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Stéphanie Del Regno naît en 1978 à Domont (95) et grandit à Pau (64).

Elle démarre son parcours professionnel dans l’informatique, à Paris puis à Toulouse où elle réside depuis 2001, qui lui fait enchaîner plusieurs missions pour Airbus et le STNA (Service technique de la navigation aérienne).

C’est de sa rencontre avec un éditeur, Luigi Zuccante, en 2002, que cette passion pour l’édition va submerger cette amoureuse des livres depuis son enfance, et aiguiser sa nature déjà curieuse. Pendant trois années, il l’initiera au métier et l’incitera à créer sa propre maison d’édition associative : Luce di Notte.

Elle quitte alors l’informatique, devenant responsable éditoriale aux éditions Dangles avant de fonder son entreprise.

À Anaïs.

PROTAGONISTES DES TOUT PREMIERS CHAPITRES des Écritures saintes juives et chrétiennes, Adam et Ève, créés par la main de Dieu, sont les parents de l’humanité.

Information bien ancrée dans la tradition judé-ochrétienne, c’est un fait, Adam et Ève furent les premiers humains de la Création divine. Mais voilà, selon les Sages1, cette donnée serait discutable, en tous les cas en ce qui concerne Ève. On a vu dans la traduction hébraïque de la Bible un paradoxe entre les versets qui racontent la création de l’homme et de la femme. Car si le Livre relate de façon claire et détaillée celle de l’homme (Adam), la conception de la femme (Ève), cependant, pourrait laisser place à des interrogations. Cette question étant induite par ces deux versets :

Genèse 1 : 27 : « Dieu créa l’homme à son image ; c’est à l’image de Dieu qu’il le créa. Mâle et femelle furent créés à la fois. »

Genèse 2 : 22 : « L’Éternel-Dieu organisa en une femme la côte qu’il avait prise à l’homme, et il la présenta à l’homme. »

Et si le texte sous-entendait l’existence de deux premières femmes ? L’une ayant suppléé l’autre ? L’existence d’une autre Ève serait-elle alors possible ?

Énigme majeure pour les Sages, cette incohérence sémantique les a amenés à tenter d’élucider l’inexpliqué.

C’est en se plongeant dans la mythologie mésopotamienne, là où tout a commencé, que nous trouverons des indices capitaux. Les tablettes d’argile, mises au jour en 1849 par l’archéologue Austen Layard sur le site de l’ancienne Ninive en Assyrie, et datant du XVIIIe ou du XVIIe siècle avant J.-C., relatent des récits étonnamment similaires à ceux, plus tardifs, de la Genèse. C’est notamment le cas de Enki et Ninhursag, récit sumérien dans lequel nous retrouvons les trois personnages originels (Ninhursag [Yahvé] — Enki [Adam] — Ninti [Ève]), plus un quatrième, une femme : Ninsikila. En Akkadie, on parle du succube Lilītu. Déesse suméro-akkadienne figurant au panthéon de la religion mésopotamienne, Lilītu sera celle en qui la tradition juive trouvera sa première Ève : Lilith.

Lilith, l’ombre d’Ève. Alors ce serait elle, l’oubliée des Écritures saintes.

Pourtant, elle est la source de nombreuses inspirations depuis des siècles et des siècles. Les juifs, les mythologues, les démonologues, les artistes et les féministes se la sont appropriée au cours du temps.

Lilith, la femme aux multiples visages ; originellement présentée à la fois comme la première Ève et la première démone. Elle est celle qui, selon la légende, refusa de se soumettre à Adam puis à l’autorité de Dieu, acceptant la sentence la tête haute.

Plus qu’un personnage appartenant à une religion antique, Lilith, à elle seule, est un mythe vieux de 4 000 ans, et d’autant plus moderne qu’il sert la cause du mouvement féministe de notre XXIe siècle.

C’est sa représentation complexe qui va être détaillée dans cet ouvrage, perçant au jour la mystérieuse Lilith.

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1 Guides spirituels des Israélites sur la période 516 avant J.-C. (construction du Temple de Jérusalem) jusqu’au VIe siècle après J.-C. (fin de la compilation du Talmud de Babylone). Ceux sont eux qui prennent les décisions en ce qui concerne la loi juive (Halakha).

Chapitre premier


De ce qui est établi :
Adam & Ève

La création de l’humanité

LA CRÉATION DE L’HOMME et de la femme, dans la Bible, est un événement qui mérite une attention toute particulière.

La création du monde

Au premier jour, Dieu créa le ciel, la terre, le jour et la nuit.

Au deuxième jour, il y eut le firmament.

Au troisième jour, les continents et les mers apparurent ; la terre devint fertile.

Au quatrième jour, les astres célestes vinrent éclairer la terre.

Au cinquième jour, les mers se remplirent d’animaux marins et le ciel d’oiseaux.

Au sixième jour, Dieu donna vie aux animaux de la terre ; et il créa l’homme.

Au septième jour, quand son ouvrage fut terminé, Dieu se reposa.

L’homme représente la touche finale de l’œuvre de Dieu, qui a pris soin de préparer, avec bienveillance, le foyer qui accueillerait sa progéniture.

« Dieu créa l’homme à son image ;
c’est à l’image de Dieu qu’il le créa.
Mâle et femelle furent créés à la fois. »
(Genèse 1 : 27)

L’homme, au départ, est donc androgyne.

Avec sa bénédiction, l’humain devrait prendre possession de la terre et de tout ce qu’elle offrait. Entre ses mains serait placé le dessein de la Création divine : se reproduire et peupler la terre en toute part pour la dominer :

« Dieu dit : "Faisons l’homme à notre image,
à notre ressemblance,
et qu’il domine sur les poissons de la mer,
sur les oiseaux du ciel, sur le bétail ;
enfin sur toute la terre,
et sur tous les êtres qui s’y meuvent." »
(Genèse 1 : 26)

La notion d’humain est renforcée ici par le verbe « dominer ». Si ce n’est pas une évidence ici, la Bible de Jérusalem, quant à elle, accorde le verbe « dominer » au pluriel : « qu’ils dominent » : il s’agit bien de l’être humain en général.

La création de l’homme androgyne

Si, jusqu’à présent, la Genèse mentionnait l’homme et la femme comme un tout, le chapitre suivant décrit la création distincte de l’homme et de la femme.

Voici comment Dieu créa l’homme puis la femme.

Il commença par façonner l’homme.

« L’Éternel-Dieu façonna l’homme
— poussière détachée du sol —
fit pénétrer dans ses narines un souffle de vie,
et l’homme devint un être vivant. »
(Genèse 2 : 7)

Dieu se sert de la poussière du sol, c’est-à-dire de la terre, pour créer l’homme. Il utilise la matière et sa composition chimique pour lui donner corps. Ainsi, l’homme bénéficie de tous les éléments nutritifs contenus dans la terre, cette même terre que Dieu rendit fertile. La constitution physiologique de l’homme est issue du seul sol nourricier.

Et le souffle divin donne vie à ce corps humain : l’homme est créé.

La séparation charnelle de l’homme et de la femme : et Dieu créa la femme

Cela aurait pu s’arrêter là ; la femme, en tant que telle, aurait pu ne jamais exister. Le monde tournait, le soleil donnait de la lumière, la nature était verte et généreuse, les poissons peuplaient les mers, les oiseaux volaient dans le ciel, les animaux terrestres foulaient le sol, et il y avait l’homme pour veiller sur l’œuvre divine.

Mais Dieu trouva qu’il n’était pas bon pour l’homme d’être seul. Alors il dit : « Je lui ferai une aide digne de lui. » (Gen. 2, 18) Il continua à former des animaux dans le but que l’un d’entre eux convienne à l’homme. Quand Dieu lui amena les bêtes sauvages et les oiseaux qu’il venait de créer, l’homme leur donna à tous un nom, mais ne trouva pas pour autant une créature qui lui soit assortie.

Dieu avait demandé à l’homme de se choisir une aide, c’est-à-dire une compagne, parmi les animaux. Et comme rien ne convenait à l’homme, Dieu créa sa réplique au féminin. Alors Dieu endormit l’homme et se remit à l’ouvrage :

« L’Éternel-Dieu fit peser une torpeur sur l’homme,
qui s’endormit ;
il prit une de ses côtes, et forma un tissu de chair à la place2.
L’Éternel-Dieu organisa en une femme la côte
qu’il avait prise à l’homme, et il la présenta à l’homme. »
(Genèse 2 : 21-22)

Lorsque Dieu présenta sa créature à l’homme, celui-ci fut satisfait et il l’appela « Icha » (« femme »).

« Et l’homme dit :
"Celle-ci, pour le coup, est un membre extrait de mes
membres et une chair de ma chair ;
celle-ci sera nommée Icha,
parce qu’elle a été prise de Ich." »
(Genèse 2 : 23)

Sa mission consisterait à aider et accompagner l’homme ; en contrepartie, il s’attacherait à elle.

C’est ainsi que, par la main de Dieu, furent créés le premier homme et la première femme.

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2 Un enseignant-chercheur américain s’est demandé de quel os il pouvait s’agir. Car si c’était effectivement une côte, pourquoi les femmes et les hommes n’auraient-ils pas un nombre d’os différent ? Scott Gilbert a alors sérieusement étudié la question. Pour lui, la création de la femme sous anesthésie générale relève bien plus que de la symbolique. Ayant d’abord pensé à une erreur de traduction du texte, il s’avère que la fameuse côte, en hébreu, signifie également « planche », « étai », « colonne » ou « poutre ». Pour lui, le terme s’apparente au « baculum » ou os pénien, dont l’homme a été dépourvu au cours de son évolution. C’est ainsi qu’en 2001, il publia son hypothèse sans l’American Journal of Medical Genetics. Pour lui, l’os dont il est question dans le récit de la création d’Ève n’est pas une côte, mais le baculum. Ce qui, d’une part, expliquerait légendairement sa disparition, d’autre part se rapprocherait des termes employés dans la Bible pour évoquer le pénis, qui n’a pas de traduction littérale en hébreu. Pour finir, Scott Gilbert associe la cicatrice laissée par Dieu au moment où il referme la chair, au raphé périnéal masculin.

L’homme et la femme originels

LES TEXTES nous donnent quelques indications quant à la mission du premier homme et de la première femme.

Les créatures de Dieu

Il est écrit que Dieu créa l’homme à son image, mais comment l’interpréter quand les Écritures relatent que le premier homme était ignorant (pour avoir l’interdiction de goûter aux fruits de l’arbre de la connaissance du bien et du mal), et mortel (pour avoir l’interdiction de goûter à ceux de l’arbre de vie) ? Soit le contraire de Dieu ?

« Dieu créa l’homme à son image. »

Dieu créa les hommes selon les valeurs divines : morales, éthiques, intellectuelles, affectives. Les hommes sont intrinsèques à Dieu. Ainsi, ils sont positionnés au sommet de la hiérarchie de la Création (les minéraux, les végétaux et les animaux).

Dieu les missionne de régner en maîtres sur la terre. Souvenons-nous :

« Qu’il domine sur les poissons de la mer,
sur les oiseaux du ciel, sur le bétail ;
enfin sur toute la terre,
et sur tous les êtres qui s’y meuvent. »

L’homme et la femme partageaient les tâches imposées par Dieu, c’est-à-dire :

– garder et cultiver le jardin d’Éden ;

– assurer leur descendance ;

– et dominer les animaux.

Sur les hommes reposent l’organisation matérielle et le bon fonctionnement de l’œuvre divine. Toutefois, dans les limites de la condition humaine, c’est-à-dire privés de la connaissance absolue et de l’immortalité.

Créé selon la volonté de Dieu, l’homme se doit de se tourner vers lui, son Créateur, de l’honorer et de lui obéir.

L’homme, le gardien du jardin d’Éden

Dieu installa l’homme dans le paradis terrestre.

« L’Éternel-Dieu prit donc l’homme
et l’établit dans le jardin d’Éden
pour le cultiver et le soigner. »
(Genèse 2 : 15)

Pour protéger et prendre soin de son ouvrage, Dieu confia à l’homme la mission de veiller sur le jardin. Il devait rendre la terre encore plus fertile et l’exploiter. En contrepartie, il avait le droit de se nourrir de tous les fruits du jardin, à l’exception d’un seul :

« Mais l’arbre de la science du bien et du mal,
tu n’en mangeras point :
car du jour où tu en mangeras, tu dois mourir ! »
(Genèse 2 : 17)