L’homoparentalité
L’homoparentalité
Des familles sous le signe
de la diversité
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Côté, Isabelle, 1951-
L’homoparentalité: des familles sous le signe de la diversité
(La collection du CHU Sainte-Justine pour les parents)
Comprend des références bibliographiques.
ISBN 978-2-89619-819-1 (couverture souple)
1. Parents homosexuels. I. Côté, Isabelle, 1951- . II. Titre. III. Collection: Collection du CHU Sainte-Justine pour les parents.
HQ75.27.G842017 306.874086’64C2017-940148-3
Illustration de la couverture: Geneviève Côté
Photo d’Isabelle Côté: Magenta Studio
Photo de Claudette Guilmaine: René Marquis
Conception graphique: Nicole Tétreault
Diffusion-Distribution au Québec: Prologue inc.
en France, en Belgique et au Luxembourg:
CEDIF (diffusion) –
Daudin (distribution)
en Suisse: Servidis S.A.
Éditions du CHU Sainte-Justine
3175, chemin de la Côte-Sainte-Catherine
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© Éditions du CHU Sainte-Justine 2017
Tous droits réservés
ISBN 978-2-89619-819-1 (imprimé)
ISBN 978-2-89619-820-7 (pdf)
ISBN 978-2-89619-821-4 (ePub)
Dépôt légal: Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2017
Bibliothèque et Archives Canada, 2017
Note: Le masculin de certains termes comme «ami» a été employé ici pour alléger le texte. Malgré ce choix, l’éditeur se joint aux auteurs pour reconnaître que ces termes peuvent référer à des garçons, des hommes, des filles ou des femmes, selon le contexte.
Membre de l’Association nationale des éditeurs de livres
À Raynald, doux compagnon de vie
au soutien indéfectible.
À mes grands, Maude, David, Ariane et
Guillaume pour leur ouverture
À mes petits-enfants, Isaac, Arthur, Édouard,
Philippe et Antoine qui apprivoisent le
mieux-vivre ensemble et sa richesse.
Isabelle
À Aimé, pour son héritage d’amour.
À Bernard, qui garde cet héritage bien vivant en moi.
À Mathieu, Ève-Marie et leur conjoint, qui l’enrichissent
et le transmettent à mes petits-enfants!
Claudette
Remerciements
Un premier merci à la maison d’édition CHU Sainte-Justine, qui nous a accordé sa confiance pour conceptualiser et écrire ce livre en réponse aux demandes de ses lecteurs. C’est toujours un honneur et un plaisir de collaborer avec ses professionnels. Notre gratitude va à cette l’équipe dynamique, mais spécialement à Marie-Ève Lefebvre, éditrice, pour son soutien empreint de délicatesse et ses précieux conseils et ajouts, à toutes les étapes du processus.
Sans la solide recension des écrits à la fine pointe des découvertes et des recherches sur l’homoparentalité réalisée par Cécily Trudeau, titulaire d’une maîtrise en service social de l’Université Laval et professionnelle de recherche, nous n’aurions pas pu couvrir avec autant d’aisance ce sujet si complexe et en constante évolution. Reçois toute notre reconnaissance, Cécily!
Les questionnaires utilisés pour recueillir les propos de nos participants ont été créés grâce au savoir-faire et au soutien technique de Anik Gosselin et nous lui disons un gros merci.
L’appui qu’a manifesté notre ordre professionnel, l’OTSTCFQ, en nous accordant la Bourse d’aide à la publication en octobre 2015, a facilité la réalisation de notre projet. De plus, ce prix vient mettre en exergue les valeurs-phares de notre profession, dont la contribution à une société plus juste, plus inclusive et plus humaine. Merci à l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec!
L’expertise de nos personnes-ressources, Johanne Lemieux, travailleuse sociale chevronnée et psychothérapeute, et de deux chercheurs engagés et inspirants, Isabel Côté et Kévin Lavoie, a été d’un apport indéniable. Le partage de leurs connaissances et la confiance quant à la pertinence de notre projet d’écriture se sont avérés des éléments très motivants. À nouveau merci pour votre précieuse collaboration.
Plusieurs de nos collègues ont souligné notre chance d’avoir pu compter sur autant de participants de qualité offrant un éventail aussi riche et varié d’expériences. Nous sommes tout à fait d’accord avec le fait que ce fut un privilège! Que chacun et chacune de nos 53 participants, des plus jeunes aux aînés, se sentent personnellement remerciés du fond du cœur. Ce livre est là grâce à vous!
Nous remercions également nos conjoints et nos proches, qui ont été les témoins des aléas de cette aventure et des partisans aussi précieux qu’indispensables!
Table des matières
INTRODUCTION
L’évolution de la famille sous le signe de la diversité des modèles
L’homosexualité et l’homoparentalité, des réalités qui s’entrecroisent
Un aperçu du contenu de ce volume
Ce livre est pour vous
Notre album de familles
Des familles homoparentales aux profils variés
Quelques adultes ayant grandi dans une famille homoparentale
Des couples unis dans leur projet parental
Des relations amoureuses sans projet parental
CHAPITRE 1
La compréhension de la famille homoparentale
La diversité des types de familles homoparentales
CHAPITRE 2
Les différents parcours et étapes précédant l’homoparentalité
Des définitions éclairantes
La découverte pour soi
La progression de l’intégration
Le dévoilement complet ou partiel aux proches et aux autres
CHAPITRE 3
Le regard extérieur sur la réalité homoparentale
Les préjugés: pourquoi existent-ils?
L’hétérosexisme et l’hétéronormativité
L’hétérosexisme et les préjugés défavorables
Quels sont ces préjugés défavorables et comment s’incarnent-ils au quotidien?
Les préjugés favorables: un antidote à l’hétérosexisme
L’ouverture de la famille: de l’inquiétude à la joie partagée
Le regard bienveillant des amis peut faire la différence
L’ouverture progressive des ressources aux familles homoparentales
Des environnements de plus en plus favorables
CHAPITRE 4
Le point de vue des enfants qui grandissent dans une famille homoparentale
La composition de leur famille et leur histoire familiale
Les réactions des enfants face à la composition de leur famille
Le niveau de bien-être des enfants et l’aisance à présenter leur famille
Les réactions de l’environnement
Les stratégies développées par les enfants pour réagir aux propos blessants
La projection dans l’avenir
Des messages aux enfants qui évoluent ou évolueront dans une famille homoparentale
La recherche scientifique québécoise et l’intérêt pour les familles homoparentales
CHAPITRE 5
Le point de vue de jeunes adultes ayant grandi dans une famille homoparentale
L’annonce de l’homosexualité parentale
Les réactions face à la réalité croisée de la rupture conjugale et de l’homosexualité parentale
Les réactions au sein de la fratrie
Présenter sa famille homoparentale
Les préjugés homophobes
L’aide des réseaux familial et social
L’évolution des liens en famille homoparentale monoparentale ou recomposée
L’influence de la rupture parentale sur la famille homoparentale
Les aspects positifs d’avoir grandi dans une famille homoparentale
Une contribution au mieux-être dans les familles homoparentales
CHAPITRE 6
Du projet conjugal au projet parental (ou vice versa)
Le non-désir d’enfant ou de parentalité
L’enfant déjà présent
Le désir d’enfant et l’attente récompensée
Les technologies de reproduction
Les options de parentalité pour les hommes gais
Les options de parentalité pour les femmes lesbiennes
Quelques considérations et recommandations préventives
L’histoire de la conception, de la naissance ou de l’arrivée de l’enfant
CHAPITRE 7
Des liens qui se créent, se redéfinissent, se prolongent ou se brisent
Les liens de sang, de filiation et de cœur
La nature de l’attachement: une question de statut parental?
La rupture conjugale et l’engagement parental à long terme: un long fleuve tranquille?
L’éventail des possibilités grands-parentales
CHAPITRE 8
Les rôles parentaux, les préoccupations et le soutien
Un partage des tâches et des rôles sous le signe de la fluidité
Les différentes formes de soutien dans le quotidien des familles
Les peurs, les inquiétudes et les autres soucis parentaux
CHAPITRE 9
Lorsque passé et futur se conjuguent
Dans le rétroviseur: un bilan de société
À chacun son podium: des bilans personnels qui sont sources de fierté
Et comment se dessine l’avenir?
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
RESSOURCES
Introduction
«Oser, c’est se perdre momentanément. Ne pas oser, c’est se perdre définitivement.»
Kierkegaard
Homoparentalité? Faites l’expérience de demander à des personnes jeunes et moins jeunes de votre entourage si elles connaissent ce mot et ce qu’il signifie. On vous répondra sans doute souvent: «Pas vraiment. Qu’est-ce que ça veut dire au juste?» Ces réactions sont normales si l’on considère que ce néologisme, créé en France en 1997 par l’Association des parents et futurs parents gais et lesbiens, n’a fait son apparition qu’en 2001 dans le dictionnaire1. Le Robert illustré définit en effet l’homoparentalité comme «une famille qui comporte au moins une personne homosexuelle2». Cette définition plutôt large permet d’induire qu’il existe d’autres modèles de familles homoparentales, comme les familles biparentales et recomposées, pour ne nommer que celles-ci.
Cette terminologie relativement récente dépasse le simple changement de vocabulaire et démontre une ouverture quant à la diversité des modèles familiaux, tant au Québec qu’un peu partout dans le monde. En effet, on ne peut que constater à quel point le paysage familial a évolué depuis les années 1970. Avec la légalisation du divorce, les familles monoparentales, les familles recomposées et les unions libres se sont multipliées. Au Québec, 63% des familles avec enfants sont des familles biparentales intactes, 26% des familles monoparentales et 11% des familles recomposées3. Mais qu’en est-il des couples de même sexe et des familles homoparentales? Précisons d’abord que c’est en 2001 que le recensement canadien a identifié pour la première fois les couples de même sexe. Les statistiques les plus récentes datent quant à elles de 2011. C’est à partir de ces données que le ministère de la Famille du Québec a pu dresser un portrait de la réalité des couples homosexuels et des familles homoparentales dans la province.
Il en ressort qu’au Québec, moins de 2% des couples sans enfant sont formés de partenaires de même sexe (10 000 couples masculins et 6 500 couples féminins). Les données du recensement indiquent par ailleurs que l’homoparentalité concerne un nombre encore très limité de familles, soit un peu moins de 1 300, et que 7 familles homoparentales sur 10 sont le fait de couples féminins, alors qu’ils représentent moins de 50% du total des couples québécois recensés, gais et lesbiens, avec ou sans enfants4. Quant aux familles recomposées homoparentales, «elles représentent près de la moitié des couples de même sexe (49,7%) avec enfant au Canada. La majorité d’entre elles sont composées de mères et de belles-mères lesbiennes, tandis que les enfants sont issus principalement d’unions hétérosexuelle (sic) antérieure (sic)5».
Le ministère de la Famille du Québec fait remarquer avec justesse que le dénombrement des couples de même sexe pose divers problèmes méthodologiques. Par exemple, le recensement, «ne dénombre pas comme couples de même sexe les conjoints qui n’habitent pas le même domicile, ni comme familles homoparentales celles composées d’un parent seul, ou celles dont les enfants n’habitent pas la même résidence6». Les mêmes limites s’appliquent aux couples et familles hétérosexuels, mais les effets sont moindres en raison de leur grand nombre. À ces limites méthodologiques vient s’ajouter un certain tabou social qui perdure et qui peut dissuader certaines personnes de dévoiler leur orientation sexuelle, entraînant du même coup une sous-estimation de la réalité homoparentale.
Cette complexité démographique n’est pas propre au Canada et au Québec. En France, la catégorie «famille homoparentale» n’existe pas encore pour l’Institut national d’études démographiques. Des évaluations faites avec des méthodes approximatives (sondages, extrapolations) ont cependant permis d’estimer à des dizaines, voire des centaines de milliers le nombre d’enfants mineurs vivant dans des foyers homoparentaux7. Aux États-Unis, le recensement des couples de même sexe existe depuis le début des années 2000. Le recensement de 2005 estimait à environ 250 000 le nombre de mineurs élevés par un parent homosexuel ou un couple de même sexe8.
Les familles homoparentales sont donc présentes dans l’éventail des typologies familiales, mais il reste difficile d’évaluer leur nombre.
En fait, la reconnaissance des différentes facettes des familles homoparentales transcende les statistiques. Elle s’inscrit dans le courant plus large de l’acceptabilité sociale de l’homosexualité dans les différentes régions du monde. Cette acceptabilité est notamment due à la détermination et aux efforts déployés depuis de nombreuses années par divers groupes de militants LGBT (lesbien, gai, bisexuel, trans) pour mettre un terme à la discrimination à l’endroit des minorités sexuelles et des familles homoparentales. Au Québec, mentionnons la contribution de la Coalition des familles LGBT, du GRIS (Groupe de recherche et d’intervention sociale), d’Émergence, de Gai écoute et de l’Alliance Arc-en-ciel de Québec. En France, l’Association des familles homoparentales joue également un rôle très actif pour faire valoir les droits des personnes homosexuelles ou transgenres et des familles homoparentales.
On ne peut passer sous silence quelques jalons juridiques et politiques qui ont eu des impacts significatifs sur la reconnaissance des droits des minorités sexuelles, dont la décriminalisation des relations sexuelles entre personnes de même sexe de 18 ans et plus en 1969 au Canada et la dépénalisation de l’homosexualité en 1982 en France. Le gouvernement du Québec s’est quant à lui doté, en 2009, d’une politique de lutte contre l’homophobie afin de mener la société québécoise vers la pleine et entière reconnaissance des minorités sexuelles9.
Mentionnons, malgré les controverses passées et encore présentes, la légalisation des unions civiles pour les personnes de même sexe au Québec (2002), au Canada (2005), aux Pays-Bas (2001), en France (2013) et, finalement, aux États-Unis (2015), pour ne nommer que quelques pays. De plus, au Québec, l’adoption pour les couples de même sexe est autorisée depuis 2002 et les lesbiennes ont également accès au programme de procréation assistée, qu’elles soient célibataires ou en couple. Les acquis des personnes homosexuelles et des familles homoparentales ainsi que les obstacles qu’elles rencontrent, comme l’absence d’une loi encadrant la gestation pour autrui pour les hommes gais, seront abordés tout au long de cet ouvrage.
Il serait utopique de penser que l’homophobie (le rejet et la discrimination envers les minorités sexuelles) et l’hétérosexisme (la supériorité de l’hétérosexualité comme norme sociale par rapport aux autres orientations sexuelles) n’existent plus au Québec et ailleurs dans le monde. Certes, il y a des progrès importants, mais les gestes et les propos méprisants, voire haineux, sont encore trop courants. De grandes puissances comme la Chine considèrent encore l’homosexualité comme un acte criminel. En Russie, les rassemblements homosexuels sont systématiquement interdits. On légitime ainsi l’incarcération, les châtiments corporels et même la mise à mort des personnes homosexuelles. Soyons réalistes: qui oserait s’afficher comme famille homoparentale dans des pays où la différence est un crime?
L’homoparentalité nous amène à redéfinir des idées et des termes jusqu’alors réservés au modèle traditionnel de la famille nucléaire (un papa, une maman et un ou des enfants) et à ceux des familles monoparentales et recomposées hétérosexuelles. Pour réaliser cet ouvrage sur les familles homoparentales10, nous avons puisé dans nos expériences cliniques comme travailleuses sociales et nous avons consulté les recherches scientifiques les plus pertinentes. Nous avons cependant rapidement pris conscience qu’il manquait un élément essentiel: le point de vue de ceux et celles qui vivent ou ont vécu dans une famille homoparentale et celui des couples de même sexe qui envisagent de fonder une famille homoparentale. Nous avons aussi voulu connaître les impressions des couples de même sexe qui n’avaient pas de désir d’enfant ou de parentalité.
Cinquante-trois personnes issues de différentes régions du Québec, dont 10 enfants11 et adolescents, ont généreusement accepté de partager leurs expériences variées. Nous vous les présentons dans notre «album de familles12», à la page 21. Les différents chapitres ont donc été enrichis d’extraits de témoignages.
Le chapitre 1 s’attarde à la compréhension de la famille homoparentale dans toute sa diversité. Le chapitre 2 présente quant à lui les différents parcours et étapes qui précèdent l’homoparentalité, soit la découverte de l’homosexualité, l’intégration de l’orientation sexuelle et, finalement, le dévoilement partiel ou complet aux proches et aux autres.
Le chapitre 3 s’intéresse aux préjugés favorables et défavorables envers la réalité homoparentale. Deux concepts clés, l’hétéronormativité et l’hétérosexisme, aident à comprendre ce qui contribue à entretenir les préjugés subis et rapportés par les participants adultes. Des résultats de recherches sont présentés dans des encadrés et déconstruisent ces préjugés qui nuisent au bien-être des familles homoparentales. Ce chapitre traite aussi de la perception qu’ont les participants adultes du regard des autres sous l’angle des préjugés favorables.
Le chapitre 4 s’ouvre à l’univers des enfants de 5 à 12 ans qui grandissent dans des familles homoparentales. Ils nous parlent de leur histoire, des réactions de leurs amis et professeurs face à leur modèle familial et de la façon dont ils voient leur future famille. Nous abordons aussi quelques stratégies pour contrer les propos blessants liés aux préjugés.
Le chapitre 5 donne la parole aux adultes qui ont vécu, il y a 10, 20 ou 30 ans, la transition de la famille hétéroparentale à la famille homoparentale. Comment ont-ils appris l’homosexualité de leur parent? Quelles ont été leurs réactions face à la double réalité de la rupture conjugale et de l’homoparentalité parentale? Comment ont-ils évolué dans leur famille homoparentale et dans leur réseau social? Les différents témoignages permettent de cerner les enjeux et les défis que les enfants et adolescents ont dû affronter à cette époque pas si lointaine où, au Québec, homosexualité et parents de même sexe faisaient l’objet d’un réel tabou social. Le chapitre 6 s’intéresse à l’histoire des familles homoparentales qui ont participé à ce livre, de leur projet conjugal à leur projet parental. Il aborde ainsi, sous l’angle expérientiel, les différentes options envisageables (du non-désir d’enfant à la parentalité) et présente des données de recherche, entre autres à propos des technologies de reproduction. Il traite des interrogations en matière juridique de même que des préoccupations socio-affectives en lien avec la conception, la naissance et l’accès des enfants à leur histoire de vie. Des pistes de réponse sont en outre suggérées.
Le chapitre 7 examine les types de liens — de sang, de filiation ou de cœur — qui se créent tant au sein des familles homoparentales qu’avec le réseau familial élargi. La transformation des liens au gré du temps et des événements est également abordée, ainsi que les relations entre grands-parents ou homo-grands-parents et petits-enfants.
Le chapitre 8 présente quant à lui la vie quotidienne homoparentale. On y trouve les valeurs présentes au sein des couples qui, dans l’ensemble, favorisent un partage des rôles et des responsabilités familiales selon les intérêts et les particularités de chacun des conjoints.
Le chapitre traite également des formes d’aide disponibles ainsi que des peurs et des inquiétudes des parents, notamment la crainte que leurs enfants soient victimes d’homophobie en raison de leur choix de vie.
Finalement, le chapitre 9 sonne l’heure des bilans personnels. On y brosse également un portrait de l’évolution de la société québécoise face à l’homosexualité et à l’homoparentalité. Les progrès sont soulignés, de même que les difficultés rencontrées et les améliorations souhaitées. Une place importante est accordée aux victoires personnelles et familiales.
Ce livre est pour vous, parents et futurs homoparents. Comme tous les pères et toutes les mères, vous vous posez des questions et vous vivez des inquiétudes. Vous souhaitez répondre adéquatement aux besoins de votre enfant en lui offrant un milieu de vie épanouissant qui répondra aussi à vos besoins. Cet ouvrage met à profit l’expérience de ceux et celles qui vivent ou qui ont vécu l’homoparentalité.
Il s’adresse également à tous ceux qui s’intéressent au sujet ou qui sont touchés de près ou de loin par cette réalité. Il concerne aussi les intervenants qui sont appelés à accompagner des familles homoparentales ou à sensibiliser les jeunes et les moins jeunes à ce nouveau modèle familial.
Bonne lecture! Nous espérons que ce livre fera une différence positive dans votre vie!
Cinquante-trois personnes ont pris la parole pour contribuer à cet ouvrage sur l’homoparentalité. Et ce nombre ne tient pas compte de tous les membres de chacune des familles! Nos participants sont des gens de tous les âges, originaires de diverses régions du Québec et issus de divers métiers, professions ou domaines d’études. Ils ont des parcours très variés: certains enfants sont nés dans une famille hétéroparentale, d’autres dans une famille homoparentale; certains participants caressent le projet d’être parents, d’autres s’expriment sur leur non-désir d’enfant ou de parentalité; certains répondants ont souhaité conserver leurs prénoms, d’autres ont préféré utiliser un prénom fictif. Selon le thème abordé, nous indiquerons parfois leur âge ou le nom de leur conjoint ou conjointe pour mieux les situer.
Vous pouvez feuilleter à votre gré l’album de familles qui suit pour y repérer des gens qui semblent avoir un profil semblable au vôtre. L’album peut aussi servir à resituer un participant ou à vous rafraîchir la mémoire au besoin.
Lucie (66 ans) est autochtone. Elle a vécu de nombreuses années dans une réserve13. Elle s’est mariée à 18 ans avec un non-Autochtone parce qu’elle était enceinte, mais elle a quitté son mari, violent, huit ans plus tard. Lucie, qui travaille et vit dans un milieu non autochtone, a graduellement affirmé son orientation homosexuelle dans toutes les sphères de sa vie. Elle est en couple depuis 23 ans avec Louise, une Blanche de 53 ans. Elles ont choisi de ne plus habiter ensemble il y a six ans. Avec sa fille Macha, Lucie a fondé un organisme communautaire en milieu urbain pour aider les femmes autochtones. Elle a cinq petits-enfants (l’aîné a 26 ans) qui sont bien au fait de l’homosexualité de leur grand-mère et qui sont à l’aise avec cette réalité.
Réjean (60 ans) et Yvon (61 ans) témoignent du long chemin parcouru depuis leur divorce respectif avec la mère de leurs enfants, du temps passé auprès de ces derniers et de la création de liens très étroits au sein de leur famille recomposée atypique. Réjean et Yvon ont même poussé l’aventure plus loin en prenant un jeune en difficulté sous leurs ailes. Ils sont aujourd’hui grands-pères et entretiennent des contacts ouverts et chaleureux avec leurs petits-enfants. Ils sont très impliqués socialement, notamment dans leur métier de médecin, et croient à l’importance de parler ouvertement de l’homoparentalité afin de normaliser la situation et de soutenir parents et futurs parents homosexuels. Réjean est un homme engagé ayant eu une carrière politique fructueuse et il est à même de constater l’impact positif de la transparence.
Réjane (60 ans), qui demeure en région, raconte avoir évolué dans des environnements familial et social judéochrétiens et très hétérosexuels. Elle s’est convaincue qu’elle était hétéro et a enfoui toutes ses pulsions homosexuelles. Dans la vingtaine, elle a fait la connaissance d’un homme gentil et attentionné. De leur union sont nés deux beaux garçons, des jumeaux. Avoir des enfants avait toujours fait partie de ses projets de vie. À 30 ans, elle s’est éprise d’une femme, mais à l’époque, elle croyait encore qu’elle était «une hétéro amoureuse d’une femme». Avec le recul, elle attribue ce sentiment à une forme d’oppression intériorisée. Les jumeaux ont 8 ans quand elle se sépare. Les ex-conjoints continuent de partager une même préoccupation: le bien-être de leurs enfants. Après sa rupture, Réjane a eu trois relations homosexuelles significatives, dont celle qu’elle vit actuellement depuis 15 ans. Elle a toujours priorisé sa relation parentale par rapport à ses relations amoureuses et ne l’a jamais caché à ses conjointes, ce qui a parfois provoqué des tensions. Réjane est reconnaissante de l’ouverture de ses fils ainsi que de l’aisance de ses trois petites-filles (11 ans, 9 ans et 18 mois) face à sa réalité de grand-maman homoparentale.
Claude et Rémi ont tous les deux 58 ans. Ils sont conjoints de fait depuis huit ans. Claude a trois enfants qui sont maintenant dans la trentaine et Rémi est le père de deux adultes de 23 et 25 ans. Claude a l’impression qu’il y a eu deux phases dans sa vie sexuelle: «l’hétérosexualité, entre 15 et 40 ans, et ensuite l’homosexualité». Avec le recul, il croit que son désir d’avoir des enfants lui a fait mettre son homosexualité en veilleuse. Son entourage a accueilli avec respect le dévoilement de son orientation sexuelle. Son divorce a été consensuel et il a obtenu la garde complète de ses enfants. La situation a été fort différente pour Rémi. Sa conjointe et son environnement familial ont réagi négativement à la rupture et à l’annonce de son homosexualité. Il croit que les procédures de divorce ont été particulièrement pénibles et longues à cause de son orientation sexuelle. Il a dû «faire ses preuves» et démontrer ses capacités parentales à son ex-conjointe et aux juges de la Cour supérieure pour obtenir la garde partagée de ses garçons. Il a vécu une relation homoparentale pendant trois ans avant de partager la vie de Claude qui, tient-il à préciser, «a survécu à l’adolescence pas toujours reposante de mes deux jeunes». Claude est maintenant grand-papa de deux garçons de 3 et 7 ans.
Dominic (53 ans) et son conjoint (48 ans) sont français. Ils habitent au Québec depuis une dizaine d’années. Le couple vit maritalement depuis plus de 22 ans et les deux conjoints enseignent au niveau supérieur. Dominic a su dès l’âge de 11 ans qu’il était gai, même si son contexte familial n’était pas très ouvert à cette réalité. C’est vers l’âge de 18 ans qu’il a commencé à assumer réellement son orientation sexuelle. Dès leur rencontre, Dominic et son conjoint ont réalisé qu’ils partageaient le même désir de parentalité. Ils croyaient cependant que ce projet était impossible à réaliser en France et même au Québec. Ils avaient peu d’espoir lorsque, en 2006, ils ont déposé une demande d’adoption auprès du Centre jeunesse de Montréal (banque mixte14). Et pourtant, leur candidature a été approuvée et, en 2007, ils ont accueilli une petite fille âgée d’à peine 15 jours. Après avoir déménagé pour des raisons professionnelles, le couple a fait une autre demande d’adoption auprès de la banque mixte du Centre jeunesse de la région. En septembre 2015, après deux ans d’attente, le Centre jeunesse leur a confié une autre fille de trois semaines et demie. Le processus d’adoption est en cours.
Éric (49 ans) est le père d’Antoine (19 ans) et de Lisa (17 ans). Il était très présent auprès de ses enfants lorsqu’il vivait avec leur mère. Il y a 15 ans, quand Éric a trouvé «la pièce manquante» qui lui a permis de comprendre son mal-être, il a refusé de faire semblant et de continuer. Il a beaucoup pleuré avec son épouse, qu’il décrit comme son «âme sœur»; elle à cause du sentiment de trahison, lui parce qu’il se sentait coupable de faire du mal à ceux qu’il aimait. Éric a été victime d’abus de procédures juridiques et il a dû accepter des visites supervisées auprès de ses enfants, qui ont ensuite coupé les ponts avec lui. La route a été longue, mais le rapprochement avec ses grands lui tient d’autant plus à cœur depuis quelques années. Antoine et Lisa veulent donner espoir aux jeunes qui traversent ce genre de difficultés et leur dire qu’il est possible de rattraper le temps perdu, même si l’absence laisse des traces.
Macha (46 ans) est la fille aînée de Lucie (66 ans). Elle travaille au sein de l’organisme communautaire qu’elle a fondé avec sa mère. Elle a eu un enfant avec son ex-conjoint, un non-Autochtone qu’elle a fréquenté dès l’âge de 14 ans. Étienne est aujourd’hui âgé de 26 ans. Macha s’est séparée de son conjoint quand leur garçon a eu 4 ans. Ce dernier consommait et devenait alors violent. La situation est vite devenue intenable. À la suite de sa rupture, Macha a vécu une période d’ambivalence au sujet de sa sexualité. Sa mère, sa tante et son grand-père sont homosexuels, ce qui a sans doute alimenté son questionnement. Depuis 1992, elle a surtout eu des relations avec des femmes. Elle est en couple depuis 11 ans avec Odette (45 ans), une Blanche. Macha et sa conjointe ont profité de la modification, en 2002, de la loi québécoise sur l’adoption autorisant les couples de même sexe à adopter pour présenter leur candidature au Centre jeunesse (banque mixte-famille autochtone). Grâce à cette opportunité, la famille s’agrandit. Étienne a maintenant une petite sœur, Marie (10 ans), dont le processus d’adoption est terminé, et deux frères en devenir, Nathaniel (6 ans) et Kevin (3 ans), dont la démarche d’adoption n’est pas encore finalisée.
Nathalie (44 ans), ex-athlète de haut niveau, est en couple depuis 18 ans avec Chantal (53 ans), une professionnelle en administration. Nathalie se définit comme bisexuelle. Elle a vécu une relation hétérosexuelle plutôt complexe pendant quelques années avant d’être en couple avec Chantal. Chantal avait eu deux relations homosexuelles avant de connaître Nathalie. Partageant le même désir de parentalité, elles ont eu trois enfants d’un même donneur. Chantal est la mère biologique de Cédric (12 ans) alors que Nathalie est celle de Marilou (10 ans) et de Sarah (7 ans). Les trois enfants ont accepté de partager en entrevue leur expérience dans un contexte familial homoparental. Les deux mamans travaillent à temps plein et avouent être parfois essoufflées par le quotidien. La conciliation travail-famille n’est pas toujours facile et l’adolescence est maintenant à leur porte…
Frédéric (44 ans), artiste et professeur à l’université, est marié depuis de nombreuses années. Son conjoint est âgé de 53 ans. Dès leur rencontre, ils ont partagé leur désir commun de fonder une famille. Leurs démarches auprès d’un Centre de la famille d’une autre province que le Québec n’a pas porté des fruits. La raison évoquée n’était pas leur orientation sexuelle, mais bien leur âge! Ils ont alors décidé d’opter pour une mère porteuse15, une amie, qui a généreusement accepté de vivre cette grossesse. Ils sont maintenant les heureux parents d’une petite fille de 18 mois. Frédéric tient à préciser que les démarches juridiques pour obtenir la reconnaissance légale des deux papas sur le certificat de naissance de leur fille ont été laborieuses et onéreuses.
Kim (42 ans) partage sa vie avec Myriam (37 ans), depuis plus de six ans. Kim avait la garde partagée de ses trois enfants au moment de leur rencontre. Myriam voulait être maman et vivre l’expérience de la grossesse et de l’accouchement. Elle est donc belle-maman depuis six ans et maman depuis 18 mois. Mona (17 ans), Antony (13 ans) et Émile (12 ans), les enfants de Kim, nous racontent comment ils ont vécu ces changements. Kim a dû les rassurer et leur dire qu’ils conserveraient toujours leur place dans son cœur de mère, même avec l’arrivée du bébé. Les proches et les amis ont manifesté de la curiosité et un peu d’inquiétude face à leur choix d’avoir quatre enfants. Mais, comme le souligne Kim: «Nous sommes très à l’aise avec notre situation, les gens n’ont donc pas le choix de l’accepter!» Elle a toutefois dû prendre un congé de «paternité» et s’est retrouvée régulièrement avec les papas dans les cours prénataux. Tout n’est pas encore adapté à la réalité homoparentale, mais Kim et sa conjointe contribuent aux changements avec enthousiasme et créativité.
Lysandre (39 ans) est la mère de Léa (13 ans). Son désir d’être parent a pu se réaliser «grâce à une insémination maison16 avec un donneur connu». Elle est le seul parent légal et travaille à temps plein comme professionnelle. Elle a des relations amoureuses avec des femmes, mais elle assume seule ses responsabilités parentales. Elle est très fière d’avoir réussi à faire comprendre à sa fille qu’elle n’a pas à porter son choix et que la personne différente à la maison, c’est elle seule. Lysandre reconnaît qu’il y a une évolution sociale par rapport à l’homosexualité et à l’homoparentalité, mais elle trouve que le milieu scolaire est encore très hétéronormatif. Elle souhaite que le monde de l’éducation s’ouvre davantage à la réalité des différentes configurations parentales.
Anne et Marie (38 ans) sont les mamans d’Adèle (5 ans et demi) et de Simone (3 ans). Anne et Marie se sont connues à l’école. Anne a vécu 10 ans avec un homme avant de tomber amoureuse de Marie. Elle n’avait jamais eu de désir ou de fantasme homosexuel, mais Marie avait toutes les qualités et les atouts qu’elle recherchait. «Comme si la vie m’avait joué un tour!», dit-elle. «Mais après, c’était tellement accepté qu’il n’y avait plus de problème, ça ne changeait pas grand-chose à ma vie.» Elles ont vite parlé de bébés. La recherche d’un donneur et le processus d’insémination ont donné lieu à quelques péripéties et provoqué beaucoup d’émotions. Adèle et Simone sont nées grâce à un même donneur. «Une perle!», disent-elles. Celui qu’elles surnomment affectueusement «sperminator» est prêt à rencontrer les filles quand elles auront 18 ans si elles le souhaitent. Anne, qui a porté les deux enfants, souligne la présence et l’implication de Marie. Elles forment toutes deux une belle équipe ayant à cœur le bonheur de leurs filles. «Je ne le crie pas sur tous les toits, mais si quelqu’un me le demande, je le dis. Il y a plein d’histoires, pas parfaites selon certains. Celle-là c’est la nôtre!»
Le parcours conjugal de Catherine (38 ans) n’a rien d’un long fleuve tranquille. Elle a d’abord divorcé de son mari pour vivre avec Frédérike (38 ans), de qui elle était profondément amoureuse. Elle lui avait cependant confié qu’elle était toujours attirée par les hommes, alors que Frédérike se disait lesbienne. Elles ont vécu chacune une grossesse avec un même donneur grâce à une clinique de planification familiale. Catherine est la mère biologique de Mathieu (9 ans) et Frédérike celle de Florence (presque 8 ans). Elles se sont séparées alors que les enfants étaient encore jeunes et ont opté pour une garde partagée. Catherine ressentait toujours beaucoup d’affection pour son ex-conjointe, mais elle n’en pouvait plus de nier son orientation sexuelle. Au moment de son coming-out hétérosexuel, elle s’est sentie jugée par certaines amies, beaucoup plus que lors de l’annonce de sa relation homosexuelle. Quant à Frédérike, elle a eu de la difficulté à comprendre que Catherine ait accepté d’avoir des enfants avec elle alors qu’elle savait qu’elle n’était pas lesbienne. Depuis 2011, Catherine vit en famille recomposée avec Michel (48 ans). Il a également la garde partagée de ses quatre enfants de 15 à 21 ans. Michel est à l’aise avec la bisexualité de Catherine, et Mathieu et Florence se sont bien adaptés à la formule de la garde partagée avec les deux types de familles. Ils ont accepté de partager avec nous leur quotidien et leur amour pour leurs mamans.
Thalia et Margarita (37 ans) sont les mamans de Zoé (3 ans) et de Kaïa (4 mois). Elles sont toutes deux d’origine colombienne et ont vécu en Californie avant de s’installer au Québec. Elles sont devenues amoureuses l’une de l’autre à travers leur amitié. Thalia dit: «Je pense que ma famille accepte que je sois homosexuelle, mais qu’elle préférerait que je ne le sois pas.» Leurs filles sont nées à Montréal. Margarita a porté l’aînée et Thalia, la cadette. Elles conservent des liens très significatifs avec leurs deux familles qui sont toujours en Colombie, en particulier depuis la naissance des filles. Elles se rendent compte aussi que leurs parents vieillissent. Elles apprécient l’ouverture d’esprit des Québécois face aux immigrants et à l’homoparentalité. Elles tentent d’inclure dans leur vie d’autres familles homoparentales pour que leurs filles n’aient pas l’impression d’être «dans une famille anormale» et qu’elles voient qu’elles ne sont pas les seules à avoir deux mamans. «Être parent homoparental enrichit, rend fort, donne de la fierté et rassemble!» souligne Thalia. Il y a malgré tout des remises en question et des épisodes plus sombres. Au moment où ce livre prenait forme, Thalia et Margarita traversaient une période difficile pour leur couple et leur famille.
Mélanie (37 ans) et Sophie (36 ans) se sont rencontrées au début de la vingtaine. Elles sont en couple depuis 18 ans. Elles sont les mères légales de Thomas (11 ans), Jules (7 ans) et Simon (3 ans et demi). Mélanie a vécu une enfance difficile dans une famille nombreuse et atypique «qui faisait jaser». Elle a appris à se définir et à ignorer le regard des autres. Pour elle, ce sont les liens de cœur qui priment les liens de sang. Elle a su créer avec Sophie un milieu chaleureux et ouvert pour leurs trois fils, nés par insémination à l’aide d’un donneur anonyme. Jules constate que «ça fait des super-bébés». Thomas dit qu’il oublie parfois que les autres ont un père, ce qui n’est toutefois pas le cas de son cadet, qui se soucie davantage de la différence. Thomas compare sa famille à une fourmilière, parce que «les fourmis travaillent en équipe et nous aussi!» Les deux mamans ont constaté une évolution des mentalités face à l’homoparentalité. Peu après la naissance de Simon, elles ont participé, comme les étés antérieurs, à un camp familial sous la direction des Frères du Sacré-Cœur. Elles ont été très surprises lorsque l’un d’eux, après les avoir félicitées pour leur troisième fils, a ajouté: «Est-ce que vous trouvez du temps pour le couple? C’est important!» Mélanie conclut: «Quelle bienveillance et quelle ouverture d’esprit! Nous étions considérés comme une vraie famille!»
Geneviève (32 ans) et Aïcha (30 ans) sont en couple depuis sept ans. Elles sont mariées depuis deux ans et demi et habitent à Montréal. Aïcha est native des îles Seychelles. Dès l’âge de 17 ans, Geneviève a eu des partenaires de même sexe alors que Geneviève était la première femme pour qui Aïcha a ressenti une attirance. Il lui a fallu deux ans pour prendre conscience qu’elle était homosexuelle. Elle se considérait «comme une hétéro qui était tombée amoureuse d’une autre femme». En fait, c’est le rejet de sa relation amoureuse par ses parents et certaines amies qui a permis cette prise de conscience. Le désir commun de fonder une famille a motivé leur décision de se marier. L’annonce de cet événement a été bien accueillie par la famille de Geneviève, mais les parents d’Aïcha ont refusé d’assister à la cérémonie et ont même interdit à sa fratrie d’y aller. Le processus d’insémination artificielle (donneur identifié) s’est avéré laborieux (sept essais in vivo) et s’est échelonné sur plus de deux ans. Les parents des deux femmes les ont cependant soutenues pendant les différentes étapes de la procréation et pendant la grossesse. Aïcha a accouché de jumeaux, Ophélia et Auguste (4 mois), et Geneviève peut allaiter grâce aux bons conseils d’une infirmière.
Marie-Claude avait 10 ans quand ses parents se sont séparés et 12 ans quand elle a appris l’homosexualité de son père. Elle croyait qu’elle et son frère étaient les seuls à avoir un père homosexuel dans leur petite ville! En pleine crise d’adolescence, elle a beaucoup réagi à la présence du conjoint de son père. Pendant ce temps, sa cousine Émilie, du haut de ses 7 ans, accueillait la nouvelle amoureuse de sa mère, arrivée dans leur famille avec un chien et une Renault décapotable! Les choses se sont toutefois compliquées à l’adolescence. Marie-Claude, qui était déjà passée par là, a servi de modèle positif à Émilie pour contrer les attitudes homophobes du milieu scolaire. Leur complicité est demeurée bien vivante au fil des ans. Aujourd’hui, leurs enfants respectifs parlent avec tendresse de chacun de leurs grands-parents.
Grégoire (35 ans), musicien, habite Montréal avec sa conjointe et les filles de cette dernière, qui sont âgées de 5 et 12 ans. À l’adolescence, Grégoire a vécu en contexte homoparental, tant chez son père que chez sa mère. Il a trouvé cette étape de vie assez difficile, car il cherchait lui-même à déterminer sa propre orientation sexuelle. Grégoire était au courant de l’orientation sexuelle de son père depuis de nombreuses années, mais ce n’est qu’il y a un an que celui-ci l’a réellement annoncé. Il leur a dit qu’il avait quelqu’un dans sa vie et leur a présenté son conjoint. «Ma plus vieille a été très surprise d’apprendre que son grand-père aimait les hommes […] Contrairement à mon père, ma mère a parlé ouvertement de son homosexualité. Sa conjointe est dans sa vie depuis de nombreuses années. Nos filles ont grandi en sachant que leur grand-mère avait une amoureuse. Nous allons toujours visiter les mamies, et pas seulement grand-maman.»
Paul (35 ans), Mylène (30 ans) et leur sœur cadette Emmanuelle (29 ans) ont vécu la séparation de leurs parents comme une véritable «bombe atomique». Ils étaient plus choqués par le fait que leurs parents ne s’aimaient plus que par l’homosexualité de leur père. Paul avait 15 ans et il s’est éloigné de son père pendant trois ans. Les enfants étaient sensibles à la détresse de leur mère. Mylène raconte qu’il y avait trop de peine et de colère mélangées et qu’ils n’en parlaient pas entre eux de peur de remuer cette boue. Emmanuelle dit que c’était elle qui avait les réactions les plus intenses. Vingt ans ont passé depuis. Tout comme son frère et sa sœur, Emmanuelle souhaiterait que leur mère puisse enfin faire son deuil et être moins en colère. De leur côté, ils profitent d’un lien privilégié avec leur père et avec son conjoint, qui est pratiquement devenu le deuxième papa d’Emmanuelle et qui est aussi un excellent grand-papa.
Rachel, une jeune femme bisexuelle de 19 ans, étudie dans un cégep à Montréal. Ses parents ont divorcé quand elle était très jeune. Depuis ce temps, Rachel et son frère cadet vivent avec leur mère. Ils entretiennent des contacts avec leur père et leurs deux frères aînés, qui étaient adolescents au moment de la séparation. L’amie de sa mère est venue vivre avec eux lorsque Rachel avait 6 ans. «Nous la connaissions déjà et c’était tout à fait normal pour mon frère et moi de voir ma mère avec une autre femme», raconte Rachel. Sa mère et sa conjointe se sont séparées il y a trois ans, mais elles sont restées amies et Rachel continue à la voir régulièrement. Rachel prône l’acceptation des uns et des autres et cherche à vivre au-delà des étiquettes.
Le projet homoparental de Kristan (39 ans) et de Marco (28 ans) se précise. Après plus de trois ans de vie commune, ils constatent que leur lien est solide et qu’ils souhaitent tous deux être pères. Pendant quelques années, ils ont combiné études universitaires et travail et ils ont maintenant un bel avenir professionnel devant eux. Ils ont choisi leur maison en banlieue en fonction des besoins d’une petite famille, mais ils sont conscients des embûches et de la complexité des démarches à venir. La famille de Marco est très enthousiaste et sa sœur envisage la possibilité de porter leur enfant après avoir donné naissance aux siens.
Joannie (26 ans) et Mireille (24 ans) travaillent et vivent ensemble depuis trois ans. Mireille a toujours su au fond d’elle-même qu’elle était gaie. Joannie a eu plusieurs amoureux durant ses études secondaires et il a fallu qu’elle vive une expérience avec une fille pour prendre conscience de son orientation sexuelle. Jeunes et bien renseignées, Mireille et Joannie préparent leur projet parental. Elles ont des valeurs semblables, et notamment le désir de fonder une famille sur un amour solide. L’annonce de leur homosexualité a été bien accueillie par leur famille respective, de même que leur projet d’enfant. Les futurs grands-parents attendent impatiemment cet enfant qu’ils aiment déjà. Joannie nous rappelle qu’il ne faut jamais s’arrêter aux différences, car chacun de nous est différent à sa façon. Mireille nous dit quant à elle: «Lancez-vous dans ces beaux projets! Soyez vous-mêmes!»
Charles (25 ans) et son conjoint (28 ans) sont en couple depuis six ans. L’un travaille dans le monde des chiffres et l’autre, en relation d’aide. Dès l’âge de 14 ou 15 ans, Charles a compris qu’il devait vivre pour lui et non en fonction du regard des autres. Il a également pris conscience qu’il n’était pas intéressé par la gent féminine. Son homosexualité a été bien accueillie par sa famille et il n’a jamais caché son orientation sexuelle dans les différentes sphères de sa vie. Depuis environ deux ans, le couple envisage de fonder une famille. Ils pèsent le pour et le contre de toutes les possibilités qui s’offrent à eux. Ils privilégient très sérieusement le recours à une mère porteuse ontarienne, car cette option est encadrée légalement chez nos voisins, ce qui n’est pas le cas au Québec.