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aux Éditions du Cram
Accueillir les besoins psychiques de l’adulte vieillissant être en harmonie avec soi-même et les autres (2009)
Vivre la retraite avec sérénité un temps pour la rencontre de soi (2010)
Et si on enseignait l’espoir ? (2010)
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« La petite cantate »
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Dépôt légal — 3e trimestre 2011
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Robichaud, Valois
La peur de vieillir, un pas vers l'euthanasie ?
(Collection Psychologie)
Comprend des réf. bibliogr.
Imprimé ISBN 978-2-923705-30-9
PDF ISBN 978-2-923705-99-6
EPUB ISBN 978-2-89721-020-5
1. Vieillissement - Aspect social. 2. Personnes âgées - Mort. 3. Mort - Aspect moral. 4. Euthanasie. I. Titre. II. Collection: Collection Psychologie (Éditions du CRAM).
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Je remercie sincèrement monsieur Jacques Fortier, de Victoriaville (Québec), pour ses précieux conseils lors de son inlassable travail de lecture du manuscrit.
Je tiens à exprimer ma reconnaissance à messieurs Guillaume et Pierre Lavigne, des Éditions du CRAM, de Montréal, pour avoir accueilli cet ouvrage.
Ami de Carl Rogers – dont il écrivit la précieuse biographie ( Présence de Carl Rogers, Éditions Érès, Paris, 1997) –, André de Peretti est diplômé de l’École Polytechnique, docteur ès lettres et sciences humaines, parlementaire et psychosociologue. Il fut directeur du département de psychosociologie de l’éducation à l’Institut National de Recherche pédagogique à Paris, et est l’auteur de nombreuses œuvres poétiques, littéraires, scientifiques et pédagogiques, parmi lesquelles Libertés et relations humaines (Éditions EPI), Encyclopédie de l’évaluation en formation et en éducation (Éditions ESF), Pour l’honneur de l’école (Éditions Hachette), Penser l’hétérogène (Desclée de Brouwer), Pertinences en éducation (Éditions ESF). Il fut le responsable du rapport ministériel sur la formation des enseignants en 1982 et a agi, de 1972 à 1985, comme expert-consultant et formateur de l’UNESCO à l’ONU à Genève. Il a participé, avec Max Pagès, à la création de la psychosociologie en France ainsi qu’à la création de l’ARIP (Association pour la recherche et l’intervention psychosociologique).
C’est un livre poignant que nous « offre » avec sa générosité Valois Robichaud, inventoriant « les moyens d’entrer dans l’art de vivre et de mourir aux âges avancés de la vie ». Il nous place, d’emblée, et dans l’actualité la plus pressante, quel que soit notre âge et quelles que seraient nos situations sociales, en face des devoirs les plus sacrés de l’Humanisme, mais accordés à notre Temps, et donc à cheval sur les périls d’un consumérisme sans frein, sans merci et sans respect.
Robichaud nous incite, en effet, avec mesure et délicatesse, à regarder autour de nous, et en nous, le jeu accéléré et les enjeux amplifiés, suivant lesquels se conjuguent la Vie et la Mort : vitalement assumées, accordées dans l’apoptose ; sociétalement remises à la régulation de nos responsabilités, personnelles, et, pour lui qui a choisi une vocation thérapeutique, professionnelles.
C’est bien un « art », riche de valeur et d’émotion, que l’auteur propose de nous traduire : non pas selon l’absolutisme de positions théoriques, froidement rationnelles et abstraites ; mais, suivant de variées, d’incessantes entrées affectives et morales, chaleureuses et pragmatiques, dans des situations concrètes, interrogeantes. En celles-ci, notre ami Valois nous met en relation affectueuse, confidentielle, avec des personnes notamment des proches, qui sont en difficulté de « vieillir », en fin de vie, ou plus généralement soumises à de lourds handicaps et dépendances.
C’est dans cet esprit d’un « art » à découvrir et de confidences à partager que l’auteur nous invite à méditer ses propos : en retentissant à ses propres ressentis, accordés à ses acquis, existentiels et professionnels, dans le cadre d’émouvants problèmes personnels-familiaux, tel que celui de sa jeune sœur gravement handicapée, la chère Madeleine, dont l’existence a tant apporté aux siens. Et il y a également Tante Régine, mais aussi tant d’autres, amis ou patients, soumis à des handicaps accrus.
En leur compagnie, nous sommes reconduits aux niveaux les plus élevés de l’Éthique, gravement interpellés par l’émergence de conflits mondialement amplifiés, entre les égoïsmes exaltés, individuels et collectifs, et le devoir de la lourde prise en charge des personnes handicapées, que ce soit de naissance, d’accident, de maladies graves ou de leur fin de vie.
Pour la première fois dans l’histoire des civilisations, nos sociétés (ainsi que chacune de nos personnes) sont en effet placées devant un terrible dilemme, en raison même des puissants et lourds moyens technoscientifiques qui sont disponibles pour préserver et prolonger même des parcelles de vie infimes, éprouvées, et cependant toujours chargées de sens, comme en ont témoigné hautement Jean-Dominique Bauby, mais aussi Stephen Hawking.
Et le dilemme est bien, au niveau collectif comme au niveau intellectuel, désormais : faut-il, faudrait-il, prolonger à tout prix des existences, même abimées ? Ou ne doit-on pas, ne devrait-on pas, les interrompre, par économie ou humanisme ? Doit-on, devrait-on, céder à l’idéal, à l’apparente rationalité, au mirage de l’euthanasie ?
Animé, éclairé, par son vécu professionnel et sa vie familiale, ainsi que par son expérience thérapeutique et sa compréhension des possibilités « palliatives », Valois Robichaud peut, en conscience et en respect de valeur assumées, témoigner : « je crois que des soins palliatifs appropriés et adaptés à la personne en fin de vie rendent futile et sans objet toute demande d’euthanasie, cette action qui a pour seul but de donner la mort. Je suis contre toute forme d’euthanasie, qu’elle soit active, passive, anticipée, dissimulée ; je refuse sa proche cousine, le suicide assisté. »
En harmonie avec l’approche empathique de Carl Rogers, comme dans l’esprit de la « maïeusthésie » explicitée par Thierry Tournebise, en richesse de références stimulantes, Valois Robichaud s’emploie, en conséquence, à nous exposer une analyse approfondie des problématiques de pensée, d’attitudes et d’actes, qui sont requis de nous, personnellement et/ou professionnellement : à l’égard de chaque personne en handicap, en souffrance, en solitude, ou en fin de vie ; et, bien sûr, vis-à-vis de nous-mêmes.
Dans tous les cas, il s’agit d’un accompagnement respectueux des personnes : en évitant toute pression ou interprétation précipitée, de tout effet immédiat qui serait brusqué, mortel. Je reste, néanmoins, à la responsabilité prudente, vigilante des praticiens et soignants, la disposition ultime de mesures ajustées de sédation, même si, mais seulement à terme, elles peuvent avoir « pour conséquence d’abréger la vie » et à condition, toutefois, qu’elle « respecte » patiemment, posément, les attentes pathétiques de « celui ou celle qui est en train de quitter la vie. »
C’est dans de telles perspectives humanistes que Valois Robichaud nous propose onze chapitres aux titres retentissants, denses et variés, accompagnés de cinq annexes, pragmatiques et incitatives ou illustratives (celle, la cinquième, nous rappelant « Les deux hémisphères du cerveau »).
Chacun des chapitres est nourri d’expressions affectives, d’interrogations, de points de vue personnels. Il est riche de « mises en situation », et de cas concrets signifiants voire historiques, mais aussi de « check-lists » stimulantes pour notre travail personnel sur la vie, le sens, et la mort.
Éclairé par des citations heureuses, il contient des données juridiques ou techniques adéquates, des points de vue variés, des rappels du passé ancestral, des analyses épistémiques ou civilisationnelles, des mises en garde contre les tentations actuelles d’un « super contrôle de nos vies ».
De l’un à l’autre des chapitres, des contradictions, de durs contrastes, ou selon le paradigme d’Edgar Morin, des « dialogiques » de niveaux multiples, sont cadrés : mais aussi des valeurs ressortent, des nuances sont proposées. Un optimisme, que je qualifierai de « Résistance », se dégage puissamment, évinçant les opinions catastrophistes, à la mode, au profit de « réconciliations » : dans « toutes les dimensions » de nos « êtres », de nos relations intergénérationnelles et interprofessionnelles, ou de nos fois, cajolant nos « hémisphères droits ».
Et cet optimisme courageux n’incline nullement à nous protéger, à nous immuniser affectivement, en nous détournant des prises de conscience, des prises de confiance, visà-vis d’épreuves, plus ou moins fortement handicapantes, qui pourraient nous advenir. Mais, au contraire, il nous invite à une exploration lucide et placide de notre situation présente et à venir ou à prévoir : par rapport à nos familles, suivant l’évolution de leurs attentes et de leurs regards sur nous ; par rapport à nous-mêmes, intérieurement ou relationnellement, allant sonder « Le Sens du Sens1» qui peut encore ressortir de nos vies et de leur phase ultime, à la lumière de nos valeurs et de nos fois, garantes d’espérance vive.
Personnellement, j’ai été impressionné, secoué, ému, par ma lecture plurielle, renouvelée, avec nombre de prises de notes, des chapitres du présent et vibrant « mémoire » de Valois Robichaud. J’ai apprécié d’emblée sa dénonciation pertinente, dirais-je sa mise en interdit, de la pente dangereuse sur laquelle risque de glisser notre Civilisation en voie accélérée de mondialisation gâchée et de dislocations des niveaux d’existence sur la Planète : contradictoirement aux puissantes progressions technoscientifiques et sanitaires, et à l’amélioration des conforts et durées de vie, comme à l’accroissement numérique des humains sur notre Planète.
Donnons acte au paradoxe civilisationnel mis ainsi en évidence ! Alors que les hommes peuvent, en effet, voir davantage reculer l’âge du temps de mourir, et qu’ils peuvent se rassurer de plus en plus en raison du développement des soins palliatifs, la mort est de moins en moins intégrée, sinon supportée, culturellement ; et la Société, en son évolution vive, semble s’empresser, rituellement, à en finir avec « la fin de la vie »…
Personnellement encore, je devrai être touché, de façon plus accentuée que d’autres personnes, par les propos droits et directs, sans échappatoires, du présent livre, en raison de mon âge qui peut paraître « avancé » : quatre- vingt-quinze ans. Même si, grâce à Dieu et à ma famille, je reste actif, écrivant au moins cinq à six heures par jour, faisant encore quelques recherches, et intervenant environ une fois par mois auprès de publics variés, la mise en rapport avec des situations d’handicaps importants et de souffrances, ou, à fortiori, de fins de vie difficiles, ne pouvait manquer d’être, pour moi, un choc, une interpellation forte.
Mais j’en retiens, positivement, un rappel salutaire de devoirs à rendre et de prises de décisions ou de témoignages à méditer ou produire, qu’il ne me faudrait pas indéfiniment différer ou négliger.
Sans doute, ma foi éprouvée, ma culture catholique et œcuménique, m’ont permis, me permettent de ne pas ressentir menaçante et exécrable l’idée de la mort inéluctable. Je ne saurai, herméneutiquement, l’envisager comme une négativité indûment absolutisée, comme une rupture de sens insensée.
Qui plus est, les dispositifs d’accompagnement et de sédation avisée, exposés si heureusement par Valois Robichaud, peuvent aider puissamment à se ou me rassurer sur les « derniers moments » auxquels il devient cependant opportun de se ou me préparer, tranquillement, sereinement (ma première arrière-petite fille s’appelle Serena !). Je vois bien que je pourrai être aidé par les propositions de « travail personnel » formulées empathiquement par notre ami.
En ces conditions d’esprit et d’apaisement potentiels, il me faut donc correctement regarder les « limitations » qui pourraient et peuvent, en conséquences du « vieillir » m’advenir ; toutefois, sans zèle ni obsession, mais en intérieure méditation, et puis en justes décisions.
Cependant, je puis et dois dire qu’en abordant cette situation évolutive de ma vie, j’ai conscience d’être, peut-être comme chaque individu, double... !
Je perçois, j’entends, je sens, en effet, en moi, un permanent dialogue, ou plutôt une « dialogique » arrimée entre deux « Egos ». L’un de ces « Egos », heureusement dominant, se ressent comme ayant toujours trente ou quarante ans ! ; et il jouit d’inspirations euphoriques et d’humour. L’autre, en retrait, morose, maussade, favori des miroirs, est bien vraiment nonagénaire ! et il a, par moments, des accès de veule pessimisme. Mais il est seulement second, intermittent, et ne peut que se renfrogner et ronger son « frein », grimacer, en devant constamment laisser la parole et l’action, en premier et dernier lieu, à l’Ego positif qui s’ingénie, temporisant, à l’« apprivoiser », comme il en fut pour un certain « Renard » !
Et cet Ego vaillant rêve… de s’apprêter à témoigner encore – ainsi qu’il en fût en ses vingt ans, malgré guerres et captivité supportées – que « la vie est belle », et que, précisément, les rêves sont bien faits, pour, en quelques jours dans l’avenir, opportunément s’accomplir : comme Martin Luther King et Nelson Mandela nous en ont donné les preuves ; et comme l’« Humanitude » (Albert Jacquard) ou l’ « Hominescence » (Michel Serres) nous en offrent les signes !
Il me revient, à défaut d’anticiper sur des pensées en développement personnel, et en souci de ne pas retarder vos propres appréciations, chers lecteurs éventuels, oui, il me revient de rêver que les vues et les propositions judicieuses, valeureuses, ouvrées et offertes par Valois Robichaud vont être de plus en plus largement accueillies, validées et prodiguées : en telle sorte que puissent s’accélérer les possibilités concrètes, les chances spirituelles, les « grâces » de préserver, d’accroître le sens et la « véritable dignité » de tous les derniers moments d’existence et de relations solidaires.
Qu’il en soit ainsi !, ou même, mondialement, œcuméniquement, comme nous le suggèrent affectueusement, avec leur ferveur d’espérance, nos amis musulmans, Inch’Allah, qu’il en plaise à Dieu !
André de Peretti, Paris, le 19 juillet 2011
Les indicateurs idéologiques du capitalisme de la libre entreprise – tels que la réussite, l’autonomie, l’indépendance et l’avoir – influencent aujourd’hui tous les domaines de la société et nous invitent même à « réussir notre propre mort » ! Selon Robert Holcman, « la mort volontaire devient le signe d’appartenance à une élite. »2
De plus, la mort s’est sécularisée et ne relève plus exclusivement du champ religieux. Selon Christian Helson, maître de conférences et chercheur au Laboratoire de l’Université d’Angers, la mort « est moins solidaire et plus solitaire. Elle est omniprésente sur les écrans mais éloignée de la scène sociale. Elle est perçue comme la fin de tout : fin de la vie sans au-delà et fin de l’individu devenu plus important que les survivants. Elle demeure taboue dans de nombreuses familles et milieux socioculturels. »3
La radio, la télévision et l’Internet nous rapportent quotidiennement les nouvelles et les commentaires des journalistes et des spécialistes sur tel ou tel événement : trophées, courses, indices boursiers, gains et pertes, pays en guerre, etc. Mais demandons-nous : qui nous apprend à vivre, quand parlerons-nous de ceux et celles qui font quelque chose d’unique pour la paix, l’environnement, la justice ? Qui dit « nouvelles » fait allusion à un événement d’éclat, surprenant et le plus souvent négatif !
Notre organisation sociale et économique, issue de la droite consumériste et productiviste, nous éloigne des vrais enjeux humains aussi bien dans ma Péninsule acadienne qu’à l’échelle planétaire. Par exemple, la France vit présentement un débat idéologique entre la droite et la gauche : tout pour l’économie, d’une part, et prise en compte du social d’autre part. Le message de l’idéologie économique est le suivant : vivre c’est se battre, prendre sa place, faire de l’argent, aller plus haut et plus loin, ne pas vieillir, être en forme physique, accumuler des biens, consommer, etc. Nous oublions alors que vivre c’est aussi assumer des choix, des pertes et des changements, c’est apprendre à vivre en communauté, en solidarité ; c’est également apprendre à mourir ; pour tout dire, c’est faire sien le chemin d’humanité sur lequel nous sommes tous frères et sœurs.
À l’occasion du 35e anniversaire de l’émission Second Regard, la société d’État Radio-Canada (télé) a réuni quelques grands penseurs qui ont décrit notre société et l’homme à venir :
« Depuis le siècle des Lumières, nous assistons à un changement culturel profond ; la quête de sens va dans toutes les directions ; depuis la Révolution tranquille, nous sommes entrés dans le culte de la liberté individuelle et de l’achat de marchandises tous azimuts comme garant du bonheur ; la quête pour plus d’argent et la consommation effrénée pour des biens accumulés nous ont enlevé notre liberté !
« Si la pratique de la religion s’amenuise plus que jamais, cela ne veut pas dire que les valeurs volent en éclat. Nous sommes témoins de nouvelles solidarités, d’engagement, voire d’une culture de la mobilisation sporadique : contre la guerre, contre les gaz de schiste, etc. Le néo-conservatisme s’est cogné le nez. La crise économique de 2008 et les problèmes environnementaux nous invitent à une quête du sens au quotidien. On ne peut plus continuer comme avant, nos gestes au quotidien doivent refléter nos valeurs. Il semble qu’aucune règle ne peut gouverner nos systèmes économiques pour une stabilité, car nous sommes tributaires d’une nouvelle culture mondialiste.
« L’espoir est-il possible ? Oui si nous puisons dans la marmite de l’humanité, aux sources des valeurs qui rassemblent, nous empêcherons le pire. Le brassage des populations et l’arrivée de plus en plus d’immigrants interpellent l’État et ses concitoyens pour un vivre-ensemble où la laïcité remplacera le dogmatisme ou les cloisons idéologiques et religieuses. »4
Ces penseurs nous donnent le ton et s’expriment avec justesse. Notre société, et par conséquent chacun de nous, fait face à un tournant majeur de son histoire. Chacun de nous est invité à donner sa mesure en s’inspirant du patrimoine spirituel, religieux, culturel et moral de notre humanité et des leçons apprises, parfois douloureusement, tout au long de sa longue histoire.
Abordons plus particulièrement le vieillissement et la mort. La réflexion populaire affirme souvent gratuitement que l’euthanasie est le droit d’une personne à disposer de sa vie comme bon lui semble, lorsqu’elle n’y trouve plus de sens. Trouvera-t-elle alors un sens à sa mort ? Non, car selon la culture occidentale, la mort c’est le néant, le rien, la fin de ce qui est intolérable, de ce qu’on ne peut imaginer devoir vivre, souffrir et ressentir. La mort en soi est sans beauté ; elle est un échec, une fin, et comme au théâtre, il vaut mieux jouer cette dernière scène avec lucidité et décider d’en faire un acte libre.
La culture de la réussite idéalise l’humain au point de vouloir le rendre immortel ; alors, pourquoi ne pas se débarrasser des mourants, de la mort et des rites funéraires, à l’exemple de la crémation qui est, ni plus ni moins, emblématique d’un éloignement du corps ?
En vertu d’une motion adoptée le 4 décembre 2009 par l’Assemblée nationale du Québec, une commission a été créée pour d’étudier la question du droit de mourir dans la dignité. Je crois que le sens que l’on donne ici au mot dignité est beaucoup plus lié intrinsèquement à la dégradation physique et à la perte d’autonomie qu’au simple « respect de soi », car la société considère le vieillissement comme une déchéance, un échec dans la vie, une dégradation et quasiment une perte totale de la dignité de l’existence. Celui qui écoute une personne entrée avec sérénité dans sa propre vieillesse, comme l’aboutissement normal et glorieux d’une vie vécue jusqu’au bout, en sort grandi et transformé ! La génération toute puissante des baby-boomers a la réponse à presque toutes les questions ; lorsque la question du vieillissement se pose, que répond-elle bien souvent ? « À quoi bon continuer ? »
Notre époque a vraiment peur du vieillissement ; elle craint surtout de ne plus correspondre aux critères d’appartenance du groupe social dominant. C’est pourquoi la vulnérabilité et la dépendance à l’égard d’autrui lui sont insupportables. Aurait-elle oublié les modèles du passé, quand plusieurs générations habitaient ensemble la même maison ?