Ce livre est un coup de gueule contre l’idée qu’il n’y aurait rien de bon à attendre des milieux populaires au regard de la situation écologique. C’est à qui dénoncera le plus vertement leurs rêves de grand écran de télévision, leurs vieilles voitures polluantes, leurs logements mal isolés, leurs achats dans les hypermarchés, leur goût pour la viande rouge et les boissons sucrées, leurs rêves de zones pavillonnaires et de vacances bon marché, etc. Les élites auraient donc raison : « salauds de pauvres qui consommez si mal ! » Le pire c’est que ce discours d’enrichis finit par contaminer ceux qui à gauche se disent les plus conscients des enjeux planétaires et sociaux. Au moins, les riches achèteraient des produits bio, auraient des voitures électriques, des maisons bien isolées et lorsqu’ils prennent l’avion pour leurs vacances, ils achèteraient des compensations carbone auprès d’organismes certifiés !
Alors, « vivent les riches ! » ? Allons donc !
Tous les indicateurs prouvent que les milieux populaires ont un bien meilleur « budget carbone », une bien meilleure « empreinte écologique », un bien plus faible écart par rapport à la « bio-capacité disponible », un bien meilleur indice « planète vivante » (concernant l’impact des activités sur la biodiversité), un « jour de dépassement de la capacité régénératrice de la planète » plus tardif, une moindre emprise sur la « déplétion » des stocks non renouvelables en raison d’une moindre utilisation de la voiture et de l’avion mais aussi parce qu’ils font durer plus longtemps leurs biens d’équipements. Bref, par rapport à l’objectif d’émettre quatre fois moins de GES (Gaz à effet de serre) par rapport à 1990, si les riches ont « tout faux », les milieux populaires font déjà bien mieux.
Aussi, puisqu’il vaut mieux miser sur des changements de comportements plutôt que sur des solutions technologiques, alors les modes de vie populaires constituent une bonne partie de la réponse. Dire cela, ce n’est pas prendre ses rêves pour la réalité, ce n’est pas succomber à un nouvel angélisme au regard des consommateurs populaires qui rêvent effectivement d’écrans plasmas et peuvent voter Front National, c’est tirer tous les enseignements de ce que nous apprennent les statistiques officielles (pourtant souvent méchantes avec les gens de peu). Encore faudrait-il ajouter que certains de leurs mauvais scores écologiques correspondent davantage à des choix contraints qu’à de véritables choix. Ainsi les milieux populaires émettent davantage de CO2 au titre du chauffage, alors que ces mêmes milieux se chauffent moins que les enrichis, mais ils ne choisissent pas d’habiter de véritables passoires thermiques.
Certes, les plus conscients des écolos veulent bien admettre que ce sont « les riches qui détruisent la planète », mais ils ne font que la moitié du chemin, faute de reconnaître, Veblen et Bourdieu obligent, que les milieux populaires ne sont pas seulement dans une imitation servile des enrichis. Le lecteur aura déjà compris que j’assume totalement une analyse des modes de vie en termes de comportements collectifs et non individuels, bref en termes de (luttes des) classes qui s’opposent sur le choix des modes de vie. Dire cela c’est soutenir que les milieux populaires ne veulent pas seulement un autre partage du gâteau mais qu’ils aspirent à en changer la recette.
Ce livre devient ici un grand cri d’espoir car il entend prouver que les gens du commun sont, de par leurs modes de vie et leurs visions du monde, une chance exceptionnelle pour réussir la transition écologique et sociale. Et pas d’abord parce qu’ils n’auraient pas la possibilité de consommer autant qu’ils le voudraient, faute de ressources financières suffisantes, mais parce qu’ils trouvent dans leur propre culture de quoi résister aux diktats du « toujours plus », que ce soit en matière de travail ou de consommation.
Les milieux populaires sont de moins bons consommateurs que les riches, et il n’est pas vrai qu’il faudrait d’abord avoir succombé aux délices de la surconsommation pour pouvoir devenir un objecteur de croissance. S’il ne s’agit pas d’appeler à se mettre à l’école du peuple à la façon des maoïstes, il s’agit bien de refuser le mépris des riches envers les gens du commun et de le faire dans une perspective précise, celle de trouver une issue collective à l’effondrement environnemental dont nous serons toutes et tous victimes.
L’échec de tout ce qui a été tenté, depuis des décennies, impose de reprendre à nouveaux frais la question écologique au niveau planétaire. Toutes les solutions esquissées depuis plus de quarante ans ont échoué, puisque le niveau global des émissions de CO2 n’a cessé d’augmenter. L’intensité carbone s’est accrue de 0,6 % en 2010 (dernière année de référence) avec une croissance du PIB de 5,18 % et des émissions de 5,8 %. Cela signifie que les remèdes sont inefficaces et les médecins incompétents. Par remèdes, j’entends toutes les solutions miracles qui étaient censées faire des surconsommateurs des parangons de vertu écologique, grâce au commerce équitable, au commerce éthique et au développement durable. Les classes aisées qui étaient censées voter « écolo » davantage que les milieux populaires, en votant selon la grosseur de leur porte-monnaie, ont mal voté… puisque la situation planétaire s’est gravement dégradée. Par médecins, j’entends les Diafoirus du développement durable mais aussi les riches, les firmes et États, qui devaient réussir la transition écologique.
J’ajouterai que les projets d’adaptation de la planète, outre qu’ils sont condamnables scientifiquement, socialement, politiquement et même anthropologiquement au regard des fantasmes de toute-puissance qu’ils charrient, sont, tout bonnement, totalement impossibles à mettre en œuvre. Quel État accepterait d’investir des centaines de milliards de dollars dans des projets dont le retour sur investissement est plus qu’incertain et dont les retombées positives, pour autant qu’elles existent un jour, concerneraient tout le monde, y compris les « passagers clandestins » ? Les seuls projets du capitalisme vert qui verront effectivement le jour seront ceux portés par les grandes firmes économiques, c’est-à-dire ceux qui offriront aux actionnaires un taux de profit particulièrement élevé, compte tenu du taux d’actualisation nécessaire pour compenser le risque1. Rien surtout ne peut garantir que les projets sélectionnés au regard des perspectives de plus gros profits financiers soient les meilleurs !
Je reste donc convaincu que seule la mise en branle de toute la société peut éviter une catastrophe planétaire majeure, mais aucun bouleversement de cette ampleur n’est jamais possible sans faire du neuf avec du vieux, c’est-à-dire sans prendre appui sur un « déjà-là » que l’on ne perçoit même plus. Ce « déjà-là » à même de sauver la planète de la catastrophe c’est la façon dont les milieux populaires ont appris à vivre avec peu ; et ceci, non pas depuis les politiques d’austérité qui frappent aujourd’hui l’Europe du Sud après avoir anéanti les pays du Sud, mais depuis des siècles et des siècles.
Il ne s’agit ni de revenir en arrière car le passé n’était pas glorieux, loin s’en faut, ni d’idéaliser les classes populaires, mais d’examiner leurs potentialités écologiques en comparaison de celles des autres milieux sociaux. Je n’affirme pas davantage que les milieux populaires seraient déjà porteurs d’une vérité écologique qu’il suffirait de généraliser clefs en mains.
Le XXe siècle nous a déjà appris qu’on ne fait jamais l’histoire qu’on pense faire. C’est vrai individuellement et la psychanalyse est là pour rappeler les détours et mauvais tours de l’inconscient et du subconscient. C’est vrai aussi collectivement et le stalinisme nous rappelle qu’on peut croire construire le paradis sur terre alors que l’on bâtit des goulags. Nous n’avons pas d’autre choix que d’accepter ce cheminement en partie aveugle, dès lors que nous avons de bonnes raisons de croire dans la direction. C’est tout le sens que je souhaite donner à cet ouvrage, ouvrir quelques pistes que je soupçonne d’être suffisamment giboyeuses pour nourrir la transition vers une société de justice sociale et écologique.
J’aimerais donc partager avec le lecteur une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise nouvelle c’est que rien ne sera possible tant que nous considérerons que le mode de vie des classes aisées est le seul possible, tant que nous renverrons les façons d’être, de penser, de rêver des milieux populaires à de simples écarts par rapport à une norme unique. Ce n’est pas parce qu’ils ont moins de ressources que les milieux populaires détruisent moins la planète, mais en raison de leurs prédispositions écologiques liées à leurs cultures. J’évoquerai une dizaine de pistes qui déterminent ce sur quoi nous pouvons agir pour rouvrir le champ des possibles et renouer avec l’espoir.
J’ai conscience de prendre le contre-pied des visions dominantes. Ce livre n’est pourtant pas un coup de tonnerre isolé au milieu d’un ciel serein. Il n’aurait pas été pensable sans le regain, depuis quelques années, d’une réflexion autour des milieux populaires, ici on reparle de culture et d’autonomie ouvrières, là de culture de résistance et de réappropriation. Le champ académique n’est pas en reste avec l’organisation de colloques, comme celui du 11 février 1995 sur « sociabilité et cultures ouvrières2 ». L’essentiel vient cependant du renouveau du champ des mobilisations : mouvements des Indignés, printemps arabes, altermondialismes, luttes contre les Grands Projets Inutiles Imposés (GPII) qui tous témoignent de conflits entre des choix de modes de vie.
Ce livre est aussi le produit d’une aventure humaine et intellectuelle. J’ai dû parfois penser contre moi-même. Selon que l’on torde le bâton davantage dans un sens ou dans un autre, les intuitions et les hypothèses diffèrent. Les milieux populaires sont-ils à moitié intégrés dans les modes de vie dominants ou sont-ils toujours à moitié autonomes dans leur choix de vie ? C’est toujours la même affaire du verre à moitié vide ou à moitié plein !
Je me suis donc rapproché du philosophe Michel Clouscard3 et de sa défense acharnée des milieux populaires, et éloigné du sociologue Alain Accardo et de sa haine du « petit bourgeois gentilhomme4 », d’abord en raison des effets politiques de leurs pensées (optimisme d’un côté, pessimisme de l’autre ; choix des luttes populaires chez l’un, voisinage avec la décroissance austéritaire de la droite catho chez l’autre, etc.) ; cela m’a permis de redécouvrir Michel Verret et de me démarquer de Thorstein Veblen.
Ma rencontre avec Emmaüs et ATD Quart Monde m’a conduit notamment à revisiter certaines thèses que je défendais en 2007 dans Le Mésusage5. Ce livre poursuit donc la réflexion entamée lors du premier Forum mondial de la pauvreté que j’avais coorganisé avec le village Emmaüs de Lescar-Pau en juillet 2012, sous le titre « les pauvres entre mépris et dignité, que peuvent nous apprendre les cultures populaires ?6 » J’avais voulu ce glissement lexicologique car faire de la politique du point de vue des milieux populaires, ce n’est pas d’abord fournir d’autres réponses aux questions dominantes, c’est apprendre collectivement à poser d’autres questions. Lorsque vous refermerez ce livre, l’essentiel n’est pas, comme disait Malraux, que vous partagiez mes (débuts de) réponses, mais que vous ne puissiez plus ignorer mes questions.
Dans une première partie, j’irai à la recherche des milieux populaires. Après avoir établi que les gens de peu ont un bilan écologique bien meilleur que les enrichis, nous verrons que nous n’arrivons pourtant pas à croire ce constat, tant ce que nous avons sous les yeux heurte le discours ambiant. Les milieux populaires ne pourraient avoir un meilleur bilan carbone pour la simple raison qu’ils n’existent tout simplement pas aux yeux des enrichis. Étant seulement définis négativement (à la façon des plus miséreux), ils ne pourraient témoigner que d’un manque, bref d’un dysfonctionnement par rapport à une norme définie par le mode de vie insoutenable d’une minorité. Les modes de vie populaires sont simplement rendus invisibles. Nous devrons donc d’abord déconstruire cette invisibilité pour espérer être à même de croire enfin ce que nous savons et agir en conséquence.
La seconde partie permettra d’exposer ce qu’est déjà, et ce que pourrait être une conception populaire de la « vie bonne » et ses conséquences heureuses mais encore insuffisantes au regard des enjeux écologiques planétaires.
1. Daniel Tanuro, L’impossible capitalisme vert, La Découverte, 2010.
2. Colloque sous la direction d’Alain Leménorel et d’Alain Becchia, université de Rouen.
3. Michel Clouscard, L’Être et le Code, Éditions Moutons, 1972 ; Néofascisme et idéologie du désir, 1973 (réédition Le castor Astral 1999) ; Le frivole et le sérieux, Albin Michel, 1978 ; Le capitalisme de la séduction, Messidor – Éditions Sociales, 1981.
4. Alain Accardo, Le petit bourgeois gentilhomme. Sur les prétentions hégémoniques des classes moyennes, Éditions Agone, 2009.
5. Paul Ariès, Le Mésusage, Essai sur l’hypercapitalisme, Parangon, 2007.
6. Les pauvres, entre mépris et dignité, Golias, 2012.
Les milieux populaires sont beaucoup plus écolos que les enrichis et même que beaucoup d’écologistes. Je consacrerai donc deux premiers chapitres à exposer succinctement cette vérité incontestable, avant de m’interroger, dans un troisième et quatrième chapitres, sur les raisons qui poussent les élites à refuser de croire ce que leurs savants démontrent chiffres en mains.
Nous verrons qu’il est impossible de comprendre pourquoi nous ne voulons pas voir les potentialités écologiques des milieux populaires sans expliquer, au préalable, comment les milieux populaires sont rendus invisibles. Il nous faudra aussi reconnaître qu’au mépris traditionnel des milieux populaires par les classes aisées s’ajoute, de plus en plus, une véritable haine sur la base d’une culpabilisation des appauvris/déculpabilisation des enrichis. Nous pourrons alors, mais alors seulement, montrer comment il serait possible de changer de regard, non seulement sur la richesse et la pauvreté, mais sur les milieux populaires et leurs modes de vie spécifiques.
Nous prendrons alors le temps de nous demander si ces milieux populaires, enfin redevenus visibles et légitimes, peuvent devenir le grand sujet historique capable d’impulser la nécessaire transition écologique et sociale. Il nous faudra rejeter toute tentation d’angélisme, tout comme nous rejetons les thèses de Veblen, d’Élias et de Bourdieu sur la domination totale.
Ce refus de tout angélisme est d’autant plus nécessaire que même si les milieux populaires font beaucoup mieux que les enrichis, ils ne sont pas exempts de critiques et leur bilan carbone n’est pas à la hauteur des enjeux. Nous achèverons cette première partie du voyage en sondant les écarts entre appauvris et enrichis en matière de transports, de logement et d’alimentation, histoire de donner du grain à moudre aux politiques.
Je porterai immédiatement le fer au point le plus sensible : les milieux populaires ont un bien meilleur bilan écologique que les classes aisées, constat que n’arrivent même plus à camoufler les études commanditées par les services officiels ou ceux des firmes. Nous verrons plus loin que ce bilan des milieux populaires reste cependant encore beaucoup trop élevé1. Il ne s’agit donc nullement de les idéaliser. Les gens du commun ne vivent pas en effet en dehors de la société, de sa conception du bonheur, de son agression publicitaire, de son marketing envahissant, mais aussi et avant tout de ses structures de production, de sa division du travail, de ses inégalités de revenus et de patrimoine, de ses choix en matière de fiscalité, de santé, d’aménagement du territoire, de la tolérance de l’État au regard des stratégies d’obsolescence industrielle, de la capacité des classes aisées à privatiser les services publics, à casser les biens communs, etc.
Bref tout un ensemble de facteurs décisifs pour la transition2. Nous pouvons dire à propos des classes aisées qu’elles ont « tout faux » et au sujet des milieux populaires qu’ils pourraient « mieux faire ».
Les centres de recherches, qu’ils soient publics ou privés, ne donnent pas exactement les mêmes chiffres, mais ils s’accordent tous cependant pour reconnaître que « ceux d’en bas » sont plus « écolos » que ceux d’en haut. Cette vérité est connue de tous les spécialistes, que ce soit ceux de l’ADEME3, du ministère de l’Écologie et du Développement durable, des ONG ou même ceux de l’OBCM (Observatoire du bilan carbone des ménages)4, tous bien obligés d’admettre que « Les revenus les plus élevés affichent des bilans carbone globalement plus mauvais que la moyenne » et que les milieux populaires font donc mieux.
La collectivité nationale n’a jamais estimé utile de lancer de grandes études quantitatives et qualitatives sur ces différences de bilan selon les milieux. Signe, une fois encore, que l’orientation des recherches n’est jamais neutre, même au sein d’institutions publiques comme le CNRS ou l’ADEME. On doit déplorer en outre que, lorsque ces chiffres existent, ils ne sont jamais utilisés pour étudier les déterminants de classe des budgets carbone, mais pour établir des écarts par rapport à une norme (norme définie selon les styles de vie insoutenables des milieux aisés…).
Le choix de comparer la situation des milieux populaires à celle des classes aisées semble évident, mais il est cependant fortement contestable, car il conduit d’une part à faire du mode de vie des enrichis la véritable norme (même si on concède que leur mode de vie n’est pas soutenable). Il conduit d’autre part à construire entre les deux une sorte de moyen terme qui, au regard des styles de vie, n’a aucune consistance sociale ni écologique. L’Observatoire international de la gratuité (OIG) a donc fait un autre choix en dissociant les « petits moyens » des « grands moyens », les premiers ayant un style de vie proche des autres couches des milieux populaires, alors que les « grands moyens » se rapprochent des classes aisées et se distinguent fortement des milieux populaires en termes de genre de vie5. L’échantillon de l’OIG inclut les retraités d’origine populaire (qui parfois ne touchent que 800 euros) avec les autres couches populaires, et non avec les retraités cadres ou libéraux, ce qui a pour effet immédiat de réduire les émissions des milieux populaires et d’augmenter celles des classes aisées. On perçoit ainsi que les taxinomies ne sont jamais neutres socialement.
Qui émet quoi ?
Le bilan carbone moyen d’un Français est de 7 388 kg/CO2 par an, ce qui est certes bien mieux que celui des Nord-Américains avec leur 20 tonnes/personne/an, mais reste cependant bien au-dessus du maximum planétaire possible pour sept, et bientôt huit, milliards d’humains. Cette moyenne nationale cache naturellement des disparités très importantes : les cadres supérieurs émettent 8 580 kg, les professions intermédiaires 6 585 kg, les employés 6 657 kg, les ouvriers 6 828 kg et les retraités 8 143 kg. Bref, toutes les enquêtes parviennent finalement au même constat : « les foyers disposant des niveaux de revenus les plus élevés affichent des bilans carbone globalement plus mauvais que la moyenne » ; « Les CSP et les tranches de revenus plus modestes affichent des niveaux d’émissions moindres » ; « Une surreprésentation des niveaux de revenus les plus modestes au sein de la population ayant un bon bilan carbone. » Ce constat d’une corrélation forte entre le niveau de revenu et les émissions de CO2 n’a rien de surprenant, puisqu’il exprime, au niveau des classes, ce qui se vérifie au niveau des pays. Ainsi plus le niveau de PIB est élevé, plus les émissions croissent.
L’Étude « Milieux Urbains durables » de l’ADEME confirme les conclusions de l’OBCM : l’empreinte carbone est plus élevée pour les milieux aisés que pour les milieux populaires. Toujours selon les mêmes enquêtes, les milieux aisés sont surreprésentés (22 % des foyers avec revenu > 3 000 euros) au sein des personnes ayant un « mauvais bilan carbone » (> 7 320 kg/ CO2 par an), alors qu’ils sont sous-représentés au sein des familles ayant un « bon bilan carbone » (< 4 300 kg/ CO2 par an). Parmi les riches, les plus gros émetteurs sont les personnes âgées et les jeunes mais aussi les personnes vivant seules (> 4 392 kg de CO2/par an).
Christian Baudelot et Roger Establet avaient publié, en 1979, Qui travaille pour qui ?6, petit manuel de l’exploitation des milieux populaires, ouvrage salué en son temps par toute la gauche, avant qu’elle n’abandonne majoritairement toute analyse en termes de classes et de lutte des classes. Inspirons-nous de leur démarche et demandons-nous « qui émet quoi ? », en sachant que celui qui émet plus que sa part prend celle des autres. Nous ne pouvons maintenir le mode de vie des Occidentaux enrichis que parce que le reste du monde consomme moins, vraiment beaucoup moins7. Ce n’est donc pas seulement que les classes aisées émettent davantage, c’est qu’en émettant autant, elles rendent totalement impossible une répartition plus juste du gâteau, mais aussi un changement des modes de vie.
Les différences de scores s’expliquent déjà par le choix de construire des artefacts plutôt que de partir d’une analyse en termes de groupes sociaux8. La critique sociologique des socio-styles retrouve ici toute sa pertinence. On sait que cette taxinomie sociale des années quatre-vingt a accompagné le développement de la pensée marketing et la crise du marxisme/freudisme : « À l’inverse, considérant que toute référence aux classes sociales ou aux CSP (catégories socioprofessionnelles) est désormais dépassée et revendiquant un empirisme radical, le CCA (Centre de communication avancée) propose une carte des mentalités et des socio-styles qui se veut une “photographie sans a priori des faits sociaux” […] La rupture, non seulement avec le marxisme, mais aussi avec la tradition sociologique qui se propose d’expliquer le social par le social, tient dans l’affirmation de l’autonomie des styles de vie par rapport aux conditions d’existence9. »
Trente ans plus tard, c’est toujours le même type de taxinomie qui est utilisé pour dresser les profils écologiques de sous-parties de la population en procédant au même type de bricolages statistiques. Mais malgré ce rideau de fumée savamment entretenu, les experts que le système se donne sont bien obligés de reconnaître in fine l’existence de déterminations sociales sur les différents volumes des budgets carbone. Les faits sont en effet tellement têtus qu’ils forcent leurs classifications : « D’une façon générale, les empreintes les plus fortes sont celles des profils des Milieux les plus aisés (“Bourgeoisie Installée” » et “Néo-Standing”) et les empreintes les plus faibles celles des profils les plus modestes (“Précaires Âgés”, “Éco Solidaires”, “Expérimentalistes Précaires”, “Consommateurs Populaires”), ce qui est donc globalement cohérent. »
Ce qui est moins « cohérent » intellectuellement c’est que cette vérité n’est pas prise en compte, à tel point que ces mêmes experts sont contraints d’admettre que « Les tentatives visant à expliquer les différences en termes de consommation énergétique sur la base des segmentations sociales sont pourtant rares […] ce manque de prise en compte de la variété sociale limite considérablement l’efficacité de nombreux programmes développés dans le but d’infléchir les modes de vie10. » Autrement dit on sait, au sein des institutions officielles, que l’analyse la plus juste devrait privilégier les déterminants sociaux, on sait même que ne pas le faire conduit à l’inefficacité, mais on continue pourtant à choisir de regarder ailleurs. Ainsi les experts admettent, chiffres en mains, que « la différentiation sociale explique les écarts d’intensité des consommations » mais que « de plus, en raison de différences en termes d’aspirations de vie, d’attitudes, de valeurs sociales ou en fonction des circonstances socio-économiques, des groupes sociaux différents ne réagiront pas de la même façon à une même “intervention externe” visant à influencer les pratiques de consommation ». Bref, si les politiques publiques avaient vraiment pour but d’être efficaces alors elles mettraient les milieux populaires au cœur de leur démarche ! Mais c’est justement ce choix que les décideurs et les experts ne font pas.
Alors qu’au regard de la recherche du facteur 411, le choix devrait être de valoriser et de légitimer les modes de vie populaires, ce qui suppose déjà de les reconnaître et de les nommer pour ce qu’ils sont, ces mêmes experts choisissent de diviser ces milieux populaires en de multiples catégories qui, non seulement ne les reconnaissent pas, mais leur interdisent de prendre conscience d’eux-mêmes et noient leur créativité, au moyen du jargon technocratique, sous le vocable des démarches « bottom-up ». C’est déjà le même procédé qui avait été promu par les think-thank libéraux et conservateurs afin de disqualifier l’analyse de la pauvreté en termes d’un rapport social entre exploiteurs et exploités, entre enrichis et appauvris, au profit d’une approche dite multifonctionnelle, dont le principal effet fut de noyer le poisson en faisant de la pauvreté un problème individuel12.
Les experts multiplient donc les sous-catégories en croisant les critères avec pour conséquence l’évacuation des classes sociales et donc de leur lutte sur la conception de ce qu’est (ou pourrait être) une « vie bonne ». Peu importe d’ailleurs ici le nombre de profils retenu et les sobriquets avec lesquels on les affuble, puisque l’essentiel est de cacher les milieux populaires.
L’étude sur les « Milieux Urbains Durables », réalisée pour l’ADEME et le MEDDTL13, avec le calculateur de la Cité des Sciences.
Elle distingue douze profils « écolos » tirés de la segmentation des Sinus-Milieux, d’abord développée, dans un autre contexte, en Allemagne par la société Sinus-Institut. Cette segmentation comporte deux dimensions principales : d’une part le niveau socio-économique qui inclut le niveau d’études, de revenus et de statut social ainsi que la catégorie socioprofessionnelle ; d’autre part, la dynamique du changement socioculturel qui comprend les aspirations, les motivations et le système de valeurs des individus. La segmentation Sinus-Milieux distingue initialement neuf milieux représentant chacun 10 à 12 % de la population (« Milieu Traditionnel Conservateur », « Milieu Précaire Âgé », « Milieu de la bourgeoisie Installée », « Milieu de la France Tranquille », « Milieu Consommateur Populaire », « Milieu Précaire Jeune », « Milieu Intellectuel », « Milieu Néo-Standing », « milieu expérimentaliste »).
Les classes populaires se trouvent ainsi dispersées entre plusieurs profils, dont les noms ont un caractère psychologisant voire méprisant et elles sont loin d’y apparaître comme « créatrices ». Elles sont données comme « laissées pour compte de la modernisation », « ne se sentant pas reconnues », « se sentant dépassées », « mal à l’aise dans ce monde en perte de valeurs du passé », « attachées aux traditions et à la morale », etc. Bref, rien de bien valorisant, même si on révèle que leur bilan carbone est meilleur que celui des enrichis. Ces derniers se trouvent moins divisés en milieux distincts, leurs appellations sont plus positives : ces « Milieux » seraient « conscients d’appartenir à l’élite », « fiers de bien maîtriser leur vie », « ouverts au multiculturalisme », « privilégiant l’épanouissement personnel et le développement de soi au conformisme et à la réussite sociale », etc.
Même les tares de ces Milieux au regard de leurs émissions deviennent positives : « bien que gros consommateur d’activités culturelles et de voyages », le « Milieu Intellectuel » manifeste une « certaine distance vis-à-vis de la consommation en tant que telle », de même que le « Milieu de la Bourgeoisie Aisée » qui « valoriserait la tolérance et le dialogue » et serait prêt à « d’importantes dépenses pour une meilleure qualité de vie », etc.
Mieux vaudrait donc appartenir aux enrichis qui détruisent la planète plutôt qu’aux milieux populaires qui la préservent !
La construction de ces profils ne prétend même pas permettre de mieux coller à la réalité, puisque le seul intérêt de ces « individus fictifs » serait de pouvoir être décrits sous forme narrative ! Le risque, bien sûr, c’est que les histoires qu’on nous raconte soient des histoires à dormir debout. Les gouvernants de droite comme de gauche sont ainsi censés inventer des politiques de transition écologiques en partant de profils « Éco-Solidaires », « Éco-Élite 1 », « Éco-Élite 2 », « Classe Créative 1 », « Classe Créative 2 », « Précaires Âgés », « Traditionnels Conservateurs », « Consommateurs Populaires », « France Tranquille », « Bourgeoisie Installée 1 », « Bourgeoisie Installée 2 », « Intellectuels », « Néo-Standing 1 », « Néo-Standing 2 », « Expérimentalistes Précaires », « Précaires Jeunes ».
Outre l’abus de majuscules caractéristique de ce type de pensée, on note que si la bourgeoisie est citée comme telle à deux reprises, ni la « classe ouvrière », ni les « paysans », ni les « employés » n’apparaissent dignes de leurs noms. Les milieux populaires se retrouvent dissous dans différentes catégories comme « Traditionnels Conservateurs », « France Tranquille », « Expérimentateurs Précaires », « Précaires jeunes », « Précaires Âgés » et « Consommateurs Populaires ». Ce classement masque davantage qu’il n’éclaire. Oserais-je une comparaison avec la fameuse formule de Brecht : « Si le peuple ne partage pas le point de vue des dirigeants, la meilleure solution serait de changer… le peuple ».
Si les profils utilisés pour « désespérer Billancourt » changent d’une étude à l’autre, ils ne permettent même pas d’obtenir des chiffres incontestables. Il suffit de comparer ceux donnés au sujet de l’empreinte écologique (hectares globaux par habitant). Les empreintes globales varient de 3,3 à 7 Hag (hectare global par habitant) selon les petits et les gros consommateurs, pour le calculateur de la Cité des sciences, de 3,9 à 12 pour le calculateur suisse du GFN (« Global Footprint Network ») et de 4,4 à 18,6 pour le calculateur belge de WWF-Belgique, soit une amplitude deux fois plus grande. Des écarts de même grandeur se retrouvent au niveau des autres indicateurs. L’indicateur GFN donne pour l’alimentation un écart de 1 à 6, pour le logement de 1 à 8, pour les transports de 1 à 12 alors que l’étude de l’OBCM donne 1,77 pour le logement, 1,38 pour les transports et 1,29 pour l’alimentation.
L’étude sur les milieux « Urbains durables » note une amplitude d’un facteur 9 entre les profils les plus sobres (« Consommateurs Populaires », « Expérimentalistes Précaires », « Précaires Jeunes ») et ceux qui présentent l’empreinte la plus forte (« Bourgeoisie Installée 1 » et « Bourgeoisie Installée 2 »). On ne peut qu’être agréablement surpris de cet écart qui montre la possibilité de diminuer rapidement les émissions, si on parvient à rapprocher l’empreinte moyenne de celle des gens ordinaires. Cette meilleure empreinte des milieux populaires est d’autant plus méritante que toute l’organisation de la société, tant sur le plan matériel qu’idéologique, n’est pas de nature à permettre une faible empreinte.
Considérons aussi que cette empreinte des milieux populaires serait encore meilleure s’ils bénéficiaient des mêmes logements que les classes aisées, puisque le chauffage peut aller jusqu’à 95 % de leur empreinte logement. Considérons également que cette empreinte des milieux populaires serait encore meilleure s’ils n’étaient pas contraints, de par le coût du foncier, d’aller vivre toujours plus loin des lieux d’activités professionnelles, les obligeant ainsi à des déplacements biquotidiens énergivores, malgré leur beaucoup plus grande utilisation des transports en commun.
Ainsi l’enquête « Déplacements » de la Communauté urbaine de Lille Métropole montre qu’un ménage habitant en centre-ville émet 1,1 tonne/an alors qu’un ménage périurbain atteint 3,4 tonnes/an. Ces 2,3 tonnes excédentaires ne résultent que faiblement de choix individuels : ils pourraient donc être réduits en rendant la ville aux milieux populaires14.
Ce bon bilan écolo des milieux populaires relève d’une fausse évidence. C’est une évidence puisque chacun pressent intuitivement ce constat : les milieux populaires consommant moins, ils émettraient moins de CO2. C’est cependant une fausse évidence puisque ce constat est aussitôt refoulé. Nous avons ici, une fois de plus, la preuve que savoir ne suffit pas pour convaincre et être convaincu pour agir conformément à la raison.
Nous ne pourrons pas voir que les milieux populaires sauveront la planète tant que nous continuerons à accepter qu’ils demeurent largement invisibles. Nous devons donc d’abord combattre l’invisibilité des milieux populaires, ce qui suppose de nous interroger sur les modalités de sa construction15.
1. Nous traiterons de cette question dans le chapitre 2 de la seconde partie, « le retour des partageux ».
2. Nous aborderons tous ces thèmes dans la seconde partie de ce livre.
3. ADEME, Agence de développement et de maîtrise de l’énergie.
4. Enquête réalisée par IPSOS et le cabinet Green Inside.
5. Marie Cartier, Isabelle Coutant, Olivier Masclet, Yasmine Siblot, La France des « petits-moyens ». Enquêtes sur la banlieue pavillonnaire, La Découverte, coll. « textes à l’appui », 2008.
6. La petite bourgeoisie en France, Petite collection Maspero, 1981.
7. Cette analyse n’est pas nouvelle puisque Lénine expliquait dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme que les pays impérialistes bénéficient d’une plus-value supplémentaire provenant de la surexploitation du prolétariat des pays dominés. Il ajoutait que la bourgeoisie des pays impérialistes rétrocédait de larges parts de cette plus-value aux petits-bourgeois voire à des couches importantes de la population des pays riches.
8. Les analyses de Maurice Halbwachs durant l’entre-deux-guerres étaient infiniment plus sérieuses.
9. Gérard Mauger, « Mode de vie » in Encyclopédia Universalis.
10. Rapport OBCM.
11. Le facteur 4 désigne l’objectif qui consiste à diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050.
12. Livre Forum mondial de la pauvreté.
13. Ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement.
14. Cf. chapitre « La conception populaire de l’espace ».
15. Cette question sera abordée dans les prochains chapitres.
Les études disponibles prouvent que les milieux populaires font également mieux que les personnes revendiquant des convictions écologiques. Le bilan carbone des « écolos convaincus » est de 6 883 kg/CO2 par personne/an, soit davantage que celui des milieux populaires, ouvriers compris (OBCM). Pour la planète mieux vaut donc le mode de vie populaire que celui des « écolos » ! Un bon bilan carbone dépend donc avant tout des styles de vie, des choix de vie, de la conception même d’une vie bonne.
Les riches, même écolos, ont un comportement beaucoup plus irresponsable que les milieux populaires, et ceci malgré leurs efforts. Cela ne signifie pas qu’ils aient tort de renoncer par exemple à la possession d’une voiture, ou d’une deuxième voiture, ou d’une voiture plus puissante, cela ne signifie pas qu’ils aient tort de manger bio, d’acheter des produits issus du commerce équitable, mais les chiffres prouvent que tout cela ne suffit pas. Selon l’OBCM, le bilan carbone des « écolos convaincus » est plus faible que celui des plus riches, mais seulement de 672 kg de CO2 par an. Autrement dit, comme le notent les auteurs du rapport OBCM : « La sensibilité environnementale a un effet très faible sur le bilan carbone ».
Il existe très peu de différences entre les niveaux d’émissions des personnes ayant une sensibilité « médiocre » et celles revendiquant une sensibilité moyenne. Même ceux qui ont une sensibilité forte n’ont pas un bilan bien meilleur. Cela confirme que la question n’est pas la prise de conscience, car savoir ne suffit pas à convaincre et être convaincu ne suffit pas pour agir : nous savons tous que la planète est en danger mais beaucoup n’en sont pas convaincus et parmi les convaincus beaucoup ne font rien (ou peu).
La révolution se fera d’abord dans les faits, par un changement progressif des modes de vie sous l’impact décisif des politiques nationales et locales. Les idées suivront, comme le prouvent les milieux populaires qui ont un meilleur bilan carbone, même lorsqu’ils ne songent pas (mais vraiment pas) aux enjeux écologiques, comme le prouve l’écologisme des pauvres1.
L’étude de l’OBCM montre que le niveau actuel de bilan carbone a peu d’impact sur les investissements dans des équipements plus écologiques. Ce double constat invalide les politiques développées par l’UMP ou le PS. Ceux qui ont un mauvais bilan carbone continueront à avoir un mauvais bilan carbone quels que soient les discours qui peuvent être tenus.
Nous sommes donc partis du constat que le bilan carbone des milieux aisés est plus mauvais que celui des milieux populaires mais il ne faudrait pas en conclure que les émissions de CO2 seraient strictement proportionnelles au revenu. Il existe en effet des exceptions à cette règle comme à toute règle. Ainsi avec un revenu comparable à celui des cadres, les contremaîtres ont une empreinte proche de celle d’un ouvrier en raison de modes de vie voisins. Nous retrouvons ce phénomène pour les enfants des milieux populaires qui ont bénéficié de « l’ascenseur social » mais qui présentent un bilan carbone inférieur, pour le même revenu, à celui des classes aisées. Nous savons en effet qu’il faut, en moyenne, deux générations pour faire d’un membre des milieux populaires un « bon consommateur », au sens de la société de consommation, bref pour qu’il perde totalement son habitus. Bourdieu avait relevé magistralement cette disjonction toujours possible. Nous pouvons en conclure que prêcher l’écologie est paradoxalement plus efficace auprès des milieux populaires qu’au sein des classes aisées, car l’évolution des comportements prend appui sur leurs prédispositions. L’échantillon de l’OIG confirme cette hypothèse puisque les objecteurs de croissance issus des milieux populaires ont de meilleurs bilans carbone que ceux tout autant convaincus mais avec les mêmes revenus issus des classes aisées. La culture du peu ne s’acquiert pas aussi facilement et aussi vite.
Le lien entre bilan carbone et revenu par tête ne coïncide pas exactement lorsqu’on compare des pays développant des politiques différentes. Il suffit pour s’en convaincre de rapprocher les statistiques écologiques et sociales données pour l’ensemble des nations par le site de la Banque mondiale. On découvre alors que le niveau d’émission en CO2