M O N T R É A L
COLETTE PORTELANCE
AUTRES OUVRAGES
DE COLETTE PORTELANCE
AUX ÉDITIONS DU CRAM
Approfondissez vos relations intimes
par la communication authentique
Éduquer pour rendre heureux
Aimer sans perdre sa liberté
La guérison intérieure, un sens à la souffrance
Relation d’aide et amour de soi
Les 7 étapes du lâcher-prise
3 grands secrets pour réussir votre vie amoureuse
Vivre en couple et heureux, c’est possible
Les Éditions du CRAM
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Portelance, Colette, 1943-
[Guérison intérieure par l’acceptation et le lâcher-prise]
L’acceptation et le lâcher-prise
Nouvelle édition.
(Collection Psychologie)
Publié antérieurement sous le titre :
La guérison intérieure par l’acceptation et le lâcher-prise. 2008.
Comprend des références bibliographiques.
ISBN 978-2-89721-071-7
1. Souffrance. 2. Guérison. 3. Lâcher prise. 4. Acceptation de soi. I. Titre. II. Titre : Guérison intérieure par l’acceptation et le lâcher-prise. III. Collection : Collection Psychologie (Éditions du CRAM).
BF789.S8P662 2014 155.9’3 C2014-941944-9
Imprimé au Canada
À Louis-de-Gonzague Chevrier
et Raymonde Sabourin,
mes chers oncle et tante
pour souligner leur
70e anniversaire de vie amoureuse
et pour leur manifester mon admiration,
mon affection et ma gratitude.
L’origine de mon questionnement par rapport à la relation affective remonte à mon enfance. Je me souviens des malaises que je ressentais quand mes parents se disputaient. À cette époque, je n’aurais malheureusement pas su mettre des mots sur mon vécu, mais je sais aujourd’hui que j’étais habitée par l’insécurité, l’impuissance et de nombreuses peurs. Parfois, je prenais parti pour ma mère et, à d’autres moments, pour mon père. De toute façon, j’en arrivais toujours à la conclusion que l’un avait tort et que l’autre avait raison, et je blâmais celui des deux qui bouleversait le plus ma tranquillité intérieure du moment. J’ai mis des années à comprendre qu’ils avaient tous les deux leur part de responsabilité dans leurs différends et que leurs blessures respectives les poussaient à se défendre. Lorsqu’ils se disputaient, ils n’étaient pas conscients du monde complexe des émotions et des besoins qui les habitaient et qui suscitaient à leur insu leurs réactions. Beaucoup plus tard, forte de ma propre expérience de couple, j’ai découvert que leurs comportements défensifs involontaires avaient créé des systèmes relationnels dont ils avaient été totalement prisonniers.
Entendons-nous bien. Mes parents ne se disputaient pas tous les jours. Je me souviens aussi des nombreux moments d’harmonie qu’a connus leur relation. Aussi je suis loin de vouloir les blâmer de mon vécu par rapport à leurs problèmes de couple, sachant très bien moi-même ce qu’est la vie à deux. Avec le recul, je les trouve bien courageux, comme plusieurs parents de cette génération (je suis née en 1943), d’avoir composé le mieux possible avec leurs secousses relationnelles. Ils ne bénéficiaient pas de la panoplie des moyens dont nous profitons aujourd’hui dans le domaine du développement personnel et de la vie relationnelle.
C’est pendant la messe du dimanche et au cours des retraites fermées qu’ils trouvaient le réconfort et les stimulants pour poursuivre le plus agréablement possible leur route ensemble quand ils traversaient des périodes épineuses. Ils se sont organisés relativement bien avec les moyens de leur temps. J’éprouve pour eux une énorme reconnaissance, parce qu’ils m’ont appris à ne pas rester passive devant mes difficultés relationnelles, mais à chercher à les résoudre. Les ressources d’ordre spirituel qu’ils utilisaient s’avéraient pour eux d’une valeur et d’une efficacité aussi considérables que certains outils d’ordre psychologique mis à notre disposition aujourd’hui. De toute façon, l’important, ce ne sont pas surtout les chemins que nous choisissons d’emprunter pour améliorer nos relations affectives, mais plutôt la volonté d’agir au lieu de subir quand nous sommes coincés dans des impasses qui nous font souffrir. Agir, c’est choisir la voie qui correspond le mieux à nos besoins, dans la fidélité à ce que nous sommes et dans le respect des autres.
Ma gratitude envers mon père et ma mère est d’autant plus considérable que l’héritage psychique qu’ils m’ont laissé est à l’origine du travail personnel et professionnel que j’ai accompli par la suite en ce qui concerne les relations humaines, que ce soient les relations amicales et amoureuses, les relations parents/enfants, les relations frères/sœurs, les relations familiales et les relations professionnelles. Leur influence conjuguée à mon expérience m’ont amenée, au fil des ans, à découvrir et à comprendre les systèmes relationnels, grâce surtout au travail que ces systèmes m’ont encouragée à accomplir dans ma propre vie affective et professionnelle. Cette démarche personnelle, qui a d’abord été inestimable pour la réussite de mes relations, m’a encouragée par la suite à m’intéresser à la psychologie relationnelle, à m’inscrire à des formations, à créer l’Approche non directive créatriceMC 1, à fonder le Centre de relation d’aide de Montréal et, par conséquent, à aider des couples, des parents, des enfants, voire des personnes aux prises avec des blocages relationnels, et ce, dans tous les milieux de vie.
Combien d’amoureux, de parents, d’enfants, d’amis, de patrons et d’employés, déçus, frustrés, confrontés à l’impuissance à résoudre leurs conflits ont cherché des réponses aux nombreuses questions qu’ils se posaient à propos de leurs tribulations relationnelles ? Voici quelques exemples de questions qui m’ont été adressées au cours des années par des personnes en recherche de solutions.
Quel amoureux, quel parent, quel beau-parent, quel ami ne s’est-il pas interrogé, un jour, à la manière de ces personnes ? Qui n’a pas été confronté à l’impuissance devant ses propres fonctionnements quand il est blessé ? Combien de personnes, par exemple, sont passées d’une relation amoureuse à une autre dans le but de ne plus souffrir et ont eu la déception de retomber avec leur nouveau conjoint dans les mêmes embûches que dans leur relation précédente ! Combien de couples remettent sans cesse en question leur relation parce qu’ils se disputent continuellement ?
Au cours des premières années de ma vie amoureuse, quand j’étais blessée par mon conjoint, j’avais parfois le sentiment d’être menée comme une marionnette par des forces intérieures que je n’arrivais pas à dominer, malgré mes connaissances rationnelles et ma bonne volonté. Ces forces, que je reconnais aujourd’hui comme des blessures de fond, me poussaient, quand je souffrais, à réagir défensivement. Comme mes parents autrefois, je me protégeais contre ma souffrance par la fermeture ou par la contre-attaque. En guerre avec moi-même, j’adoptais alors inconsciemment des comportements qui réactivaient les blessures de mon conjoint. Blessé à son tour, il se défendait avec autant d’intensité que j’avais pu en manifester moi-même. C’est ainsi que se créait l’incommunicabilité entre nous. Nous ressortions de ces situations conflictuelles meurtris, froissés comme une feuille qu’on chiffonne et qu’on n’arrive plus à défroisser parce que, par nos réactions, nous exacerbions les blessures originelles de l’autre et, ipso facto, les nôtres.
Je me sentais prisonnière de mes réactions défensives beaucoup plus que de mon conjoint. J’étais d’autant plus frustrée que, me sachant seule à détenir la clé de ma liberté, je ne la trouvais pas. Elle n’a pas été facile à découvrir, parce que nous étions tous les deux impliqués dans ces processus de destruction et d’autodestruction lorsque nous étions blessés et que chacun d’entre nous responsabilisait l’autre de sa souffrance. Le fait d’essayer de changer l’autre pour calmer nos malaises personnels envenimait notre relation plutôt que de la rendre harmonieuse. J’aspirais à la paix et à l’harmonie, et cette quête était pourtant vitale pour moi.
Quelque chose manquait à ma démarche ; quelque chose d’important m’échappait de ma vie intérieure et de celle de mon conjoint. Le plus grand mystère de l’homme pour l’homme se trouve en lui-même. C’est en perçant ce mystère jour après jour, par le travail sur moi et la communication authentique, que j’ai acquis davantage de maîtrise de ma vie et, par conséquent, plus de pouvoir sur mes réactions. J’ai pu ainsi cerner les modes de défense compulsifs qui naissaient de mes blessures, qui provoquaient nos conflits de couple et qui se trouvaient à l’origine des systèmes relationnels que nous entretenions. Ceux-ci perturbaient mon équilibre intérieur et rendaient ma vie, à certains moments, infernale.
Qui des deux conjoints est responsable de la disharmonie d’un couple ? Qui du parent ou de l’enfant devenu adulte est à la source de leurs affrontements et de leurs déchirements intérieurs ? Qui du patron ou de l’employé est fautif dans le conflit qui les tourmente ? L’expérience m’a appris que chercher un coupable n’a jamais vraiment résolu le problème de ceux qui sont coincés dans le labyrinthe de leurs blessures.
Attribuer la cause des difficultés relationnelles de deux êtres humains à un seul des deux n’a jamais réglé leur problème de fond, puisqu’ils forment un système dans lequel les deux sont obligatoirement concernés, quelles que soient les apparences.
Ce système, créé par la rencontre de leurs fonctionnements psychiques personnels, les entraîne parfois dans des sables mouvants desquels ils n’arrivent pas à se dégager. Plus ils se débattent pour en sortir, plus ils s’y enfoncent et y étouffent.
Comment émerger alors des profondeurs et de l’obscurité dans lesquelles sont parfois plongés ceux qui s’aiment ?
C’est en apportant un éclairage sur le fonctionnement des systèmes relationnels que, dans cet ouvrage, je répondrai à cette question. Pour en faciliter la lecture, je l’ai divisé en trois parties :
Inspiré d’un chapitre de mon premier ouvrage, Relation d’aide et amour de soi2, ce livre approfondit et enrichit considérablement le sujet. Je l’ai écrit pour répondre aux besoins de nombreuses personnes aux prises avec des affrontements relationnels récurrents dont elles n’arrivent pas à se délivrer. Je souhaite que ces personnes et toutes celles qui liront ces pages y trouveront la sortie du maquis dans lequel elles se perdent lorsqu’elles blessent involontairement les êtres aimés et qu’elles sont blessées par eux.
Le lecteur doit savoir que ma description des systèmes relationnels et des fonctionnements psychiques individuels qui les composent résulte d’abord et avant tout d’observations cliniques. Elle a pour premier but de satisfaire la conscience rationnelle du lecteur, qui a besoin de repères pour se sécuriser, et comme deuxième but d’offrir à celui-ci des pistes vers la connaissance et la compréhension de lui-même. Si FREUD, JUNG, ASSAGIOLI et BERNE n’avaient pas mis des mots sur le monde psychique, s’ils n’avaient pas classifié, défini et décrit cet univers invisible à partir de leurs observations, notre compréhension de la vie psychique intérieure n’en serait pas où elle en est aujourd’hui. Cependant, il est important de mentionner que, dans la réalité profonde d’un être humain, tout est imbriqué et forme un tout complexe et indissociable. Autrement dit, l’être humain n’est pas que bourreau, manipulateur ou sauveur. À la lecture des caractéristiques des types psychologiques qui composent les systèmes relationnels développés dans cet ouvrage, chacun découvrira ses propres miroirs et ses propres chemins de libération.
Les exemples qui précèdent ces descriptions sont tirés d’histoires vraies. Pour respecter la confidentialité, j’ai toutefois changé les noms des personnes, leur âge, leur genre, les lieux où elles habitent et j’ai réuni les circonstances de l’histoire de plusieurs personnes pour en créer une seule, représentative de la dynamique développée, de façon que chaque exemple ait une portée universelle.
Toutefois, cette classification et ces descriptions des systèmes relationnels et des fonctionnements psychiques qui les composent, écrites pour satisfaire les besoins de compréhension de la conscience rationnelle, ne doivent surtout pas servir de carcans aux aidants professionnels. Un bon TRA (Thérapeute en Relation d’AideMC), un psychologue compétent et un médecin averti n’entreront pas l’aidé dans le moule de leurs connaissances. Ils l’écouteront et adapteront leurs interventions à chaque cas particulier, mettant leur compétence et leur expérience au service du vécu, des besoins et de l’expérience de ceux qui les consultent.
Donc, si vous voulez identifier les systèmes nuisibles à l’harmonie de vos relations affectives, si vous souhaitez que votre relation amoureuse et toutes vos autres relations importantes pour vous reposent sur une meilleure connaissance de vos processus psychiques personnels, sur le dénouement progressif de vos systèmes relationnels insatisfaisants et sur la communication authentique3, ce livre est pour vous. Si vous voulez éviter le plus possible les réactions répétitives qui mènent inéluctablement au conflit ; si vous désirez contacter votre sensibilité sans vous laisser gouverner par elle ; si vous souhaitez agir le plus consciemment possible plutôt que de réagir involontairement, vous trouverez dans cet ouvrage des informations, des moyens, des balises qui faciliteront graduellement et en douceur votre transformation vers une vie affective plus harmonieuse et plus satisfaisante.
Ce livre ne possède aucun pouvoir magique. Il s’adresse à ceux qui veulent comprendre la cause de leurs conflits itératifs et qui sont prêts à prendre des moyens pour s’en sortir. Pour leur part, les thérapeutes relationnels et tous les professionnels de la santé physique et psychique y trouveront des informations pertinentes pour progresser dans leur démarche auprès de ceux qui sont coincés dans des systèmes relationnels qui les emprisonnent et les rendent malheureux.
N’oubliez pas que la relation affective est le lieu de tous les possibles. Donc, si vous tenez à vos relations amoureuses, amicales, familiales et professionnelles, et que vous êtes disposé à vous investir pour les rendre plus fonctionnelles et, par conséquent, plus heureuses, ce livre s’avère un outil précieux pour vous.
De quels systèmes relationnels êtes-vous prisonnier ?
La suite de votre lecture vous permettra de les identifier et de vous en libérer.
Bonne lecture !
1 L’Approche non directive créatriceMC est une approche humaniste essentiellement relationnelle. Pour la connaître, je propose la lecture de mon ouvrage Relation d’aide et amour de soi publié aux Éditions du CRAM.
2 Colette PORTELANCE. Relation d’aide et amour de soi. Montréal : Éditions du CRAM, 5e édition mise à jour, 2014, 531 p.
3 Colette PORTELANCE. Apprivoisez vos relations intimes par la communication authentique. Montréal : Éditions du CRAM, 3e édition revue et corrigée, 2012, 273 p.
Première partie
La formation
des systèmes
relationnels
À cause du lien étroit qui existe entre les systèmes relationnels et l’attirance amoureuse, je ne peux développer le thème de ce chapitre sans soulever les nombreuses questions qui m’ont été posées au cours de mes années de pratique de thérapeute relationnel avec l’ANDCMC4 et de formatrice de spécialistes des relations humaines au Centre de Relation d’Aide de Montréal à propos du phénomène de l’attraction qui entraîne deux personnes l’une vers l’autre au-delà même de leur volonté :
L’objet de ce chapitre est précisément de répondre à ces questions :
Qu’entend-on par système relationnel ?
Un système relationnel est un ensemble formé par deux ou plusieurs personnes qui sont en relation affective et dont les fonctionnements psychiques inconscients sont déclencheurs de comportements défensifs qui s’alimentent mutuellement et qui entretiennent un mode de relation et de communication répétitif, insatisfaisant, dysfonctionnel et souffrant.
Pour clarifier cette définition, je développerai chacune de ses composantes.
Le système est un ensemble
Dès que nous employons le mot système, un ensemble organisé d’éléments qui forment un tout est implicite. Dans le cas du système relationnel, les éléments en cause peuvent être les membres d’une famille ou d’un groupe, d’un couple d’amoureux, d’un couple d’amis ou d’un couple composé d’un parent et de son enfant, d’un frère et d’une sœur, d’un employeur et d’un employé, d’une belle-mère et de son gendre et tutti quanti.
Les personnes impliquées sont en relation
Le mot relation est ici fondamental en ce sens que les personnes qui forment le système interagissent, c’est-à-dire qu’elles agissent réciproquement les unes sur les autres. Elles exercent une influence mutuelle simplement par ce qu’elles sont, par ce qu’elles disent et par ce qu’elles font. C’est précisément cette action réciproque qui nourrit ou détruit le lien affectif et qui, dans le dernier cas, crée les systèmes relationnels dysfonctionnels qui mettent en position de dépendance ceux qui les forment.
La relation est de nature affective
Dans les relations humaines, il est impossible de dissocier la dimension affective des dimensions rationnelle, corporelle et spirituelle. Ceux qui tentent d’y arriver perturbent vraiment leur relation avec eux-mêmes et avec les autres, puisqu’une partie de ce qui les constitue est niée. Ceux-là ignorent peut-être que, même désavouée, la dimension émotionnelle s’impose toujours dans leurs rapports. Plus ils essaient de la réprimer, plus elle a de pouvoir sur eux. Elle se manifeste à leur insu par la voie des mécanismes de défense qui créent des modes relationnels dysfonctionnels. C’est donc dire que,
dans le cas des relations affectives qui nous intéressent dans cet ouvrage, il est évident que la composante émotionnelle occupe une place privilégiée puisqu’elle est au cœur de la formation des systèmes.
Les fonctionnements psychiques de chaque membre du système influencent leur relation
Trois éléments fondamentaux composent le fonctionnement psychique d’un être humain :
Par exemple, quand un amoureux est blessé par son conjoint, qu’il n’est pas à l’écoute de ses émotions et qu’il ne reconnaît pas ses besoins, il se défendra en rejetant l’autre, en le jugeant, en argumentant pour avoir raison, en le dominant ou encore, en se plaçant en position de victime. Blessé par cette réaction défensive, son compagnon, s’il n’est pas à l’écoute de lui-même non plus, réagira, aussi, défensivement. Lorsque ces fonctionnements réactionnels se répètent et s’alimentent mutuellement, un système dysfonctionnel se forme. Celui-ci rend la vie amoureuse insatisfaisante et empêche les partenaires de communiquer. Avec le temps, la relation s’envenime et les amoureux deviennent prisonniers de leur impuissance à résoudre leurs conflits. Un changement favorable ne peut s’amorcer dans leur vie relationnelle que par une prise de conscience de leurs fonctionnements personnels et de la dynamique créée par la rencontre de ces fonctionnements. Lorsque les conjoints découvrent l’origine de la formation des systèmes qui les emprisonnent, leur prise de conscience est largement facilitée.
Comment se forment les systèmes relationnels ?
Les modes relationnels qu’un individu établira avec les autres par la suite dans sa vie découlent de l’élaboration du fonctionnement psychique. Celui-ci se forme dans la relation de l’enfant avec ses parents ou avec leurs substituts.
Sur quoi repose-t-il exactement ?
Chez l’enfant, le fonctionnement psychique découle de la recherche inconsciente de satisfaction de ses besoins psychiques fondamentaux. En effet, pour assurer son équilibre intérieur, le petit a besoin d’être aimé, reconnu, sécurisé, accepté, compris et écouté par son père et par sa mère. Il a aussi besoin d’affirmer librement ce qu’il est et surtout de se sentir important pour ses parents.
Évidemment, comme nous le savons, ces besoins ne sont pas toujours assouvis. Pourquoi ? Premièrement, parce que les parents qui satisferaient tous les besoins de leurs enfants devraient, pour y arriver, nier complètement les leurs, ce qui s’avère humainement impossible. Deuxièmement, aucun parent n’est parfait. Même les meilleurs pères et les meilleures mères sont aux prises avec leurs propres blessures et avec leur propre héritage psychique. Il en résulte donc qu’ils ne déclenchent pas seulement chez leurs enfants des émotions agréables, mais aussi des vécus désagréables et souffrants. Leurs paroles, leurs gestes et leurs comportements peuvent éveiller, chez leur fille ou chez leur garçon :
Comment le parent peut-il déclencher de telles émotions ?
Un regard désapprobateur, un reproche, une limite imposée, une punition, un jugement, une menace, un oubli, une absence, une réaction défensive sont autant de moyens adoptés inconsciemment ou non par les parents dans le processus d’éducation de leurs enfants. Ces moyens provoquent parfois l’apparition d’émotions souffrantes dans le psychisme de leur fils ou de leur fille. Toutefois il ne faut pas croire que ce déclenchement de vécus désagréables a toujours des conséquences néfastes. Si le petit est entendu et reçu par ses parents dans l’expression de son vécu, si ses éducateurs ne se soumettent pas à tous ses caprices et s’il est encadré avec amour, au moyen de limites claires, ses besoins d’être écouté, accepté, reconnu, compris et sécurisé seront satisfaits. Il se sentira alors important pour ses parents ou ses éducateurs. Ainsi, son équilibre psychique ne sera pas perturbé. Par contre, la réalité n’est pas toujours aussi reluisante. L’enfant est parfois réprimé ou rejeté lorsqu’il exprime son vécu, spécialement quand ce vécu dérange ou blesse l’un ou l’autre de ses parents. N’oublions pas que ces derniers sont gouvernés par leurs propres blessures s’ils ne les ont pas conscientisées et acceptées.
Quelles sont alors les conséquences de cette répression ?
Pour éviter une souffrance supplémentaire et surtout pour se sentir exister et être aimé par ses principaux éducateurs quand ses émotions désagréables ne sont pas accueillies par eux, l’enfant développera très jeune des mécanismes de défense.
Exemple de Frédéric
L’exemple de Frédéric est révélateur pour comprendre la formation du fonctionnement psychique d’un être humain. De plus, ce fonctionnement aura un impact sur toutes ses relations affectives ultérieures. Enfant, Frédéric était puni par sa maman chaque fois qu’il exprimait sa colère. Mathilde n’acceptait pas l’expression de cette émotion parce qu’elle avait énormément souffert des réactions colériques, hystériques et violentes de sa propre mère lorsqu’elle était jeune. Elle se défendait donc de ses propres malaises par rapport aux colères de son fils par la répression. Elle lui interdisait d’extérioriser cette émotion lorsqu’il la ressentait. Dans de telles situations, Mathilde manquait totalement de discernement, car elle n’était pas consciente de la peur viscérale qui la possédait. Elle craignait que Frédéric devienne comme sa grand-mère. Cette crainte, née de sa souffrance d’enfant, était tellement forte qu’elle n’était pas en mesure de distinguer une colère défensive d’une colère réelle. Manquant totalement de points de repère à ce sujet, à cause d’une blessure non identifiée, Mathilde ne pouvait apprendre à son fils comment composer avec ses colères de façon constructive.
Nous pouvons voir, par cet exemple, que
les parents éduquent leurs enfants non seulement avec leur amour, leurs valeurs, leurs croyances et leurs connaissances, mais aussi et surtout avec leurs blessures.
Lorsqu’ils sont touchés émotionnellement, leurs interventions deviennent défensives s’ils demeurent inconscients des émotions qui les motivent à réagir. Devant de telles réactions, leurs enfants se sentent parfois rejetés, souvent incompris, impuissants et confus. C’est exactement ce qui s’est passé pour Frédéric. Le sentiment de rejet a déclenché en lui d’autres émotions, comme la honte, la culpabilité et la peur de perdre l’amour de sa mère. L’émotion de départ, en l’occurrence la colère, n’ayant pas été accueillie, sa souffrance a donc été largement amplifiée à cause des émotions supplémentaires causées par le rejet et surtout par le fait que ses besoins fondamentaux n’ont pas été satisfaits.
Que peut faire cet enfant pour dissiper sa souffrance ?
Pour assurer sa survie psychique, l’enfant a un besoin vital d’être aimé et sécurisé par ses principaux éducateurs. Quand il ne sent pas cet amour, il souffre tellement qu’il cherche à se protéger contre sa souffrance. Il assure donc sa protection en adoptant des mécanismes de défense, comme, par exemple, la fermeture, la bouderie, la crise de colère, la culpabilisation, le rejet. Par son mode de réaction, l’enfant cherche inconsciemment à attirer l’attention de ses éducateurs. Il se défendra donc par un mécanisme qui les fera réagir, qui sera perçu par eux comme dérangeant. S’il se rend compte que la bouderie déstabilise ses parents, il boudera. Si c’est en faisant la sourde oreille qu’il les atteint, il feindra l’indifférence. Très jeunes, les enfants découvrent les talons d’Achille de leurs éducateurs. Ils savent d’instinct ce qui leur donne du pouvoir sur eux et spontanément ils utilisent le moyen adéquat dans le but totalement inconscient de retrouver l’amour qu’ils croient avoir perdu et aussi le sentiment d’exister à leurs yeux. Par contre, si l’enfant est confronté à des éducateurs indifférents à ses états d’âme, il se fermera, se coupera de ses émotions pour éviter de souffrir. Il perdra confiance en lui-même et en ceux qui l’éduquent. Par la suite, il se méfiera de toute personne en position d’autorité.
La répétition de telles expériences contribue à la création du fonctionnement psychique d’un individu et le pousse, quand il se sent jugé, rejeté, humilié ou culpabilisé, ou lorsqu’il a peur de l’être, à se défendre toujours de la même manière. La puissance d’un tel fonctionnement vient du fait qu’il est inextricablement lié au besoin d’être aimé et d’exister. En effet, il ne faut pas oublier que la recherche de satisfaction de ses besoins fondamentaux, particulièrement des besoins d’amour, de reconnaissance et de sécurité, est à l’origine de la création du fonctionnement psychique de tout être humain. Pour l’enfant, l’amour et le sentiment d’exister n’existent pas en dehors de ce fonctionnement-là. Il sera donc attiré, dans ses relations affectives ou amoureuses, par des personnes dont le fonctionnement alimentera le sien parce qu’il n’en connaît pas d’autres.
Ainsi se forment la plupart des systèmes relationnels. C’est pourquoi
en amour, nous sommes séduits par des êtres qui ont des traits communs avec l’un ou l’autre de nos parents ou avec les deux. Leur attitude, leurs gestes, leurs mimiques, leur ton de voix ou leurs comportements rappellent à notre mémoire inconsciente la première expérience de la relation affective. Si nous n’avons pas vécu d’autres expériences significatives de la relation affective par la suite, nous ne connaissons pas l’amour en dehors de cette expérience-là. C’est la raison pour laquelle nous la répétons, malgré notre volonté, en étant toujours attirés par le même type de personnes et en retombant incessamment avec elles dans les mêmes fonctionnements personnels et les mêmes systèmes relationnels que nous avons développés dans la relation avec nos parents ou leurs substituts.
D’ailleurs, ces éducateurs ont probablement construit autrefois leur propre relation amoureuse sur ces mêmes systèmes dysfonctionnels. Cela dit,
notre expérience enfantine de l’amour n’est pas la seule à créer nos systèmes relationnels. Leur formation s’explique aussi par le phénomène projectif.
Tout ce qui a été réprouvé de nos émotions, de nos besoins, de nos désirs, de nos forces, de nos particularités positives ou négatives, voire de nos talents, par nos éducateurs, nous l’avons refoulé pour être aimés. Cependant, ce qui est réprimé ne disparaît pas de notre psychisme. Notre inconscient le garde en mémoire et le projette sur certaines personnes qui, par leur attitude et leurs comportements, ravivent notre mémoire inconsciente.
Il arrive souvent que ces personnes sur lesquelles nous projetons la partie refoulée, voire honteuse, de nous-mêmes nous attirent irrésistiblement. Elles nous attirent parce que nous cherchons naturellement, à l’extérieur de nous, ce que nous avons réprimé dans le but inconscient de retrouver notre intégralité perdue.
Néanmoins, cette partie projetée que nous désavouons n’est pas nécessairement négative. Ce n’est pas parce qu’elle a importuné nos éducateurs qu’elle est mauvaise pour autant. Bien au contraire, elle représente généralement une grande force qui a réveillé leurs blessures et qui les a effrayés, au point qu’ils ont réagi défensivement par la réprimande pour se protéger. Pour être acceptés par eux, nous avons étouffé cette force honteuse. Comme nous ne la laissons pas émerger par peur de perdre l’amour, nous la recherchons involontairement toute notre vie et notre manière inconsciente de la récupérer est de la projeter. La personne à laquelle nous attribuons l’une ou l’autre de nos caractéristiques nous attire parce qu’elle nous complète. Nous créons ainsi avec cette personne un système relationnel souffrant parce que nous ne la voyons pas telle qu’elle est et parce que nous ne nous accueillons pas tels que nous sommes non plus.
Est-il possible de désamorcer ces systèmes ? Si oui, comment ?
Avant de répondre à ces questions, ce que je ferai dans la troisième partie de cet ouvrage, voyons ce qui caractérise chacun des neuf principaux systèmes relationnels auxquels toute personne qui aime peut être confrontée.
4 ANDCMC est le sigle pour désigner l’Approche non directive créatrice que j’ai créée et qui est enseignée au CRAMMC (Centre de Relation d’Aide de Montréal) à Montréal, à Gatineau, à Québec et à Paris.
Deuxième partie
Les systèmes
relationnels
Le système relationnel, dans le cas qui nous intéresse ici, est un ensemble formé de deux personnes qui vivent une relation amoureuse ou affective importante. Leurs fonctionnements psychiques inconscients, formés dans le passé à partir de leurs blessures, de leurs modes réactionnels et de leurs besoins non satisfaits, déclenchent chez chacune d’elles, dans le présent de leur relation, des émotions désagréables. Lorsque ces émotions ne sont pas conscientisées et accueillies, dans l’ici et maintenant, elles suscitent des réactions de défense. Si les réactions défensives de l’une de ces personnes réveillent les souffrances passées et refoulées de l’autre, cette dernière sera blessée et se défendra à son tour. Ainsi, les deux personnes étant meurtries, il se crée entre elles un mode de relation conflictuel qu’elles alimentent mutuellement malgré leur volonté. Par conséquent, leur communication est fondée sur un système dysfonctionnel et souffrant dont elles se sentent complètement prisonnières.
Cette définition du système montre l’importance des fonctionnements psychiques de chacun des conjoints dans la formation d’un système.
Si, à titre d’exemple, deux amoureux sont coincés dans un mode de relation qui les fait souffrir, ils doivent impérativement, pour s’en sortir, prendre tous les deux conscience de leur fonctionnement et accueillir sans jugement dans l’ici et maintenant :
Ces trois éléments bien spécifiques non conscientisés font que, dans une relation affective, l’un peut être, par exemple, bourreau, manipulateur ou envahisseur alors que l’autre sera victime, manipulé ou envahi.
Pour que le couple sorte du mode relationnel insatisfaisant dans lequel il s’enlise jour après jour, il s’avère fondamental que chacun des partenaires connaisse et accepte son propre fonctionnement psychique. C’est pourquoi, dans cet ouvrage, je répéterai souvent les composantes du fonctionnement psychique et je développerai les systèmes en décrivant chacun des fonctionnements qui les créent, c’est-à-dire chacun des types psychologiques qui forment un système disharmonieux.
Par exemple, dans le cas du bourreau et de la victime, j’expliquerai d’abord le fonctionnement du bourreau et ensuite celui de la victime. Je poursuivrai en montrant comment l’enfant devient bourreau ou victime. Je terminerai en proposant à chacun des conjoints une manière d’aborder l’autre et, aux thérapeutes des moyens d’aider les couples enlisés dans le système créé par leurs propres fonctionnements.
Je précise toutefois que le contenu de ce livre ne s’applique d’aucune manière aux cas pathologiques. Ceux-ci ne sont pas considérés ici parce qu’ils nécessitent l’expertise d’un psychiatre ou d’un psychologue.
En résumé, pour aider le lecteur à découvrir son fonctionnement psychique et les conséquences de celui-ci sur ses relations affectives, voici l’ordre de présentation que j’utiliserai pour traiter chacun des systèmes présentés dans la deuxième partie de cet ouvrage :
Je suivrai ce plan pour décrire et expliquer les systèmes relationnels suivants :
Voici comment je vous propose d’aborder la lecture des systèmes. Vous pouvez les lire l’un après l’autre en prenant des notes sur ce qui capte votre attention ou orienter votre lecture directement vers ceux qui vous intéressent ou vous concernent. Quel que soit votre choix, je vous encourage à les lire tous même si, par les appellations pour les désigner, vous croyez qu’ils ne vous concernent pas. En les lisant, vous serez surpris de vos découvertes. De plus, sachez que si, par exemple, vous entretenez une relation affective avec un persécuteur, un manipulateur, un envahisseur ou un juge, il y a de très fortes possibilités que vous soyez un persécuté, un manipulé, un envahi ou un coupable. Cela dit, ne lisez jamais plus d’un des systèmes à la fois pour éviter de surcharger votre esprit d’informations qui vous plongeraient davantage dans la confusion plutôt que de vous fournir un éclairage favorable à votre libération. Laissez-vous quelques jours entre chaque chapitre pour bien intégrer son contenu et, pendant ce laps de temps, répondez aux questions suivantes :
Après avoir répondu à ces questions, parlez à la personne avec laquelle vous nourrissez le système et voyez avec elle chacun de vos rôles dans la relation. Si vous ne vous sentez pas prêt à aborder ce sujet avec elle, consultez une personne de confiance ou un thérapeute spécialiste des relations humaines qui vous aidera à voir clair en vous et à dénouer, par un travail sur vous-même, le système qui vous encage.
Commençons donc ce parcours par la description du système bourreau/victime.