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Dépôt légal — 3e trimestre 2017
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Brûlé, Michel, 1955-
Claude Sirois: pour l’amour de la musique
(Biographie)
Publié en formats imprimé(s) et électronique(s).
ISBN 978-2-89721-142-4 (couverture souple)
ISBN 978-2-89721-143-1 (PDF)
ISBN 978-2-89721-144-8 (EPUB)
ISBN 978-2-89721-145-5 (MOBI)
1. Sirois, Claude, 1949- . 2. Guitaristes - Québec (Province) - Biographies. I. Titre. II. Titre: Pour l’amour de la musique.
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Imprimé au Canada
Remerciements
Michel Brûlé – Auteur
Préface
Prologue
Introduction
Chapitre 1
All my loving – L’enfance
Chapitre 2
She loves you – Les Georgia
Chapitre 3
Ticket to ride – L’Équipe 79
Chapitre 4
Lucy in the Sky with Diamonds – Maudite drogue!
Chapitre 5
Good day, sunshine – Renaissance
Chapitre 6
Money – L’argent versus la connaissance
Chapitre 7
A day in the life – À la croisée des chemins
Chapitre 8
From a window – Fenêtre sur l’été
Chapitre 9
It’s for you – Prendre sa place
Chapitre 10
Here, there, and everywhere – Un peu partout
Chapitre 11
Nowhere Man – Là où mèneront nos pas
Chapitre 12
I’ll be back – Retour au bercail
Chapitre 13
And I love her – Je l’aime
Chapitre 14
Day tripper – Quinze minutes de gloire
Chapitre 15
Get back – Reviens
Chapitre 16
This boy – Il sera musicien ce petit
Chapitre 17
Eight days a week – Travail! Travail! Travail!
Chapitre 18
The long and winding road – L’expérience
Chapitre 19
Imagine – John Lennon 1940 – 1980
Chapitre 20
You never give me your money – Tu ne m’as pas donné mon argent
Chapitre 21
Dear Prudence – Prudence
Chapitre 22
Every little thing – Penser à tout
Chapitre 23
Across the universe – Ludger Sirois
Chapitre 24
Paperback writer – Écrire la musique
Chapitre 25
When I’m sixty four – Le temps passe…
Conclusion
While my guitar gentley wheeps – Que ma guitare résonne longtemps!
Discographie
Ce livre a été écrit entre 2008 et 2011, mais à cause d’un problème de santé, il fut terminé en 2016. Écrit entre Duvernay Laval et le lac Lanthier à Rivière-Rouge.
Tous les titres des chapitres de ce livre sont désignés en premier lieu en anglais avec des titres correspondants aux chansons des Beatles, ces derniers ayant été le dénominateur commun et le leitmotiv de la carrière de Claude Sirois.
Sincères remerciements à Christine Trudel, Gilles Valiquette et Monsieur Alain Stanké pour l’encouragement à écrire ce livre.
Merci à Pierre Martin, mon adorable professeur de français au niveau secondaire qui m’a fait prendre conscience de la beauté de notre langue française. R.E.P
Merci à Louise Portal pour son amitié et sa conférence à Grand Métis sur la motivation à écrire.
Merci spécial à Reina Ouellet pour le support technique.
Merci à l’inimitable Robert Morissette pour la préface.
Merci au guitariste Claude Sirois pour sa confiance en moi.
Merci à Robert Deschênes, photographe.
À mes enfants, Sophie et Éloïse.
Le temps passe… Mais mon Amour demeure éternel…
Michel Brûlé
Michel Brûlé est né en octobre 1955 dans le quartier Ahuntsic dans le nord de Montréal, plus précisément dans ce que l’on appelait autrefois le Sault-au-Récollet. Il est le plus jeune d’une famille de quatre enfants. Après ses sept premières années de vie sur le Boulevard Gouin, au coin de la rue du Fort-Lorette, il a grandi dans le quartier Bordeaux, sur la rue Bois de Boulogne.
Parallèlement à son travail dans l’industrie alimentaire, la musique, la peinture, les arts en général, l’histoire, l’archéologie, l’astronomie et l’écriture seront de ses passions. Mais c’est la nature et la botanique, sûrement de par son sang de métis, qui demeurent sa plus grande passion.
Mélomane, amoureux de la musique, il composera plusieurs chansons et pièces instrumentales. Il rencontre Claude Sirois dans le milieu des années quatre-vingt. Celui-ci lui fera découvrir les dessous de l’industrie de la musique, du spectacle, mais surtout les multiples facettes de la guitare, et lui donnera une certaine ouverture sur la musique classique.
Retraité, il a maintenant le loisir de nous offrir un survol de la vie d’un musicien québécois trop peu connu, guitariste classique québécois: Claude Sirois, qui se considère plutôt comme un rockeur-classique.
Cet ouvrage s’adresse à ceux et celles qui veulent découvrir ou redécouvrir ce musicien talentueux, ceux qui aiment la musique, et plus spécifiquement la guitare, qui fait partie intégrante de l’histoire contemporaine culturelle du Québec.
Si j’entends le nom Claude Sirois, J’ENTENDS le son d’une guitare! J’entends une musique, mais en plus, je sais que l’homme est clairement un gentleman, un virtuose. Il est très gentil de surcroît. Je le sais sincère, vrai et authentique.
Je crois que je jouais encore avec mes billes qu’il jouait déjà de la guitare. Alors il nous a tous influencés fortement. Quand je dis tous, je parle d’abord d’un groupe d’artistes en herbe dans les années simples, les années soixante. En voici quelques-uns: Fiori, Normandeau, Desrosiers, Guérard, Morissette (moi), Champigny, Guiristante, Brunet, etc.
Consultez le bottin téléphonique de Laval et du Québec. Il a influencé musicalement surtout des gens ordinaires, en plus d’artistes chevronnés, et ce, assez marginalement malgré l’obtention d’un certain Félix, section musique instrumentale.
Sirois n’est pas commercial, fort heureusement. Sirois est connu de ceux qui sont connus. Les artistes musiciens connaissent et reconnaissent son grand talent et sa maîtrise.
J’ai personnellement créé les paroles et la musique de la chanson de Noël «Y neize» des Frères Brosse. Je l’ai enregistré comme interprète et «Y neize» est devenu un «Hit» de Noël, un classique des fêtes québécoises. Tout ça part de L’Équipe 79, le groupe des années soixante, dont j’étais le chanteur et Réal Desrosier le batteur, pour devenir plus tard celui de Beau Dommage.
Pendant les pauses des répétitions, Sirois me mettait toujours une guitare électrique dans les mains. C’est lui qui m’a enseigné les premiers accords musicaux qui, finalement, m’ont mené à «Y neize» plusieurs années plus tard, en 1979. Mais c’est effectivement à cause de mon ami Claude Sirois que j’ai adopté la guitare à vie, en plus du piano que je jouais déjà à la maison.
J’ai eu le privilège de lire une copie de cette biographie écrite par Michel Brûlé demeurant à Duvernay (le fameux quartier justement décrit dans ce livre) qui nous a vus grandir, théâtre de notre émancipation. Elle est le récit d’un homme, d’un artiste, d’une époque et d’une vie qui fut prolifique de créations, de folie, d’inconscience et d’espoirs. Longue vie à toi Sirois!
Morissette Robert
Ton ami, ton chanteur
Je t’aime…
Bonne lecture chers lecteurs et lectrices…
J’ai découvert Claude Sirois en 1977. J’avais vingt-deux ans.
Lorsque les fins de semaine arrivaient, avec le peu d’argent que j’avais à ma disposition, j’avais l’habitude de faire le tour des disquaires rues Ste-Catherine et St-Hubert à Montréal, afin de passer en revue toutes les nouveautés musicales qui sortaient sur le marché.
C’est ainsi qu’un jour j’achetai un disque de Claude Sirois, intitulé «Guitare Seule», un mélange d’interprétations d’auteurs québécois et de compositions originales de Claude Sirois. Entre autres, parmi les interprétations, il y avait la célèbre «Complainte du phoque en Alaska» de Michel Rivard et «L’hymne au printemps» de Félix Leclerc. Un nouveau son, une nouvelle couleur de par la guitare à cordes de nylon et les différentes techniques classiques.
Ce disque fut pour moi une révélation. C’était quelque chose de différent. Le premier disque de guitare classique à sortir au Québec. Il me fit découvrir le son de la guitare à l’état pur, comme un retour aux sources.
Grâce à Claude Sirois, beaucoup de guitaristes de l’époque des années soixante-dix délaissèrent leurs guitares électriques (avec leurs pédales d’effets), au profit de la guitare acoustique à corde de nylon. Je fus l’un de ceux-là.
Claude Sirois fut le premier guitariste à commercialiser la guitare classique au Québec.
Virtuose de haut niveau à son époque, il refusa toutefois l’étiquette classique proprement dite, préférant abolir les frontières entre les styles de musique afin de les unir. Claude Sirois demeurera toujours dans son âme un rockeur… un rockeur classique!
Michel Brûlé
Duvernay, Laval
Paul McCartney brandit le manche de sa guitare basse et, par saccades, compta «One-two-tree-four» en regardant ses comparses, avant de donner le coup d’envoi de la chanson «All my loving». Précis comme une horloge suisse, le groupe en veston cravate s’exécuta avec classe, mais surtout, avec une énergie électrifiante. Au même moment, à travers l’Amérique, rivées devant leur téléviseur, des millions de personnes, dont moi-même qui écris ces lignes, furent magnétisés.
En cette soirée du 9 février 1964, à l’Ed Sullivan Show, les Beatles, tel un gigantesque tsunami, allaient révolutionner la deuxième moitié du XXe siècle. Il faut dire qu’à cette époque au Québec, il n’y avait pas beaucoup d’émissions de variétés et l’Ed Sullivan Show entrait dans presque tous les foyers québécois francophones.
Dans ma famille, c’était un moment magique durant lequel nous avions le droit de passer au salon, de connaître le confort du divan et d’apprécier l’image en noir et blanc de la grosse télévision à lampes RCA dans son meuble de bois.
Pour Claude Sirois qui, en 1964, n’avait que quinze ans, ce fut le coup de foudre. Cela faisait quelques semaines que tout le monde chantait «She loves you, yeah, yeah, yeah» dans la cour de l’école, sans trop savoir d’où venait cette chanson et surtout, qui la chantait. Le passage à l’Ed Sullivan Show, consécration suprême, vint éclairer le dilemme. À partir de ce jour, tout était clair, net et précis dans l’esprit de Claude Sirois. Il allait consacrer sa vie à la musique. Il allait devenir musicien.
Le petit gars de Duvernay venait de trouver sa voie…
Né d’un père gaspésien et d’une mère montréalaise, Claude Sirois vit le jour le 30 janvier 1949, à l’hôpital Christ-Roi de Verdun. À l’époque, le couple Sirois demeurait sur la rue Irène à St-Henri, l’un des quartiers les plus pauvres de Montréal.
Sans le sou, ils demeuraient en fait chez les parents de la mère de Claude Sirois. Ils y restèrent six mois, le temps de gagner un peu d’argent.
Le père de Claude Sirois, Ludger Sirois, originaire de Grande-Rivière en Gaspésie et joueur de violon, rencontra la femme de sa vie, Thérèse Laperrière, une fière Montréalaise, lors d’une fête à Montréal. Il remarqua cette jolie chanteuse et lui joua du violon pour la faire chanter, dans tous les sens du terme! Ainsi allait naître un fils unique, fort de ses racines gaspésiennes imbues de musique.
Après un bref séjour à ville St-Laurent, Claude Sirois allait vivre les dix premières années de sa vie au 4629 de la rue Marquette à Montréal, à jouer dans la ruelle comme tous les enfants de son âge. Entre-temps, Ludger Sirois, indomptable mélomane, s’acheta un accordéon. Le jeune Claude fut bercé par le violon, l’accordéon de son père, et les chants de sa mère. Sa sensibilité musicale lui valut même d’être retenu par son professeur de première année pour chanter en solo au spectacle de fin d’année. C’est donc à l’école Notre-Dame-du-Bon-Conseil, en 1954, que le jeune Claude fit sa première prestation sur scène. Pour l’occasion, il interpréta en solo «Le petit enfant au tambour».
La musique était toujours très importante chez les Sirois, et chaque fête un prétexte pour sortir le violon et l’accordéon. Aussi, c’est à l’âge de cinq ans que Claude Sirois se vit offrir sa première guitare. Une acoustique usagée, à cordes de métal, que Ludger Sirois avait rafistolée. Instrument qui, un peu trop gros pour le jeune Claude, passa plus de temps dans le fond du placard qu’entre les mains du futur musicien.
À vrai dire, lorsque Claude voulait accompagner son père au violon, celui-ci avait beau lui montrer quelques accords, il finissait toujours par retourner la guitare pour taper dessus comme sur un bongo. Moins compliqué, et plus agréable… Ainsi passèrent les années 1956 à 1958, entre les bancs de l’école St-Stanislas et l’harmonie musicale du foyer.
En 1959, les Sirois décidèrent de s’établir au 1150 Montcalm, qui deviendra par la suite la Place D’Aiguillon à Duvernay, à Laval, encore en campagne à l’époque, mais où les maisons poussaient comme des champignons à un rythme fou depuis 1955. Le jeune Claude ne tarda pas à s’y faire de nouveaux amis. Juste au coin de la rue, près du boulevard de La Concorde, il s’amusait déjà à cache-cache avec les sœurs Michaud et un certain Serge Fiori qui, comme vous le savez, allait devenir, lui aussi, un adepte de la guitare et … de l’Harmonium! (d’ailleurs, tout au long de ce livre, vous découvrirez que ce fameux quartier Duvernay fut une vraie pépinière d’artistes et de personnalités publiques)
Pour Ludger Sirois et son épouse Thérèse, l’achat de la maison de Duvernay allait enfin leur permettre de concrétiser un vieux rêve: l’acquisition d’un piano. Enfin ils étaient chez eux et pouvaient faire du bruit à leur guise, sans déranger personne. C’est alors que Benjamin Claude se vit offrir des cours de piano, qu’il suivit rigoureusement pendant deux ans avec son professeur, Monsieur Carl Duplessis, de 1961 à 1962.
Les Sirois ne furent pas les seuls à profiter de cette maison pour s’émanciper musicalement. Parfois, le son de saxophone provenant du voisin d’en arrière, sur la rue Champlain, vient rebondir aux oreilles des Sirois qui, avec leurs oreilles musicales, apprécient. Celui qui en est à l’origine est un certain Paul Houde, un saxophoniste invétéré, qui s’avère être le père de Pierre Houde (qui deviendra un très talentueux et sympathique animateur et commentateur sportif) et de Paul Houde, qui porte le même nom que son père. Ce dernier deviendra non seulement un animateur de radio très apprécié et populaire, mais également un comédien à la télévision, au cinéma, animateur et co-animateur d’émissions télévisuelles, commentateur sportif doté d’une mémoire phénoménale et hors du commun, ainsi qu’un grand érudit. Deux frères très talentueux.
C’est donc dans ce coin du quartier Duvernay, où la musique est à l’honneur, que le jeune Claude fut bercé pendant toute son enfance entre la musique western, le folklore, et la chanson française. Sans s’en rendre compte, il allait développer l’oreille musicale de ce qui allait devenir le prélude d’une carrière exceptionnelle.
George Harrison n’avait que douze ans et déjà, aussitôt revenu de l’école, il s’efforçait de reproduire les accords des chansons de Carl Perkins.
Vers l’âge de douze ans, Claude Sirois sortit finalement sa guitare de la garde-robe. Le jeune Claude avait grandi, et celle-ci lui paraissait moins grosse. Néanmoins, après un certain temps à essayer de tirer des sons de l’instrument archaïque donné par son père, Ludger Sirois se rendit à l’évidence qu’il fallait un meilleur instrument. Devant l’intérêt musical suscité par leur fils, les parents Sirois n’hésitèrent pas, et lui achetèrent une belle guitare Harmonie à cordes de métal. Ainsi, entre violon, accordéon, piano et guitare, le jeune Claude n’avait que l’embarras du choix. Ne manquaient que les percussions, pour lesquelles le jeune éprouvait une attirance indéniable: marches militaires, fanfares, et tout ce qui avait du rythme… la «beat generation» s’éveillait!
En 1963, au Québec de la Révolution tranquille, la musique prenait de plus en plus de place au quotidien. Les arts plastiques et la musique avaient désormais une place prépondérante à l’école. L’époque du Refus global était terminée. Le Québec pouvait enfin s’ouvrir aux arts sans limites, sans subir les foudres du clergé. Révolution en santé, en éducation, et un certain René Lévesque, Ministre des richesses naturelles, qui milite de façon… électrique! Grand bien nous fasse!
Il y avait toujours un disquaire dans chaque arrondissement et les 45 tours en vinyle étaient abordables pour toutes les bourses. Le palmarès musical était suivi religieusement, et ce, tant francophone qu’anglophone. Tout le monde avait sa petite radio transistor et son tourne-disque, communément appelé «pick-up» à la maison, et dont les aiguilles ne faisaient pas long feu. Pour ce qui est du tourne-disque à lampes, quand celui-ci ne fonctionnait plus, il s’agissait d’emporter les lampes à la pharmacie la plus proche et de les vérifier sur une machine spéciale… rien de plus simple. Voilà donc le jeune Sirois, dans ce contexte d’époque, écoutant religieusement ses 45 tours et essayant de reproduire le plus fidèlement possible ses morceaux favoris. Déjà à quatorze ans, il impressionnait ses amis par sa capacité à reproduire certaines pièces que ceux-ci lui suggéraient. C’est ainsi qu’une fois de plus, il se retrouva à chanter au concert de fin d’année, pour sa septième année, à l’école St Victor, tout en s’accompagnant au piano. Il surprit l’auditoire en interprétant la chanson «Fait un vœu».
En 1964, à l’âge de quinze ans, arrivèrent les Beatles. Un véritable coup de foudre! (en bon jargon québécois: Pt’ i-Claude a capoté! Complètement viré s’ul top!) Ce même soir, le 9 février 1964, alors que les Beatles se produisaient pour la première fois au Ed Sullivan Show, Claude Sirois tomba en transe et déclara solennellement à ses parents:
«Voilà ce que je vais faire dans la vie… Je serai musicien…»
Le phénomène Beatles - Rolling Stone engendra le phénomène d’association.
Tout d’un coup, la jeunesse de cette époque – qui voulait faire de la musique comme leurs idoles – formait des groupes par centaines. Claude Sirois embarqua à pieds joints dans ce courant culturel. Avec ses amis, Robert Guiristante à la batterie, Guy Thifault à la guitare basse et Daniel Cloutier à la guitare rythmique, un premier embryon de groupe sans nom allait voir le jour.
De 1964 à 1966, on comptait plus de quatre cents groupes au Québec. Tout ce beau monde s’exécutait dans les sous-sols des églises, les salles communautaires et les écoles. Les magasins d’instruments de musique, quant à eux, roulaient à pleine vapeur. Ainsi, à Montréal, il n’était pas rare de voir des membres de groupes connus tels que les Classels, Bel Canto, Michel Pagliaro des Gants Blancs, dans les deux magasins d’instruments de la rue St-Hubert, soit La Tosca et Marazza Musique. Les gros centres commerciaux fermés n’existaient pas encore et la rue St-Hubert était la principale artère commerciale du nord de Montréal. Les «pawnshops» de l’ancienne rue Craig, aujourd’hui devenu le boulevard St-Antoine, vendaient leurs camelotes. Donc, quand il s’agissait de remplacer ses cordes de guitare et d’avoir un choix plus vaste en instruments, une incursion sur les rues St-Hubert ou Craig était incontournable.
Voilà donc le jeune Claude avec ses amis devenus apprentis musiciens et, comme ses parents avaient l’esprit ouvert, c’est dans le sous-sol des Sirois qu’ils se réunissaient pour faire de la musique. Robert Bobby Guiristante n’avait pas encore de batterie. Il utilisait donc la caisse claire et la cymbale des Sirois. Hé oui! Les percussions, l’élément manquant à la panoplie d’instruments des Sirois. Encore un cadeau de Noël des parents Sirois que cette fraction de batterie. C’est pour dire toute l’ouverture d’esprit des parents Sirois que de donner un tel cadeau à leur fils à Noël. S’ensuivit un joli tintamarre, où Claude Sirois accompagnait les disques de marches militaires, fanfares et autres, sans jamais que ses parents ne disent le moindre mot. Au contraire, Ludger Sirois aimait voir son fils développer son côté musical. Voir son Claude taper sur sa caisse claire et cymbale, ça le faisait bien rire.
Mais la guitare était plus intéressante. La caisse claire trouva donc preneur avec Robert Guiristante. À ce moment-là, notre musicien en herbe utilisait sa fameuse guitare acoustique Harmonie. Il s’en accommodait pour le plaisir de jouer en groupe, lors de ces premiers moments informels. Puis un jour, par un pur hasard, probablement le destin, arriva un fait étrange qui allait être déterminant.
Par une belle journée d’été, alors que Claude Sirois se promenait en vélo, Il entendit de la musique en provenance de la cours de l’école St-Ernest. Curieux, il s’approcha pour constater qu’il s’agissait d’un camp de jour pour enfants. Jusque-là, rien de spécial, mais une force irrésistible le poussa à entrer et à se diriger vers les moniteurs responsables.
C’est à ce moment qu’on l’interpella pour lui demander:
«Hé toi! Connais-tu quelqu’un qui a un orchestre dans le coin?»
Et le jeune Claude Sirois de répondre aussitôt du tac au tac:
«Oui monsieur! Moi, j’ai un orchestre!»
Un peu abasourdi par la réponse de ce jeune passant à vélo, mais en même temps rassuré par la détermination de celui-ci, on lui offrit de se produire avec son groupe le samedi suivant à l’école, pour un montant de trente-cinq dollars.
Voilà que, par une simple promenade en vélo, et en moins de cinq minutes, un tout premier contrat venait d’être conclu. Signe du destin?
Branle-bas de combat! Réunion des quatre comparses dans la même journée, qui n’en revenaient pas d’entendre l’ami Claude leur annoncer qu’ils allaient se produire en spectacle. Première réaction des comparses:
– Oui, mais nous n’avons pas de vraie batterie?
– Qu’à cela ne tienne, nous demanderons au batteur du groupe Les 409 de nous prêter la leur, c’est un ami.
– Et toi Claude, ta guitare n’est pas électrique!
– Ne vous en faites pas! J’aurai une guitare électrique neuve!
Pour ce qui était de l’amplificateur, Pierre Rouleau, un ami de Claude Sirois, la lui prêtait gentiment.
«Oui, j’aurai une guitare électrique neuve!»
Cette déclaration laissait ses amis perplexes. Comment allait-il faire?
Ici, nous avons le plus bel exemple de trait de caractère de Claude Sirois, à savoir… la détermination.
Le jeune Sirois alla illico voir son père et lui proposa un marché:
«Papa, tu sais que la clôture a besoin d’être repeinte? Si je m’en charge, m’achèterais-tu une nouvelle guitare? J’aurais besoin d’une guitare électrique…»
Et son père de répondre évidement dans l’affirmative, car il voyait bien que la guitare Harmonie ne suffisait plus à la demande. Et, avec un petit sourire en coin, Ludger Sirois lui dit:
«Si tu grattes la clôture comme il faut mon cher Claude, et que tu la peins en me faisant une bonne job, tu auras ta guitare!»
Depuis quelque temps déjà, un magasin de musique avait vu le jour au modeste centre commercial Duvernay: Staccato Musique, qui vendait des disques, des livres de musique et quelques instruments, dont une guitare électrique Pyramide que Claude Sirois reluquait depuis quelque temps, et qu’il désigna donc précisément à son paternel. Claude Sirois se mit immédiatement à la tâche en grattant, sablant et peignant la fameuse clôture. Il la voulait à tout prix sa guitare. Tous les jours, il passait au magasin de musique, reluquait l’instrument, vibrait à l’idée de la posséder un jour et de pouvoir en tirer son bonheur: jouer de la guitare électrique. Heureusement, le soleil était au rendez-vous et la clôture fut remise en état en un temps record. De son côté, Ludger Sirois ne perdit pas de temps non plus et tint sa promesse. C’est ainsi que dans la même semaine, en revenant du travail en fin d’après-midi, Ludger Sirois donna les clés de sa voiture à son fils en lui disant:
«Tiens mon Claude, va voir dans le coffre arrière de l’auto, il y a quelque chose pour toi.»
Le jeune Claude ouvrit fébrilement le coffre arrière de la voiture et découvrit une boîte de carton dans laquelle reposait, tout astiquée, la belle guitare électrique Pyramide tant convoitée. Moment de bonheur extrême qu’il n’oubliera jamais, les larmes aux yeux! Maintenant, il était équipé pour faire face à la musique!
Arriva le moment fatidique de la représentation à l’école St-Ernest. Dans sa naïveté de jeune garçon, Claude Sirois pensait qu’ils auraient à s’exécuter devant de jeunes enfants, étant donné que le contrat venait de moniteurs responsables d’un camp de jour pour jeunes enfants. Erreur monumentale! Voilà qu’arrivaient dans la salle des hordes de jeunes de son âge et aussi des plus vieux. Le batteur du groupe Les 409 qui avait accepté de prêter sa batterie arriva avec les autres membres du groupe. Puis, les admirateurs des 409, qui avaient eu vent de la soirée, arrivèrent aussi. Bref, la salle était pleine à craquer. Un peu décontenancés sur le moment, intimidés et embarrassés par la foule, Claude Sirois et ses amis reprirent peu à peu confiance. La hantise du groupe était qu’ils ne connaissaient que sept morceaux. Pour Robert Bobby Guiristante, c’était aussi une première performance sur une vraie batterie.
Tout se passa merveilleusement bien. Bobby joua de la batterie comme un pro, et le fait qu’ils ne jouèrent que sept pièces passa inaperçu, car le monde redemandait souvent les mêmes pièces: «Wipe out, Shaking all over», «Boys» des Beatles et «Peter Gun».