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COLLECTION PRIER 15 JOURS

« À cause de l’orgueil de mon cœur, j’ai vécu distrait derrière mes ambitions et mes intérêts, sans réussir cependant à n’occuper aucun trône, ô Seigneur ! L’unique possibilité d’exaltation que j’ai est celle-là : que ta Mère me prenne dans ses bras, me couvre de son manteau et me place à côté de ton Cœur.
Et qu’il en soit ainsi. »

François, Fatima, petite chapelle des Apparitions, vendredi 12 mai 2017.

PETITE BIOGRAPHIE DE JORGE MARIO BERGOGLIO

Premier pape venu du continent américain, Jorge Mario Bergoglio, le 266e successeur de l’apôtre Pierre, naît le 17 décembre 1936 à Buenos Aires, en Argentine, de parents immigrés italiens ayant échappé à un naufrage. Il raconte ainsi ses origines dans un entretien à un journal d’action solidaire, réalisé par des personnes sans-abri, en février 2017 : Mes grands-parents et mon père auraient dû partir fin 1928, ils avaient le billet pour s’embarquer sur le bateau Princesse Mafalda, qui coula au large du Brésil ; ne réussissant pas à vendre à temps ce qu’ils possédaient, ils changèrent le billet et s’embarquèrent sur le Jules César, le 1er février 1929, c’est pour cela que je suis ici… En Argentine nous sommes tous des migrants, ajoute-il, précisant que là-bas le dialogue interreligieux est la norme, parce que à l’école il y avait des juifs arrivant surtout de la Russie, et des musulmans syriens et libanais, ou turcs avec le passeport de l’Empire ottoman ; il régnait une grande fraternité. Ces souvenirs vivants du pape Bergoglio sont importants pour « se mettre dans ses chaussures » – selon l’expression qu’il emploie volontiers à l’égard des autres – et mieux appréhender son engagement pastoral actuel.

Sa mère, Regina Maria, née en Argentine, était fille d’immigrés italiens venus de Ligurie, tandis que son père, Mario Josè, qui exerçait la profession de comptable, arriva à Buenos Aires en provenance du Piémont avec ses parents, en 1929. Mariés en 1935, ils ont eu cinq enfants, trois garçons et deux filles, dont l’aîné est Jorge Mario.

Petit, accompagnant sa grand-mère faire les courses, Jorge Mario aime regarder travailler celui qui découpe sous son nez les pièces de viande au marché, et rêve de devenir boucher, comme il le confiera avec humour lors d’une visite dans une paroisse romaine, en réponse à des enfants l’interrogeant sur « comment on fait » pour devenir pape.

À la fin de son adolescence, il suit une formation de technicien en chimie alimentaire, avant d’entendre l’appel à suivre le Christ à l’âge de 17 ans. Cette expérience décisive a lieu après une confession dans l’église San José du quartier de Flores, en 1953, le 21 septembre, lors de la « fête du printemps » en Argentine. C’est aussi la fête liturgique de saint Matthieu, ce collecteur d’impôts devenu un des douze apôtres.

Il entre au séminaire diocésain en 1955. Sa grand-mère paternelle, Rosa Vassallo, est la première de la famille à accueillir et à soutenir sa vocation sacerdotale. C’est la femme qui a eu la plus grande influence dans ma vie, reconnaît-il. Elle était très active dans sa communauté paroissiale, visitait les malades et les prisonniers, assistait les jeunes, et soutenait le ministère de nombreux prêtres.

Après une ablation du poumon droit, suite à une pneumonie, il est admis au noviciat des Jésuites le 11 mars 1958, et poursuit sa formation dans la Compagnie de Jésus, au Chili, pays où la confrontation à la grande pauvreté marque profondément sa vie. Je voudrais que tu sois une sainte, écrit-il à sa sœur, révélant l’idéal qui l’anime intérieurement. De retour en Argentine, en 1963, il enseigne la littérature et la psychologie dans un collège, et étudie la théologie.

Il est ordonné prêtre le 13 décembre 1969.

Nommé maître des novices à San Miguel en 1972, il fait sa profession solennelle le 22 avril 1973. Élu, à 36 ans, provincial des jésuites d’Argentine, il est ensuite accusé à tort d’être resté silencieux face à la dictature militaire (1976-1983), alors qu’il sauva en sous-main plusieurs religieux menacés de mort pour avoir milité auprès des pauvres. L’Argentin Adolfo Pérez Esquivel, prix Nobel de la paix, prend sa défense en 2013. Ce faux procès n’est pas sans rappeler celui fait à Pie XII, dont l’action pour sauver des juifs durant la Seconde Guerre mondiale fut aussi discrète qu’efficace.

Son mandat de provincial terminé, en 1980, il devient recteur de la faculté de théologie de San Miguel, et curé de la paroisse de la ville, prêchant souvent pour dénoncer la corruption. Des difficultés internes à la Compagnie de Jésus dans son pays expliquent sans doute son éloignement en Allemagne, où il complète ses études en 1986, obéissant toujours à ses supérieurs religieux. De retour en Argentine, les mêmes le reléguèrent à Córdoba, comme prêtre de quartier, directeur spirituel et confesseur.

À l’âge de 55 ans, le 20 mai 1992, Jean Paul II le nomme évêque auxiliaire à Buenos Aires, à la demande de l’archevêque de ce diocèse, le cardinal Antonio Quarracino – d’origine italienne lui aussi –, qui avait remarqué ses qualités pastorales pendant la dictature, quelques années auparavant. Jorge Mario Bergoglio lui succède le 28 février 1998. Logeant dans un petit appartement, et non dans la résidence habituelle des archevêques de Buenos Aires, utilisant les transports publics, il est réputé proche du peuple et ses interventions font référence durant la grave crise économique traversée par l’Argentine entre 1998 et 2002.

Saint Jean Paul II le crée cardinal le 21 février 2001.

Sa devise épiscopale, puis pontificale, « Miserando atque eligendo » – signifiant en substance « Choisi parce que pardonné » –, est tirée d’une homélie de saint Bède le Vénérable à propos de l’appel de saint Matthieu où Jésus regarde avec amour ce publicain, homme d’affaires agent de l’occupant païen, et l’entraîne à sa suite. Le cardinal Bergoglio s’est souvent recueilli devant un célèbre tableau du Caravage qui illustre cet épisode évangélique, en l’église Saint-Louis-des-Français, à Rome.

Pendant le conclave de 2005 qui a élu Benoît XVI, de nombreuses voix se seraient portées sur son nom.

Président de la commission de rédaction du document final de la Ve conférence générale du Conseil épiscopal latino-américain, à Aparecida en 2007, il imprime sa marque à ce document missionnaire qui annonce les grands axes de son pontificat réformateur, inspiré par la « théologie du peuple », courant né à la fin des années soixante-dix à Buenos Aires. Cette théologie latino-américaine défie le sécularisme : elle évite à la fois une conceptualisation de type libéral ou de type marxiste, et prend en compte avec respect le catholicisme populaire vu comme l’incarnation de la foi et de l’Évangile qui se poursuit dans les cultures au long de l’histoire. Toute tentative de briser la relation entre tradition reçue et réalité concrète, menace la foi du Peuple de Dieu, a expliqué en ce sens le pape François, dans un vidéo message de 2015 envoyé aux participants d’un congrès théologique à Buenos Aires.

Il présente sa démission à Benoît XVI en novembre 2011, ayant atteint la limite d’âge de 75 ans, cependant il est confirmé encore quelque temps dans sa charge d’archevêque de Buenos Aires.

Après la renonciation de Benoît XVI, sans qu’aucun journal n’ait franchement cité son nom parmi les papabili, les cardinaux l’élisent évêque de Rome en cinq tours de scrutin, le 13 mars 2013. Il prend le nom de François, en hommage au saint d’Assise, manifestant sa volonté d’un retour aux sources évangéliques. Comme je voudrais une Église pauvre pour les pauvres, dit-il devant la presse au lendemain de son élection. Abandonnant la mosette, cette pèlerine de velours rouge bordée d’hermine, et refusant de « vivre dans la pourpre » au Vatican, il s’installe à la résidence Santa Marta, où logent des évêques et des prêtres de passage, désireux de partager avec eux le quotidien, y compris les repas au self-service. Avec ses chaussures usées, portant lui-même sa sacoche de travail, il rompt tous les protocoles et plaisante facilement avec les personnes qu’il croise à l’improviste au Vatican, disant par exemple qu’il aimerait aller incognito manger une pizza en ville.

Son blason pontifical, centré sur le monogramme IHS – emblème des Jésuites symbolisant le nom de Jésus en grec – est orné à gauche d’une fleur de nard, évoquant saint Joseph, gardien de l’Église, et à droite d’une étoile, en référence à la Vierge Marie. Cette étoile à huit branches rappelle aussi les Béatitudes, dans l’esprit desquelles François veut engager à long terme la marche de l’Église.

Il veut rendre en tout hommage à la Miséricorde divine, qui est au cœur des Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola. Le Seigneur ne se fatigue jamais de pardonner : jamais ! C’est nous qui nous fatiguons de lui demander pardon. Demandons la grâce de ne pas nous fatiguer de demander pardon, parce que lui jamais ne se fatigue de pardonner, répète-t-il avec insistance.

Fidèle à l’enseignement de saint Ignace, fondateur de la Compagnie de Jésus, le « discernement » – clé de sa spiritualité et de sa gouvernance – s’opère selon lui à travers des « processus » qui permettent de tenir compte du temps, « supérieur à l’espace », et d’entrer ainsi dans la volonté divine. Il refuse la logique du blanc ou noir, qui porte à l’abstraction casuistique. La doctrine à ses yeux n’est pas un système fermé. Il cite volontiers saint Vincent de Lérins, moine du ve siècle, qui fit la comparaison entre le développement biologique de l’homme et la transmission du dépôt de la foi : il s’approfondit au fur et à mesure du temps qui passe, d’une époque à l’autre. Nous grandissons dans la compréhension de la vérité, autrement dit ce n’est pas l’Évangile qui change mais nous qui le comprenons mieux. Le christianisme, en se maintenant fidèle à son identité et au trésor de vérité qu’il a reçu de Jésus-Christ, se repense toujours et se réexprime dans le dialogue avec les nouvelles situations historiques, laissant apparaître ainsi son éternelle nouveauté (LS 121).

Se reconnaissant dans les paroles du psalmiste : « Ta parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route » (Ps 118), il avance en marchant, en cherchant. Sa méthode réformatrice consiste d’abord à écouter, sans idées préconçues, sûr que l’Esprit Saint travaille dans le saint peuple fidèle de Dieu où se continue le mystère de l’incarnation. Dans la théologie de Bergoglio, le peuple n’est pas uniforme comme dans l’image de la sphère, mais pluriforme, selon le modèle du polyèdre qui préserve les différences dans l’unité (EG 236). Cette conception ouvre une nouvelle ère dans l’Église catholique, où l’évêque de Rome, qui préside à la charité, n’est définitivement plus héritier des empereurs romains. Il fédère une dynamique collégiale, une Église « kaléidoscope de Dieu », dans une perspective résolument œcuménique qui hâte l’unité des chrétiens et la fraternité universelle. La synodalité, du grec « cheminer ensemble », est à l’ordre du jour, à tous les niveaux, au moyen de la pauvreté de cœur et de la miséricorde, pour servir une « culture de la rencontre ».

Toutes les fois que les personnes, les peuples et même l’Église ont pensé sauver le monde en grandissant en nombre, ils ont produit des structures de pouvoir, en oubliant les pauvres, constata François, explicitant une fois encore sa volonté de réforme, lors d’une rencontre organisée par le mouvement des Focolari avec les responsables de l’économie de communion, en février 2017. Il n’est pas nécessaire d’être nombreux pour changer notre vie : il suffit que le sel et le levain ne se dénaturent pas. Le grand travail à accomplir est de chercher à ne pas perdre le « principe actif » qui les anime : le sel ne fait pas son métier en grandissant en quantité, au contraire, trop de sel rend les pâtes salées, mais en sauvant son « âme », c’est-à-dire sa qualité.

INTRODUCTION

Ayant la joie de vivre à Rome et de travailler non loin de la place Saint-Pierre, j’ai accepté l’aventure de rédiger en cours de pontificat ce Prier 15 jours, dans le souffle de l’Année sainte de la Miséricorde voulue par le pape Bergoglio.