Le cœur a ses raisons
Tome 1
Risquer de vivre
Karolyne C.
Romance
Éditions « Arts En Mots »
Illustration graphique :
© Tinkerbell Design
CHAPITRE 1
— Liv.... LIV.... LIV LEVE-TOI BORDEL, TU VAS ÊTRE EN RETARD !
— Hum.
— LIV BORDEL DE MERDE, tu te lèves maintenant, ce n’est pas le jour pour être en retard.
— Hum.
Du bruit, c’est tout ce que j’entends, du bruit et du fracas dans ma chambre. Des volets qui s’ouvrent et une couette qui s’arrache à moi. NON !
La super voix désagréable de bon matin c’est mon frère, Zach, il a cinq ans de plus que moi donc vingt-trois ans. Et moi vous l’aurez compris, je m’appelle Liv, enfin normalement c’est Olivia mais je déteste mon prénom. Alors j’interdis tout le monde de m’appeler comme ça, enfin tout le monde est un bien grand mot, car mis à part Zach et Harper, ma meilleure amie depuis le jardin d’enfants, personne ne m’appelle comme ça.
Je me lève avant que mon frère ne décide de m’asperger d’eau glacée, ne rigolez pas il le fait assez souvent. Il faut dire que je suis assez feignante et que dormir est mon plus grand plaisir. Je pose donc mes deux pieds à terre, le sol est chaud, je vois les rayons du soleil se poser sur ma peau, et je me dis qu’on est en septembre et qu’aujourd’hui je fais ma grande rentrée à l’université. Au début je ne voulais pas faire d’études, mon frère et moi avions assez galéré ces dernières années, pour en plus rajouter les frais d’université, mais bien évidemment, vous ne connaissez pas Zach, il m’a gonflée toute mon année de terminale pour que j’accepte d’aller dans fac du coin.
Direction la douche, j’ai besoin de me réveiller. En me déshabillant, mon regard tombe sur mon corps nu devant le miroir. Je vois alors toutes mes cicatrices. Malgré mes dix-huit petites années, j’en ai connu des galères. Mon corps les garde en souvenir on dirait, des plus vieilles de mon enfance, de mes quatre cents coups avec Harper, jusqu’à faire plaisir à Zach en lui rendant des petits services comme il les appelait à l’époque, et les dernières. Vestiges d’un accident de voiture meurtrier qui a coûté la vie à mes parents. J’avais douze ans lorsqu’ils sont morts, je me rappelle encore du choc de l’impact et cette petite virée dans la rivière qui nous a privé de nos parents.
Bref ! Faut que j’arrête de ressasser les mauvais souvenirs, je l’ai trop longtemps fait. Ça m’a valu deux mois de coma, des cicatrices et un frère surprotecteur.
Zach n’a pas toujours été comme ça. Quand nous étions enfants, nous nous disputions tout le temps, il ne supportait pas que je traîne dans ses pattes. Alors il a su se servir de moi, dès qu’il a eu quinze ans il a commencé à traîner avec des mecs plutôt bizarres.
Moi, étant plus jeune, je ne comprenais pas ce qu’ils faisaient, et puis comme j’étais mignonne comme il disait, il a commencé à me faire venir avec lui pour l’aider dans ses petits trafics. Moi évidemment je ne comprenais rien à ce que je faisais. J’avais à peine dix ans à l’époque, et il m’emmenait avec lui voir ses copains, prétextant à mes parents qu’il m’emmenait jouer dans le parc après l’école. Nous allions dans des quartiers pas très bien fréquentés, avec des jeunes défoncés au pied des immeubles. Il disait que ça passerait tout seul, et que j’avais juste à donner mon sac peluche aux jeunes devant le bloc, pendant que lui m’attendait dans la voiture. Je devais récupérer un gros sac marron. Zach m’a toujours interdit de les ouvrir, il disait que c’était secret et j’aurais le droit à un cadeau si je ne disais rien aux parents. Alors je n’ai jamais rien dit, j’ai gardé le secret, même la fois où cela a mal tourné et que j’ai eu une belle entaille au niveau des côtes.
Ce jour-là, je me rappelle, Zach a couru vers moi, il était vert de rage, je ne l’avais jamais vu comme ça. Il a défoncé le mec à qui je suis allée donner le sac peluche, il lui a hurlé de plus jamais s’approcher de moi, que j’étais qu’une enfant, et alors le mec lui a dit « faut pas se servir d’une jolie petite fille comme ça mon pote ». J’avais onze ans, quelle horreur, le mec devait au moins en avoir dix-huit.
Après, il m’a emmenée moins souvent, et quand j’ai eu l’accident avec mes parents et que je me suis retrouvée dans le coma, je pense qu’il a dû avoir la peur de sa vie, se retrouvant orphelin et devoir s’occuper de moi aussi jeune.
Quand nos parents sont décédés j’avais presque douze ans et lui dix-sept. Nous avons été placés chez une tante éloignée jusqu’à ce que Zach ait atteint la majorité et qu’il puisse devenir mon tuteur légal. Depuis, nous vivons toujours dans notre maison, et Zach est devenu mécanicien. Il gagne plutôt bien sa vie, mais je le soupçonne de continuer ses trafics tout seul.
Après l’accident, je me suis renfermée sur moi-même, et j’ai refusé de sortir avec Zach pour l’accompagner, puis nous nous sommes éloignés. Il a veillé sur moi de loin, enfin je n’avais pas le choix, il est mon tuteur.
Bref, depuis quelques mois il essaie de se rapprocher, mais mon côté rebelle ressort trop souvent et je l’envoie plus balader qu’autre chose. Au fond, je sais qu’il fait tout ça pour moi, alors j’ai accepté d’aller à la fac. J’ai eu le droit à une belle bourse et je n’ai pratiquement rien payé pour l’année.
C’est comme ça, que ce matin je rentre en première année de fac, en littérature. Pendant mes années de recluse, je me suis passionnée pour la lecture, et j’ai bien envie de continuer dans cette voie et de faire des études dans la littérature, pour bosser dans une maison d’édition ou je ne sais pas encore.
Je sais juste que mon frère hurle depuis tout à l’heure et que je suis encore nue devant mon miroir en train de regarder mes superbes cicatrices. Je file donc sous la douche, me prépare aussi vite. Jean slim taille haute, noir et troué sur toute la longueur des jambes, un petit top gris sans manches qui descend bien sur le jean. Je me coiffe aussi rapidement, c’est-à-dire une queue de cheval très haute, il faut savoir que mes cheveux sont épais, bruns et très raides. Je ne peux rien en tirer, mais maman m’a toujours dit qu’ils étaient magnifiques, alors je les attache la plupart du temps. J’en profite pour me maquiller légèrement, un trait d’eye-liner et du mascara, ça suffira amplement. Avant de descendre, je prends mon sac, mon portable et mes chaussures.
De Harper :
« Trop excitée, ça y est ma cocotte c’est le grand jour, à nous la fac et les beaux mecs !!! »
Je rigole bien avec Harper, elle a toujours été là pour moi, et, elle est la seule à qui je me confie depuis que j’ai quatre ans. Elle a tout vécu avec moi, et elle supporte mon super caractère de cochon. Elle est la seule à qui je ne m’en prends jamais, et je suis trop heureuse de pouvoir affronter cette première année avec elle.
Malheureusement, elle a pris une tout autre filière et madame se dirige vers des études de psychologie. Je prends le temps de lui répondre avant de rejoindre mon frère dans la cuisine.
De moi :
« Pas de soucis poulette, on se rejoint devant la fac, je serai là d’ici 30 min, à toute bisous »
Arrivée dans la cuisine, je suis surprise de voir que Zach avait tout préparé, mon jus d’orange, mon chocolat et deux belles tartines de confiture m’attendent sur la table.
— Zach, je n’ai pas le temps, comme tu l’as dit, faut pas arriver en retard aujourd’hui.
— Tu t’assois et tu manges !
— Bien mon commandant !
Pendant que je savoure mon petit-déjeuner, Zach fait les cent pas dans la cuisine, il a l’air stressé.
— Oh Zach, arrête de marcher tu me donnes le tournis.
— Mange !
— Ça ne va pas ? C’est moi qui rentre à la fac pas toi, alors déstresse et assieds-toi tu vas me rendre chèvre.
— Oui ça va, allez mange tu vas être en retard et j’ai du boulot au garage.
— Oui oui ça va je me bouge, de toute manière Harper m’attend devant la fac, j’y vais.
— Harper ? Euh... Oui allez vas-y, on se voit cet aprèm, fais attention crapule.
— Arrête de m’appeler comme ça boulette !
Je l’entends rire à l’évocation de son surnom, j’adore l’appeler comme ça, parce qu’étant plus petit il était plutôt gros, on va dire qu’il s’est bien rattrapé. Il a été, ou il est d’ailleurs je ne sais pas, dealer, mais il n’a jamais touché à la drogue. Donc avec les années, il a fait beaucoup de musculation, et il est quand même bien foutu. On va dire que je ne regarde pas trop mon frère, mais j’en déduis ça au regard baveux des filles dans la rue, ou celui d’Harper quand elle vient à la maison. Elle bave complètement dessus, beurk ! Mon frère, beau gosse, d’après mon amie, très grand, taillé comme un rugbyman, des muscles bien dessinés et placés où il faut. Les mêmes yeux bleus que papa et les cheveux d’un brun ténébreux.
Il a tout pour plaire, mais je ne l’ai jamais vu avec une fille, enfin, pas ma présence en tout cas. Bref, trêve de bavardage, la fac m’attend, enfin surtout Harper.
CHAPITRE 2
Je suis enfin arrivée devant l’université. Nous habitons Loveland, dans l’état du Colorado. Je dois faire environ trente minutes de trajet en bus pour rejoindre l’université d’État du Colorado, à Fort Collins. Je n’ai même pas eu le temps de voir quoique ce soit, qu’une tornade rousse me saute dessus.
— LIV !
— Harper, bien le bonjour à toi aussi.
— Oh fais pas ta tête de cochon à neuf heures du mat’ s’il te plaît, tu as toute l’année pour faire ça, allez viens on y va !
— Doucement, on n’est pas pressées.
— SI, je veux voir un peu la fac avant d’entrer dans l’amphi.
Elle me tire par la main, et je râle comme à mon habitude. Harper et moi n’avons rien à voir l’une avec l’autre. Elle est pétillante, elle rigole tout le temps. C’est une fille très jolie, rousse, ça vous l’avez sûrement compris, elle a les cheveux bouclés avec une coupe au carré et une frange bien droite, coiffée impeccablement. Elle a les yeux verts et pleins de taches de rousseur sur le visage.
Aujourd’hui, elle porte une robe jaune poussin, cintrée jusqu’au milieu de la taille et évasée par la suite, qui lui arrive juste au-dessus des genoux, avec des talons compensés beiges. Elle a toujours su mettre son corps en valeur sans que ça ne devienne vulgaire. À côté je dois ressembler à un mec, je n’ai jamais aimé porter des robes, même petite, donc je porte mes éternels jeans, mes bottines en cuir. L’hiver j’accessoirise de ma veste en cuir, je dois sûrement ressembler à un garçon manqué, mais mes cheveux rendent le tout plutôt pas mal. J’ai un look de Bad Girl, mon caractère n’arrange rien, alors je ne m’étonne pas de ne pas avoir plus d’amis. Je fuis le monde comme la peste, et Harper est la seule à tenir bon.
Mon Dieu, elle a plein d’amis, elle sort à des soirées, dans lesquelles je refuse catégoriquement d’aller. Elle a eu plusieurs copains, alors que moi, personne n’ose s’approcher de moi. Je dois faire peur, et ça me convient parfaitement. Je ne suis pas faite pour avoir des amis, ni pour m’afficher dans des soirées, si bien qu’à dix-huit ans, je ne suis jamais sortie en boîte, jamais allée à une fête lycéenne, jamais été embrassée, et je ne parle même pas de la suite.
Je suis toujours Harper dans les longs couloirs de la fac, nous nous arrêtons à la cafèt’ pour prendre des cafés et nous continuons notre tour d’horizon. Il y a énormément de monde, ce n’est vraiment pas pareil que le lycée, et je ne me sens pas trop à l’aise. Je n’aime pas la foule, et alors, les jours de rentrées sont un supplice pour moi. Je déteste repenser à mes années de lycée, et j’appréhende énormément la fac. Je vais sûrement me mettre dans un coin de l’amphi et faire mon truc tranquillement.
C’est sans compter sur mon amie, cette tornade, pour me supplier de l’accompagner n’importe où alors que j’ai qu’une envie c’est de ne pas bouger.
— Liv, tu m’écoutes ?
— Pardon, j’étais dans la lune, tu disais ?
— Ce soir, y a la soirée d’accueil des premières années, on y va ?
— Non merci, tu sais très bien que les fêtes et moi on n’est pas amies. Mais, vas-y tu me raconteras !
— Allez Liv, c’est notre première année ici, faut qu’on fasse des connaissances, faut qu’on voie la chair fraîche du campus, on va mettre le grappin sur les beaux mecs et on va te trouver de quoi grignoter !
— Grignoter ? Tu m’as prise pour un hamster ?
— Oui, allez viens !
— On verra.
Ça marche toujours, ma phrase a le mérite de la faire taire et de lui donner un grand sourire de satisfaction, alors qu’elle sait très bien que je n’irai pas. Après notre petit tour du campus, nous nous quittons devant l’entrée de mon amphi. Elle me fait une bise, beurk, je déteste qu’elle fasse ça. En fait, je ne supporte pas les contacts physiques, et elle le sait très bien. Elle me fait signe pour qu’on se rejoigne à la pause de midi devant la cafèt’.
Je prends alors mon courage à deux mains et entre dans l’amphi. Le monde, il y a tellement de monde, beaucoup de filles, des pouffes comme je les appelle, elles sont toutes devant, comme les bonnes petites filles à papa, maquillées comme des pots de peinture, habillées avec les plus grandes marques de la terre et perchées sur des talons de plus de quinze centimètres. Puis un groupe de gothiques sur le côté droit de la salle. Il y a aussi des gens normaux, heureusement, et quelques garçons, dont un groupe de mecs assis au milieu de l’amphi sur le côté gauche.
Je prends donc place au fond de la salle, sur une rangée vide, bien évidemment. À peine assise, un des mecs se tourne vers moi, il me fait un sourire, et je ne lui réponds pas. Il est beau c’est vrai, j’ai quand même des yeux, mais c’est le genre de mec à le savoir, il doit en jouer pour toutes les faire tomber à ses pieds. Il a les yeux verts, enfin qu’est-ce que j’en ai à foutre aussi, il est plutôt bien habillé, encore un gosse de riche. Il est avec ses amis, tous agglutinés sur plusieurs rangées et il parle plus ou moins fort.
Je baisse la tête et regarde ailleurs, je ne supporte pas qu’on me fixe, et je le vois du coin de l’œil, il est toujours en train de me regarder. Le professeur fait son entrée, il se présente, il nous donne les grandes lignes de notre année, les cours, les modules à valider, les partiels de chaque semestre, puis sa matière, la littérature, très bizarre hein !
On va avoir des cours en plus petit comité, et donc on sera divisés en plusieurs groupes, super, à coup sûr, je vais me retrouver avec les pouffes du devant, l’année me semble déjà très longue. À l’appel de nos noms, on doit retenir la lettre de notre groupe, et attendre la suite. J’écoute à peine, en sachant qu’on est déjà au « V », je sais que je vais être dans le dernier groupe....
— Vallberry Amber, Vandenberg Alexandra, Vastly Stella, Whitehead Luke, Winston John, Wesley Bryan, West Noah et… Wilson Olivia, dans le groupe F aussi.
Je relève la tête à l’entente de mon nom et la lettre de mon groupe, c’est à ce moment-là que je recroise le regard du mec de tout à l’heure. Il me fait un grand sourire, auquel je ne réponds toujours pas. Mon dieu il est lourd celui-là, je ne sais pas dans quel groupe il est mais je n’espère pas dans le mien, parce que je sens qu’il va vite devenir insupportable.
À la fin des trois heures de présentation, je me dirige vers la sortie pour retrouver Harper, quand je me fais rattraper par le bras. Je n’ai même pas le temps de me retourner, que je tombe nez à nez, ou plutôt nez à torse, avec lui, bien évidemment...
— Salut !
— Pas intéressée !
Cela semble radical, mais au moins aucune conversation ne peut être engagée.
Je suis un peu sauvage non ? Oui, c’est tout moi ça.
Au moins je maintiens ma réputation de mauvaise graine et de fille intouchable. Je me débats et réussis à m’arracher à sa main sur mon bras. Je prends vite la direction de la cafèt’ en me perdant au moins deux fois avant de trouver la bonne direction. Harper m’attend déjà devant l’entrée, toujours affublée de son sourire. À croire que rien ne peut le lui enlever.
— Alors ? Cette rentrée, raconte !
— Rien, l’année va être longue, il y a des gens bizarres dans ma section.
— Oh tu as toujours le don de voir la vie en noire, ma chérie, souris à la vie ! Ça va être une année de folie.
— La vie est noire Harp', je ne vois pas pourquoi ça devrait changer.
— Non, Liv, regarde-moi ! On va arrêter de suite, tu as vécu des trucs horribles, tu les as surmontés, maintenant c’est bon, on change de vie ! Tu vas afficher ton magnifique sourire et hop, tu vas profiter de cette année, en attendant on va bouffer, j’ai trop faim !
Je lui rends mon plus grand faux sourire, tellement forcé qu’on doit penser que je suis constipée, et la suis sans broncher. Je regarde autour de moi, vraiment cliché, plusieurs tables, bien catégorisées comme au lycée, rien ne semble différent au final. Des sportifs, des pouffes, des intellos, des gothiques, des filles, des mecs, on dirait des petites boîtes où chaque personne est cataloguée dès le début.
Après avoir pris de quoi manger, nous nous installons dehors, il y a plein de tables libres, nous prenons place et commençons à manger, quand un petit groupe de filles s’avance vers nous.
— Hé Harper, on peut venir manger avec vous ?
— Oh oui, Liv ça ne te gêne pas ?
Je la regarde de travers, mais hoche la tête pour confirmer que non.
— Salut, moi c’est Wendy et toi ?
— Salut, Liv.
Elle a sûrement compris que je n’engagerai pas la conversation. Elle s’assoit à côté de Harper et me présente ses deux copines.
— Voici Brooke et Erika.
— Salut les filles.
Je fais un petit sourire quand même, je suis sauvage mais pas à ce point. Les filles commencent à parler de leur prérentrée de ce matin. Je comprends vaguement qu’elles sont libres cet après-midi. J’écoute leur conversation de loin, tout en triturant ma nourriture, ça ne donne pas trop envie ce semblant de Hachis Parmentier. Harper voit que je suis dans mes pensées et me donne un coup de coude, avec son habituel sourire.
— Ça va ma Liv ?
— Oui oui t’inquiètes, je n’ai juste pas très faim. Je vais aller faire un tour avant les deux dernières heures.
Je me lève, prends mon plateau pour le déposer près des poubelles, et fais un signe aux filles. Harper me regarde avec un air triste et me fait un bisou avec sa main et un petit sourire que je prends pour de la pitié. Je prends le chemin menant à l’entrée principale de la fac, il y a de grands espaces verts et plein d’étudiants assis dans l’herbe en train de manger, de rire.
Je ne dois pas être normale, déjà que je ne ressemble pas à toutes les filles de mon âge, je suis solitaire, rebelle et je n’aime pas le monde, à croire que la vie a tout fait contre moi.
Je m’assois donc dans un coin près d’un grand chêne, à l’ombre, et sors mes écouteurs de mon sac. La musique a toujours été un très bon remède à mes douleurs, quand j’écoute de la musique, je ne pense plus, je ne vis que pour les douces mélodies qui sortent de mon MP3. Je m’adosse à l’arbre et tends les jambes devant moi, je ferme les yeux et me laisse aller en fermant les yeux. Je ne sais pas combien de temps, ni même si je me suis endormie, en tout cas j’ouvre les yeux cachée derrière mes lunettes de soleil, et je regarde l’heure.
Merde ! Je suis à la bourre. Je me lève et me mets à courir pour trouver la salle où je suis cet après-midi. Le prof va sûrement nous gonfler avec le déroulement de l’année et ce que l’on va devoir faire pour valider le semestre. Arrivée devant la salle, ouf ! Je respire, le prof n’est pas encore là, je prends alors place, comme à mon habitude, au fond de la salle, seule, et attends sagement en triturant la lanière de mon sac. Sans faire attention, quelqu’un s’assoit à côté de moi, je ne lève pas les yeux, juste pour faire comprendre à cette personne, qu’elle n’a pas intérêt à me parler.
Quand le prof arrive, je me sens obligée de lever la tête et voilà que je suis quand même attirée par la personne qui s’est mise à côté de moi.
Je le vois là, affalé, les jambes tendues sous la table et un bras sur le dossier de sa chaise. C’est lui, le mec de ce midi qui m’a empêchée de sortir. Il ne manquait plus que ça, devoir me le taper pendant toute l’année, en plus il ne lâche pas l’affaire. Il fait semblant de ne pas me regarder. Quand le prof commence à parler, je fais un minimum semblant d’écouter. Apparemment, c’est un cours où nous allons travailler en binôme, GÉNIAL ! On va devoir faire des dissertations, des exposés et des recherches pendant toute l’année, autant vous dire que je préfère bosser seule, alors celui qui va avoir la malchance de tomber sur moi, va falloir qu’il s’accroche.
— On est plus au lycée, donc je vais vous laisser faire vos propres binômes, soyez intelligents, prenez quelqu’un que vous ne connaissez pas, ça ne sera que mieux pour vous.
J’écoute le prof, super, en plus d’être en binôme je vais sûrement me taper un mec, parce qu’il n’y a pratiquement que de ça dans ce groupe. Je vois son regard à côté de moi, et me dis qu’à tous les coups c’est lui que je vais avoir. SUPER !
— Ça te dit qu’on travaille ensemble ?
Il m’a parlé, il a une belle voix, douce...
Enfin qu’est-ce qu’il me prend !
Jamais je n’ai pensé ça d’un mec, et encore moins un comme lui, quand je dis comme lui, c’est celui qui sait qu’il est beau, exactement ce que je disais ce matin.
— Bah apparemment je n’ai pas trop le choix, donc bon...
Oui sens-le, je ne vais pas être gentille monsieur le bourge.
— Ce matin tu ne m’as pas laissé le temps, alors je me présente, Noah.
Tout en me tendant la main, il me fait un grand sourire, auquel, à mon habitude je ne réponds pas.
— Liv...
— Liv ? Je ne pense pas que tes parents t’aient appelée comme ça non ?
— Olivia.
J’ai tellement murmuré que je ne suis pas sûre qu’il ait entendu.
— Pardon ?
— O-LI-VIA.
— Enchanté Olivia, c’est un très joli prénom.
— Hum.
— Tu n’as pas trop envie de faire connaissance à ce que je vois.
— Exactement champion, tu as tout compris.
— Bon écoute Olivia, on va devoir bosser ensemble toute l’année, j’ai bien compris que tu ne veux pas parler mais tu vas devoir faire un petit effort, je ne t’ai rien fait.
— Ouais ouais...
Vu ma réponse, il ne répond plus rien et se retourne face au prof. Je sens que l’année va être longue.
CHAPITRE 3
Première journée finie, cette année va être interminable, je me languis déjà les premières vacances. Je suis quand même légèrement rassurée en sachant qu’Harper affrontera ça avec moi. Le truc qui me perturbe le plus c’est quand même cette histoire de binôme avec ce mec. Il est déjà lourd de base alors me le farcir pendant toute l’année sur des travaux communs.
Quoiqu’il faut reconnaître qu’il est charmant. NON ! Aucun mec, pas de problèmes, pas d’attachement, pas d’amis. Je reste dans mon coin au moins il n’y aura aucun sentiment en jeu. Pas cette année, jamais !
À peine rentrée chez moi, je me jette sur le frigo pour assouvir ma faim et ma soif. Je prends un verre de lait et une pomme. J’adore le goûter ! Je pose mes fesses sur le comptoir de la cuisine, et mon cher et tendre frère fait son apparition. Il a l’air crevé et préoccupé.
— Ça va frérot ?
— Fatigué, et toi ? Ta rentrée ?
— Lourde ! Merci de m’avoir forcée je vais passer une super année !
J’espère qu’il a compris l’ironie dans ma voix, je vais lui faire payer.
— Oh ça va Liv, tu ne vas pas mourir quand même, c’est pour toi que je fais tout ça. Tu serais allée à la fac si les parents avaient été là, alors on ne change rien, tu y vas et tu fais en sorte de t’en sortir. Ne finis pas comme moi.
— Comment ça finir comme toi ?
— Tu sais ce que je veux dire...
— Non Zach, explique-moi ? C’est quoi ? La drogue ? Tu as recommencé ?
— Tais-toi Liv, tu ne sais rien. Va faire tes devoirs.
— Je suis plus en primaire, on a plus de devoirs. Pourquoi tu ne me dis rien ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Tu es préoccupé depuis hier. Un truc au boulot ?
— Y a rien Liv, me gonfle pas.
Je le vois monter les escaliers pour aller prendre sa douche. Il cache un truc, je ne sais pas ce que c’est mais à être sur les nerfs comme ça, ce n’est pas normal. Je décide de monter poser mes affaires dans ma chambre tout en mangeant ma pomme. En passant devant la salle de bain, j’entends mon frère au téléphone. Curieuse comme je suis, je me colle plus près pour entendre la conversation.
— Non, elle ne sait rien. Elle ne doit rien savoir tu entends ? Ne la mêle pas à ça. La dernière fois ça s’est mal passé.
—....
— Non je m’en fous que ce soit plus facile, tu ne mêles pas ma sœur à tes conneries et tu ne t’approches pas d’elle tu m’entends ?
Et voilà, je le savais, mon frère recommence, enfin a-t-il vraiment arrêté un jour ? Pourquoi je suis encore dans la merde avec ces conneries ? Je pensais que tout était terminé après mon super coup de couteau d’il y a quelques années. Les dernières fois où j’ai été mêlée aux deals de mon frère, c’était plutôt calme, rien de particulier, mais comme je devenais une ado en rébellion, j’attirais aussi le regard de mecs assez bizarre.
En entrant dans ma chambre, je jette mon sac parterre à côté de l’entrée, enlève ou plutôt balance mes chaussures dans la chambre et m’allonge sur mon lit en prenant mon téléphone. Deux messages.
De Harper :
« Poulette, ça va la journée ? Alors comment s’annonce l’année ? »
De moi :
« Longue, très longue... J’ai un binôme attitré pour l’année et toi ? »
De Harper :
« AH comment il est ? Il est beau ? Il est gentil ? Raconteeeeee »
De Moi :
« Y a rien à dire, il est lourd !! Sinon Zach est trop bizarre, je crois qu’il fait encore ses trafics »
De Harper :
« Tu veux que je m’occupe de lui ? Non parce que je suis ton amie dévouée et l’occuper à autre chose ne me dérange pas tu sais : D »
De moi :
« BEURK !!! Je vais trouver ce qu’il fabrique et après je le défonce !!! »
De Harper :
« Allez t’inquiètes pas, il va bien, j’en suis sûre !!! Demain tu me montres ton super binôme !! Bisous ma belle »
Mon dieu cette fille va me rendre folle ! Mais sans elle, mes journées seraient bien longues. Je me rappelle alors que j’ai un deuxième message, qui c’est ? Un numéro que je ne connais pas. J’ouvre.
D’INCONNU :
« Coucou Olivia... On va devoir se voir à un moment donné pour bosser sur le travail en commun... N’oublie pas... Noah »
Comment a-t-il eu mon numéro !
De Moi :
« On peut savoir comment tu as eu mon numéro ? Harceleur !!! »
Je n’ai même pas le temps de me relever et de poser mon téléphone que la réponse arrive.
De Noah :
« J’ai joué mon numéro à la secrétaire en lui disant que je l’avais perdu, et comme c’était pour le boulot elle me l’a donné. Tu m’en veux ? »
De moi :
« Ne me harcèle pas, je ne suis pas du genre à copiner avec les gens et encore moins avec les mecs, donc on va bosser et stop ! »
De Noah :
« On verra ça ma belle Olivia... »
Je ne réponds pas, il m’énerve ce mec, et maintenant en plus il a un moyen pour me joindre quand il veut. Il va se calmer sinon il va comprendre qui je suis. Bordel !
Après ces échanges super intéressants, je reste allongée sur mon lit pendant encore un moment. On frappe à ma porte...
— Oui, entre.
— Liv...
— Hum.
— Écoute, je suis désolé. Oui j’ai des trucs en tête et je m’inquiète pour toi, c’est une nouvelle année, tu vas faire des rencontres et je m’inquiète de ne pas pouvoir te protéger. Tu es tout ce qu’il me reste.
— Zach !! Regarde-moi, dis-je en lui relevant le menton, ne t’inquiète pas, tu vas avoir des rides avant l’âge. Rien ne m’arrivera, je ne vais rencontrer personne. Tu me connais, je suis sauvage ! À part Harper, je ne parle à personne.
— Ça viendra Liv, tu es jeune, tu n’as pas eu une vie facile, donc ça viendra. Surtout avec les mecs... dit-il avec un rictus de dégoût.
Je me mets à rire à en avoir mal au ventre...
— Ah non, ça ne risque pas !
— Comment ça ? Tu es... euh... Tu préfères les filles peut-être ?
Alors là, la blague, mon fou rire vient de grimper d’un stade !
— Ah non Zach, je ne suis pas lesbienne, mais les mecs, ce n’est pas ma priorité. Je vais déjà devoir me farcir un binôme pour l’année, et autant te dire qu’il m’a déjà gonflé, alors il va vite être mis au pli lui.
— Mouais, enfin, je suis là, viens me parler s’il te fait chier.
— Je sais me débrouiller toute seule, mais merci, dis-je en l’embrassant sur la joue
— Ouais, bon allez, j’ai deux, trois bricoles à faire sur la voiture. Je te laisse. Tu prépares à manger ?
— Comme d’hab ». Et Zach ?
— Ouais.
— Toi aussi tu peux me parler si tu as besoin, tu le sais hein ?
— Ne t’inquiète pas pour moi petite sœur.
En sortant, Zach me regarde une dernière fois avec un petit sourire en coin. En quittant la chambre, je me rallonge sur mon lit. Ça fait un bien fou de rire, ça faisait longtemps. Nous nous sommes éloignés avec Zach, je le regrette, depuis la mort des parents je n’avais plus ri autant. Il me manque. Il faut absolument que je sache ce qu’il cache. Nous nous en sortons bien maintenant niveau financier, il ne faut pas qu’il replonge. J’ai accepté de faire des études pour pouvoir faire un boulot qui paie, comme ça je pourrai aider mon frère et lui rendre tout ce qu’il m’a donné, tout ce qu’il a sacrifié pour moi. Son adolescence, à devoir s’occuper d’une gamine ingrate et rebelle.
Sale caractère !
Pour me changer les idées, je décide d’aller prendre une douche bien chaude. Mon rituel devant le miroir de la salle de bain, c’est de regarder encore et toujours mes cicatrices. Celles qui me rappellent de ne rien lâcher, de me battre jusqu’au bout, et surtout, celles qui me rappellent que mes parents ne sont plus là. Que j’ai besoin de ma mère pour avoir ses conseils, qu’elle me guide vers l’âge adulte ou tout simplement qu’elle me prenne dans ses bras, encore et toujours comme si j’étais une petite fille. J’ai aussi besoin de mon papa, de son regard bienveillant sur moi, de son autorité et de nos moments père/fille. Je sais que c’est aussi dur pour mon frère. La présence d’un père, pouvoir grandir en ayant un modèle. C’est fou ce que je peux réfléchir dans cette salle de bain. Et puis mes pensées se tournent vers Noah, Pourquoi ? Pourquoi je pense à lui ? Et encore pire, maintenant. Je secoue la tête pour effacer son image de l’esprit. Il ne manque plus que ça, me faire pourrir le cerveau par un mec.
Oui, un jour je serai obnubilée par un mec, un jour, je serai tellement amoureuse que j’en aurai mal au ventre, je serai tellement accro que j’en serai malade. Mais pas aujourd’hui, je ne suis pas encore prête. L’amour fait mal, les mecs font mal. Les seuls mecs que j’ai connus étaient de vraies brutes, ou des amis à mon frère, ils sont tous hyper protecteurs avec moi, surtout Chad. Alors j’ai peur, peur de m’attacher à un garçon et qu’il parte du jour au lendemain... comme mes parents...
La douche me fait un bien fou. Je ferme les yeux et laisse couler l’eau chaude sur mon visage, je ne pense plus à rien. C’est dans ces moments-là que je me prends encore pour une fille normale, avec qui la vie a été douce, sans horreur, sans drogue, sans deal, sans accident et avec des parents toujours présents. Ce moment où j’oublie tout, où j’oublie ce que j’ai vécu, combien je souffre encore de leur absence. Combien j’en veux au chauffard ivre qui nous a foncé dessus. De ce que j’en sais, le mec est mort sur le coup, il était complètement ivre. De cet accident, il ne reste que moi, que moi pour me rappeler sans cesse cet accident. Me rappeler qu’à cause de lui j’ai tout perdu. Je lui en voudrai jusqu’à la fin de ma vie. Il paraît qu’il habitait le quartier et qu’il avait une famille. Je n’en sais pas plus, Zach lui est au courant de tout mais pour me protéger il ne veut rien me dire en détail. Je sais juste ça, que le mec habitait notre quartier. Je ne connais même pas son nom.
En sortant de la douche, je me sèche les cheveux, m’habille de mon pyjama, qui est simplement, un super tee-shirt de Zach et un legging noir. J’adore être habillée comme ça, je me sens encore une enfant.
En sortant, je fonce dans ma chambre pour poser mes affaires de toilette et décide de descendre à la cuisine en voyant l’heure. J’ai dû traîner plus que d’habitude car il est déjà dix-neuf heures passé. Je commence à faire à manger quand Zach arrive accompagné de Chad. Ce dernier s’approche de moi et m’embrasse sur la tempe. Il est l’un des seuls amis de Zach à être aussi protecteur que lui. J’ai deux grands frères pour le prix d’un.
— Tu manges avec nous Chad ?
— Bien sûr Princesse !
— Ok, super ! C’est presque prêt.
Pendant le repas, Chad me demande comment s’est passée ma rentrée, et je lui parle de mon super binôme, des gens bizarres de ma classe et que la rentrée d’Harper s’est très bien passée. J’écoute les mecs parler de voiture, de la journée de boulot qu’ils ont eue, parce que Chad et mon frère bossent ensemble dans le garage de la ville. Le meilleur et surtout, celui qui ramène le plus de monde.