À tous les enfants, qui représentent notre
plus grande richesse et notre avenir.
Mes remerciements les plus sincères vont à : Élisabeth Dutil et Édith Martel pour leur témoignage ; Guilaine Denis, pour avoir partagé avec moi ses connaissances, entre autres à propos de la sécurité nautique ;
Mes petits-enfants Gabriel, Maude, Florence et Camélia, qui, sans le savoir, m’ont donné plein d’exemples d’activités amusantes à faire dehors ;
Marise Labrecque pour sa confiance et son soutien indéfectible ;
Maurice Ferland, mon compagnon de toujours, pour ses encouragements et son amour.
Albert Einstein
Il est à parier que vos enfants jouent moins souvent à l’extérieur que vous-même dans votre enfance. Au fil des ans, le jeu à l’extérieur a perdu de son intérêt auprès des enfants et, aujourd’hui, ces derniers préfèrent les jeux vidéo et les activités casanières aux grandes goulées d’air frais.
Mais est-ce si important de jouer dehors ? La vie d’aujourd’hui est différente d’il y a quelques décennies.
Il est donc normal que les activités des enfants aient changé. Pourtant, en dépit de ces changements, les jeunes générations ont elles aussi besoin de se dépenser physiquement et de prendre l’air. C’est valable pour les tout-petits, mais aussi pour les enfants d’âge scolaire.
Valoriser le jeu libre à l’extérieur n’est donc pas une idée passéiste. Ce n’est pas regretter ce qui n’est plus, sous prétexte que c’était « le bon temps ». C’est mettre de l’avant une activité qui répond encore et toujours aux besoins de l’enfant d’aujourd’hui, comme elle répondait à ceux des enfants d’hier.
« Les enfants de tous les âges devraient avoir des occasions régulières de jeu actif pour se défouler, explorer, courir, grimper, ramper et jouer au parc avec leurs amis,comme leurs parents l’ont fait. Le jeu actif est amusant, mais il est aussi démontré qu’il améliore les fonctions motrices, la créativité, les habiletés nécessaires à la prise de décisions et à la résolution de problèmes ainsi que les aptitudes sociales 1 », affirme le Dr Mark Tremblay, conseiller scientifique en chef de Jeunes en forme Canada et directeur du Groupe de vie active saine et obésité (HALO). Pourtant, durant les heures d’éveil non passées devant les écrans, les enfants de moins de 6 ans consacrent de 73 à 84 % de leur temps à des activités sédentaires.
Chez les enfants âgés de 6 à 19 ans, cette proportion est de 63 % 2. Ce sont là des données étonnantes et quelque peu inquiétantes, non ?
Le jeu extérieur concerne le jeu actif, le jeu libre de l’enfant en plein air, dans la cour arrière de la maison, dans une ruelle, au parc, dans des espaces verts, près d’un lac ou d’une rivière. Dans un premier temps, nous identifierons les raisons pour lesquelles nos enfants ne jouent presque plus dehors. Nous discuterons par la suite des bienfaits que procure le jeu extérieur. Bien que ce dernier soit bénéfique pour tous, certains enfants aux prises avec des conditions particulières peuvent en retirer des avantages supplémentaires.
Prêcher par l’exemple est la voie privilégiée pour que nos enfants aient du plaisir à sortir à l’extérieur. Mais que faire dehors au fil des saisons ? Une liste d’activités vous est proposée, à laquelle vous pourrez ajouter vos propres trouvailles. Bien sûr, la sécurité doit être au rendez-vous.
Certaines précautions fort simples permettent de minimiser les risques de problème et d’accident.
Aidons nos enfants à découvrir l’intérêt du jeu à l’extérieur riche en apprentissages, en plaisirs et en bénéfices pour leur santé.
1 Article de Jeunes en forme Canada mis en ligne le 29 mai 2012 et consulté le 10 juin 2012.Télécharger l'article : http://bit.ly/R0UwS5
2 Bulletin 2012 de Jeunes en forme Canada sur l’activité physique chez les jeunes. [Consulté le 11 juin 2012.] : http://www.participaction.com/
Je me souviens […] de ces longues balades en vélo avec les copains. Nous nous arrêtions chez l’un ou l’autre, insouciants. Nous pouvions l’être encore à cette époque. On connaissait tout le monde et on se sentait protégés, comme dans un microcosme. Rien de grave ne pouvait arriver et d’ailleurs, jamais l’idée ne nous en effleurait l’esprit. Il n’y avait qu’une consigne à respecter : rentrer avant la tombée de la nuit.
Julie du Page 1
Il n’y a pas si longtemps, les enfants passaient beaucoup de temps à l’extérieur. Aller dehors était perçu comme une récompense appréciée de tous. Aujourd’hui, ça leur semble plutôt être une punition : il faut user de stratagèmes pour les faire sortir. En fait, les jeunes d’aujourd’hui sont 40 % moins actifs que ceux d’il y a 30 ans 2. À preuve, l’édition 2012 du Bulletin de Jeunes en forme Canada, qui attribue des notes selon divers aspects de l’activité physique, a donné la note « F » aux catégories des jeux et loisirs actifs, des niveaux d’activité physique et des comportements sédentaires des jeunes en ce qui concerne les écrans. Un « D » a quant à lui été attribué au transport actif et aux activités physiques en famille 3. Voilà un portrait peu reluisant ! À quoi cela est-il dû ? Aux parents ? En partie seulement. L’explication de cette situation est multifactorielle.
Il y a quelques décennies, on disait :
« Quant tu auras fini tes devoirs, tu pourras aller jouer dehors. »
Aujourd’hui, on dit plutôt :
« Tu peux écouter ton émission de télévision mais après, tu devras aller jouer dehors.
Outre le temps passé devant les écrans, ce sont les inquiétudes des parents à l’égard de la sécurité qui constituent une barrière au jeu actif des enfants canadiens 4. Ces derniers se retrouvent alors confinés dans des environnements hautement contrôlés où ils ont peu d’occasions d’être libres de s’amuser à leur convenance. Cinquante-huit pour cent des parents canadiens admettent être très inquiets en ce qui concerne la sécurité de leurs enfants et ont le sentiment de devoir les surprotéger dans le monde actuel.
Les crimes, les dangers de la circulation et ceux du quartier, la noirceur ou le manque de supervision sont pour eux de grandes préoccupations. Que ces craintes soient fondées ou non, elles empêchent de nombreux parents de laisser leurs enfants jouer dehors. Certains jeunes ont donc peu de chances de se défouler, de courir, d’explorer et d’interagir avec leurs pairs comme ils l’entendent.
Voyons quelques-unes des craintes des parents plus en détail.
L’environnement dans lequel évoluent les enfants d’aujour d’hui est devenu plus complexe et présente certains risques pour leur sécurité. La circulation plus dense représente un potentiel plus élevé d’accidents et en conséquence, plusieurs parents limitent les balades en vélo de leurs enfants, et même leurs promenades sur les trottoirs. D’ailleurs, nombre de parents préfèrent conduire leurs enfants à l’école en auto plutôt que de les laisser s’y rendre à pied, même si la distance à parcourir est courte. Selon Kino Québec, en trois décennies, le nombre d’enfants canadiens qui se rendent à l’école à pied est passé de 80 à 9 % 5.
La période hivernale apporte d’autres craintes d’accidents liés, entre autres, aux véhicules de déneigement, ce qui incite certains parents à restreindre les activités extérieures de leur enfant. Il est vrai que les jeunes enfants sont curieux et qu’ils ne peuvent pas toujours reconnaître les dangers, ni les éviter. Alors oui, il faut leur offrir un environnement sécuritaire, mais cela ne devrait toutefois pas inclure l’interdiction de sortir à l’extérieur et de s’adonner à des activités qui leur permettent de dépenser leur trop-plein d’énergie et de développer de nouvelles habiletés motrices.
Face aux accidents potentiels, il faut viser un juste équilibre entre protection et permission. Voilà le défi à relever. Il ne faut pas rechercher le risque zéro puisqu’il n’existe pas : dès qu’on met le pied dehors, il y a des risques d’accidents, de chutes, de blessures. À partir du moment où vous prenez votre voiture, il y a un risque, mais cela ne vous empêche pas de vous en servir et heureusement, sans quoi tout le monde resterait cloîtré dans sa maison, là où il y a d’autres risques, d’ailleurs. Si on veut protéger ses enfants de tous les dangers potentiels (autrement dit si on les surprotège), on pave la voie pour qu’ils demeurent dépendants de nous. Si on ne leur permet pas de faire des expériences normales pour leur âge, on les empêche effectivement de devenir autonomes.
Un enfant ne peut pas traverser les premières années de sa vie sans jamais tomber, sans jamais se blesser, sans la moindre petite maladie ou infection. Chaque petit incident qui survient au quotidien le fait grandir et le rend plus fort.
Au total, nous avons un kilogramme de bactéries dans notre tube digestif, souligne Gérard Corthier, directeur de recherche à l’Institut national de la recherche agro-nomique (INRA 6. C’est le côlon qui concentre le plus de bactéries puisqu’on en trouve 100 milliards dans un gramme de selles ! La grande majorité des bactéries sont neutres pour l’homme, certaines sont bénéfiques et une minorité d’entre elles s’avèrent nocives. Dans ce sens, tenter de faire vivre nos enfants dans une bulle aseptisée peut s’avérer nocif pour leur santé. Nous verrons dans le chapitre suivant comment certaines bactéries peuvent effectivement contribuer à la santé des enfants.
« “Les enfants, surtout, ne cueillez pas les framboises ! Si un renard malade a uriné dessus, il va vous transmettre sa maladie !” [...] Sophie, je l’ai souvent entendue parler ainsi, proférant des anathèmes sur la nature, égrenant la liste impressionnante des microbes en embuscade, prêts à fondre sur nous à la moindre erreur. Ses enfants ont les oreilles farcies de menaces sur leur santé à chaque coin de rue, et surtout de forêt. Cette hypocondrie (bénigne), héritée je crois d’un père médecin (chasseur de microbes professionnel, donc), elle est tranquillement en train de la refiler à ses enfants, comme un microbe justement.
J’ai une autre amie, Mireille [...] qui assène à sa petite fille toute une série d’interdits, assortis de la description des conséquences fâcheuses en cas de transgression : blessure grave, empoisonnement, membres coupés, chutes systématiquement mortelles.
Au risque de paraître irresponsable aux yeux de mes deux amies [...], je préfère ta bouche hilare barbouillée de framboises sauvages, et tant pis pour le mal de ventre, que de déverser sur toi l’urine de renard de mes propres peurs 7. »
En période hivernale, plusieurs parents limitent les sorties extérieures de leurs enfants dès que le thermomètre indique 0 °C : ils ont peur qu’ils prennent froid. Pourtant, la Société canadienne de pédiatrie nous apprend que ce n’est qu’à partir de -25 °C (ou d’un facteur éolien don nant une température ressentie de -28 °C) que la peau non couverte peut geler. Dans ce cas, il faut restreindre les activités extérieures. Autrement, il suffit de bien couvrir les enfants et les inciter à bouger. Nous vivons dans un pays de neige et de froid, mais cela ne signifie pas que nos enfants doivent passer la moitié de l’année à l’intérieur. Il faut leur apprendre à profiter et à apprécier l’hiver.
Les parents d’aujourd’hui ont aussi des inquiétudes, lar ge ment alimentées par les médias, et que les parents d’hier ne connaissaient pas : ils craignent que leurs enfants subissent l’attaque de prédateurs sexuels et même qu’ils soient enlevés.
Lors d’un congrès international sur les agressions sexuelles, des chercheurs québécois faisaient le point sur les incidences de celles-ci 8. Au Canada, un déclin de 30 % des agressions sexuelles a été noté entre 1998 et 2003. Au Québec, étonnamment, deux études mettent plutôt en lumière une hausse de 24 % du nombre d’agressions sexuelles perpétrées à l’endroit d’enfants 9. Comme le mentionnent les auteurs de ces études, il se peut que l’accroissement du taux d’incidence d’agressions sexuelles perpétrées à l’endroit de mineurs soit, en fait, la conséquence de la sensibilisation du public à la nécessité de rapporter ces situations aux autorités. De plus, la médiatisation de « cas célèbres » au milieu des années 2000, comme celui de Nathalie Simard, peut également avoir favorisé le dévoilement d’agressions sexuelles qui auraient autrement été gardées sous silence. Alors la hausse observée du taux d’incidence d’agressions sexuelles commises à l’endroit des jeunes Québécois de moins de 18 ans ne reflète peut-être pas une augmentation réelle du nombre de victimes, mais plutôt un changement dans les pratiques et les politiques sociales.
Oui, les agressions sexuelles existent, mais il faut éviter de voir un agresseur à tous les coins de rue. D’ailleurs, dans 70 à 85 % des cas, les victimes connaissent leur agresseur 10. Généralement, ce n’est donc pas un étranger qui s’en prend à l’enfant.
Quant au risque d’enlèvement, il est plus faible que semblent nous le faire croire les médias. En 2010, François Cardinal en a fait une démonstration éloquente dans son ouvrage Perdus sans la nature 11 :
« Selon la Gendarmerie royale du Canada, 8196 cas d’enfants disparus ont été enregistrés en 2008 au Québec.[…] Du nombre total […] 5707 étaient des fugues. Donc aucun étranger n’était en cause. On compte aussi 1869 cas “inexpliqués” et 515 cas “autres”. Selon Pina Arcamone, directrice de l’organisme Enfant-Retour Québec, ces 2375 (sic) cas sont presque tous des fugues de la maison ou d’un centre d’accueil. Donc toujours pas d’enlèvements.
[…] Des 105 cas restant, pas moins de 69 sont des enfants enlevés par un membre de la famille, 28 s’étaient tout simplement égarés dans un lieu public et 5 étaient des disparitions liées à un accident, du type bateau qui chavire. […] Il ne reste que 3 cas réels d’enfants disparus au Québec en 2008.
Trois cas, donc, sur plus d’un million d’enfants. La probabilité que votre enfant soit victime d’un agresseur est donc d’à peu près 0,00003 %. […]
Et pourtant, de manière tout à fait irrationnelle, nous continuons d’avoir peur, d’avoir terriblement peur. […] Les rares cas d’enlèvement occupent une proportion énorme des bulletins de nouvelles : une recherche rapide permet de recenser plus de 3000 textes et reportages électroniques sur la seule disparition de Cédrika Provencher en 2007. »
On peut comprendre les craintes parentales relatives aux enlèvements, mais nous devons nous rendre compte qu’elles sont démesurées par rapport à la réalité.