CHEMINS DE CROIX
Vrai chemin de vie
© Éditions GRÉGORIENNES 2010
www.adverbum.fr
ISBN 978-2-914338-25-7, pour la version imprimée
ISBN 978-2-914338-54-7, pour la version ebook
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Du même auteur
Avec J.-F. FROGER
Symbolique de l’image et anthropologie, vers l’assomption d’Œdipe,
DésIris-Présence, 1986
D’or et de miel, aux sources de l’anthropologie biblique, DésIris, 1988
Chemins de connaissance, DésIris, 1990
Je demande pardon à Dieu et à tous ceux et celles pour lesquels ma rencontre n’a pu être l’occasion d’une ouverture spirituelle. Je prie que le Père, le Fils et l’Esprit Saint, à qui tout est possible, le leur donnent au centuple.
Sainte Catherine de Sienne, docteur de l’Église, nous dit dans son livre Le Dialogue que tous les événements concernant Jésus sont représentatifs de ce qui se passe dans l’âme de chacun : c’est pourquoi il y a autant de chemins de croix que de vies d’homme et de femme !
Les considérations et les prières dévotionnelles qui sont présentées sont autant de mets d’un menu à la carte, où chacun choisit ce qui lui plaît selon le jour ou l’humeur. Ces prières sont extraites d’un petit carnet constitué au fil des ans, et je suis bien incapable de dire, pour la plupart, d’où elles viennent, hormis que le seul véritable Auteur, si elles ont quelque valeur, ne peut en être que l’Esprit Saint lui-même.
Le lecteur trouvera dans les Évangiles les textes concernant les épisodes de la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, sachant que, pour certaines stations, il n’existe pas de texte évangélique racontant l’événement que la Tradition nous transmet pieusement.
Écoutons quelques penseurs particulièrement bien inspirés :
Sainte Thérèse d’Avila (1515-1582), carmélite, docteur de l’Église
« Âme, cherche-toi en Moi,
Et Moi, …si tu veux Me trouver,
Cherche-Moi en toi…
Hors de toi, ne Me cherche pas,
Parce que, pour Me trouver, Moi,
Il suffit que tu M’appelles ;
Et à toi J’irai sans tarder,
Et Moi, cherche-Moi en toi. »
(Poésies, n°8, « Alma, buscarte has en mí » , cité par L'Évangile au Quotidien, Seuil, 1995, p. 1241.)
Saint Jean de la Croix (1542-1591), carme, docteur de l’Église
« Dieu pourrait nous dire : “Puisque J’ai dit toutes choses dans Ma Parole, Mon Fils, il ne Me reste plus rien à te répondre ni à te révéler. Celui-ci est Mon Fils bien-aimé, en qui J’ai mis tout Mon Amour, écoutez-Le”. (Mt 17, 5) Écoutez-Le, car Je n’ai plus rien à révéler, plus rien à manifester… Si donc tu désires entendre de Ma Bouche une Parole de consolation, regarde Mon Fils qui M’est soumis et qui, par Amour, S’est livré à l’humiliation et à l’affliction, et tu verras tout ce qu’Il te répondra. Si tu souhaites que Je te découvre des choses cachées, jette seulement les yeux sur Lui et tu trouveras renfermés en Lui de très profonds mystères, suivant cette parole de Mon apôtre : “En Lui, qui est le Fils de Dieu, sont cachés tous les trésors de la Sagesse et de la Science de Dieu.” (Col 2, 3)… car l’apôtre Paul dit encore : “Dans le Christ habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité.” (Col 2, 9) Il n’y a donc plus lieu d’interroger Dieu, et il n’est plus nécessaire qu’Il parle, puisque toute la foi au Christ a été promulguée. Il n’y a plus de foi à révéler, et il n’y en aura jamais. »
(La Montée du Carmel, II, ch. 22, cité par L'Évangile au Quotidien, Cerf, 1990, p. 736.)
On peut se reporter à l’ouvrage de saint Pierre d’Alcantara, Traité de l’Oraison et de la Méditation.
Saint Pierre d’Alcantara souligne que « nul ne peut invoquer comme il faut le saint nom de Jésus, s’il n’est assisté de la faveur du Saint Esprit, et pour cette raison, dire avec l’Église :
“Viens Esprit Saint, et envoie du Haut des Cieux, un rayon de Ta Lumière ;
Viens en nous, Père des pauvres, Viens, Distributeur des dons,
Viens, Lumière de nos cœurs, Viens, Parfait Consolateur,
Venez, Hôte très Doux de nos âmes, Viens, Adoucissante Fraîcheur,
Repos dans le travail, Rafraîchissement dans les ardeurs du jour,
Notre Consolation dans les pleurs.
Ô Lumière Bienheureuse, Viens remplir jusqu’à l’intime le cœur de Tes fidèles,
Sans Ta Puissance Divine il n’est rien en aucun homme, rien qui ne soit perverti,
Lave ce qui est souillé, Arrose ce qui est aride, Guéris ce qui est blessé,
Assouplis ce qui est raide, Réchauffe ce qui est froid, Redresse ce qui est faussé,
À tous Tes fidèles, qui en Toi se confient, Donne Tes Sept Dons Sacrés,
Donne mérite et vertu, Donne le Salut Final, Donne la Joie Éternelle.
Nos cœurs seront comme Recréés, et Tu renouvelleras la Face de la Terre.
Amen.
Alléluia.” »
Le Chemin de Croix s’inscrit dans la continuité de la Cène du Jeudi Saint, de la veillée au Jardin de Gethsémani, et des procès devant Anne, Caïphe, Pilate et Hérode. En parcourant tous ces événements, à la suite des quatre Évangélistes, nous entrons dans le Grand Mystère de notre Rédemption.
Le Chemin de Croix, sous sa forme actuelle de quatorze stations, est une pratique due à la piété de saint Léonard de Port-Maurice (XIIIe siècle). La bienheureuse Anne-Catherine Emmerich raconte que Marie commença la dévotion au parcours de la Crucifixion, dès l’arrestation de Jésus, et la pratiqua toute sa vie, à Éphèse, sur un parcours commémoratif qu'elle avait aménagé prés de sa maison.
Retrouvons Marie après le sabbat, dans la nuit du samedi précédant la résurrection :
« Il était à peu près onze heures de la nuit quand la sainte Vierge, tourmentée par son attente, se leva et quitta le cénacle, enveloppée de son manteau. J’éprouvai une vive inquiétude en voyant cette Sainte Mère, déjà brisée de fatigue et si affligée, parcourir seule les rues de la ville au milieu de la nuit. Elle alla d’abord à la maison de Caïphe, puis au palais de Pilate, et suivit ainsi toute la voie douloureuse à travers les rues, où régnait un profond silence. Elle s’arrêtait aux endroits où le Seigneur avait enduré les souffrances les plus cruelles ; on eût dit qu’elle cherchait un objet perdu. Souvent, elle se prosternait par terre, touchait les pierres ou les baisait, comme si elle eût vu les traces du Sang Sacré de Son Fils. Elle adorait pleine d’amour, et toutes les places sanctifiées lui apparaissaient lumineuses. Je l’accompagnai durant tout le chemin, et je ressentis tout ce qu’elle éprouva, selon la mesure de mes forces. » (VNSJC3, p. 380-381)
Il est significatif de constater que la Vierge Marie a été la première à faire ce « chemin de croix » sur les traces mêmes de Jésus, sur la via dolorosa.
Voici ce que dit la bienheureuse Anne-Catherine Emmerich à propos du Chemin de Croix que la Vierge Marie traça tout contre la maison qu’elle a habitée à Éphèse jusqu’à son Assomption.
« Derrière la maison, sur le penchant de la montagne, la sainte Vierge avait établi un chemin de croix. Durant tout le temps qu’elle avait passé à Jérusalem après la mort du Seigneur, elle n’avait pas cessé de suivre la Voie Douloureuse, en l’arrosant de ses larmes. Elle avait mesuré pas à pas les intervalles de toutes les stations, et son amour ne pouvait se passer de cette contemplation incessante de la Voie de Douleur.
Dès qu’elle fut à Éphèse, elle parcourut journellement une partie de la montagne en méditant les Mystères de la Passion. Au commencement elle allait seule, et après avoir mesuré les intervalles des Stations, d’après le nombre des pas qu’elle avait si souvent comptés, elle dressait une pierre à chacune de ces places : ou, s’il s’y trouvait un arbre, elle le marquait. Le chemin conduisait dans le bois voisin, où une éminence figurait le Calvaire, et une petite grotte dans un autre monticule, le Saint Sépulcre. » (VNSJC3, p. 490)
Lc 23, 13-16 ; Mat 27, 15-25 ; Jn 19, 16-17.
Chacun, pendant son existence, est confronté au choix de Pilate : décider entre l’être, figuré par Jésus, et le paraître, représenté par César, avec derrière lui, tout l’establishment, social, culturel, politique, économique, financier, religieux. Le lieu dit Gabbatha signifie le « dallage » (Jn 19, 13), c’est-à-dire le damier, comme il y a un dallage noir et blanc pour le jeu d’échecs, où chacun des deux rois est l’enjeu d’une partie vitale. C’est celle que le sujet ne peut pas ne pas avoir à jouer dès lors qu’il se trouve lancé dans l’existence :
– soit il prend partie pour l’être, et les valeurs qui lui sont inhérentes, valeurs appelées transcendantales : le Bien, le Bon, le Vrai, le Beau, la Cause originelle et finale, l’Un, et qui vont fonder sa participation à l'être (appelé aussi surêtre ou être suressentiel);
– soit il s’asservit à la représentation égotique et narcissique qu’il se fait de lui-même, et que l’on peut appeler, si l’on veut, l’égo mental, qui est issu de toutes les influences : natives, éducatives, familiales, sociales, religieuses, imaginaires, auxquelles le sujet se soumet pourêtre aimé, plaire et se plaire, devenant ainsi la marionnette et l’esclave de l’image qu’il veut se donner de lui-même et aux autres. C’est cette réalité, issue du monde imaginaire du mental, que l’Apocalypse appelle la Bête, et qui domine sur toute la mondanité, recherchant : bien-être, profits, éloges, notabilité et gloire, et fuyant : souffrances, pertes, mépris et calomnies.
Au-dessus de César, plane l’ombre de la Louve romaine, représentation de la prostituée Laurentia, mère de Romulus et Rémus (fondateurs de Rome), femelle en chaleur, derrière laquelle courent tous les loups, à la queue-leu-leu, et s’accouplant avec celui qui a pu la poursuivre le plus longtemps, le plus assidûment, image de l’esprit mondain du courtisan, de l’homme conforme au consensus, et qui a prostitué son intelligence, sa volonté et ses désirs, aux idéaux à la mode, aux idéologies en vogue, aux mœurs de l’époque, et à l’audimat : tous ceux qui veulent être reconnus, ou être quelque chose dans le monde, monde que l’Apocalypse surnomme « Babylone la grande » .
L’intelligence
Chaque personne est composée de plusieurs fonctions, dont les deux essentielles sont l’intelligence et la volonté.
L’intelligence peut se définir à partir de deux concepts principaux, qui sont déterminés par son objet.
1) L’intelligence s’applique aux réalités naturelles du monde physique et sensible, et elle relève de l’étymologie latine inter legere, qui signifie « lire entre » , et elle fait lecture, c’est-à-dire compréhension, de la relation qui existe entre les choses ; par exemple, entre la graine et l’arbre : on va y trouver tout le « comment » une graine devient un arbre, et tout ce que nous apprennent là-dessus les sciences biologiques, agronomiques et biochimiques portant sur les végétaux. L’ensemble de ces connaissances s’appelle la science, et cette intelligence nous apprend tout le fonctionnement des réalités de l’existence, tout le « comment ça marche » , sur la Terre et dans l’univers ; avec Maxime le Confesseur (VIe siècle), nous pouvons l’appeler la raison ; elle vise tout le savoir, et toute la science des choses, des êtres vivants et des situations les concernant.
2) Ou l’intelligence s’applique aux réalités non sensibles, et seulement intelligibles, du monde méta-physique, et elle relève de l’étymologie intus legere, qui signifie « lire dedans » , lire le dedans des chose, c’est-à-dire leur raison d’être, le « pourquoi ? » des choses. Pourquoi existe-t-il ceci ou cela, plutôt que pas ? Pourquoi y a-t-il telle réalité plutôt que pas ? La science peut nous apprendre comment vivent ou se reproduisent les escargots, ou comment on les mange, mais elle ne peut pas répondre à pourquoi ils existent. Cette question est du domaine de la métaphysique : avec Maxime le Confesseur, nous pouvons appeler cette intelligence là l’esprit. Mais il n’y a bien sûr qu’une seule intelligence dans l’homme. Pour s’approprier la compréhension de la réalité et du Réel, l’intelligence a besoin de se forger des mots et des concepts, comme un menuisier a besoin de se fabriquer des outils pour pouvoir menuiser ; cette fonction de l’intelligence que nous appelons esprit vise toutes les réalités invisibles, qui sont du domaine de la métaphysique et de la religion. Il ne s’agit pas bien sûr d’une intelligence scolaire ou universitaire, qui visent les savoirs de la science, et elle ne dépend pas non plus du QI (le quotient intellectuel, qui appartient au psychisme), mais c’est une intelligence « spirituelle » , son champ d’action prenant en compte toutes les réalités spirituelles et transcendantales. Les scolastiques l’appelaient l’intellect, saint Augustin la ratio superior, la « raison supérieure » .
Pour Maxime le Confesseur : « Le lieu saint et le temple de Dieu sont l’intelligence de l’homme » (La philocalie des Pères neptiques, Éd. Abbaye de Bellefontaine, 1985), et aussi :
« J’appelle discours sur Dieu l’analogie que nous tirons des êtres… à la puissance intellectuelle appartiennent la faculté contemplative et la faculté active, la contemplative s’appelle esprit et l’active raison… l’âme est principalement et paraît avant tout comme composée d’esprit et de raison, étant spirituelle et rationnelle… en conséquence, à l’âme appartiennent selon sa partie intellectuelle : l’esprit, la sagesse, la contemplation, la gnose, et leur fin est la Vérité, et selon sa partie raisonnable lui appartiennent la raison, l’intelligence, l’action, la vertu, la foi, et leur fin est le Bien… Les choses intelligibles sont l’âme des choses sensibles et les choses sensibles sont le corps des intelligibles ; le sensible est uni à l’intelligible comme le corps à l’âme ; l’un et l’autre ne font qu’un monde comme l’âme et le corps ne font qu’un homme. » (L’initiation chrétienne, Desclée de Brouwer, 1980, Les Pères dans la foi.)
Dans Contra gentiles, saint Thomas d’Aquin montre par voie rationnelle et par l’autorité des Écritures que Dieu est intelligent, et que son intellection est identique à son essence : « À Dieu ne manque aucune des perfections qu’on trouve dans les êtres, de quelque genre qu’il soit. Mais de toutes les perfections existantes, la toute première est bien d’avoir l’Intelligence… Or, parmi les perfections qui existent dans les choses créées, la plus élevée est de comprendre Dieu. En effet, la nature intellectuelle dépasse les autres et sa perfection est de comprendre ; d’autre part, l’Intelligible le plus noble n’est autre que Dieu. Dieu se comprend donc à la perfection : “L’Esprit de Dieu scrute jusqu’aux profondeurs de Dieu.” (1 Cor 2, 10) »
Le concile Vatican I (constitution Dei Filius, 2), repris par le concile Vatican II (constitution Dei Verbum, 6) déclare : « L’Église tient et enseigne que Dieu, qui est le Principe et la Fin de tous les êtres, peut être connu d’une manière certaine par la lumière naturelle de la raison humaine à partir des réalités créées. Si quelqu’un disait que Dieu, Créateur, ne peut pas être connu d’une manière certaine par l’intermédiaire des réalités créées, à la lumière naturelle de la raison humaine, si quelqu’un disait cela, alors qu’il soit anathème » (c’est-à-dire qu’il est hors du Corps de l’Église universelle).
Pour Catherine de Sienne, docteur de l’Église, le péché vient d’une erreur de l’intelligence, qui croit bon quelque chose qui ne l’est pas. La Bible dit maintes fois que Dieu est « Amour et Vérité » , mais quelques-uns se plaisent à faire une petite pirouette, en rajoutant que : « Oui, mais la Vérité de Dieu, c’est l’Amour » ! Or, saint Jean emploie 70 fois le mot vérité pour 28 fois le mot amour, et le Nouveau Testament 208 fois le mot vérité pour 63 fois le mot amour (Concordance de la Bible de Jérusalem, Cerf, 1982). Saint Bernard nous met en garde en nous disant : « L’amour sans vérité se fourvoie, et la vérité sans amour se dessèche. » Presque tous les romans, films, feuilletons télévisés, parlent d’amour, les chrétiens en font leur cheval de bataille, les bouddhistes prêchent la compassion, le new age n’a que ce mot à la bouche, et le monde… est à feu et à sang ! Peut-être est-ce parce que le problème qui se pose ne concerne pas l’amour, que tous les hommes recherchent, mais la vérité de ce qu’est l’amour ! La vérité est la seule lumière de l’intelligence humaine, et sans elle le cœur de l’homme se débat dans la nuit et le brouillard de terres intérieures inhospitalières : « Les petits enfants réclament du pain : personne ne leur en partage. » (Lm 4, 4)
« Dépouillez-vous du vieil homme avec ses pratiques, revêtez l’homme neuf, qui se renouvelle dans la connaissance de Dieu, selon l’image de celui qui l’a créé. » (Col 3, 9-10)
« Revêtez le nouvel homme, créé selon Dieu. » (Ep 4, 24)
« Les choses que nous voyons sont éphémères, celles que nous ne voyons pas sont éternelles. » (2 Cor 4, 18)
En hébreu, l’un des noms de Dieu est El, qui est formé des deux lettres, aleph et lamed ; elles renvoient toutes deux à deux verbes : alaph et lamad, qui signifient l’un et l’autre « enseigner » ! Toute la Bible est un enseignement, non pas sur Dieu, mais sur ce qu’est l’homme.
Dans Proverbes (18, 2), on nous signale que « le sot ne prend pas plaisir à être intelligent, mais à étaler son sentiment » .
Il y a une phrase souvent invoquée pour justifier l’ignorance, la paresse spirituelle ou le fidéisme : « Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout petits » (Mat 11, 25), qui peut se traduire en réalité non par « caché aux » mais par « ce que tu as caché pour les sages et les savants » , sous-entendu : dans les initiations des temples, les écoles de sagesse et de philosophie, les cercles ésotériques, car on ne voit pas pourquoi Dieu refuserait la connaissance de la vérité à une quelconque catégorie d’humains, fussent-ils sages ou savants ! La Vérité étant désormais accessible à tous, et à la portée de tous, alors on comprend pourquoi Jésus se réjouit et s’en réjouit.
Et pour ceux qui pensent que la « petite » ( !) sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face de Lisieux, docteur de l’Église (il n’y en a que trente-quatre !) n’était pas instruite (au sens universitaire, c’est d’accord !), il convient de leur rappeler que ses carnets contiennent près de deux mille citations de l’Écriture Sainte ! Et lors de son agonie, elle disait : « Je n’ai jamais cherché, toute ma vie, que la Vérité. »
Comme dit Jésus (Jn 17, 18) : « Sanctifie-les dans la Vérité. » (Ou « Consacre-les par la Vérité. » )
La spiritualité
La vie de l’esprit s’appelle la spiritualité, que S.S. Jean-Paul II nous définit comme « être une intelligence et volonté libre, afin que nous soyons rendus participants de la Nature Divine » (Osservatore Romano du 17 septembre 1985).
Il s’agit de la quête du Sens, au double sens justement de « signification » et de « direction » . Elle passe par une action des sens (pour une intussusception juste des réalités sensibles), alimentant une rationalité bien ordonnée, capable d’être ouverte aux inspirations, qu’en retour elle soumet à la pesée de son discernement et de son jugement.
Cette intelligence-et-volonté-libre est appelée traditionnellement libre arbitre. Elle est l’instance en nous d’où partent toutes les décisions de choix entre « chercher l’être » et ses valeurs transcendantales, ou « vouloir le paraître » , avec tout son cortège d’avoir, de pouvoir, et de faire savoir.
S.S. J.P. II nous prévient : « L’esprit n’est pas une citerne à remplir, mais une source à faire jaillir » , et le Livre de la Sagesse (1, 5) nous avertit : « L’Esprit Saint se retire devant des pensées sans intelligence. »
On nous apprend encore que c’est « l’esprit qui fait vivre » (1 Cor 15, 45), que « l’esprit vivifie » (2 Cor 3, 6), que « c’est l’esprit qui fait vivre, et que la chair ne sert de rien » (Jn 6, 63). Saint Paul affirme : « Pour moi, frères, je n’ai pu vous parler comme à des spirituels, mais comme à des charnels. C’est du lait que je vous ai donné à boire, non un aliment solide ; vous ne pouviez encore le supporter. Mais vous ne le pouvez davantage maintenant, parce que vous êtes charnels. Du moment qu’il y a parmi vous jalousie et querelles, n’êtes-vous pas charnels ? » (1 Cor 3, 1-4) ; « charnels » est équivalent à ce qu’il appelle ailleurs « psychique » : « On est semé corps psychique, on se relève corps spirituel. S’il y a un corps psychique, il y a aussi un corps spirituel. C’est ainsi qu’il est écrit : le premier homme Adam, parut en âme vivante ; le dernier Adam en esprit qui fait vivre. Il n’y a pas d’abord le spirituel, mais le psychique, ensuite le spirituel. Le premier homme, tiré du sol, est terrestre ; le deuxième homme vient du ciel. Et de même que nous avons porté l’image du terrestre, nous porterons aussi l’image du céleste. Je le déclare, frères : la chair et le sang ne peuvent hériter du Royaume de Dieu, ni la corruption hériter de l’Incorruptibilité. » (1 Cor 15, 40, 44-50)
Dans le Magnificat, la Vierge Marie distingue bien l’âme et l’esprit : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur. »
Pour saint Justin : « Le corps est le lieu de l’âme, comme l’âme elle-même est le lieu de l’esprit » , ou saint Irénée : « Que nous soyons un corps tiré de la terre et une âme qui reçoit de Dieu l’esprit, tout homme le confessera… trois dimensions constituent l’homme parfait : la chair, l’âme, l’esprit… c’est l’union, dans la communion, de ces trois réalités, qui constitue l’homme parfait… c’est notre substance, c’està-dire le composé d’âme et de corps, qui, en recevant l’esprit de Dieu, constitue l’homme spirituel » ; ou encore saint Augustin : « Autre est l’intellect, autre est la raison… il y a dans notre âme quelque chose que l’on appelle l’intellect. Et cette partie de l’âme que l’on appelle intellect, ou esprit, est elle-même illuminée d’une lumière supérieure. Or, cette lumière par laquelle l’esprit est illuminé, c’est Dieu… Trois sont les éléments en quoi consiste l’homme : l’esprit, l’âme et le corps. » (Cités par M. Fromaget in Corps, âme, esprit, Albin Michel.)
L’apôtre saint Jacques parle d’une sagesse extérieure : « Cette sagesse-là ne descend pas d’en-haut, mais elle est terrestre, psychique, démoniaque » (Jc 3, 15) et l’apôtre saint Jude nous parle de « ces êtres psychiques qui n’ont pas d’esprit » (épître de saint Jude, 1, 9).
Jésus est notre modèle
Le mot Jésus, le nom du fils de Marie et de Joseph de Nazareth en Galilée, peut très bien être remplacé dans le texte des Évangiles par l’expression « Je Suis » , comme Jésus le dit lui-même : « Avant qu’Abraham fût, Je Suis » (Jn 8, 58), c’est-à-dire qu’il s’approprie l’être, dont Dieu avait fait sa propre définition à Moïse (Ex 3, 14) ; et nous, en opérant un pont analogique avec lui, nous pouvons considérer que tout ce qui va le concerner dans les récits évangéliques, nous concerne aussi, au niveau de notre être, comme Dieu l’explique à Catherine de Sienne dans son livre Le Dialogue : « Sache-le bien, les actions accomplies en ce monde par Ma Parole étaient représentatives de ce qui se passe dans l’intime de l’âme chez tous les hommes. Vous pouvez retirer de tous ces faits un enseignement de Vie. Qu’on le médite à la lumière de la raison et les esprits les plus grossiers comme les plus subtils, les intelligences les plus vulgaires comme les plus hautes peuvent en tirer profit. Chacun peut en prendre sa part… s’il veut. » (Le Dialogue, Éd. Téqui.)
Notre être, ou notre je ontologique, est l’instance, en nous, qui est le sujet, l’acteur, le héros, de cette grande saga, de ce long combat de notre existence, qui a à choisir entre l’être spirituel et le paraître psychique, entre notre je foncier et notre moi-je égotique et mondain.
Dans le Cantique des cantiques, la Bien-Aimée, qui figure notre âme, est à la recherche de son Bien-Aimé, qui figure l’être. On nous dit de celui-ci (5, 10) qu’il a le teint « rose et clair » , ou « rose et frais » , ou « frais et vermeil » , ou qu’il a « bonne mine » , etc., selon la sensibilité des traducteurs ; l’un d’eux ajoute même en note : « En fait, il y a écrit : “Le Bien-Aimé est rouge et blanc” » , mais le Bien-Aimé n’est quand même pas apoplectique ! Du coup, il choisit « bonne mine » ! Sûr que si l’on croit que le texte parle d’un « apollon des plages » , on ne peut traduire sa mine par « rouge et blanc » ! Mais si l'on comprend que le rouge figure l’Amour, et le blanc, la Vérité, alors on comprend immédiatement qu’il s’agit de Dieu, qui est « Amour et Vérité » .
Sainte Marie-Madeleine de Pazzi (dans Les huit Jours de l’Esprit Saint, Éd. J. Millon, 2004) nous informe que :
« Dieu est plongé dans la Vérité. Il s’y cache et y attire tout être. À cause de la Vérité, c’est la gloire ou l’enfer, car la Vérité est tout ce qui existe et le mensonge tout ce qui n’existe pas, il est le péché même. À cause de la Vérité, l’homme est haï par les hommes, par le mensonge il en est aimé, mais haï de Dieu. Mais quelle importance d’être haï par les hommes, puisqu’ils ne sont que vanité ? Tous ceux qui s’arrêtent à l’homme, aux choses créées et à eux-mêmes n’aiment pas la Vérité. La Vérité est nourriture de la Charité, sœur de la Patience, fille de l’Humilité, collaboratrice de l’Amour, mère de la Foi, doctrine des ignorants, discipline des sots, règle des orgueilleux, prison des tièdes, échelle des amoureux, repos des fatigués, miroir des vierges, sûreté de tous les élus. »
La religion se construit sur la vérité, qui est comme la pierre et le rocher solides, sur lesquels on peut construire (Mat 7, 24-26), et non sur la miséricorde, qui est comme le sable sur lequel Jésus écrit, lorsqu’on vient accuser devant lui la femme adultère, et sur lequel tout s’efface (Jn 8, 6). Lorsque certains parlent de la miséricorde, ils oublient à l’occasion de préciser que la miséricorde est conditionnée et verrouillée par le repentir : ce qui fait une énorme différence !
La volonté
Après l’intelligence (qui réfère plutôt à la Personne du Verbe), examinons ce qu’il en est de la volonté (qui réfère plutôt à l’Esprit Saint).
Pour nous, la seule chose à vouloir, c’est l’être que nous voulons être, et non le personnage admirable dont maman a rêvé dès qu’elle nous a porté dans son sein ! « Je suis ce que je choisis d’être, je suis ce que je deviens » dit Hughes de Saint-Victor (XIIe siècle – R. Javelet, Image et ressemblance au XIIe siècle, Éd. Letouzey, 1967). Dans les enseignements que nous donne Marie de la Trinité (Éd. Arfuyen), Jésus insiste sur la nécessité, bien connue de toute la tradition, d’abandonner la volonté propre, tant est grand pour nous le risque de vouloir « faire des œuvres pour Dieu » (ce qui peut alimenter l’estime de soi, puis la confiance en soi, puis la suffisance, puis l’orgueil spirituel), au lieu de « se laisser être l’œuvre que Dieu Lui-Même fait en nous » . Vouloir la volonté au niveau de l’acte et non vouloir l’être, c’est aller vers la toute-puissance. Catherine de Sienne : « Le principe de tout mal, c’est l’amour-propre, d’où procède l’estime de soi qui enfante l’orgueil. Il faut fonder votre perfection sur l’anéantissement de la volonté propre, dès lors vous offrirez un infini désir. »
Marie de la Trinité : « Ta perfection, pas tes œuvres… tes œuvres c’est toi dans tes œuvres, ta perfection, c’est Moi en toi. » « Non pas faire, mais recevoir, non pas chercher, mais adhérer. » (Entre dans ma Gloire, Éd. Arfuyen, 2003, p. 122.)
« Ce qui constitue l’Église, ce n’est pas son expansion, mais ce qu’elle comporte de présence et d’union au Père par l’intérieur d’elle-même. Et c’est la vocation de saint Joseph, toute son activité et toute sa fidélité. » (Le Silence de Joseph, Éd. Arfuyen, 2007, p. 52.)
« Les âmes sont d’abord introduites par l’Esprit Saint dans le Mystère du Verbe Incarné, puis, par le Verbe Incarné, dans le Mystère du Père. » (Id., p. 108.) « Ne t’occupe pas du dehors, mais du dedans, car Je ne suis pas au-dehors, mais au-dedans. » (Id., p. 115.) Comme dit Jésus en Jn 17, 20 : « Moi en eux. »
L’homme doit se vider de lui-même pour que le Logos s’incarne en lui. Que nous devenions « comme un supplément à l’Incarnation du Verbe » comme l’expose Elisabeth de la Trinité. Satan cherche à nous faire affirmer notre personnalité, en nous transmettant son sentiment de supériorité, et il y réussit chez ces gens qui renoncent à mourir à eux-mêmes, à leur volonté propre, et veulent affirmer leur personne indépendamment de l’Unité dans l’Unique Engendré de Dieu ; Il est la Tête, et nous sommes les membres, comme dit saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » (Ga 2, 20)
Et en Rm 12, 1-2 : « Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour savoir reconnaître quelle est la Volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de Lui plaire, ce qui est parfait. »
Ou en Ep 1, 3-8 : « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ. Dans les cieux, il nous a comblés de sa bénédiction spirituelle, en Jésus-Christ. En lui, il nous a choisis avant la création du monde, pour que nous soyons, dans l’amour, saints et irréprochables sous son regard. Il nous a d’avance destinés à devenir pour lui des fils par Jésus-Christ : voilà ce qu’il a voulu dans sa bienveillance, à la louange de sa gloire, de cette grâce dont il nous a comblés en son Fils bien-aimé, qui nous obtient par son sang la rédemption, le pardon de nos fautes. Elle est inépuisable, la grâce par laquelle Dieu nous a remplis de sagesse et d’intelligence en nous dévoilant le mystère de sa volonté. »
L’imaginaire et les processus de conscience
Après l’exercice de l’intelligence et l’abandon de la volonté propre, la question de l’être et du paraître pose la question essentielle du statut de l’imaginaire.
Nous devons bien distinguer l’imagination, qui est la faculté de se faire des images, et ses deux modes de fécondation : l’imaginal et l’imaginaire.
La fécondation de l’imagination par les archétypes va donner le monde de l’imaginal, terme proposé par H. Corbin, pour parler de plans de conscience développés par les néoplatoniciens de Perse (une maison d’or, par exemple, ou une tour d’ivoire).
Fécondée par l’opinion, l’imagination va donner le monde de l’imaginaire, imaginaire qui est le monde des constructions mentales déconnectées de la réalité (une femme avec un corps de taureau, des pattes de lion et des ailes d’aigle, la sphinge, qu’on appelle une chimère, et qui meut symboliquement plus d’un psychisme), un monde virtuel, un monde de l’illusion, qui est le champ d’action spécifique des démons, qui n’ont qu’un but : nous distraire de la réalité, pour nous faire manquer le but de notre existence, qui est la connaissance de Dieu, à travers les trois « livres » à lire, à interpréter, et à comprendre :
– le « livre » de la nature ( « livre du Père » si l’on veut),
– le livre du logos ( « sagesse du Fils » : Bible et tout livre sacré, qui contient les semina Verbi, les « semences du Verbe » ),
– le livre des événements, personnels, familiaux, collectifs, mondiaux ( « livre de l’Esprit Saint » dont le modèle sont les Actes des Apôtres).
Cette fécondation de notre imagination est ce qui va déterminer tout ce qui concerne nos forces de vie, ou les forces de mort qui sont à l’œuvre en nous et autour de nous. Ève vit que le fruit était bon à manger (Gn 3, 2) : mais comment savoir par la vue qu’un fruit est bon ? Tant que le goût ne l’a pas vérifié ! (D’autant qu’il y a en plus des poisons indécelables au goût, comme dans certaines baies et certains champignons !) Par la vue, on ne peut qu’imaginer les délices d’un fruit (cf. les fraises espagnoles, trois fois plus grosses que des fraises normales, et qui n’ont aucun goût, et de surcroît sont hyperpolluées !)… et Ève ouvre ainsi la préséance de l’imaginaire sur la réalité, avec toutes les impasses du désir qui s’ensuivent, désir de ce que l’on n’a pas (et qui est insatiable, puisque justement on ne l’a pas !) au lieu de désirer ce qu’on a, ce qui ouvre un continuel enchantement, puisque justement on l’a !
Le développement psychospirituel de l’humain, qui va durer toute la vie, va consister à nous dégager de l’irréalité de l’imaginaire, et de ses illusions, qui est notre véritable état de « chute » . Pour cela, il y a trois démarches, qui jouent toutes les trois ensemble mais dans des proportions qui vont varier selon les étapes :
– se purifier, c’est la voie Purgative,
– être éclairé, c’est la voie Illuminative,
– être unifié, c’est la voie Unitive.
La purification conduira à la Paix, l’illumination à la Vérité, l’unification (qui est de façon équivalente la perfection), à la Charité (qui est la vie même de Dieu).
Comme l’enseigne saint Bonaventure (La Triple Voie, Éd. Franciscaines), l’homme doit porter un triple regard :
– sur les choses extérieures et corporelles, principe de la connaissance sensible, qui nous est commune avec l’animal, et où s’exerce la purification ;
– sur lui-même, et au-dedans de lui-même, principe de rationalité, douée de mémoire-intelligence-volonté-choix, qui nous spécifie de l’animal, domaine de l’illumination, qui conduit à la connaissance de soi, puis à la connaissance de Jésus-Christ, modèle de l’humain accompli, et enfin à la connaissance de Dieu en Jésus-Christ par l’Esprit Saint ;
– sur ce qui est au-dessus de lui, principe de connaissance spirituelle, qui est celle de la conscience libre, de l’esprit, où se déploie, éclairée par la foi et soutenue par la grâce, la charité, qui est Paix, Lumière et Joie, et collaborant avec l’Esprit de Dieu, la perfection, qui implique un don mutuel et réciproque de la Trinité Sainte et de l’âme, contemplation sapientielle ici-bas, béatitude au terme. Cette vie est la vie surnaturelle : participation créée à la Vie incréée.
La Science sacrée
La Science sacrée, révélée dans l’Écriture Sainte, s’enrichit d’un triple sens :
– tropologique (qui enseigne ce qu’il faut faire, guidé par la conscience),
– allégorique (qui enseigne ce qu’il faut croire, éclairé par la raison),
– anagogique (qui enseigne ce qu’il faut espérer, illuminé par l’esprit).
Cette Science sacrée s’obtient par :
– la méditation, qui est l’oraison discursive,
– la lecture,
– l’oraison, vocale, mentale et silencieuse, spécialement l’oraison affective,
– la contemplation, qui a deux degrés : spéculatif et intellectuel (ou sapientiel), c’est-à-dire unitif.
Et cela selon une triple méthode :
– de pacification par la discipline,
– d’instruction par la réflexion,
– de conformité au Christ dans l’union à Dieu.
Elle permet ainsi d’obtenir la paix, la lumière et la joie, en quoi consiste la charité, qui est la vie de Dieu, que nous avons à atteindre, qui est ici-bas la liberté, et au ciel la gloire.
La connaissance va perfectionner dans l’âme l’image de la Trinité, sous sa triple faculté de mémoire, d’intelligence et de volonté :
– la science naturelle recherche les principes des êtres, et conduit à la puissance du Père ;
– la science rationnelle recherche les principes de la connaissance, et mène à la sagesse du Verbe ;
– la science morale recherche les principes de l’action, et introduit la bonté du Saint Esprit.
De l’univocité de l’être
La philosophie, comme le sens commun, nous dit que tout ce qui est, est ; mais aussi qu’aucun être fini n’a en soi sa raison d’être et qu’il l’a donc dans un autre qui est sa cause. Mais aucun être fini n’ayant en soi sa raison d’être, il l’aura dans l’Être infini, raison et cause première de tout être. C’est cet Être infini, raison et cause de tout ce qui est, et ayant en lui-même la raison de son Être éternel, que nous appelons Dieu. « Le plus parfait et le plus simple concept que nous puissions avoir de Dieu, dit le bienheureux Jean Duns Scot, est celui de l’Être infini. »
Aristote s’y est trompé en le confondant avec l’infini mathématique, qui est une quantité à laquelle on peut toujours ajouter une nouvelle quantité. Mais ce n’est pas là le vrai infini ; ce n’est que l’indéfini, dit Duns Scot : « Le vrai infini, au contraire, est ce qui possède toutes les perfections et auquel on ne peut donc rien ajouter » et toute perfection, toute entité finie, n’est qu’une participation finie à la perfection infinie et à l’Être infini de Dieu. Duns Scot défend le principe que l’objet propre de notre intelligence, c’est l’être comme tel, et non seulement les essences abstraites des choses matérielles, comme d’autres le prétendaient. C’est vrai qu’en raison de son union au corps, notre connaissance commence par les essences des choses matérielles ; mais de ce point de départ, l’intelligence s’ouvre à la connaissance de l’être et de l’Être infini. Toutefois, selon Duns Scot, aucune connaissance de l’Être infini, et donc aucune connaissance de Dieu, ne serait naturellement possible si nos concepts tirés des choses matérielles n’avaient pas une signification correspondante en Dieu, dans l’Être infini. C’est pourquoi le Docteur Subtil défend l’univocité de l’être. L’univocité ne se rapporte pas à l’être lui-même, existant et concret, mais aux concepts abstraits le concernant. Si un quelque chose de commun existe, nous pouvons connaître quelque chose de Dieu et en parler, dans l’ordre des concepts abstraits, qui laissent toute la distinction réelle entre les êtres finis et l’Être infini. « Ainsi, être, bien, sagesse, attribués à Dieu et aux créatures, impliquent une unité et ne signifient pas deux concepts radicalement divers. » (Jean Duns Scot, Éd. Franciscaines.)
Que nous ne succombions pas, comme Pilate, à la tentation de ne pas décevoir les autorités, ou les personnes importantes, bienfaitrices, considérées, influentes, susceptibles, irascibles, ou tellement, tellement bonnes et si gentilles !… comme les êtres qui nous sont les plus chers, pour ne pas qu’ils nous disent, comme Marie à Jésus : « Pourquoi nous avoir fait cela ? Vois ! Ton père et moi te cherchions dans l’angoisse » et « ils ne comprirent pas la parole qu’il leur adressa » (Lc 2, 50-51) : qu'il est douloureux de devoir peiner des êtres chers ou des amis qui comptent sur nous !
Demandons que nous puissions démasquer et discerner les démons qui s’approchent sous couvert de bien, et puissions leur résister, les ayant reconnus, et les chasser au nom de Jésus !
« Dieu Éternel et Tout-Puissant, je viens t’exprimer mon amour de créature et de fils. Je me prosterne devant toi pour t’adorer en union avec Jésus, Marie, les saints et les anges, les âmes du Purgatoire, et toutes les âmes ferventes de la Terre.
Je crois fermement que tu es père, que tu engendres éternellement un Fils égal à toi-même ; tu te donnes à lui tout entier, comme à un autre toi-même. Tu lui communiques toute ta vie, toute ta vérité ; tu lui donnes ta majesté, ton immensité, ton éternité ; il est le reflet de ta perfection infinie, il est ta pensée, ta parole, ton image vivante, la splendeur de ta gloire. Il constitue pour toi l’infinie joie qui te suffit.
Je crois que Jésus-Christ est ton verbe fait chair, venu sur la terre pour nous sauver. Tu mets en lui toutes tes complaisances. Vous êtes un, dans une communion parfaite. Il est en toi, et toi en lui.
Dieu parfait et Homme parfait, il est ta louange filiale et subsistante. Il n’a qu’un seul désir : te glorifier, te plaire, t’obéir, t’aimer et te faire aimer, c’est là sa vie propre.
Père, sois béni pour l’inexprimable allégresse que tu mets au cœur de ton Fils. Sa joie parfaite et essentielle, c’est d’être infiniment aimé de toi et de t’aimer infiniment.
Je crois au Saint Esprit, fruit de cet amour réciproque. Il procède de toi et de ton Fils tel une flamme vivante et aimante qui ne s’éteindra jamais.
Il est la charité parfaite qui vous unit l’un à l’autre, dans la contemplation mutuelle de votre perfection éternelle. Je reconnais en lui l’Esprit aux multiples dons, et qui les pulse sur l’univers.
Il est le don par excellence, l’auteur de toutes les merveilles de la grâce, où éclate l’amour.
Il est l’onction sainte, l’hôte suave de nos âmes, l’eau vive qui étanche à jamais notre soif de beauté, de pureté, et de joie profonde. Lui seul nous fait goûter combien tu es bon.
Dans ton Esprit, tu me donnes tout ce que tu possèdes en commun avec ton Fils bien-aimé, et tu nous fais participer à ta nature divine. Par ton Esprit, tu as opéré toute l’œuvre divine du salut. À présent, sur tous les autels du monde, au moment de l'épiclèse, il renouvelle mystérieusement la transubstantiation du pain et du vin en corps et sang de Jésus.
Dans la communion, il nous restaure et nous fait vivre du Christ, dans la générosité de son offrande et la joie de sa victoire sur le mauvais.
Rends-nous plus docile à son action, afin qu’il demeure pour nous le parfait consolateur, le guide sûr, le soutien efficace.
Vous possédez Tous-les-Trois une même vie immuable, une même activité créatrice et divinisatrice, une même gloire, une même puissance, une même sainteté.
Seigneur, je crois fermement que tu es notre Père et que tu as voulu nous adopter comme tes enfants par le baptême et que, dès avant notre existence, tu as désiré venir habiter dans nos âmes avec ton Fils et l’Esprit Saint. Depuis toujours, tu nous as appelés à partager ta vie, ton bonheur, et ta gloire.
Pour réaliser ces desseins admirables, tu as envoyé ton Fils unique sur la terre.
Jésus est venu nous conduire à toi, nous révéler ton amour et nous en communiquer toutes les richesses, nous sauver des tourments de l’enfer et nous ouvrir les portes du ciel.
C’est pour lui une joie immense de pouvoir nous associer à sa louange éternelle, de te glorifier en nous et par nous.
C’est pourquoi nous nous unissons à ses adorations, à ses louanges, et à ses actions de grâce.
Père, aide-nous à vivre sous le regard de Jésus, cherchant comme lui notre nourriture dans l’accomplissement de ta sainte volonté.
Accorde-nous la grâce de pénétrer davantage dans son mystère, pour pouvoir nous conformer à lui plus totalement.
Je veux désormais le suivre, lui, le Bon Pasteur, le Chemin du Ciel, l’aimer et le servir, avec fidélité.
C’est surtout par le sacrifice du Christ que tu nous as révélé l’insondable profondeur de ton amour pour nous. C’est une bonté bouleversante par son caractère extrême et absolu, une bonté combative et qui ne transige pas avec le mal. Ce don d’un Sauveur nous révèle ta ferme intention de lutter jusqu’au bout pour le triomphe de ton amour et ta décision d’engager toute ta puissance dans le combat contre les forces des ténèbres.
Aide-nous à tenir notre regard fixé sur lui, à le contempler souvent, pour que son image s’imprime en nous toujours plus profondément.
Nous avons la ferme espérance qu’un jour, nous irons nous aussi auprès de toi, jouir éternellement de ton bonheur et de ta gloire.
À l’autel, Jésus ton Fils vient pour nous assimiler à lui, nous transformer en lui. Merci, Père, pour ce banquet pascal, pour ce sacrement de l’amour, lien de charité entre nous et avec tous nos frères les hommes. Merci encore, Seigneur, de nous laisser ta présence dans tous les tabernacles du monde.
Nous nous abandonnons à toi entièrement, quant à notre avenir temporel et spirituel. Nous nous livrons complètement à ton action purificatrice, illuminatrice, et sanctificatrice. Prends possession de toutes nos personnes.
Nous te demandons pardon pour nos offenses, nos négligences, nos omissions, nos ingratitudes, nos comportements de mépris subtil.
Aide-nous à faire de nos vies une louange perpétuelle de ton Saint Nom YHWH, « il est, il était, il vient » .
Nous t’offrons tout ce que nous sommes et tout ce que nous avons : nos biens spirituels et matériels, nos pensées, nos paroles, nos actions, nos joies, nos souffrances et celles de toute l’humanité. Daigne les transformer en grâces de rédemption pour tous les êtres.
Aide-nous à être doux et pacifiques, tout particulièrement envers ceux qui nous entourent, et que nous ne désirions que leur bien, et le bonheur pour lequel tu les as appelés du néant à l’existence. Qu’ils puissent découvrir en nous un reflet de ta bonté. Envoie-leur, par Marie, notre Mère, toutes les grâces dont ils ont besoin, afin qu’un jour nous allions tous ensemble avec elle, tous les saints et tous les anges, te contempler avec ton Fils, et le Saint Esprit, dans la gloire éternelle du Ciel. Amen. »
« Dieu soit béni !
Béni soit son Saint Nom !
Béni soit Jésus-Christ vrai Dieu et vrai Homme !
Béni soit le Nom de Jésus !
Béni soit son Sacré Cœur !
Béni soit son Très Précieux Sang !
Béni soit Jésus au Très Saint Sacrement de l’Autel !
Béni soit le Saint Esprit Consolateur !
Béni soit l’Auguste Mère de Dieu, la Très Vierge Marie !
Béni soit sa Sainte et Immaculée Conception !
Béni soit sa Glorieuse Assomption !
Béni soit le Nom de Marie, Vierge et Mère !
Béni soit saint Joseph, son Très Chaste Époux !
Béni soit Dieu dans ses anges et dans ses saints ! »
« Bon Pasteur, Pain véritable,
Jésus, aie pitié de nous.