1.jpg

Copyright © 2016 Benjamin Faucon

Copyright © 2016 Éditions AdA Inc.

Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

Éditeur : François Doucet

Révision linguistique : Féminin pluriel

Correction d’épreuves : Nancy Coulombe, Émilie Leroux

Conception de la couverture : Mathieu C. Dandurand

Photo de la couverture : © Thinkstock

Mise en pages : Sébastien Michaud

ISBN papier 978-2-89767-467-0

ISBN PDF numérique 978-2-89767-468-7

ISBN ePub 978-2-89767-469-4

Première impression : 2016

Dépôt légal : 2016

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Bibliothèque et Archives Canada

Éditions AdA Inc.

1385, boul. Lionel-Boulet

Varennes (Québec) J3X 1P7, Canada

Téléphone : 450 929-0296

Télécopieur : 450 929-0220

www.ada-inc.com

info@ada-inc.com

Diffusion

Canada : Éditions AdA Inc.

France : D.G. Diffusion

Z.I. des Bogues

31750 Escalquens France

Téléphone : 05.61.00.09.99

Suisse : Transat 23.42.77.40

Belgique : D.G. Diffusion 05.61.00.09.99

Imprimé au Canada

Participation de la SODEC.

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

Gouvernement du Québec Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres Gestion SODEC.

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Faucon, Benjamin, 1983-

Vampires et créatures de l’autre monde

Sommaire : tome 1. Le cavalier sans tête -- tome 2. L’abies pinacea.

Pour les jeunes de 10 ans et plus.

ISBN 978-2-89767-464-9 (vol. 1)

ISBN 978-2-89767-467-0 (vol. 2)

I. Faucon, Benjamin, 1983- . Cavalier sans tête. II. Faucon, Benjamin, 1983- . Abies pinacea. III. Titre.

PS8611.A84V35 2016 jC843’.6 C2016-941629-1

PS9611.A84V35 2016

Conversion au format ePub par:
Lab Urbain
www.laburbain.com

« Prétextant tantôt une couleur de teinte différente, tantôt une physionomie changeante ou une langue incomprise, des croyances et des champs d’intérêt opposés, l’homme n’a eu de cesse de se chercher des distinctions. Quand viendra-t-il le temps où nous commencerons à laisser toutes ces insipidités de côté pour nous concentrer sur la seule chose viable pour l’être humain et notre monde, à savoir la paix ? »

— Benjamin Faucon

VSLGCAM_tome_2A.jpg

1

Une promenade mouvementée

Shardul jeta un regard inquiet par-dessus son épaule, une goutte de sueur glissant sur les poils de sa tête. Il scrutait les alentours avec crainte, demeurant à l’affût du moindre bruit. Ses oreilles se livraient à un singulier ballet, gesticulant au moindre son.

Étant seul, il pouvait l’avouer : il avait peur !

C’était d’ailleurs même plus que cela, il était terrorisé !

Depuis son entrée dans cette forêt, il demeurait persuadé d’être suivi, pourtant, pas l’ombre d’un monstre ne pointait le bout de sa gueule dans les parages.

Luttant contre ses craintes, il s’était engouffré sur ce chemin, ayant effectué la moitié de la traversée avant de se faire happer par la terreur. Elle le suivait maintenant à la trace, emboîtant chacun de ses pas, lui chuchotant dans le creux des oreilles d’horribles contes sanglants.

Il secoua la tête. Devenait-il fou ?

Malgré l’absence d’empreintes et de bruits, il était persuadé que quelqu’un l’observait.

Shardul déglutit. De part et d’autre de la route, les arbres formaient une sombre barrière impénétrable à l’œil.

Un vent glacial le fit frissonner, à moins que ce soit la peur, à ce stade-ci, il n’était sûr de rien.

Il lança un dernier regard inquiet derrière lui, mais ne voyant nul autre que son ombre projetée par la lune, Shardul dut se rendre à l’évidence : il se trouvait bel et bien seul.

Inspirant un grand coup pour s’insuffler une bonne dose de courage, il se remit en marche.

À peine eut-il fait deux pas qu’un craquement sourd retentit derrière lui.

Il se retourna aussitôt, tenant fébrilement son sabre.

— Qui… qui va là ?

Sa question résonna en de lointains échos, mais aucune réponse ne parvint à ses oreilles.

Un lourd silence s’ensuivit.

Shardul demeurait immobile au milieu de la route, tremblant de tout son être.

Venir en cet endroit ne figurait pas parmi ses idées les plus brillantes, et il commençait à s’en mordre les griffes.

Il leva sa botte et s’apprêta à avancer lorsqu’un second craquement retentit.

Il tremblait tellement qu’il lui était impossible de garder son sabre en main. Il tenta maladroitement de l’accrocher à sa ceinture et observa la barrière végétale.

— Qui… qui… Il y a quelqu’un ? s’enquit-il en un miaulement plaintif.

Un rire satanique lui servit de réponse. Apparaissant d’entre les arbres comme si ceux-ci se déplaçaient pour lui ouvrir le chemin tels des rideaux, le cavalier sans tête émergea de la forêt.

— Jack ? Mais, que… que me voulez-vous ?

La citrouille de Jack-O’-Lantern s’illumina aussitôt. Celui-ci continuait à rire en le regardant du haut de sa monture.

— Ta langue de chat, voilà ce je suis venu chercher ! dit-il en ricanant tout en le désignant de sa hache.

— Mais… mais…

Le cavalier ne lui laissa pas le temps de s’opposer et intima l’ordre à sa monture de prendre le chat en chasse.

Détalant aussi vite qu’il le put, Shardul multiplia les grandes enjambées dans l’espoir d’échapper au cavalier fou.

Haranguant sa monture et poussant son rire sinistre, Jack le talonnait, agitant sa hache dans les airs, bien décidé à rattraper le fuyard.

Ils émergèrent tous deux de la forêt à vive allure, pour­suivant leur course-poursuite sur la route qui serpentait dans la vallée. Porté par les ailes de la peur, Shardul profita de la descente pour détaler, parvenant à prendre un peu d’avance sur son poursuivant.

Shardul gardait ses yeux fixés sur le sommet du vallon, sentant son cœur battre à s’en rompre la cage thoracique.

Soudain, sa botte heurta une roche et il roula sur le sol. Derrière lui, le cavalier tira sur les rênes et, avant même que son cheval s’immobilise, sauta à terre, marchant d’un pas décidé en direction du chat.

L’ombre du cavalier glissa sur Shardul, sa silhouette menaçante se dressant au-dessus de lui.

Aussi vif que l’éclair, Jack-O’-Lantern saisit le chat par la peau du cou et le hissa dans les airs, à la hauteur de sa citrouille.

Son souffle glacial glissa sur les poils du chat, les yeux de Shardul se gorgeant d’eau.

Tous deux se regardèrent, le cavalier sans tête contemplant sa proie avec une fierté certaine tandis que le chat implorait sa pitié.

— Perdu ! s’écria subitement Jack.

Tous deux éclatèrent aussitôt de rire.

— Vous jouez encore à ce jeu idiot ? demanda une voix émanant derrière eux.

Cessant de rire, ils tournèrent la tête en direction de leur interlocutrice, cette dernière venant d’apparaître au sommet du vallon. Une première silhouette se dessina, puis deux autres apparurent à ses côtés.

Candice se tenait avec Camillia et Jean-Loup, les observant d’un air détaché. Elle secoua la tête, puis disparut de l’autre côté du versant en compagnie de ses amis.

Jack-O’-Lantern et Shardul se regardèrent, puis éclatèrent de rire. Rien ni personne ne pourrait entacher leur bonne humeur et les empêcher de se livrer à une partie de « course l’humain », pas même les reproches de la jeune vampire qui, en cette veille de l’Halloween, devenait des plus insupportables !

2

L’impatience de Candice

Tout en riant, Jack-O’-Lantern et Shardul rejoignirent leurs trois amis.

Assis au beau milieu d’un champ de citrouilles, Camillia, Candice et Jean-Loup discutaient en appréciant pleinement la fraîcheur de cette nuit éternelle.

Au firmament, la lune trônait parmi une multitude d’étoiles étincelantes. Pas un seul nuage ne venait gâcher ce superbe panorama astronomique auquel assistaient les adolescents.

Émergeant de leur douce insouciance, ils détournèrent leurs regards de la voûte scintillante pour accueillir leurs deux compagnons.

— Alors, vous êtes prêts pour aller fêter parmi les humains demain ? s’enquit le cavalier sans tête en frappant des mains.

Les pupilles de Candice s’illuminèrent aussitôt, la perspective de pouvoir enfin revoir sa famille la libérait d’un poids certain.

Dans une journée, précisément, elle comptait se rendre dans son ancienne maison et dévoiler la vérité sur sa condition. Depuis le temps où sa lettre avait été postée, ses parents devaient l’avoir reçu à coup sûr et avaient dû se préparer à la revoir revenir chez eux, porteuse d’un lourd secret. Elle demeurait persuadée du succès de son opération, mais la suite des choses revêtait un certain flou.

Depuis le jour où elle avait emprunté le passage pour poster sa lettre, pas une seule seconde ne s’était écoulée sans qu’elle ne repense à la possible réaction de sa famille en découvrant cette correspondance qui leur était adressée.

Elle se sentait prête à dévoiler la vérité, à tout le moins une partie, puisque les règles de son nouveau monde l’empêchaient de dévoiler l’existence de la bourgade et des autres monstres.

Autour d’elle, ses amis ne cachaient pas leur joie à l’idée de célébrer l’Halloween, ce jour de fête que tout le monde attendait avec impatience.

— Moi, j’ai hâte à ce fameux défilé. Le boucher m’a dit ce matin qu’il avait entrevu la Catrina1 et que celle-ci était sublime ! s’enflamma Jean-Loup en laissant libre cours à son imagination.

En cet instant, autant Jack-O’-Lantern que Shardul se réjouissaient à l’idée de pouvoir participer au défilé. Profitant chaque année de cette fête costumée, le cavalier sans tête s’offrait une virée dans la bourgade, vivant l’espace d’une journée parmi le monde.

— En quoi te déguiseras-tu ?

La question de Camillia demeura sans réponse, Candice se perdant en d’interminables rêveries.

Plongée dans ses réflexions, l’adolescente n’entendit pas le cavalier sans tête s’approcher d’elle et sursauta lorsqu’il posa sa main sur son épaule.

— Hein ?

— Je crois que notre chère Candice n’attendra pas la fin de la journée pour se rendre de l’autre côté du passage, ricana Jack.

Gênée, la vampire se contenta de regarder la pointe de ses bottines. Son ami disait vrai : elle comptait s’éclipser dès les premières heures du jour, ou plutôt de la nuit. Elle ne voulait pas perdre une seule seconde de l’ouverture du passage, espérant profiter de ce bref moment de réunion familiale dans son intégralité.

Elle éprouvait le besoin de s’expliquer auprès de ses parents, leur montrer sa vraie nature et, par-dessus tout, leur dire de vive voix que sa fuite ne puisait pas sa source dans une quelconque haine, mais bien par la nécessité de vivre cachée de ses contemporains.

Prenant une pause dans ses réflexions, Candice prit le temps de regarder les étoiles, admirant toute la beauté et le calme qui résultait de ce paysage nocturne.

En montrant à ses parents ces deux dents qui l’avaient métamorphosée, elle espérait du fond du cœur qu’ils puissent comprendre son besoin d’évoluer ailleurs. Allaient-ils la juger ? Que diraient-ils ? Son retour se placerait-il sous une pluie de reproches ?

Elle poussa un soupir, devant se rendre à l’évidence qu’une fois de plus, elle devrait patienter avant de connaître le dénouement de cette tragédie.

— Allez, ne fait pas cette tête, s’esclaffa Jack-O’-Lantern, il n’y a aucune raison d’être triste, car demain nous fêterons les morts ! s’écria-t-il d’une voix portant loin, résonnant en de sinistres échos tels de sombres présages.


1. La Catrina est un personnage du folklore mexicain, et plus particulièrement de la fête des morts (Día de los Muertos). Il s’agit d’une tradition festive au cours de laquelle les gens se costument, chantent, et vont même manger sur les tombes dans les cimetières, le tout dans le but de célébrer ceux qui ont trépassé.

3

Un sombre marchandage

Les yeux fixant le plafond, Candice sentait son cœur battre la chamade à chaque sonnerie. L’horloge entamait cette longue et lugubre sérénade qui annonçait les 12 coups de minuit, chaque cloche résonnant entre les murs de l’auberge.

« Dix… compta-t-elle dans sa tête. Onze… Douze ! »

Elle se leva à l’unisson du dernier tintement.

Sans bruit, elle enfila quelques vêtements, glissa ses pieds dans ses bottines et se faufila hors de sa chambre, laissant derrière elle sa meilleure amie.

Candice s’avança dans le couloir en marchant sur la pointe des pieds, espérant éviter ce fichu squelette qui travaillait à l’auberge. Cet employé de malheur prenait un malin plaisir à mettre son nez dans toutes les affaires qui ne le regardait pas, et plus particulièrement dans celles concernant Candice.

Glissant sa tête au-delà de l’escalier, elle guetta le moindre mouvement, puis traversa la grande salle.

L’employé tant détesté dormait allongé dans un fauteuil, son crâne penché par-dessus l’appui-tête, ronflant à s’en faire vibrer tous ses os.

Regardant son tortionnaire avec un brin de malice, Candice ne put s’empêcher de lui jouer un tour. Elle s’avança sur la pointe des pieds jusqu’à la commode voisine et sortit une rose d’un vase. Attrapant au passage un sombrero accroché au mur, elle rejoignit le squelette et posa délicatement la fleur entre ses mâchoires, puis en s’évertuant à ne pas le réveiller coiffa le sommet de son crâne du chapeau mexicain.

Hésitant quelque peu à pousser le vice à son paroxysme, Candice s’assura qu’il demeurait profondément endormi. Après lui avoir chatouillé les cavités nasales sans grande réaction de sa part, elle sortit de sa petite besace plusieurs crayons à maquiller. Dessinant les contours de ses mandibules de points de suture et les orbites de ses yeux de pétales de fleurs, elle prit un malin plaisir à achever la transformation du squelette.

En le regardant accoutré de cette façon, elle ne put s’empêcher d’étouffer un rire.

— Pas besoin d’attendre le défilé pour rencontrer la fameuse Catrina ! ricana-t-elle. Dommage que je ne sois pas là au matin pour voir sa réaction et celle des élèves, conclut-elle en quittant l’auberge.

Se faufilant au-dehors de la bourgade en longeant les murs, Candice prit la direction de la station de calèches.

Les premiers hennissements de chevaux arrivèrent rapidement à ses oreilles alors qu’elle approchait de l’ère d’attente. Cela la rassurait d’un certain côté de savoir qu’une calèche s’y trouvait déjà, mais cela ne lui garantissait aucunement de pouvoir monter dedans. D’ailleurs, le plus dur restait à faire !

Elle ajusta sa robe, effaçant les faux plis causés par l’entreposage hasardeux de ses vêtements et se recoiffa dans l’espoir de faire lever tout doute dans l’esprit des cochers.

L’atroce caractère légendaire des employés du service de transport était bien connu dans la région et les mauvais garnements ne figuraient pas parmi les bienvenus dans la station. Toutes les histoires racontées par ses amis corroboraient ce fait, et Candice s’avançait aux devants de sa rencontre avec une certaine crainte.

Marchant en fredonnant un air enfantin, Candice s’efforçait de bien paraître, affichant un sourire forcé tout en se dirigeant droit vers les calèches.

— Qui va là ? demanda une voix grave.

Un étrange personnage trapu portant un chapeau melon élimé, avec un cigare enfoncé dans la bouche, émergea d’une diligence.

— Qu’est-c’que tu fais là ? reprit-il d’un air mauvais. Tu n’devrais pas venir à cette heure de la nuit ! hurla-t-il en la fixant de ses petits yeux noirs.

Il grogna en dévoilant des crocs jaillissant de sa mâchoire inférieure d’une manière fort disgracieuse.

— Mais ce n’est pas la nuit ! rétorqua-t-elle en prenant un air ingénu.

Sa réplique figea le cocher dans son mouvement. Il demeura immobile, une moue bêta le défigurant.

Elle profita de cette pause pour le dévisager, se demandant de quel animal il s’agissait.

— N’me regarde pas comm’ça, hurla-t-il après s’être rendu compte qu’elle l’observait sous toutes ses coutures. Qu’est-c’que tu m’veux ? lui cria-t-il après en s’approchant d’un pas rapide.

— Euh, mais je…

Il s’immobilisa à quelques mètres de Candice, la scrutant de son air mauvais.

— C’est la pr’mière fois d’ta vie que tu vois un ratel ?

— Oui, acquiesça timidement Candice en reculant alors qu’il réduisait la distance les séparant.

Il la pointa de ses longues griffes. Les poils noirs de ses bras se hérissèrent tandis que la bande blanche qui ornait le dessus de sa tête sortait de son chapeau en deux séries de pics hirsutes.

— D’où j’viens, personne s’frotte à nous ! Pas même les lions ! M’crois-tu ?

— Oui… oui…

Candice espérait de tout cœur que cette conversation touchait à sa fin. En ayant rencontré un ratel d’aussi près, elle comprenait vraiment pourquoi ces cochers conduisaient comme un pied, ou plutôt comme des fous furieux.

— Eh bien, il se faire tard…

— Ha ben, ça alors, l’interrompit-il, j’tais persuadé qu’ma journée commençait ! Bon… eh ben, ma séance d’travail est terminée ! Bonne soirée, déclara-t-il en lui tournant le dos.

Elle retint un soupir de soulagement en constatant que ce forcené s’éloignait. Un sourire se dessina sur son visage, s’effaçant aussitôt. Comment allait-elle faire sans cocher pour atteindre le passage ?

— Non, mais attendez…

Furieux, il se retourna, la mâchoire crispée.

— T’as p’t’être pas entendu ! rétorqua-t-il en la fusillant du regard. Ma journée est terminée, revient d’main !

Candice chercha les bons mots, espérant pouvoir le retenir, mais la seule perspective de devoir lui tenir tête davantage la refroidissait quelque peu.

— Je veux me rendre au passage ! s’écria-t-elle derechef.

— C’t’interdit, t’sors d’où toi ? !

Voyant s’ouvrir une porte, Candice ricana, accentuant la colère qui bouillonnait chez son interlocuteur.

— Eh bien, moi qui croyais que vous, les ratels, vous n’aviez peur de rien ! s’exclama-t-elle en riant. Pfff ! Il est bien loin le temps où vous chassiez les lions !

En deux enjambées, le cocher se retrouva truffe à nez avec elle, ses griffes avant lui caressant la joue de façon menaçante.

— Écout’moi ben ma belle, y’a rien d’plus dangereux qu’un ratel. Moi, les cobras, j’croque à pleines dents dedans, y’a pas d’poison qui m’résistent ! Alors, si j’te dis que j’vais t’amener au passage, t’embarque et tu t’tais !

Elle se contenta de hocher timidement la tête, camouflant son sentiment de victoire alors qu’il la guidait jusqu’à la diligence.

Ces ratels figuraient parmi les bêtes les plus folles qu’elle eut croisées jusque-là, mais à l’instar du cavalier sans tête, sa rencontre avec ce monstre se soldait par une belle réussite.

Cinq minutes plus tard, Candice débarquait du véhicule hippomobile, ce dernier disparaissant aussitôt dans une série de cris et de claquements de fouets.

À présent, le passage se trouvait devant elle.

Elle l’effleura de ses doigts, se sentant véritablement émue à l’idée de pouvoir retrouver son ancien monde pendant l’espace d’une journée.

Et si tout avait changé au point qu’elle ne se sentirait plus chez elle ? Ou bien, peut-être, était-elle tellement différente que ce monde lui serait maintenant étranger ?

Ces perspectives la laissèrent de marbre durant une longue minute.

Inspirant un grand coup, Candice se décida à franchir le pas, à s’engouffrer dans le passage et à laisser derrière elle toutes ses craintes.

En agissant ainsi, elle s’imaginait faciliter son retour, mais ce qu’elle trouverait de l’autre côté du passage allait dépasser la somme de toutes ses peurs !