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Table des matières

Mot de l’auteure 8

Introduction   9

Chapitre 1  L'inceste, mon calvaire 11

Chapitre 2 Le commencement 13

Chapitre 3  Une vie de chien 15

Chapitre 4  Un réveil difficile 17

Chapitre 5  La réalité qui fait mal 19

Chapitre 6  Hemmingford 21

Chapitre 7  Rendre service 24

Chapitre 8  La religion 27

Chapitre 9  Un 24 décembre 29

Chapitre 10  Un 25 décembre 32

Chapitre 11  Le hockey 34

Chapitre 12  La boîte à souvenirs 36

Chapitre 13  La grande déchirure 39

Chapitre 14  La dépression 44

Chapitre 15  Promenade en voiture 47

Chapitre 16  Patrick 51

Chapitre 17  Le soccer 54

Chapitre 18  Jocelyn 57

Chapitre 19  L'Amitié 60

Chapitre 20  Le dévoilement 63

Chapitre 21  Samuel 64

Chapitre 22  Le conditionnement 66

Chapitre 23  Benoit 69

Chapitre 24  Chaque torchon trouve sa guenille 71

Chapitre 25  Le mal de vivre 73

Chapitre 26  Enfin de la tendresse! 76

Chapitre 27  Ma première rose 79

Chapitre 28  Ma première fois 82

Chapitre 29  Vivre et exister 87

Chapitre 30  Le retour de Samuel 89

Chapitre 31  Enfantement 91

Chapitre 32  Conclusion 93

Judiciarisation 94

À toi, mon tendre amour 96

Femme avant tout 97

De l’aide… 99

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Éditions La Plume D’or

3485-308, ave Papineau

Montréal (Québec) H2K 4J8

http://editionslpd.com

 

L'INCESTE

EN

Héritage

Une histoire vraie

 

Lyne Vaillancourt

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Conception graphique de la couverture: Lyne Vaillancourt et M.L. Lego

 

 

© Lyne Vaillancourt, 2016 

 

Dépôt légal  – 2016

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Bibliothèque et Archives Canada

 

ISBN:978-2-924594-34-6

Aussi disponible au format papier

 

Les Éditions La Plume D’or reçoivent l’appui du gouvernement du Québec par l’intermédiaire de la SODEC

 

 

 

 

 

 

À mon amie,  

Jo Ann Lachance  

de Cold Cases Média 

Sans toi rien n’aurait été possible!  

Je t’aime et merci de tout cœur. Xx 

 

 

 

Mot de l’auteure

 

À mes trois enfants que j'aime plus que tout au monde, je vous demande pardon de ne pas avoir été la mère que vous auriez souhaitée. Je m'excuse d'avoir passé ma vie à douter de mes capacités en tant que femme et de mère, de vous avoir fait subir mes nombreuses thérapies, tant individuelles que familiales.

J'aurai aimé vous cacher l’immense violence contenue en moi. C’est plutôt amochés que nous sommes arrivés au bout du chemin, mais nous y sommes arrivés. Ma demande de pardon ne vous donnera pas le père que vous n’avez pas eu durant toutes ces années, ni même une mère saine d'esprit, mais croyez-moi, il valait mieux vivre en l'absence d’un modèle masculin qu’en présence d'un homme à l’image de ceux qui s'intéressaient à moi.

J'ai grandi avec vous, pour vous. Je vous ai offert tout l'amour que je pouvais. Grâce à votre compréhension, à votre aide, à votre implication, je suis devenue une meilleure femme, une meilleure mère

Cédrick, mon fils, toi l'homme de la famille qui a tenu le cap tout au long de notre voyage, sache que j'ai toujours eu confiance en toi. Tu as pris la route où je suis tombée pour poursuivre l’éducation de ton frère. Tu es ma fierté, mon mât! Je t'aime, mon amour! Merci de m’avoir donné ma belle petite princesse d’amour.

Carolyne, ma fille, toi ma joie, toi ma précieuse. J'aurais aimé te protéger de ce fléau, mais hélas, j'en fus incapable. Pardonne-moi. Sans le vouloir, je t'ai transmis ma tare sociale, et ça, je ne me le pardonnerai jamais. Merci de m'avoir donné deux magnifiques trésors qui me gardent en vie et illuminent mes jours. Je t'admire; tu es tellement une meilleure mère que moi.

Jérémie, mon fils, nous avons déjà vaincu l'enfer ensemble. Il ne reste de place que pour l'amour! Tu seras toujours mon petit monstre à moi, mon cœur, mon amour, mon trésor, mon petit sucre d'orge que j'aime et que j'adore!

À mes petits-enfants Nathaniel, Léandre, Léa-Rose et tous ceux à venir: je vous aime plus que l'univers et serai la gardienne de votre intégrité. Jamais vous ne connaîtrez cette tare qu’est l'inceste, ce récit m’ayant permis de mettre fin à notre lourd héritage familial! Vous n'aurez pas à subir l'inceste en héritage!

Introduction

 

L’inceste demeure un sujet tabou et encore aujourd'hui, un fléau que l'on doit cacher à tout prix, un secret que l’on ne doit pas dévoiler! «On lave notre linge sale en famille, que l'on me disait. Ne dis rien, car avec tes histoires, tu vas faire mourir ta grand-mère et ton père». Qui s'est posé la question «qu'est-ce qui pouvait bien me faire mourir, moi? » Garder le silence et me taire me tue!

Le silence est responsable de la transmission de cette tare qu'est l'inceste. Parce que les victimes préfèrent garder la bouche fermée et les yeux embrouillés par la souffrance, l'inceste continue de faire des victimes. Ces dernières ne sont pas uniquement celles qui subissent les abus sexuels. Elles sont les conjoints, les parents, les frères et sœurs, les oncles et tantes, les grands-parents, les amis, l'entourage, et tous ceux qui de près ou de loin, aiment une personne qui a été abusée sexuellement et qui décident de taire ces sévices. Ce faisant, elles deviennent elles aussi des victimes.

Je suis née d'une grossesse multiple le 25 octobre 1968. J'ai une sœur jumelle. Je crois que ma mère n'a jamais accepté ce si beau cadeau, elle qui parlera régulièrement des difficultés que ce double accouchement lui a causées.

En 1974, j’ai été violée alors que je n’avais que six ans et deux ans plus tard, je fus sodomisée par Jean-Guy, un oncle paternel. Pendant plus de six ans, celui-ci continuera à m’agresser, et ce, plusieurs fois par semaine. De plus, dès l'âge de sept ans, j’ai dû subir divers attouchements de la part de George, un oncle maternel. Dans ce dernier cas, les gestes se sont reproduits entre deux et trois fois par année.

Du fait que je n’étais pas désirée, je me suis toujours sentie rejetée par ma mère. Durant toutes ces années, la seule marque d'amour charnelle à laquelle j’ai eu droit se résumait à celle de mes agresseurs. Ma mère, probablement incapable de me donner de l'affection, et mon père, un homme vivant  sous le joug matriarcal, ne pouvaient se le permettre.

Les gestes à caractères sexuels étaient récurrents et omniprésents, faisant en sorte que j’ai vieilli en développant une perception biaisée de la sexualité. Ce que je comprenais alors était que l’unique façon, pour moi, d'être aimée, était de faire plaisir sexuellement. Or donc, j'utilisais mes charmes pour attirer l'attention sur moi.

Sous l’interdiction de Jean-Guy, qui menaçait de raconter à tous ce que je lui faisais, j’étais contrainte de garder le silence. Je me sentais responsable de tout ce que je faisais, car j’étais coupable d'attirer les hommes. Jean-Guy disant que j’étais trop belle, j’étais responsable de ses gestes. Lorsque ce subterfuge s’est mis à battre de l'aile, il a commencé à me dire qu'il savait quelque chose susceptible de conduire mon père en prison. Moi qui me sentais déjà accaparante pour ma famille, je ne voulais certes pas être responsable de l'emprisonnement de mon père.

Tout au long de ce court récit, j’expliquerai comment l’enfant que j’étais est parvenu à survivre et quel moyen j'ai développé pour passer à travers ces années de sévices. Un moyen de survie qui plus tard, nuira à ma santé mentale.

C’est à l'âge d’environ treize ans que ma sœur Lynda a dévoilé le secret à notre père. Par la même occasion, j'ai affirmé être aussi victime d'abus de la part de mon oncle George, mais mes parents, plutôt que de me croire, m’ont accusé de fabulation. Du coup, les sœurs Vaillancourt avaient une grosse décision à prendre: faire emprisonner Jean-Guy, ou lui permettre de suivre une thérapie pour favoriser sa réhabilitation. C'est à ce moment qu’a commencé pour moi le long et pénible processus de guérison conduisant à l’autonomie féminine et sexuelle.

1986 fut l'année où j’ai découvert l'amour. À l'âge de dix-sept ans, j’ai rencontré l'homme qui allait me permettre de découvrir une sexualité saine et respectueuse. Cet homme, nommé Gilbert, était mon enseignant et avait vingt-neuf ans de plus que moi. Lui seul me fit découvrir le plaisir des caresses, des gestes à caractère sexuel, des touchers et de la découverte des corps. Il fut celui qui m’a ramenée à la vie, car à cette époque, l’idée du suicide était déjà bien ancrée en moi. Bien qu’il était un homme extraordinaire, j'aspirais, moi, à devenir mère, alors que de son côté, il ne pouvait réaliser mon rêve. Je retrouvai donc mes habitudes de femme utilitaire avant d’avoir mon premier enfant et suivre un parcours marqué par la violence et la domination.

L'inceste, je l'ai reçu en héritage! En racontant mon histoire à même ces pages, je ferme la boucle sur les sévices sexuels que j’ai subis dans le passé pour pouvoir enfin vivre ma vie sans honte, sans peur, et surtout, sans souffrance! Je suis prête à recevoir l'amour d'un homme, un homme qui saura m’aimer pour la femme que je suis, pour l'être exceptionnel que je suis devenue.

Il m’est impossible de suggérer aux victimes d'abus sexuels de porter plainte. Je pense que cela dépend de leurs besoins profonds, de leur force intérieure, de leurs capacités physique et mentale. Car au Québec, décider de porter plainte contre son agresseur relève de l’héroïsme! Non seulement les sentences sont-elles ridicules, mais la justice aide davantage les agresseurs que les victimes. Si tu décides malgré tout de poursuivre, tu le fais pour toi, pour ton âme, non pour la sentence ou par idée de vengeance. Car n’oublies pas qu’il y a un «après-juridique». Le principal est de dénoncer les agressions et les injustices pour que tout cela cesse! À ce chapitre, le simple fait de dénoncer un agresseur sans pour autant aller devant les tribunaux peut être satisfaisant. Le dernier mot que j'ai pour vous tous est: RESPECT, toujours le RESPECT!

Je me porte garante de l'intégrité physique et sexuelle de MA descendance et en ce qui me concerne, plus jamais l'inceste ne se transmettra en héritage!

CHAPITRE 1

 

L'inceste, mon calvaire

 

Recroquevillée sur moi-même, la tête enfouie dans mon oreiller, tremblante et aux prises avec de violentes secousses corporelles, j’essaie de taire les bruits que j’échappe bien malgré moi. J’ai peur d’alerter ma grand-mère qui se trouve au premier étage. J’enroule la taie d’oreiller autour de mon visage pour m’assurer d’observer le silence. Encore une fois, je viens d’être agressée par l’un de mes bourreaux. Vais-je enfin mourir pour échapper à cette torture ou serai-je forcée de vivre encore et encore le calvaire infernal de l’inceste?

Je sens mes draps humides et chauds de la semence de l’homme qui vient de m’agresser chez moi, dans mon lit, et ce, en la présence de gens qui me sont chers. De vives brûlures pénètrent mon âme et m’indiquent que mon corps a été blessé. De ma main tremblante, je cherche à couvrir ma plaie. Je relève la tête et regarde ma main droite, laquelle est imbibée de mon propre sang. Je cherche une couverture, mais durant les ébats sexuels, elles ont toutes glissé au sol. Anxieuse et vivant dans une perpétuelle insécurité, j'ai dans mon lit des dizaines de peluches. J’en prends donc une pour couvrir ma vulve saignante. Une douleur intense se fait sentir, provocant des frissons. Épuisée et moralement dépourvue d’énergie, je somnole.

Quand je ferme les yeux, je me dirige dans un monde beau et empreint de tendresse. Je vois des petits chiens qui courent dans un pré et qui m'appellent pour que je les suive. L'herbe est longue et j'ai de la difficulté à avancer. Mes jambes sont si lourdes et si douloureuses que je tombe assis au beau milieu de branches d'herbe qui me cachent des passants. Trois petits chiens viennent alors me retrouver et me lèchent la figure. Qu'ils sont beaux, ces petits amours! Je prends le plus petit dans mes bras et contemple le duvet brun pâle qui couvre son corps. Il a un peu de noir autour de la gueule, de même que sur le bout des oreilles. J’aime quand il me lèche. C’est comme des caresses sur ma peau. Il y a aussi une petite chienne blanche aux yeux bleus. «Viens, ma petite chérie, viens me voir… je ne te ferai aucun mal. Je vais te protéger». En guise de réponse, elle se cache dans l'herbe et se contente de japper. «Tu sais que je t'aime. Jamais je ne laisserais quelqu'un te faire du mal». Puis je m'amuse avec le troisième, un véritable petit coquin, celui-là. Il me mordille le pantalon et se sauve. Il ressemble à son frère, sauf que le contour de ses yeux est blanc. Je lui brasse la tête un peu pour jouer et ensuite, les deux mâles se couchent près de moi. Fatiguée, je ferme les yeux. Ce faisant, je sens une petite boule venir se blottir au creux de mes bras. Il s’agit de la petite femelle qui maintenant, est sous mon menton et me lèche les bras. La petite peste veut que je la caresse. Je l'embrasse et lui dis: «Tu n'as plus peur, ma chérie?» Je la serre toute contre mon cœur. Sa fourrure est tellement douce… Je l'aime déjà. Mon rêve se termine alors que je m'endors avec mes trois petits amis.

Tournant sur moi-même dans mon lit, la peluche servant de baume sur ma blessure décolle et amène avec elle le sang séché. Du coup, une douleur vive et intense me sort de mon sommeil. Inconsciente et encore somnolente, j'entends mon cœur émettre un cri plaintif, suivi de lamentations. Dès que j’ouvre les yeux, j’enfouis ma bouche au creux de mon oreiller afin d’éviter que mon agresseur revienne pour mettre ses menaces à exécution. Soudain, j’entends des pas dans l’escalier qui mène au sous-sol. Ah non! Il revient et mon calvaire reprendra de plus belle. La tête toujours calée dans mon oreiller, je pleure comme un bébé. J’ai tellement peur que cet homme s’en prenne à nouveau à moi que j’angoisse. Je sens ma tête qui veut éclater et la pression qui frappe chaque côté de mon crâne. Je cherche à contrôler mes pleurs et mes gémissements, mais j’en suis incapable. Entre deux soubresauts, j’entends les pas lourds et accélérés d’un homme corpulent. Mes nerfs sont à bout et mon cœur va lâcher, j’en suis certaine. Je suis sur le point de m’évanouir quand quelqu’un tourne la poignée de ma porte de chambre. Alors que mon visage est encore plus profondément enfoui dans mon oreiller, mon cœur cesse de battre. Je ne respire plus, même mon corps s’est calmé. Je n’ose bouger ou relever la tête. À cet instant précis, je veux mourir, je veux que cesse cette souffrance intérieure. J'entends une voix masculine, mais tendre, me dire:

Est-ce que ça va, Lyne? Est-ce que c'est toi qui as crié?

Papa! Oui, papa, c'est moi qui ai crié, dis-je en recommençant à sangloter. J’ai eu peur, papa, peur que ce soit.....

C'est juste un cauchemar, ma chérie. Rendors-toi.

Non, papa, je veux te parler. Je suis tannée. J'ai mal, papa. Je ne suis plus capable…

Écoute, ma chérie. Il est tard. Nous en reparlerons demain.

Non, papa, je dois te parler ce soir, maintenant. Je suis écœurée de la vie!

Écœurer de la vie… toi? Mais tu n'as rien vu de la vie, encore!

 

Puis mon père se lève de mon lit et m'embrasse sur le front. «S'il te plaît, papa, reste avec moi!», que je lui dis en retenant sa grosse main chaude et rassurante. Assise sur mes genoux au centre de mon lit, je garde sa main sur mon cœur et le supplie de m'écouter. Je tremble de peur et de douleur pendant que les larmes coulent sur mes joues pour ensuite tomber sur sa main qu'il ramène près de lui.

Demain, ma fille, OK? Demain.

 

Le lendemain, je me réveille et reconnais l’odeur des toasts grillés. La vie reprend chez les Vaillancourt. Je monte les escaliers et m’installe à table à la chaise qui m'est attribuée, soit celle qui se trouve juste à côté de celle de mon père.

- Allo, me dit ma mère.

 

Je relève la tête et pose mon regard sur mon père. Alors que ses yeux verts croisent les miens, il met sa main chaude par-dessus la mienne et lance:

- C'est une belle journée, aujourd'hui! Allez… souris!

 

Ce doit certainement être un dimanche, car il n’y a que le dimanche que mes parents sont tous les deux en congé. Aujourd'hui, nous allons à Hemmingford!

Chapitre 2

 

Le commencement

 

Je suis une petite fille dynamique, qui déplace de l'air. Enjouée, pleine de vie, j’ai de l'amour à donner à tout le monde. Encore naïve et pure, j’ignore tout de la souffrance physique et morale. J'aime les gens et je vais facilement vers eux. Comme tout enfant, je fais confiance. Ma sœur et moi avons changé la vie de beaucoup de gens au sein de notre famille. Non seulement nous sommes les premières-nées, mais nous sommes des jumelles! On nous gâte et tout le monde veut nous prendre ou jouer avec nous. Bref, nous sommes le centre d'attraction et j'aime être le centre d'attraction.

J'adore mes deux familles et je ne les changerais pour rien au monde. Mes oncles et tantes sont des gens merveilleux, au même titre que mes parents qui sont bons et généreux. Comme il arrive à l'occasion dans certaines familles, chacune des miennes compte une pomme pourrie. Du côté paternel c’est Jean-Guy, et du côté maternel, c’est George. Quant aux autres, ils ne sont en rien responsables des agissements de ces deux derniers.

Les agressions sexuelles ont commencé alors que j’étais très jeune. Il y a eu des années où les attouchements dont j’ai été victime furent plus explicites que les autres. À ce moment, je ne comprends pas qu’il ne s’agit pas de simples caresses émises par des oncles aimants. Je ne décode pas que les gestes qu'ils posent ne sont ni beaux ni bons pour moi. Je ne me souviens pas des premiers épisodes tellement cela remonte à ma plus tendre enfance. J'ai un vague souvenir remontant à l’époque où je devais avoir environ trois ans. Je suis assise sur Jean-Guy, face à lui, les jambes de chaque côté de son corps. C’est là la position que nous prenons souvent lorsqu’un bébé est couché sur nous. Je dors profondément, en toute sécurité, la tête bien appuyée sur sa poitrine, alors qu’il frotte mon dos et mes cheveux. J'aime les caresses et la tendresse, mais malheureusement, j’en manque beaucoup de la part de mes parents. Ma mère n'a pas encore accepté le fait que la vie lui a envoyé deux enfants, tandis que mon père, comme presque tous les hommes de son époque, ne démontre pas beaucoup d'affection. Néanmoins, ma sœur et moi avons deux grandes familles qui ne demandent qu’à nous aider et nous aimer.

Donc, je suis assise sur Jean-Guy et je dors profondément. Soudain, je me réveille avec une sensation de brûlure entre les jambes. Je me sens serrée. Une fois bien réveillée, je sens la main de mon oncle qui pousse mes fesses vers lui tout en faisant un mouvement de va-et-vient, de même que je sens quelque chose de dur qui me fait mal entre les jambes. Étant mal, j'essaie de me défaire de ma position. Après qu’il m’ait demandé d’attendre, Jean-Guy me retient de force contre lui.

Ça fait mal, mon oncle, j'ai mal!

J’ignore ce qui se passe, mais je n'aime pas cela. Tout ce que je veux, c’est partir et me libérer de cette emprise. C'est là mon premier souvenir en tant que victime d'abus sexuels, la première fois que j'ai senti que ce que l'on me faisait n'était pas bien et la première fois où on me faisait mal. Jean-Guy pousse mes fesses sur son pénis, qu’il garde à l'intérieur de son pantalon, pour se masturber.

Cette nuit-là, j'ai mal à ma vulve. Entendant mes plaintes, ma mère se réveille, me couche sur la table de la cuisine, ouvre la lumière, enlève ma culotte et examine mes parties génitales.

- Ça brûle, maman!

- Je sais, c'est tout rouge.

 

Après m'avoir nettoyée comme il faut à l'eau et au savon, elle me met une crème quelconque en pensant que cette rougeur est due au frottement de mes pantalons ou encore, que je souffre d’une infection. À partir de ce moment, et jusqu’à l’âge adulte, je connaîtrai plusieurs problèmes d’ordre génital: infections vaginales, infections urinaires et constipation marqueront mon enfance. Du coup, la table de cuisine se transforme en table de consultation et de traitements.

Chapitre 3

 

Une vie de chien

 

Par la suite, au même titre que mes deux sœurs, il m'est arrivé souvent d'être assise sur mon oncle alors que nous nous trouvions tous dans le salon. Lorsqu’il plaçait une couverture sur nous, nous savions toutes les trois qu’il était en train d'abuser de l'une de nous. Là, il insérait ses doigts dans mon vagin. Il lui arrivait même de sortir son pénis pour le frotter sur ma vulve. Il touchait aussi mes seins et les massait. Nous y passions toutes. À certaines reprises, j’ai remarqué qu'il abusait de France et de son amie Josiane en même temps. Une sur chaque jambe; elles ne voulaient pas, mais nous n'avions pas le choix. Pour ma part, lorsque je refusais, il disait à ma grand-mère que j'étais tannante ou que je n'écoutais pas. Du coup, je me faisais disputer avant d’être confinée dans ma chambre.

Plus tard, l’une des tactiques de mon oncle consistait à demander à l'une ou plusieurs d’entre nous d'aller au dépanneur. Cela voulant dire que nous serions épargnées, nous voulions bien sûr tous y aller. Deux jeunes filles pour ramener des chocolats à un sou! Aujourd'hui, c'est moi qui ai perdu le pari. Il m'a choisie. Je demande aux filles de ne pas y aller, de rester ici avec moi. Mais rien à faire, elles partent toutes, trop contentes de passer leur tour. Aussitôt la porte fermée, Jean-Guy baisse son jean et me lance:

- Tu sais ce que tu as à faire!

 

Je me retrouve donc à genoux entre ses jambes pour lui faire une fellation. Tout ce que je souhaite, c’est que la semence vienne au plus vite, car après, ce sera terminé. Il pousse à ce point ma tête pour enfoncer son pénis au fond de ma gorge, que je souffre. N'ayant pas la bouche assez grande, je sens le coin de mes lèvres se déchirer. Ça fait mal. Plus je veux retirer ma tête, plus il la pousse. Alors que son sexe est au plus profond de ma gorge, il me dit que je fais bien ça, que je suis la meilleure!

- Toi, ton chum va t'aimer! ajoute-t-il.

 

Dans ma tête de petite fille, je me dis que je dois avoir une bosse derrière la tête tellement il est loin. Étant donné mon jeune âge, je ne comprends pas vraiment et je fais preuve de beaucoup d'imagination. Enfin, la semence. Jean-Guy lâche prise et je peux me retirer pour aller cracher le contenu de ma bouche dans la toilette, laquelle se trouve juste à côté de la cuisine. Lorsque les filles arrivent peu de temps après avec les bonbons, je suis en haut dans le salon en train de regarder dehors, tandis que mon oncle est dans la cuisine.

- Lyne vient chercher tes bonbons, tu les as mérités, lance ce dernier.

- Non merci, je n’en veux pas.

 

Lynda et France sont heureuses et enjouées. Elles ont des bonbons. Je ne peux les blâmer, car lorsque c'est à mon tour de m'en sauver, j'agis de la même façon.

Je demeure dans mon petit monde et me demande si ce que j'ai fait à oncle Jean-Guy est bien ou mal. Ça ne doit pas être bien, car il se cache toujours. Chaque fois, je lui dis que je ne veux pas, mais il ne m'entend pas. C'est un adulte, il doit faire ce qui est bien pour moi. Il sait, lui, ce qui est bien! Je dois lui faire confiance, car c'est un grand. Et s'il me demande de lui faire des choses comme ça, c'est parce que je dois le faire. Mais quand j'ai mal, ne devrait-il pas cesser? Aussi, quand je lui demande d'arrêter, il se contente de me dire «de faire plaisir à mon oncle». Pourquoi plaisir? Papa ne me demande jamais de lui faire plaisir comme ça! Chaque fois que je joue avec lui et que je dis que j'ai mal, il s'arrête aussitôt. Alors pourquoi mon oncle Jean - Guy continue-t-il? Il ne m'entend pas. La prochaine fois, je vais donc le dire plus fort.

Mes parents travaillent fort tous les deux et pour eux, ce n'est pas toujours facile. À titre de syndicalistes, ils représentent les employés pour les défendre auprès de leur employeur. Ils doivent donc souvent s’absenter le soir pour participer à des réunions ou des rencontres. Outre cela, ils donnent des cours de relation de couple pour le diocèse, alors que mon père répond fréquemment à des appels à l’aide lancés par des employés. Ma mère et lui se rendent très disponibles pour autrui. La plupart du temps, lorsqu’ils ne sont pas à la maison, c’est ma grand-mère paternelle qui nous garde. Qui ne ferait pas confiance à une merveilleuse grand-maman? Lorsqu’elle nous garde, oncle Jean-Guy vient régulièrement à la maison. Je n'ai jamais compris pourquoi. Grand-mère prétend qu'il vient pour l'aider, sauf qu’il ne l'aide jamais. Toujours, nous devons le servir, ou encore, aller au dépanneur pour chercher ses bonbons ou sa liqueur. C'est vrai qu'à l'occasion, il s'amuse avec nous. Mais nous avons vite compris que ce qu’il nous propose n’est pas un jeu. Cadet de la famille, il avait seulement seize ans quand Lynda et moi sommes venues au monde. Nous étions sa fierté, disait-il! D’ ’’