Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Ferland, Francine, 1947-
[Mathilde raconte]
L’univers de l’enfant d’âge préscolaire
Publié antérieurement sous le titre: Mathilde raconte. c2010.
Comprend des références bibliographiques.
ISBN 978-2-89619-757-6
1. Enfants d’âge préscolaire - Psychologie. 2. Enfants -
Développement. 3. Parents et enfants. I. Titre. II. Titre: Mathilde raconte.
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Illustration de la couverture: Frédéric Normandin
Conception graphique: Nicole Tétreault
Diffusion-Distribution au Québec: Prologue inc.
en France: CEDIF (diffusion) – Daudin (distribution)
en Belgique et au Luxembourg: SDL Caravelle
en Suisse: Servidis S.A.
Éditions du CHU Sainte-Justine
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©Éditions du CHU Sainte-Justine 2015
Tous droits réservés
ISBN 978-2-89619-757-6 (imprimé)
ISBN 978-2-89619-758-3 (pdf)
ISBN 978-2-89619-759-0 (ePub)
Dépôt légal: Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2015
Bibliothèque et Archives Canada, 2015
Membre de l’Association nationale des éditeurs de livres |
À mes fils, Sébastien et Jean-Philippe, qui ont fourni, grâce à leurs mots d’enfants, la matière première pour donner vie à Mathilde.
Merci à mes petits-enfants, Gabriel, Maude, Florence et Camélia, qui ont pris la relève et poursuivi le travail de leurs pères.
Merci à Marise Labrecque, directrice des Éditions du CHU Sainte-Justine, qui est toujours disponible pour répondre à mes questions et qui me dispense ses précieux conseils. Travailler avec une personne aussi professionnelle et compétente est un plaisir constamment renouvelé.
Enfin, merci à Maurice pour son soutien et ses encouragements de tous les instants. Avoir un tel homme dans sa vie est un grand bonheur.
AVANT-PROPOS
PROLOGUE
Ma sœur écrit un journal
CHAPITRE 1
Le monde de l’enfant: un monde concret
Description des gens
Ma famille
Grand-papa Robert a des poils dans les oreilles
Imitation des grands
J’ai mis la table toute seule
Apprivoisement des différence
Les gens sont pas tous pareils
Chan, c’est une petite Chinoise
Pour aider l’enfant à comprendr
J’ai été voir le docteur
CHAPITRE 2
La pensée de l’enfant
Il comprend les choses de son seul point de vue
Maman parlait toujours derrière moi quand je parlais au téléphone
Papa, c’est un papa, pas un oncle
Il a une pensée intuitive
Je vais avoir un autre cousin
Le petit garçon dans sa chaise
Il centre son attention sur un seul aspect de la situation
Et pourquoi on lui coupe pas les jambes
Il donne vie à tous les objets
Le vent était pas content
CHAPITRE 3
L’enfant et sa famille
La complexité des liens familiaux
Mes grands-parents, mon oncle, ma tante, mes cousins
L’importance des grands-parents
Mes grands-parents sont venus nous voir
Les familles recomposées
Plein de papas et de mamans et plein de grands-parents
J’ai une moitié de sœur
CHAPITRE 4
Le langage de l’enfant
Maîtrise de la structure fondamentale de la langue
Je suis pas une adonessante, moi
Un mot, une seule signification
Les adultes parlent bizarre
L’âge des pourquoi
J’ai plein de questions dans ma tête
CHAPITRE 5
L’enfant et l’imagination
L’ami imaginaire
Léa, mon amie que les autres voient pas
Les histoires
J’aime les histoires de papa et de grand-papa Robert
Le père Noël
Le père Noël est gentil
Les cauchemars et les terreurs nocturnes
J’ai rêvé à King Kong
Les peurs
Des fois, j’ai peur
CHAPITRE 6
Des concepts difficiles à comprendre
Les sentiments
J’aime pas les poupées Bout d’chou
Le temps
Dans plein de dodos, j’irai à l’école
Les nombres et l’âge
Maman est pas trop vieille pour être une maman
La mort
Papi est mort
Le fonctionnement du corps
Une place pour la viande et les légumes, une autre pour les desserts
CHAPITRE 7
Le jeu et les activités
Le jeu, l’activité la plus importante durant l’enfance
Mes meilleurs jeux préférés
Jouer avec les autres
J’aime pas ça jouer avec Laurence
Faut-il laisser l’enfant gagner?
Jeux extérieurs
Il y a de la neige: youpi!
Le dessin et le découpage
Ma maison
J’ai des beaux ciseaux roses
Des initiatives… pas toujours heureuses
Je m’ai coupé le toupet toute seule
CHAPITRE 8
L’enfant s’ouvre au monde qui l’entoure
Les voyages
Mes grands-parents s’en vont à Paris
La télévision et les films
La télévision, c’est un peu magique
Les animaux
Caramel veut pas jouer à la poupée
J’aimerais ça être un chat
J’ai été au zoo
Les fêtes
Moi, j’aime ça les fêtes de chocolat
L’anniversaire de naissance
Ça y est: j’ai 5 ans!
CHAPITRE 9
L’enfant et la sexualité
Curiosité sexuelle
Les pénis et les bébés
La sexualité des parents
Mes parents jouent à la lutte
L’attrait pour le parent de sexe opposé
Je veux me marier avec papa
CHAPITRE 10
L’école
L’entrée à l’école maternelle
Demain, je vais à l’école
Le début de l’école primaire
Je sai écrir mintenan
ÉPILOGUE
ANNEXE 1
Un petit test pour terminer?
Demain, c’est la fête de maman
Voici des éléments de réponses
ANNEXE 2
Tableau synthèse des notions théoriques
RÉFÉRENCES
Une première édition de cet ouvrage a vu le jour en 2010. Le journal de Mathilde était alors au premier plan et des commentaires sur les divers aspects de la période préscolaire venaient le compléter.
La présente édition est organisée différemment. Les diverses notions théoriques caractérisant l’enfant de 3 à 5 ans sont abordées de manière plus détaillée et regroupées par thèmes: la pensée, l’imagination, le langage, la sexualité, la famille… De nouvelles notions ont également été ajoutées, notamment la complexité des liens familiaux, les terreurs nocturnes, l’apprivoisement des différences et le jeu extérieur. Le journal de Mathilde vient illustrer ces notions. Vous pouvez ainsi trouver rapidement l’information recherchée et découvrir ce que Mathilde a à en dire…
L’annexe 1 vous permet de tester vos connaissances à partir d’un dernier texte de Mathilde. L’annexe 2 résume différentes habiletés spécifiques observables chez l’enfant à 3, 4 et 5 ans.
En espérant que vous aurez autant de plaisir à lire cet ouvrage que j’en ai eu à l’écrire.
Il est fascinant de suivre le développement de l’enfant au jour le jour. L’adulte ne comprend cependant pas toujours les réactions, les réflexions et la façon de percevoir les événements du quotidien de l’enfant d’âge préscolaire (3 à 5 ans). Ce dernier présente en effet des caractéristiques particulières que nous découvrirons dans cet ouvrage. Comment saisit-il le monde qui l’entoure, le langage des adultes, diverses situations, le fonctionnement de son corps? Comment perçoit-il le temps, la mort? Quels sont les problèmes «normaux» de développement à cet âge?
Les réflexions de Mathilde, une enfant fictive de 4 ans particulièrement éveillée, illustreront les diverses notions théoriques présentées.
L’autre jour, j’ai demandé à Valérie, ma grande sœur, pourquoi elle écrivait toujours dans son cahier rouge. Elle a répondu: «J’écris mon journal.» Je lui ai dit qu’elle avait pas besoin de faire ça pasque papa l’achète tous les jours. Elle m’a traitée de bébé. Je me suis un peu fâchée, mais pas trop, pasque je voulais savoir ce qu’elle faisait avec son cahier.
J’ai demandé ce que ça voulait dire «écrire son journal». Elle m’a dit qu’elle écrivait ce qui se passait dans ses journées et les idées qu’elle avait. C’est drôle. J’ai demandé pourquoi elle faisait ça, mais elle m’a dit qu’elle avait autre chose à faire et elle est partie dans sa chambre.
Je m’ai dit que ce serait amusant de faire comme elle. Moi aussi, j’ai plein d’idées et il m’arrive tout plein de choses. Mais il y a un problème: je sais pas écrire. C’est normal, je vais pas encore à l’école. J’ai eu une idée: je vais écrire mon journal dans ma tête. Comme ça, je pourrai l’écrire n’importe où, n’importe quand. Ma sœur devrait faire comme moi. Elle serait pas obligée de toujours cacher son cahier pis elle arrêterait de demander tout le temps si quelqu’un l’a lu.
C’est donc en nous livrant des bribes du journal qu’elle écrit «dans sa tête» que Mathilde nous accompagnera tout au long de cet ouvrage. Elle nous parlera entre autres de sa famille, de ses cauchemars, de son amie imaginaire et de son quotidien à la maison et à la garderie.
Bienvenue dans le monde de l’enfant d’âge préscolaire!
L’enfant d’âge préscolaire comprend ce qu’il peut voir, toucher, entendre. Il vit dans un monde concret. Les éléments observables et tangibles lui sont accessibles alors que les éléments abstraits tels que les sentiments, le temps ou les nombres mettent plus de temps à être intégrés. Il bâtit sa connaissance du monde en observant ce qui l’entoure. Il a d’ailleurs un très bon sens de l’observation qu’il met à profit quand il décrit les gens ou quand il veut imiter les grands ou apprivoiser les différences.
L’enfant remarque beaucoup de détails concrets qui échappent souvent à l’adulte. On peut constater cette habileté quand il se décrit ou décrit les autres; il met alors l’accent sur des caractéristiques extérieures qu’il a observées: la taille, l’apparence, la couleur des cheveux et des yeux…
Ce n’est qu’à l’âge scolaire qu’il se définira et définira les autres par des qualités, des caractéristiques plus abstraites et plus générales et en se comparant aux autres, disant par exemple: «Je suis un garçon gentil; je suis bon au baseball, mais je réussis moins bien en mathématiques que mon ami Xavier.»
Je suis une petite fille très mignonne. C’est ce que ma grand-mère Michelle dit toujours. Je pense que ça veut dire qu’elle me trouve belle. J’ai des beaux cheveux châtains, j’ai les yeux bleus de papa et je suis plus petite que ma sœur, qui a 14 ans.
Maman est très belle et elle sent bon. Des fois, elle met des gouttes de son parfum dans mon cou et je sens comme elle. J’aime ça. Elle est plus belle que la mère de Camille. Camille, c’est mon amie: elle a 4 ans comme moi et elle habite dans la maison à côté de chez nous. Sa maman est toujours en pantalon et ses cheveux sont droits sur sa tête. On dirait qu’elle se peigne jamais.
Mon père, lui, il est grand et fort. Il peut m’asseoir sur ses épaules quand on va voir la parade du père Noël. Il sent pas comme maman; lui, il sent le papa.
Valérie, ma sœur, est grande. Ses cheveux… sont pas toujours de la même couleur. Des fois ils sont noirs et blonds et des fois un petit peu bleus ou un petit peu roses. J’aime ça quand ils sont roses: c’est ma couleur préférée. Elle se maquille elle aussi, mais pas comme maman. Elle met beaucoup de couleur sur ses yeux. Je trouve qu’elle ressemble à un clown pas drôle.
L’enfant décrit et comprend le travail des adultes par les gestes extérieurs qu’ils font ou les accessoires qui s’y rattachent. Ainsi, il sait dire ce que fait l’éboueur, car il l’a souvent vu ramasser les ordures à bord de son camion. Il sait aussi dire ce que fait le boucher, car il a eu l’occasion de le voir découper des morceaux de viande. Ce sont là des métiers qui s’appuient sur des actions observables.
Pour reproduire le travail des gens dans son jeu, l’enfant n’a qu’à utiliser un accessoire: il se coiffe d’un chapeau rouge et le voilà devenu pompier; il lui suffit de mettre une cape sur ses épaules pour devenir un grand magicien.
Parfois, ce que l’enfant observe chez les autres l’amène à poser des questions très directes qui peuvent étonner l’adulte et mettre les parents mal à l’aise. Ces questions ne sont pas malintentionnées: elles témoignent seulement de la curiosité de l’enfant à comprendre le monde qui l’entoure. L’enfant n’attend pas une explication rationnelle ou élaborée; il veut simplement obtenir une réponse accessible, la plus concrète possible.
Aujourd’hui, j’ai vu que grand-papa Robert avait des poils dans les oreilles. Je lui ai demandé pourquoi. Il m’a dit que c’était ses cheveux qui avaient arrêté de pousser sur sa tête et qui sortaient par ses oreilles et par son nez. C’est vrai qu’il a pas beaucoup de cheveux.
Grand-maman Michelle, elle, a pas de poils dans les oreilles (elle a beaucoup de cheveux sur la tête), mais elle a des plis sur le visage et dans le cou. Je sais que c’est pasqu’elle est un peu vieille. Maman m’a déjà dit: «Quand on devient vieux, la peau fait des plis.» Mais grand-papa Robert en a pas, lui, et mamie Louise a des plis juste quand elle rit.
L’enfant aime participer à des activités habituellement réservées aux adultes… surtout lorsqu’il n’y est pas obligé. Grâce à son sens de l’observation très développé et à son intérêt pour les détails concrets, il enregistre les faits et gestes des personnes qui l’entourent et apprend ainsi à les imiter.
À 3 ans, l’enfant peut aider à préparer une salade en déchirant la laitue et apprendre à mettre la table. On peut l’encourager à exprimer sa créativité en lui laissant un peu de latitude. Il trouvera plus amusant d’épousseter (sous supervision) que de ranger sa chambre. Il vaut mieux toutefois lui confier l’époussetage des meubles plutôt que des bibelots. À 4 ans, il aimera trier le linge qui sort du sèche-linge. Il peut verser le jus d’un pichet, s’il n’est pas trop lourd ni trop plein. À 5 ans, il peut se préparer une tartine et faire son lit, mais le résultat ne sera peut-être pas toujours à la hauteur des attentes de maman.
Ces activités de «grand» favorisent le développement de l’estime de soi de l’enfant, surtout quand l’entourage manifeste son admiration pour la façon dont il s’en acquitte.
J’aime ça aider maman. Aujourd’hui, elle m’a demandé si je voulais mettre la table. J’ai mis les assiettes, les verres, les couteaux et les fourchettes sur la nappe. Les couteaux et les fourchettes, je sais jamais de quel côté de l’assiette ils vont, alors je les ai mis dans les assiettes. J’ai eu une autre bonne idée: j’ai préparé un grand bol plein de fruits et de légumes. Il y avait une pomme, une tomate, une orange, deux carottes et un concombre. C’était beau, toutes ces couleurs. Maman a trouvé que j’avais préparé une belle table: elle était contente et moi aussi.
L’enfant utilise aussi son intérêt pour les aspects concrets observés chez les personnes pour tenter d’apprivoiser les différences. Il remarque les détails qui distinguent une personne d’une autre et il cherche à comprendre d’où vient cette différence.
Encourager les questions de l’enfant contribue à favoriser l’ouverture et la tolérance à la diversité. Plus l’enfant sera en contact avec des personnes différentes, plus il lui semblera naturel que tous ne soient pas pareils.
Il arrive cependant très souvent que l’enfant pointe la personne du doigt et pose ses questions d’une voix forte, au grand désespoir de ses parents. Il ne se rend pas compte du malaise que ses questions peuvent provoquer. On peut apprendre à l’enfant à ne pas pointer du doigt les personnes différentes et à faire preuve de discrétion lorsqu’il fait des commentaires.
L’autre jour, on était au restaurant et à côté de nous, j’ai vu une madame qui était très grosse. J’ai dit à maman:
—Regarde la grosse madame.
—Parle moins fort, ma chérie, et ne montre pas du doigt. Tu peux nous dire ce que tu vois, mais dis-le-nous comme un secret.
Puis, j’ai vu un monsieur qui avait pas de dents. J’ai dit à l’oreille de maman:
—Regarde le monsieur là-bas. Il a pas de dents.
—C’est vrai.
—Comment ça se fait?
—Ses dents étaient peut-être malades et le dentiste a dû les enlever.
—C’est pas drôle.
Les différences culturelles et ethniques suscitent également l’intérêt de l’enfant. Ce sont en effet d’autres différences observables qui captent son attention. Cela inclut les particularités des enfants adoptés venant d’autres pays.
Vers 4 ou 5 ans, il arrive souvent que l’enfant se crée un roman familial, des fantasmes par rapport aux liens qu’il entretient avec ses parents. Il peut par exemple s’imaginer qu’il est un enfant trouvé ou adopté ou qu’il est né de parents prestigieux («Peut-être que je suis le fils d’un roi»). Il est important de rassurer l’enfant quant à ses origines.
À la garderie, il y a une nouvelle amie qui est pas comme nous. Elle est chinoise. Elle a les yeux étirés et ses cheveux sont noirs, noirs, plus noirs que ceux de Camélia. Elle s’appelle Chan. Elle parle pas comme nous. Elle a été adoptée. Ça veut dire qu’elle vient de loin. Ça veut dire que ses parents sont pas ses vrais parents.
Je me demande où ses parents l’ont trouvée. Peut-être dans un magasin. Peut-être qu’il y a des magasins où on vend des bébés qui viennent de loin. Sa vraie maman doit beaucoup pleurer de ne pas voir sa petite fille.
L’autre jour, je me suis demandé si j’avais moi aussi été adoptée. Mais c’est pas vrai pasque j’ai vu des photos de maman quand j’étais dans son ventre. On me voit pas pour de vrai, mais son gros ventre, c’est moi. Maman m’a aussi montré des photos quand je suis sortie de son ventre à l’hôpital; elle me tenait dans ses bras et elle me souriait.