elle fut complètement nue, il lui frôla délicatement les rondeurs, lui effleura le haut de la poitrine, lui caressa voluptueusement la vulve. De la langue, il lécha ses seins minutieusement, en s’arrêtant longuement sur les mamelons, les fesses en se concentrant sur le coccyx, la
fleur alanguie de son ventre, en insistant sur la corolle. Puis prit la serviette et l’étendit par terre. Elle se pencha sur lui, goûta à son tour à la chair âcre de son sexe durci, qui pointait éperdument. Ensuite, elle l’enfourcha à califourchon, et commença sa cadence à fière allure, au trot, au galop, jusqu’à ce qu’ils soient rendus. Les deux amoureux, habités par l’éternité sylvestre, jouissaient de chaque seconde d’intemporalité. Une fois de retour, nos deux amoureux s’enquirent d’un plan afin d’éviter que des squatters n’envahissent leur nid d’amour. Ils jugèrent bon, dans un premier temps, de tout verrouiller, et s’il y avait récidive, ils pourraient alors envisager une alternative encore plus radicale.
Le lendemain, c’était un dimanche, une foule de croyants était assemblée sur le perron de l’église. Étienne et Brigitte, passant par là, s’y arrêtèrent pour saluer quelques clients de la pharmacie. L’église était belle, ils s’assirent un instant sur les chaises, pour jouir de tant de sérénité.
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Étienne et Brigitte s’arrêtèrent sur le perron de l’église, et demandèrent ce qui s’y passait. Ils appri- rent qu’un homme et une femme dans la trentaine avaient été retrouvés sans vie au bord du petit lac Navré. Il s’agissait d’une certaine Hélène Baril, fille de l’ancien maire, et d’un André Prieur, originaire de la grande ville. Les policiers étaient sur une piste sérieuse pour retrouver le coupable. Étienne et Brigitte se regardèrent sans mot dire. Les pa- roles d’André leur revinrent à tous deux en même temps à l’esprit : « Si ton mari savait… » Aussitôt la messe commencée, Étienne se perdit en esprit dans la voûte céleste de l’église, et Brigitte dut lui donner un coup de coude pour qu’il se reprenne. Il ouvrit grand les yeux, mais avala pénible- ment sa salive, quand il reconnut celui qui disait la messe ; le curé du chalet. Et non loin derrière lui, la dame qui lisait les psaumes était sa Claudette. |
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