Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Guilmaine, Claudette, 1949-
Chez papa, chez maman : une nouvelle vie de famille
(La Collection du CHU Sainte-Justine pour les parents)
Publ. en collab. avec Éditions du CRAM.
Comprend des réf. bibliogr.
ISBN 978-2-89619-443-8
1. Garde conjointe des enfants. 2. Rôle parental partagé (Divorce).
3. Parents et enfants. I. Titre. II. Collection : Collection du CHU Sainte-Justine pour les parents.
HQ759.915. G842 2011 306.85’6 C2011-941579-8
Illustration de la couverture : Geneviève Côté
Conception graphique : Nicole Tétreault
Photo de l’auteure : René Marquis
Diffusion-Distribution au Québec : Prologue inc.
en France : CEDIF (diffusion) – Daudin (distribution)
en Belgique et au Luxembourg : SDL Caravelle
en Suisse : Servidis S. A.
Éditions du CHU Sainte-Justine
3175, chemin de la Côte-Sainte-Catherine
Montréal (Québec) H3T 1C5
Téléphone : (514) 345-4671
Télécopieur : (514) 345-4631
www.editions-chu-sainte-justine.org
© Éditions du CHU Sainte-Justine 2011
Tous droits réservés
ISBN 978-2-89619-443-8 (imprimé)
ISBN 978-2-89619-444-5 (pdf)
ISBN 978-2-89619-592-3 (epub)
Dépôt légal : Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2011
Bibliothèque et Archives Canada, 2011
Membre de l'Association nationale des éditeurs de livres
À Jean-Claude
À Lilianne, Éloïse et leur petite sœur,
à Nathaniel, Laurent et à tous les enfants de ma vie
Je suis très reconnaissante à tous les parents et les enfants qui m’ont accordé leur confiance dans des moments d’épreuve et à ceux qui ont accepté de partager leurs témoignages au profit d’autres familles. Toutes ces personnes ont enrichi ma vie et mon expérience professionnelle.
C’est grâce à deux maisons d’édition, celle du CRAM et celle du CHU Sainte-Justine, que je peux aujourd’hui réaliser cette nouvelle version de Vivre une garde partagée, une histoire d’engagement parental, ouvrage initialement paru en 2009. J’en remercie chaleureusement monsieur Pierre Lavigne et madame Marise Labrecque, les directeurs respectifs de ces maisons, ainsi que madame Marie-Ève Lefebvre, éditrice, pour leur enthousiasme contagieux et leur précieux soutien dans la réalisation de mon troisième livre portant sur ce sujet passionnant et en constante évolution.
L’apport de confrères et consœurs du Québec et d’outre-mer me permet de nouveau d’élargir l’éventail des illustrations de la garde partagée et de profiter de cette riche mosaïque d’avis et d’expertises. Je souhaite remercier sincèrement tous ces collaborateurs.
Un dernier merci à tous mes parents et amis, spécialement à Marguerite et à Bénédicte, qui m’ont offert écoute, conseils et encouragements durant cette « grossesse tardive mais désirée ».
Introduction
Les multiples visages de la famille
L’après-rupture
Ce livre s’adresse à vous…
Chapitre 1
Ici et ailleurs, des réalités qui se ressemblent
La garde partagée/résidence alternée, plus qu’un phénomène éphémère?
La coparentalité pré et postrupture : mythes et réalités
Les avantages et les inconvénients de la garde partagée
Les pièges de la popularité de la garde partagée
Des motivations à clarifier
La garde partagée peut-elle être imposée à l’autre parent?
Peut-on espérer que la résidence alternée mette fin aux conflits?
Quelle est la limite acceptable à la proximité ou à la distance entre les domiciles?
Boîte à outils
Chapitre 2
Les grands principes pour réussir
Garder l’enfant au coeur du plan parental et faire équipe pour lui
Se faire confiance et se respecter comme parents
Accepter de composer avec les différences
Maintenir ou rétablir le pont de la communication
Boîte à outils
Chapitre 3
Le délicat passage du couple parental à l’équipe parentale
Le plus grand défi pour les parents séparés
Les parents doivent-ils absolument être amis?
L’arrivée de nouveaux partenaires et quelques impacts possibles
Quand l’homoparentalité ajoute à la complexité de la rupture ou de la recomposition familiale
Boîte à outils
Chapitre 4
Partager sans se déchirer
Les enseignements de Salomon
Du connu à l’inconnu, un plan qui évolue
Une règle d’or : partager des responsabilités et non juste du temps
Seuls ou avec l’aide d’un médiateur?
Qui bougera? Les parents ou les enfants?
Avec ou sans valises?
Quelques balises et des exemples
Particularités avec les tout-petits
Comment faciliter la transition d’un parent à l’autre pour l’enfant?
Les préférences des adolescents
Boîte à outils
Chapitre 5
Les situations plus difficiles
L’argent, encore l’argent
Des pistes d’amélioration ou de solution
Les rôles périlleux confiés aux enfants
Une seule solution envisageable : rétablir la communication parentale
Quand la garde partagée n’est pas ou plus appropriée
Que faire si un parent craint pour sa propre sécurité ou encore pour celle de son enfant quand celui-ci est avec l’autre parent?
Comment agir dans les cas les plus urgents?
En conclusion
Boîte à outils
Conclusion
Bibliographie
Ressources
Ouvrages parus dans la même collection
J’ai toujours été touchée par le vécu des parents et des enfants tout au long de ma carrière, soit depuis plus de 30 ans. Je me suis intéressée à la famille « sous toutes ses formes et dans tous ses états » et j’ai constaté que les types de famille sont de plus en plus diversifiés. Nous rencontrons des familles à parent unique par choix, comme lorsqu’un homme ou une femme décide d’adopter en solo, des familles de parents de même sexe, des couples ayant recours à la procréation assistée, des familles élargies incluant plus d’une génération, des familles recomposées sur plusieurs airs différents1. Il demeure toutefois que la rupture constitue souvent un passage douloureux. Et les ruptures conjugales sont une réalité de plus en plus présente dans toutes les sociétés modernes. Elles surviennent généralement plus tôt dans la vie des couples et touchent donc davantage de jeunes enfants. Cette traversée entraîne également des conséquences sur l’harmonie future et le bien-être des uns et des autres. Ce qui est alors plus difficile à croire, quoique véridique, c’est que la famille, même si elle change de forme, est toujours vivante après la rupture conjugale puisqu’elle demeure encore la famille de l’enfant.
1. Marie-Christine-Saint-Jacques et Claudine-Parent. La famille recomposée : une famille composée sur un air différent. Montréal : Éditions de l’Hôpital Sainte-Justine, 2002
La façon dont les parents se définissent lorsqu’ils se séparent et le respect qu’ils peuvent, ou non, conserver l’un pour l’autre ont des impacts importants sur leur nouvelle vie de famille et sur la manière dont ils composeront avec l’alternance auprès de leur enfant. Pour parler de ce plan parental, j’utiliserai indistinctement les termes « garde partagée » et « résidence alternée », qui sous-entendent un hébergement alterné et une division « paritaire », ceci pour éviter d’alourdir le texte. Je laisse au lecteur le soin de traduire ces termes par l’expression correspondant le mieux à sa réalité culturelle.
Ce livre aurait pu porter le titre de Parents pour la vie puisque c’est l’esprit qui l’habite. On peut en effet devenir un ex-époux ou une ex-conjointe, mais jamais un ex-parent. J’ai souvent dit en boutade que le nombre de jours que l’enfant passe avec chaque parent relève jusqu’à un certain point du domaine de la mécanique alors que le plus important, le cœur du projet, c’est l’amour des parents pour leur enfant et la qualité de leur relation avec lui.
J’ai moi-même expérimenté ce type de garde pendant de nombreuses années et, en tant que travailleuse sociale et médiatrice familiale, j’ai accompagné un grand nombre de parents dans l’élaboration ou l’ajustement de leur plan parental. Avec le recul, je ne suis toujours pas une inconditionnelle de cet arrangement. Je ne voudrais pas contribuer à en faire un modèle idéal ou à le romancer, surtout à cette époque où il s’impose presque comme une norme. Par ailleurs, je le considère encore aujourd’hui comme une solution très intéressante qui s’offre parallèlement à la résidence principale avec un parent. C’est la seule manière que les parents ont trouvée, après une séparation, pour maintenir ou établir un engagement égal ou très semblable auprès de leurs enfants, dans une situation qui évite à ces derniers de devoir choisir entre leurs parents et de risquer d’en perdre un. Cet arrangement constitue souvent un beau défi de collaboration.
Le partage du temps n’est toutefois pas garant de la qualité de l’engagement parental. Le parent qui opte pour cette formule se doit d’être aussi responsable que s’il assumait seul le bien-être des enfants tout en étant capable de partager sans crainte majeure cette responsabilité avec l’autre parent, en alternance. Sans contredit, ce choix comporte ses avantages, ses restrictions et ses exigences.
Chaque histoire parentale est unique et la garde partagée a donc, comme la famille, plusieurs visages. Le chercheur Richard Cloutier souligne lui aussi qu’il ne s’agit pas d’une réalité homogène, d’une catégorie fixe2. Il est bon de se rappeler que cette modalité ne saurait expliquer à elle seule toutes les difficultés rencontrées par un parent ou un enfant puisqu’une multitude de facteurs colorent chaque expérience. Nous tenterons dans les chapitres qui suivent de mettre en lumière les tenants et aboutissants de ce type de partage afin de mieux en saisir la complexité.
Afin de faciliter la lecture de l’ouvrage, les notes ont été placées à la fin de chaque chapitre.
2. Richard Cloutier. « La famille séparée demeure la famille de l’enfant ». Santé mentale au Québec 2008 33 (1) : 197-202.
Le présent ouvrage s’adresse donc surtout à vous, parents d’ici et d’ailleurs désireux de poursuivre votre engagement auprès de vos enfants après une séparation ou un divorce. Il se propose d’être un guide et une source de réflexion afin de vous accompagner dans la recherche incessante du bien-être de vos enfants, par-delà les méandres des émotions postruptures et de la réorganisation familiale. J’espère qu’il vous aidera à faire des choix éclairés, à éviter certains écueils, à dédramatiser certaines circonstances inhérentes à cette modalité, à découvrir de nouveaux outils et, finalement, à trouver vos propres réponses en lien avec le caractère unique de votre situation.
Il s’adresse aussi à vous, intervenants qui êtes amenés à accompagner ou conseiller les parents ou les enfants dans des périodes difficiles ou lors des remises en question du plan parental.
Malgré notre unicité, nous sommes tous faits de la même fibre, cette trame universelle des sentiments humains. C’est pourquoi chacun peut puiser dans la vie des autres matière à se reconnaître et à se rassurer. Comme le chante joliment Francis Cabrel : « Nous sommes tous des hommes pareils. »
Bien qu’il n’y ait pas actuellement de loi instaurant une présomption favorable à cette modalité de garde au Canada1, la loi sur le divorce confirme que les parents continuent d’exercer conjointement l’autorité parentale après leur divorce. Encore aujourd’hui, l’esprit de la loi favorise le maintien et la reconnaissance de la responsabilité et des devoirs des deux parents envers l’enfant. Du côté du droit civil québécois, l’autorité parentale est aussi confiée aux deux parents et leur séparation ne vient pas interférer avec leur pouvoir de prendre ensemble les décisions importantes concernant l’éducation, la santé, la sécurité, la subsistance et le bien-être de l’enfant. Si l’on ajoute au partage des décisions celui du temps, qui tend également vers l’égalité, soit 40 % et plus par parent, il se dessine une modalité dite « de garde partagée ».
Au Québec, l’appellation « garde partagée » est encore la formulation la plus répandue pour identifier la résidence de l’enfant en alternance chez chacun de ses parents. Le pourcentage de ce type de garde y est d’ailleurs plus élevé2 que dans les autres provinces canadiennes et la garde partagée y est aussi plus durable. Les termes « garde » et « garde partagée », issus du système adverse, sont probablement appelés à disparaître, comme dans plusieurs pays (Angleterre, Écosse, Australie) où la nouvelle terminologie met l’accent sur la « responsabilité parentale partagée ». En Belgique, on utilise le terme « hébergement égalitaire » alors qu’en France et en Suisse, ce sont surtout les expressions « hébergement alterné » ou « résidence alternée (paritaire ou non) » qui ont cours. Bien que les appellations varient un peu d’un pays à l’autre, les réalités vécues par les parents telles que traduites par les chercheurs et les médiateurs semblent se recouper.
1. I. Côté, L-F Dallaire et J-F Vézina. Tempête dans la famille. Les enfants et la violence conjugale. Montréal, Éditions du CHU Sainte-Justine, 2e édition, 2011, p. 94.
2. De plus, comme les chercheuses Juby, Marcil-Gratton et Le Bourdais le précisent, les statistiques recueillies (soit 37 % en 2000) sont en deçà de la réalité puisqu’elles ne portent que sur les parents divorcés alors que le Québec est le « champion des unions de fait ».
Au début des années 1980, j’ai été invitée par le Réseau d’appui aux familles monoparentales de l’Estrie (RAME) à parler pour la première fois de la résidence alternée à un groupe de femmes séparées. Cet organisme populaire était alors fréquenté presque exclusivement par des femmes dont plusieurs auraient bien apprécié être davantage secondées par le père de leurs enfants. Je ressentais un certain malaise à présenter les avantages de cette formule qui paraissait alors inaccessible à la plupart d’entre elles. Si cet organisme s’adresse aujourd’hui autant aux hommes qu’aux femmes, qu’il parle de coparentalité autant que de monoparentalité et qu’il inclut les familles recomposées dans son appellation tout comme dans ses activités, c’est que le contexte social a bien évolué.
Les parents que j’ai interviewés en 1989 dans le cadre d’une recherche exploratoire sur la garde partagée faisaient œuvre de pionniers. Outre les articles scientifiques, il y avait peu d’écrits sur le sujet. À la parution de mon livre La garde partagée, un heureux compromis, en 1991, certains doutaient que ce concept traverse un jour l’océan. Nous savons aujourd’hui que le courant de fond était beaucoup plus puissant que l’estimation que nous en faisions. Depuis, j’ai eu la chance d’échanger avec des médiatrices et des formatrices de quelques pays et de constater que la coparentalité postrupture est largement répandue et que des législations ont été modifiées pour la favoriser3. Ce courant semble également être soutenu par le mouvement actuel de recherche d’égalité hommes-femmes4.
Cependant, cette tendance, qu’on dit « irréversible », ne s’est pas développée sans un questionnement parfois ardu des rôles, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de la famille. Davantage présentes sur le marché du travail sans nécessairement profiter d’une redistribution des tâches ménagères et parentales, certaines femmes ont l’impression d’avoir « gagné du travail en plus ». Et ce sentiment de surcharge peut demeurer malgré une résidence alternée5. Des progrès importants ont pourtant été réalisés depuis 20 ans. La garde était alors presque automatiquement accordée à la mère et on déplorait après quelque temps que les mères soient exténuées et les pères, absents de la vie de leurs enfants. Parmi ceux qui désiraient s’engager, certains pères manquaient de confiance en eux dans leurs nouvelles attributions. Le modèle traditionnel les y avait peu préparés. On constate maintenant au Québec, en France et en Angleterre l’impact positif des congés parentaux des pères sur la création du lien d’attachement avec l’enfant6. Et ce lien précoce est de nature à nourrir l’engagement.
On reconnaît davantage aujourd’hui l’importance de la présence et de l’engagement paternels. On assiste aussi à l’émergence de pères plus proches affectivement de leurs enfants et dont le rôle dépasse grandement celui de pourvoyeur qu’assumait auparavant leur père ou leur grand-père. Comme nous le verrons, il y a des avantages indéniables à cette présence de qualité auprès des enfants et au partage des responsabilités parentales. Dans ce sens, la résidence alternée constitue sûrement beaucoup plus qu’un phénomène éphémère.
Il faut toutefois rester prudent puisque le partage égalitaire du temps et des responsabilités parentales postruptures demeure, somme toute, assez récent. La recherche nous aide à garder une position nuancée, surtout lorsqu’il est question de très jeunes enfants ou de situations conflictuelles, et la réflexion doit se poursuivre. Reconnaître la pertinence de ce mode de garde ne signifie pas qu’il faille l’imposer dans toutes les situations. Cette présomption automatique de partage 50 %-50 % est actuellement réclamée par des groupes de pères militants de différents pays. Quand on adopte cette législation, ce sont les parents qui doivent, s’ils désirent une autre modalité de garde, démontrer que cette formule n’est pas à l’avantage de l’enfant. Or, la Californie, premier État américain à instaurer la présomption favorable à la résidence alternée en 1979, a rebroussé chemin après quelques années, tout comme d’autres États, pour privilégier par la suite le cas par cas. En Belgique et en France, des « bémols » sont aussi apportés dans le même sens.
La garde partagée est une formule très pertinente appelée à rester, mais qui, selon plusieurs, gagne à ne pas être imposée sans nuance
3. En France le 4 mars 2002, en Belgique le 18 juillet 2006, en Australie en 2006, au Brésil le 13 juin 2008.
4. « Au XXe siècle, donc, les femmes ont amorcé un repositionnement social révolutionnaire. Il s'agit peut-être de l'innovation humaine la plus importante de ce siècle ». Richard Cloutier, Les vulnérabilités masculines, une approche biopsychosociale. Montréal, Éditions du CHU Sainte-Justine, 2004, p. 109.
5. Voir Denise-Côté, La garde partagée : l'équité en question. Montréal, Éditions du remue-ménage, 2000, 216 p.
6. Gilles Tremblay, travailleur social et chercheur, mentionne l'utilisation répandue du congé de paternité (80 à 90 % des nouveaux pères s'en prévalent) et les résultats concluants de recherches sur le lien d'attachement père-enfant ainsi favorisé. Équipe Masculinités et Société. www.criviff.ulaval.ca/masculinites_societe
Au cours des dernières années, des parents insatisfaits de cette modalité de partage (et j’oserais dire, plus fréquemment des mères) sont venus me consulter afin d’être accompagnés de façon objective dans leur réflexion. J’ai constaté qu’une source importante des frustrations maternelles émanait du fait qu’elles se sentaient seules face aux nombreuses responsabilités, et ce, d’autant plus que la garde partagée avait pu susciter l’espoir d’un meilleur équilibre entre les parents. En effet, le niveau de satisfaction des parents est souvent associé au niveau de coparentalité. Clarifions un peu ces termes.
D’abord, la parentalité. Vous le savez par expérience, être parents, c’est tenter de répondre le plus adéquatement possible aux besoins de l’enfant tant sur le plan physique qu’affectif et psychologique. C’est pourquoi le concept de coparentalité est si important. Il réfère à la coordination, l’engagement et le soutien mutuels de même que la coopération entre le père et la mère en ce qui a trait aux décisions et à la prise en charge de tout ce qui concerne l’enfant et ses différents besoins, et ce, autant pendant la vie commune qu’après la rupture. La coparentalité est donc un aspect central de la vie familiale et, chez les parents séparés, un idéal à atteindre pour l’enfant7. Certains auteurs y voient un levier potentiel pour l’amélioration du fonctionnement familial et, par conséquent, l’assurance du bien-être de l’enfant.
En d’autres mots, la capacité des parents de faire équipe a beaucoup d’impact sur l’évaluation de leur vécu. Est-ce à dire que pour que la garde partagée soit réussie, il faut qu’il y ait eu une forme de partage des responsabilités à l’époque de la vie commune?
Si la coparentalité était peu développée du temps de la vie commune, le risque est grand qu’elle n’apparaisse pas « en prime » avec la décision d’appliquer la résidence alternée. Cette attente de changement immédiat serait irréaliste. Par ailleurs, tout comme il est possible « d’apprendre à être parents » avec amour et au fil de l’expérience, il est aussi possible « d’apprendre à être coparents », c’est-à-dire de développer des habiletés parentales complémentaires mais concertées. Des parents m’ont mentionné qu’il leur était plus facile de collaborer depuis qu’ils n’étaient plus sous le même toit puisqu’ils se sentaient libérés d’une tension et qu’ils pouvaient ainsi se consacrer entièrement à leur rôle de parents sans interférence.
Se consulter pour prendre les décisions importantes relatives à l’enfant, concilier les différences de points de vue et de valeurs, s’entraider et mettre les besoins de l’enfant au premier plan, voilà qui constitue un beau défi. Mais cela ne s’acquiert qu’avec une motivation sincère et des efforts soutenus de la part des deux parents. Pas surprenant alors que les difficultés rencontrées à cet égard du temps de la vie commune puissent surgir de plus belle après la rupture. Cependant, qu’il s’agisse d’assumer davantage de tâches et de responsabilités ou, au contraire, de déléguer une part de ces responsabilités, ce nouveau partage ne peut s’apprendre que si l’ouverture et la bonne volonté sont au rendez-vous. Tous peuvent en retirer de grands bénéfices, surtout les enfants.
Des parents peuvent par ailleurs vivre une forme de coparentalité sans nécessairement appliquer la résidence alternée et en être tout à fait satisfaits. Le degré de coparentalité acceptable peut également varier selon les attentes des parents, car même un partage égal du temps auprès de l’enfant ne réussit pas toujours à modifier les habitudes antérieures de partage inégal. Par contre, il est très difficile et peu souhaitable d’appliquer la garde partagée sans coparentalité. Nous verrons principalement au chapitre 5 les dangers qui peuvent en découler.
La coparentalité peut s’apprendre avant ou après la rupture, mais c’est habituellement beaucoup plus exigeant après…
7. S. Drapeau, J. Tremblay, F. Cyr, E. Godbout et M.-H. Gagné. Dans Visages multiples de la parentalité. Québec, Presses de l’Université Laval, 2008, p. 255-276.